La méthode la plus précise pour sonder la structure interne d'une planète reste la propagation des ondes sismiques. Cette technique a inspiré de nombreux projets fructueux, comme le Deep Sea Drilling Project, et des missions récentes ont obtenu des succès remarquables. Par exemple, le navire de forage japonais Chikyū a foré à plus de 2000 mètres sous le fond océanique, ramenant les matériaux extraits sur Terre pour analyse. Dans le cadre de la mission VIPER (Volatiles Investigating Polar Exploration Rover), qui devrait également forer à une profondeur d'1 mètre pour rechercher de l'eau ou de la glace, des projets ambitieux prévoient des forages à 100 mètres dans un avenir lointain (Sawaryn et al., 2018).

Cependant, les efforts pour obtenir des échantillons de sous-sols d'autres corps planétaires sont bien plus timides. Sur la Lune, les astronautes des missions Apollo 15 à 17 ont utilisé des forets motorisées qui leur ont permis d'atteindre environ 3 mètres de profondeur dans le régolithe lunaire. Depuis, un grand nombre de véhicules robotiques ont repris l'exploration de la Lune, dont beaucoup visent à démontrer la possibilité d'exploiter les matériaux en surface et en sous-sol comme ressources pour une future exploration humaine, notamment en recherchant de la glace enfouie pour fournir de l'eau et de l'air. La sonde Chang’E 5 de la Chine a récemment foré à 1 mètre de profondeur, et la mission ExoMars de l'ESA prévoit une perforation de 2 mètres dans le régolithe martien. Ces missions, cependant, doivent faire face à une difficulté considérable en raison de la grande hétérogénéité des matériaux et des propriétés mécaniques largement inconnues des sols extraterrestres.

Une autre tentative notable fut la mission NASA InSight sur Mars, qui a tenté d'utiliser un dispositif d'enfouissement surnommé "le taupe" pour sonder le sol martien jusqu’à 5 mètres de profondeur. Après plusieurs tentatives infructueuses pour atteindre la profondeur cible, le dispositif n’a pu pénétrer que de quelques centimètres dans le sol (Spohn et al., 2022). Cette expérience souligne la complexité des efforts pour forer dans des matériaux dont les caractéristiques sont mal comprises.

Le forage profond reste donc un défi de taille, et les projets futurs, comme le forage sous la croûte glacée de la lune Europa de Jupiter, impliquent des efforts spectaculaires pour atteindre des profondeurs très superficielles. Pourtant, la nature elle-même nous fournit parfois des échantillons précieux de ce qui se trouve plus profondément sous la surface. Les impacts, la volcanisme, la tectonique et l'érosion sont des processus naturels qui font parfois remonter à la surface des matériaux du sous-sol qui nous seraient autrement inaccessibles.

Par exemple, la sonde Opportunity de la NASA, en 2006, a exploré un cratère d'impact de 700 mètres de diamètre sur la planète Mars appelé Victoria. Ce cratère a révélé des couches de roches sédimentaires, parfois d'une grande complexité, permettant aux scientifiques d’interpréter l’histoire géologique de la région. D’autres rovers, comme Perseverance, ont mis en évidence des caractéristiques similaires, permettant une analyse géochimique détaillée du régolithe martien. Ces observations sont précieuses, car elles permettent de reconstituer des archives stratigraphiques autrement impossibles à obtenir sans forer ou éroder la surface.

Certains des échantillons provenant du manteau inférieur terrestre sont extraits grâce à des diamants. Ces diamants se forment lorsqu’un matériau riche en carbone organique, transporté vers les profondeurs par la subduction, se déshydrate, se comprime et se recristallise sous forme de diamants. Ce processus peut en effet conserver des traces d'inclusions aqueuses, permettant ainsi d’obtenir des informations sur les conditions physiques et chimiques des profondeurs du manteau. Les diamants exhumés de ces régions profondes offrent un accès direct à des matériaux qui autrement seraient inaccessibles.

Une autre méthode indirecte consiste à mesurer la gravité, les champs magnétiques et l'état de rotation d'un corps céleste. Ces informations permettent de dresser une carte de la structure interne d’une planète. De plus, la sismologie est un outil précieux qui utilise l'énergie générée par des tremblements de terre ou des sources artificielles, comme les impacts, pour analyser la propagation des ondes élastiques à travers une planète. Ce genre de données est essentiel pour déduire la composition et la structure interne d'un corps céleste sans avoir besoin de pénétrer physiquement dans celui-ci.

