L'écart entre les préoccupations exprimées par les scientifiques et les actions des gouvernements et de l'industrie pétrolière n’a jamais été aussi flagrant. L’année 2018 a été marquée par des incendies de forêt catastrophiques, des incendies qui ont ravagé des millions d’hectares en Californie et en Colombie-Britannique, et ont eu un impact similaire en Grèce, en Espagne et même en Suède. En Australie-Occidentale, des incendies ont brûlé plus de deux millions d’acres, un phénomène qualifié de « gigafeu ». Cette même année a été l’une des plus chaudes jamais enregistrées, selon la National Oceanic and Atmospheric Administration, avec seulement trois autres années surpassant cette chaleur: 2015, 2016 et 2017. Le rapport de l'Organisation météorologique mondiale de 2018 indiquait que les 20 années les plus chaudes jamais enregistrées se sont produites dans les 22 dernières années, soulignant une tendance inquiétante liée au changement climatique.
Dans ce contexte, il est crucial de comprendre comment la désinformation et les campagnes de propagande orchestrées par des intérêts particuliers, souvent en collusion avec les gouvernements, ont contribué à obscurcir le débat public sur les enjeux environnementaux. Le Canada a connu une évolution intrigante dans ce débat international, notamment autour de l’exploitation des sables bitumineux et des pipelines comme Keystone et Northern Gateway. Ceux qui s’opposaient à ces projets étaient rapidement stigmatisés par le gouvernement de Stephen Harper et par l’industrie pétrolière comme des « radicaux financés par des intérêts étrangers », cherchant à saboter la souveraineté du pays.
Un des termes les plus marquants de cette campagne de désinformation était « pétrole éthique ». Il a été lancé par des porte-parole comme Kathryn Marshall d’EthicalOil.org, qui, dans des interviews à la télévision, répétait sans relâche que le pétrole des sables bitumineux était moralement supérieur au pétrole « de conflit » en provenance de pays comme l'Arabie Saoudite ou le Nigeria, qui étaient accusés de violations des droits humains. Cette rhétorique a rapidement pris une ampleur médiatique importante, et Marshall, dans ses interventions, s’efforçait d’éviter les questions gênantes sur le financement de son organisation.
Cette campagne, qui visait à redorer l’image de l’industrie pétrolière canadienne, a été accompagnée d’attaques violentes contre les groupes environnementaux. Ces derniers ont été accusés d'être manipulés par des intérêts étrangers, un argument qui a trouvé un écho dans les discours conservateurs. Le sénateur canadien Nicole Eaton, par exemple, a lancé une enquête sénatoriale sur le financement étranger des ONG environnementales, suggérant que cet argent constituait une atteinte à la souveraineté du Canada. L’enquête de la presse canadienne a révélé que de nombreuses ONG canadiennes, loin de se limiter à l’environnement, recevaient des financements étrangers, notamment des groupes de lutte contre la pauvreté.
Ces attaques n’étaient cependant pas seulement le fait de personnalités politiques ou de l’industrie pétrolière. Des tentatives de manipulation ont même eu lieu au sein des institutions gouvernementales. En effet, des scientifiques fédéraux ont rapporté qu'ils se sentaient de plus en plus contraints de se taire par crainte de représailles. Une enquête menée auprès de 4 000 scientifiques a révélé que 90 % d’entre eux se sentaient incapables de parler librement aux médias, et 86 % estimaient qu’ils risquaient des sanctions s'ils le faisaient. Cette atmosphère de répression a été qualifiée de « grand froid » (The Big Chill), une référence aux tentatives systématiques de suppression des voix dissidentes.
Au-delà de ces aspects, cette campagne de communication est symptomatique d’une tendance plus large à manipuler l’opinion publique à travers des techniques de relations publiques extrêmes. En tant que consultant en relations publiques, j'ai moi-même assisté à des campagnes de gestion de crise, mais celles visant à défendre l'industrie pétrolière et les pipelines me semblaient particulièrement disproportionnées. En effet, une enquête menée auprès des Canadiens montrait que près de 80 % d’entre eux souhaitaient des lois plus strictes pour protéger l’environnement. La campagne « éthique » semblait déconnectée des valeurs profondes de la population.
Il est évident que la stratégie de l’industrie pétrolière a été inspirée par des tactiques similaires observées aux États-Unis, notamment celles utilisées par le lobby des cigarettes et par les partisans du Tea Party républicain. Le concept de « pétrole éthique » a été comparé à celui du commerce équitable, une notion popularisée pour défendre des produits provenant de pays respectueux des droits humains. Toutefois, le « pétrole éthique » est avant tout une construction idéologique visant à dissocier le pétrole canadien des régimes autoritaires et à renforcer l’idée qu’exploiter les sables bitumineux est une action moralement juste. Cette stratégie de communication est avant tout une réponse à la pression croissante des groupes environnementaux et à la prise de conscience mondiale du rôle de l’industrie fossile dans le changement climatique.
Il est important de noter que de telles campagnes de désinformation ne sont pas limitées au seul secteur pétrolier. Elles sont une caractéristique commune des grandes industries confrontées à des critiques concernant leurs impacts environnementaux ou sociaux. Le tabac, les armes à feu, les industries chimiques et même les énergies fossiles ont toutes utilisé ces méthodes pour influencer les politiques publiques et manipuler l’opinion. Cette approche, qui vise à créer la confusion, la polarisation et l’enlisement du débat, empêche une discussion honnête et transparente sur les enjeux cruciaux qui affectent notre avenir collectif.
Dans ce climat, la question n'est pas seulement de savoir si l'industrie pétrolière a raison ou tort, mais aussi de comprendre comment ces campagnes de manipulation affectent notre capacité à prendre des décisions éclairées. Il est crucial de maintenir un esprit critique face aux messages médiatiques et politiques, surtout lorsque ces messages cherchent à dénaturer ou à réduire au silence les voix dissidentes. Une vigilance constante est nécessaire pour déceler les biais dans les arguments qui nous sont présentés et pour soutenir un dialogue public fondé sur des faits scientifiques et des principes éthiques.
Comment surmonter l’impasse : Travailler ensemble malgré nos différences pour relever les défis mondiaux
L’une des questions fondamentales qui se pose face aux défis mondiaux, comme le changement climatique, est celle de la collaboration entre des acteurs aux intérêts et visions divergents. L’important n’est pas de convaincre les autres de partager votre opinion ou de les pousser à agir selon votre propre vision, mais de reconnaître qu'aucun acteur, qu'il soit une ONG, une entreprise ou un gouvernement, ne peut résoudre seul les problèmes complexes de notre époque. C’est cette prise de conscience qui déclenche la coopération nécessaire.
Adam Kahane, un praticien reconnu dans l’art de la collaboration complexe, explique que la clé réside dans un changement d’attitude. Au lieu de chercher à convaincre, il se concentre sur la recherche de ce que les autres parties prenantes peuvent accepter, même si ce n’est que le simple constat que la situation est grave et qu'une action collective est indispensable. Dans de nombreux cas, la reconnaissance d’une situation bloquée, par exemple, est déjà un premier pas vers l’engagement.
Il est essentiel de comprendre qu’une équipe ne doit pas nécessairement être d’accord sur la solution à apporter ou même sur la nature exacte du problème. Ce qui compte, c’est que tous les participants acceptent l’idée que l’action collective est la seule voie possible. Cette approche se fonde sur une vérité simple : « Tout ne se résout pas seul ». Même lorsque les participants ne se connaissent pas, ne se font pas confiance, ou ne s’aiment pas, ils doivent comprendre qu’une démarche collective est le seul moyen d’avancer. En d’autres termes, il est possible de travailler ensemble sans être d’accord sur tout.
Cependant, le passage du principe à l’action est loin d’être facile. Une des plus grandes difficultés rencontrées est l’équilibre entre le pouvoir et l’amour, deux concepts fondamentaux dans le processus de changement social. Kahane cite le théologien Paul Tillich, pour qui le pouvoir est la force vitale qui pousse tous les êtres à se réaliser et à se développer, tandis que l’amour est la force qui unit les séparés. La tension entre ces deux forces est au cœur de tout travail de transformation sociale. Quand ces forces sont déséquilibrées, cela peut entraîner des effets délétères. Trop de pouvoir engendre l’oppression, tandis qu’un excès d’amour peut mener à la stagnation, à l’impuissance.