Les techniques indirectes, telles que la sismologie, la gravité et l’imagerie radar, sont donc devenues des instruments essentiels dans la quête pour explorer les couches profondes des planètes et des lunes. Elles nous offrent des informations qui, bien que moins directes, peuvent être tout aussi révélatrices et cruciales pour la compréhension des processus géologiques internes.

Il est également primordial de comprendre que les technologies actuelles restent limitées en ce qui concerne l'accès à des profondeurs plus grandes sur d'autres corps célestes. L'une des raisons majeures est l'absence d'infrastructure de forage et d'analyse sur ces planètes ou lunes. De plus, la diversité géologique et la variabilité des matériaux rencontrés rendent chaque mission d'exploration unique en son genre, et les défis restent nombreux, notamment dans le contexte de l’exploration de mondes glacés comme Europa, où les conditions extrêmes rendent toute tentative de forage particulièrement complexe.

Comment l'étude des anomalies gravitationnelles révèle les structures internes des corps célestes

L’interprétation des données gravitationnelles, qu’elles proviennent de satellites en orbite ou d’observations de missions spatiales, nécessite une analyse minutieuse de diverses contributions au champ gravitationnel d’un corps céleste. Ce champ est influencé par des facteurs tels que la rotation du corps, les marées internes, les variations liées à la topographie et les anomalies locales de densité. Pour pouvoir extraire des informations sur la structure interne d’un corps céleste, il est crucial de dissocier ces contributions, et ce travail nécessite souvent des corrections complexes. Ainsi, une partie importante de l’étude des champs gravitationnels consiste à isoler les éléments associés à des phénomènes globaux pour se concentrer sur les caractéristiques locales et régionales, souvent révélatrices des processus géologiques internes.

Les données sur le champ gravitationnel des planètes ont progressé de manière significative ces dernières années grâce aux missions spatiales comme celles de Cassini autour de Saturne, de Juno autour de Jupiter, et de BepiColombo en direction de Mercure. Ces missions ont permis de cartographier avec une grande précision la distribution de la masse dans les différentes couches internes des planètes et de leurs satellites. Par exemple, la mission Cassini a permis de déterminer que Titan, l'une des lunes de Saturne, doit posséder une couche liquide dans son manteau, probablement un océan global d’eau liquide, à partir des variations observées dans le moment gravitationnel J2.

Pour des corps célestes comme la Terre, les anomalies gravitationnelles peuvent être corrélées avec la topographie des fonds océaniques. Les anomalies positives sont souvent associées aux dorsales océaniques et aux plateaux sous-marins, tandis que les anomalies négatives correspondent aux zones de subduction. Sur la Lune, des anomalies gravitationnelles ont été observées depuis les années 1960, lorsque des sondes en orbite ont dévié de leur trajectoire en raison de la présence de concentrations massiques locales, appelées "mascons". Ces zones de forte densité, généralement associées à des impacts anciens, ont été un élément clé de la compréhension de la structure interne de la Lune.

Une partie essentielle de l’interprétation des anomalies gravitationnelles réside dans l’application de corrections permettant de soustraire les effets globaux, comme la forme du corps céleste, les effets des marées et de la topographie. L’une des corrections les plus courantes est la correction de l’air libre, qui permet de supprimer les effets de la topographie globale et de calculer la gravité d’un modèle idéalisé, souvent une sphère de référence sans caractéristiques topographiques. Une autre correction importante est la correction de Bouguer, qui permet de retirer l’attraction gravitationnelle des montagnes et autres caractéristiques locales, en supposant un modèle de densité uniforme du manteau.

L’utilisation de cartes d’anomalies gravitationnelles peut fournir des informations essentielles sur la géologie interne d’un corps céleste. Ces cartes révèlent non seulement des variations de densité et de masse, mais aussi des indices sur la dynamique interne de ces corps. Par exemple, sur la Terre, les cartes des anomalies gravitationnelles peuvent être utilisées pour étudier les zones de flexion de la lithosphère sous l’effet des forces tectoniques. Sur la Lune, l’analyse des anomalies gravitationnelles a permis de mieux comprendre la structure des bassins d'impact et d'identifier les zones riches en mascons, ce qui a également des implications pour la stabilité des orbites des satellites autour de la Lune.

L'étude de ces anomalies ne se limite pas à une simple cartographie de la masse et de la densité. Elle nous donne également des indices sur l’histoire géologique et les processus qui façonnent ces corps. Les missions récentes, comme GRAIL autour de la Lune, ont permis de recueillir des données de haute précision qui ont considérablement enrichi notre compréhension des phénomènes gravitationnels.