Cette dynamique entre pouvoir et amour est particulièrement manifeste dans des contextes de pouvoir inégal. Un gouvernement, un groupe d’individus ou une organisation dotée de plus de ressources (politique, financière ou idéologique) peut créer un déséquilibre dans les négociations. Néanmoins, ce n’est qu’en équilibrant ces forces que les acteurs parviennent à surmonter l'impasse. Kahane prend en exemple le travail qu’il a réalisé dans des contextes comme celui de l’Afrique du Sud ou du Guatemala, où les enjeux de changement étaient perçus comme urgents par tous. Il faut parfois accepter que le dialogue seul ne suffira pas. Il ne s'agit pas simplement de parler du problème, mais de réinventer les actions et les processus qui sous-tendent nos sociétés.
Le défi de sortir de l’impasse est d’autant plus grand lorsqu’il s’agit de transformer des systèmes entiers, comme le système politique, économique ou environnemental mondial. À l’échelle globale, il devient évident que les problèmes les plus complexes, tels que le changement climatique, ne peuvent être résolus par l’action d’un seul acteur. Au contraire, il faut trouver des solutions collectives qui permettent à chacun d’agir ensemble, malgré des désaccords évidents.
L’une des méthodes proposées par Kahane pour surmonter les blocages consiste à créer des scénarios transformationnels. Ces scénarios ne sont pas des prédictions ou des solutions toutes faites, mais des histoires imaginées qui permettent de réfléchir de manière créative aux futurs possibles. Ces scénarios ne sont pas basés sur ce que les gens veulent, mais sur ce qui est possible, indépendamment de leurs désirs individuels. L’important est que tous les acteurs impliqués dans ce processus de création doivent être d’accord sur le fait que les scénarios envisagés pourraient réellement se produire.
Les étapes de cette méthodologie sont relativement simples : réunir une équipe issue de différents secteurs du système en question, observer la situation, élaborer des scénarios sur ce qui pourrait arriver, identifier ce qui peut et doit être fait, puis passer à l’action. Toutefois, cette simplicité ne doit pas tromper. Le véritable défi réside dans les émotions, les opinions et les intérêts souvent très divergents des participants. L’issue du processus est incertaine et parfois inconfortable, car il implique de négocier des compromis dans des situations très tendues. Pourtant, accepter cette incertitude est un élément clé de l'approche.
Travailler ensemble implique donc une double exigence : un désir profond de changement et une frustration face à l'impossibilité de résoudre seul les problèmes. Il est rare que le simple dialogue suffise à faire avancer les choses ; il est souvent nécessaire de réorienter les actions tout en discutant des enjeux. Ce besoin de changement et d'action est particulièrement pertinent dans des contextes où les solutions immédiates semblent invisibles, comme le montre la question du changement climatique.
Une dernière leçon importante que Kahane partage est que l’impasse est souvent due à une vision trop limitée de ce qui peut être accompli. Si chaque acteur se concentre uniquement sur son propre territoire, rien ne changera. C’est seulement en s’engageant avec des inconnus, des adversaires ou même des ennemis que des avancées peuvent se produire. Ce n’est qu’en réinventant les interactions et les relations que nous pourrons transformer des situations apparemment figées.
Comment suivre le flux pour accélérer le changement dans la lutte contre le changement climatique ?
La stratégie la plus efficace face au changement climatique réside dans une approche qui commence par l'enquête et qui se concentre sur les domaines où les choses sont déjà en mouvement. Il existe une règle fondamentale dans l’apprentissage : "Les apprenants apprennent ce qu'ils veulent apprendre." En d’autres termes, lorsque les gens sont poussés à apprendre quelque chose qu'ils n'ont pas choisi, cela devient désagréable et contre-productif. Cependant, lorsque l'on nous pose poliment la question de savoir si nous voulons apprendre, nous pouvons être ouverts à cette idée. Cette réalité est souvent oubliée parce que nous tendons à projeter nos propres valeurs sur les autres. Ce qui nous semble essentiel, nous supposons que cela le sera aussi pour autrui, et nous croyons que les autres devraient apprendre ce que nous estimons important. Mais la vérité est que ce sont les valeurs de l'apprenant qui comptent, pas les nôtres. Il est donc crucial de commencer par une question fondamentale : qu'est-ce qui motivera vraiment une personne, une organisation, ou même une société entière ?