Cependant, ces missions révèlent également les défis de l'interprétation des données. Par exemple, sur la Lune, l'influence des mascons sur les orbites des satellites a dû être prise en compte pour éviter des trajectoires instables. Cela a conduit à l'identification de quelques orbites inclinées qui peuvent contourner ces anomalies gravitationnelles et réduire l’utilisation de carburant pour maintenir la stabilité de l’orbite. Ces découvertes illustrent la complexité des environnements gravitationnels et l’importance de leur étude pour la navigation spatiale et la compréhension de la structure des corps célestes.

À travers l'analyse des anomalies gravitationnelles, il devient évident que chaque corps céleste possède une histoire géologique unique, façonnée par des forces internes complexes. Ces variations locales dans la gravité peuvent fournir des indices sur la composition, la dynamique interne, et les processus géologiques en cours. Les découvertes actuelles suggèrent que la cartographie gravitationnelle pourrait un jour permettre de prédire avec plus de précision les propriétés internes des planètes et de leurs lunes, contribuant ainsi à l’exploration spatiale et à la compréhension de la formation des corps célestes.

Quelle est l'origine des planètes et leur formation ?

L'idée que les planètes se forment à partir de disques de matière autour des jeunes étoiles a été formulée pour la première fois par Pierre-Simon de Laplace dans son Exposition du système du monde publiée en 1796. Il envisageait un nuage proto-solaire en rotation, qui se refroidit et se contracte sous son propre poids gravitationnel. Ce processus a entraîné la formation d'un disque de matière, autour duquel des planètes se seraient formées à partir de petites particules de poussière, par accrétion. L’évolution de ce modèle a été marquée par l’interprétation du géophysicien Harold Jeffreys et d’autres scientifiques qui, tout en montrant que ce modèle ne nécessitait pas d’explication pour le faible moment angulaire du Soleil, ont été confrontés à l’impossibilité d’expliquer l’important moment angulaire des planètes et la présence anormalement élevée d'éléments légers comme le lithium, le béryllium et le bore sur Terre et dans d’autres planètes du Système solaire.

Le modèle nébulaire a cependant été largement confirmé avec la découverte de disques protoplanétaires autour de jeunes étoiles, observées notamment dans la nébuleuse d’Orion par le télescope Hubble. Ces observations ont révélé des structures complexes de disques autour des étoiles jeunes, lesquelles subissent des processus d'accrétion et d'érosion gravitationnelle. Les étoiles en phase T-Tauri, par exemple, montrent des disques de matière bien définis dans lesquels des planètes naissantes peuvent être observées. La lumière polarisée émise par ces disques et les observations spectroscopiques ont permis de distinguer les populations de comètes et d’identifier les types de poussières présentes, suggérant une évolution similaire à celle observée dans notre propre système solaire.

Des découvertes plus récentes ont permis d’observer des disques circumplanétaires, comme celui autour de la planète PDS70c, une étoile naissante âgée de moins de cinq millions d’années. Les images obtenues par les radiotélescopes comme ALMA montrent non seulement la présence de planètes géantes, mais aussi des disques de gaz et de poussière autour de ces planètes. Ces disques peuvent éventuellement se condenser pour former des satellites géants. Ce genre d'observation directe des systèmes planétaires en formation, ainsi que la détection des trous dans les disques dus à l'interaction gravitationnelle avec des planètes, apportent des informations cruciales sur les mécanismes de la formation planétaire.

Les observations de systèmes exoplanétaires autour d’étoiles jeunes, telles que β-Pictoris, ont aussi permis de mieux comprendre les processus de perte de moment angulaire du Soleil. Le modèle nébulaire classique a donc évolué grâce aux nouvelles données et aux avancées technologiques, mais il demeure central dans l’explication de l’origine des systèmes planétaires. Les observations montrent que les disques protoplanétaires sont très courants parmi les étoiles jeunes, et environ 80 % des étoiles de moins de deux millions d'années possèdent de tels disques. Cependant, ce phénomène devient moins fréquent à mesure que les étoiles vieillissent, ce qui permet de poser des limites sur la durée de la formation planétaire dans l'univers.

L’étude des exoplanètes, telles que celles découvertes par les missions Kepler et TESS, a également permis de découvrir des mondes potentiellement semblables à la Terre, qui présentent des caractéristiques similaires en termes de taille, d'orbite et de conditions climatiques. Ces planètes, comme Teegarden’s b et Kepler-1649c, soulignent l'importance de la recherche de mondes habitables au-delà de notre système solaire, augmentant ainsi l'intérêt pour la compréhension de la formation planétaire et de ses implications pour la vie.