Le pas suivant consiste à apprendre à "suivre l'énergie". Cela signifie qu'il faut concentrer son attention là où les choses se dirigent dans la bonne direction, plutôt que de tenter d'arrêter un fleuve qui coule depuis longtemps dans une direction précise. Comme le dit un vieux proverbe de la culture chinoise : "Tu ne peux pas déplacer le fleuve, creuse plutôt un nouveau canal, et le fleuve se déplacera de lui-même." Cette sagesse souligne l’importance de comprendre et d’accompagner les dynamiques déjà en place, plutôt que de s’opposer à elles. Cela nous rappelle l'ampleur du défi que représente le changement climatique mondial. La science nous demande de surmonter notre histoire et de croire que quelque chose qui n’a jamais existé auparavant – le changement climatique d’origine humaine – est bien en train de se produire. Ce phénomène sans précédent explique en grande partie pourquoi il existe une forme de doute, et pourquoi les campagnes de désinformation exploitent cette incredulité. Si les gens étaient prédisposés à accepter les preuves scientifiques, les fausses informations n’auraient probablement pas le même impact.
Les personnes qui doutent du changement climatique ne sont pas folles ; leur scepticisme est compréhensible. Le changement climatique d’origine humaine n'a jamais été observé auparavant, et il est raisonnable de se poser des questions à son sujet. Les croyances profondes, qu'elles soient individuelles ou collectives, ne changent pas rapidement ni facilement. Ainsi, il serait contre-productif de chercher à convaincre ceux qui sont profondément ancrés dans leur scepticisme, comme les climato-sceptiques. Comme le souligne Peter Senge, "les gens ne résistent pas nécessairement au changement, mais ils résistent à ce qu'on leur impose de changer." Ce phénomène est particulièrement frappant dans des contextes politiques comme celui de Washington, où le changement climatique est trop souvent réduit à des débats interminables, au lieu d'être abordé comme une question de politique publique cruciale.
En Chine, la situation est différente. Le gouvernement chinois a fixé des objectifs ambitieux de réduction de l'intensité carbone, visant une réduction de 40 à 45 % d’ici la fin de la décennie. Cela représente un tournant majeur, mais cette dynamique est largement ignorée en Occident. Cependant, ceux qui ont étudié la situation de plus près reconnaissent un véritable changement de mentalité parmi les dirigeants chinois, qui commencent à percevoir la transition énergétique comme une priorité. Cette transition en Chine est alimentée par une combinaison de soutien étatique et d’initiative entrepreneuriale, ce qui leur permet d’adopter des stratégies audacieuses en matière d’énergie renouvelable.
Le problème majeur en Amérique du Nord réside dans l’approche de nombreuses ONG environnementales. Elles se concentrent trop sur la nécessité de convaincre les gens de l’urgence climatique, plutôt que de soutenir des initiatives entrepreneuriales visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Le vrai défi ne réside pas seulement dans la sensibilisation, mais aussi dans la création d’un environnement propice à la mise en œuvre de solutions concrètes et efficaces. Le soutien à ces entreprises qui se lancent dans des projets ambitieux peut constituer un levier puissant pour changer la trajectoire énergétique mondiale.
Un autre aspect important de cette dynamique est l'usage de la technologie. L’Internet, par exemple, représente 8 à 10 % de la consommation mondiale d’électricité, et cette consommation double tous les deux ou trois ans. L’idée d’un Internet alimenté entièrement par des énergies renouvelables pourrait être une voie stratégique. En ciblant des infrastructures clés telles que les centres de données, les tours de téléphonie mobile, puis en développant une dynamique de consommation verte pour les appareils personnels, on pourrait amorcer un changement massif. Pour y parvenir, il serait nécessaire de convaincre les plus grands producteurs de dispositifs électroniques d’adopter cette vision, en se fixant l’objectif de décarboner Internet d’ici 20 ans.
Le système énergétique mondial est tel qu’il est aujourd’hui, mais pour qu’il devienne plus durable, il faut d'abord trouver les endroits où un changement significatif est déjà en cours et soutenir ces efforts. En suivant cette approche, l’accélération de la transition énergétique mondiale pourrait prendre la forme d’une dynamique qui s’auto-entretient. Cela implique de trouver les bons leviers, comme soutenir les entreprises qui avancent dans la bonne direction et favoriser des initiatives locales d’envergure.
Le chemin vers un avenir plus durable sera semé d’embûches et prendra sans doute plusieurs décennies. Cependant, un changement systémique est nécessaire, et plus vite nous commençons à faire des choix pragmatiques, plus grandes seront nos chances d’éviter les pires conséquences du réchauffement climatique.
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