Ainsi, la formation des planètes reste un processus fascinant et complexe, qui ne peut être totalement compris qu'à travers une combinaison d'observations astronomiques de plus en plus précises et de modèles théoriques enrichis par ces observations. La recherche continue dans ce domaine pourrait un jour dévoiler les mystères des origines planétaires et fournir des indices sur la possibilité de vie ailleurs dans l’univers.

Les glaces polaires et leur impact sur le climat terrestre et martien : Comprendre les dynamiques des calottes glaciaires

L'évolution des calottes glaciaires est l'une des conséquences les plus marquantes du changement climatique, et ses effets sur le niveau de la mer et les courants océaniques sont désormais bien documentés. Selon les données des missions GRACE et GRACE-FO, la perte de masse glaciaire, principalement concentrée autour des côtes du Groenland, reste un facteur clé de l'élévation du niveau de la mer. Depuis 2002, le Groenland perd environ 235 gigatonnes de glace chaque année, tandis que l'Antarctique, bien que perdant une quantité significative de glace (environ 118 gigatonnes par an), voit son déclin restreint à la calotte glaciaire de l'Antarctique occidental.

La fonte des glaces terrestres contribue de manière significative à l'élévation du niveau de la mer, phénomène qui a été particulièrement marqué à la fin de la dernière glaciation, lorsque le niveau de la mer a augmenté de près de 120 mètres, noyant des zones considérables des marges continentales. Cependant, la fonte actuelle des glaces se manifeste par des changements plus subtils, bien suivis par des mesures de précision des altimètres embarqués à bord de satellites en orbite. Depuis 1993, la hausse du niveau de la mer est estimée à environ 3,4 mm par an, dont environ un tiers est dû à l'expansion thermique des océans en raison du réchauffement, tandis que les deux tiers restants résultent de l'ajout de l'eau de fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique. Cette élévation n'est pas uniforme dans le monde, certains endroits ayant même enregistré une légère baisse du niveau de la mer.

Le phénomène de la fonte des glaces n'est pas simplement un facteur d'augmentation du niveau de la mer, il a également un impact majeur sur la circulation océanique, en particulier la circulation thermohaline. L'ajout d'eau douce en grande quantité dans l'océan Atlantique pourrait altérer cette circulation, avec des conséquences dramatiques pour le climat, notamment en Europe, où des changements dans les courants marins comme le Gulf Stream pourraient entraîner des vagues de froid plus sévères. Bien que les modèles actuels suggèrent que cette situation est moins sensible à l'ajout d'eau douce que précédemment estimé, l'incertitude demeure sur l'ampleur de cet effet.

L'évolution des calottes glaciaires n'est pas un phénomène isolé de la Terre. Sur Mars, les calottes glaciaires polaires jouent un rôle tout aussi fascinant. Bien que les températures martiennes soient bien plus basses et l'atmosphère beaucoup plus mince, les calottes glaciaires de la planète rouge présentent des caractéristiques intéressantes. La calotte glaciaire du nord est composée principalement de glace d'eau et s'étend sur environ 1 100 km de diamètre, tandis que la calotte sud est plus petite et présente des couches importantes de dioxyde de carbone solide (glace sèche). Ces calottes glaciaires sont en constante évolution, influencées par des facteurs astronomiques tels que l'inclinaison axiale de Mars, qui modifie l'exposition de la surface aux rayons du soleil, provoquant des cycles climatiques.

Les observations récentes grâce à des instruments tels que SHARAD, à bord de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, ont permis de révéler des couches internes de la calotte glaciaire nord de Mars, semblables à celles observées en Antarctique, suggérant une dynamique climatique cyclique sur Mars à des échelles de temps de l'ordre du million d'années. Ces cycles pourraient être liés aux variations de l'inclinaison de l'axe de la planète et à des changements dans son orbite. Bien que les conditions martiennes actuelles soient froides et arides, les archives géologiques suggèrent qu'autrefois, Mars avait un climat beaucoup plus clément, capable de maintenir une atmosphère dense et des océans de surface.

La recherche sur les calottes glaciaires de Mars et de la Terre montre que ces phénomènes peuvent offrir des clés pour comprendre le climat passé et futur de nos propres planètes. Si les calottes terrestres continuent de fondre à un rythme accéléré, cela pourrait non seulement entraîner une élévation significative du niveau de la mer, mais aussi perturber les systèmes climatiques et les sociétés humaines qui en dépendent. La compréhension des mécanismes de la glace et de l'eau, tant sur Terre que sur Mars, est essentielle pour anticiper les défis climatiques à venir.