La représentation von Neumann–Morgenstern (vNM) offre une formalisation mathématique élégante des préférences lorsqu’elles portent sur des distributions de probabilité, en particulier dans un cadre où ces préférences satisfont des axiomes précis. L’idée centrale est que toute préférence respectant l’axiome d’Archimède et l’axiome d’indépendance peut être représentée par une fonction d’utilité affine, unique à une transformation affine positive près.

Le théorème fondamental établit que si l’on considère l’ensemble M des distributions de probabilité sur un ensemble fini S, alors toute relation de préférence ≻ satisfaisant ces axiomes admet une représentation numérique U de la forme

U(μ)=iαiU(δxi)=u(x)μ(dx),U(\mu) = \sum_i \alpha_i U(\delta_{x_i}) = \int u(x) \, \mu(dx),

uu est une fonction d’utilité sur les éléments de S et μ\mu est une mesure de probabilité. Cette représentation affine exprime la préférence sur M en fonction d’une espérance d’utilité.

Un point clé pour comprendre cette représentation est le lemme auxiliaire qui accompagne la démonstration. Il souligne que la combinaison convexe entre deux distributions préserve strictement l’ordre de préférence, reflétant ainsi la notion intuitive que "mélanger" des probabilités respectant certaines relations ne peut inverser ces préférences. De plus, ce lemme formalise un type de théorème des valeurs intermédiaires adapté à l’espace convexe M, assurant que pour toute distribution intermédiaire λ entre deux distributions extrêmes μ et ν, il existe un paramètre unique α tel que λ soit équivalente (au sens de l’indifférence) à une combinaison convexe de μ et ν.

L’axiome d’indépendance joue ici un rôle fondamental : il garantit que l’indifférence entre deux distributions est stable sous mélange avec une troisième distribution, ce qui confère à la représentation de von Neumann–Morgenstern son caractère affine. En particulier, si deux distributions sont indifférentes, alors leur mélange avec n’importe quelle autre distribution préserve cette indifférence.

La démonstration complète met en lumière la construction explicite de la fonction d’utilité U en fixant deux distributions λ et ρ, avec λ strictement préférée à ρ, puis en exploitant la convexité de M ainsi que les axiomes pour étendre cette construction à tout élément de M. La convexité est cruciale : elle assure que toute combinaison convexe de distributions est encore une distribution admissible, ce qui permet de définir U sur un ensemble dense et d’en garantir l’extension unique.

La notion d’unicité de cette représentation affine à une transformation positive affine près signifie que toute autre fonction représentant les préférences peut s’en déduire simplement par une mise à l’échelle et une translation. Cette propriété confère à la représentation vNM un caractère canonique, ce qui est précieux tant pour la théorie que pour les applications.

Cependant, ce cadre rigoureux connaît ses limites. Sur un ensemble infini S, la situation devient plus complexe, et la représentation de von Neumann–Morgenstern peut ne pas exister. Certains exemples montrent que même si une fonction d’utilité affine est définie et satisfait les axiomes d’Archimède et d’indépendance, il n’y a pas toujours de fonction d’utilité classique sur S permettant de représenter la préférence par espérance d’utilité. Ce phénomène souligne que les propriétés topologiques et analytiques des espaces considérés sont essentielles pour l’existence d’une telle représentation.

Ainsi, il est essentiel de reconnaître que la construction de la représentation vNM repose non seulement sur des axiomes normatifs de préférence mais aussi sur des propriétés structurelles des espaces de probabilités, notamment la convexité et la compacité relative dans le cas fini. En prolongeant cette perspective, la théorie peut être généralisée à des espaces dits "mixture spaces", qui étendent la notion de convexité en autorisant des combinaisons plus abstraites.

Au-delà de la rigueur formelle, ce cadre a des implications profondes dans la théorie économique, notamment en économie de l’incertain, en théorie des jeux, et dans la prise de décision sous risque. La fonction d’utilité affine offre une méthode standard pour quantifier les préférences, permettant de comparer des options probabilistes de manière cohérente.

Il importe aussi de souligner que la représentation vNM n’est qu’un outil parmi d’autres pour modéliser les préférences sous incertitude. D’autres cadres, comme ceux intégrant l’aversion à l’ambiguïté ou la prise en compte de préférences non additivement séparables, étendent ou contredisent ce formalisme classique. La compréhension complète des préférences humaines nécessite donc d’appréhender les conditions strictes qui rendent possible la représentation vNM, mais aussi les cas où ces conditions échouent.

Comment définir et évaluer les prix sans arbitrage des options contingentes européennes ?

Une option à prix moyen, telle qu’une option call à prix moyen, correspond à une créance contingente définie par la différence entre la valeur finale de l’actif sous-jacent et la moyenne des prix observés durant la période, tandis qu’une option put à prix moyen paie la différence inverse. Par exemple, une option put à prix moyen peut protéger un investisseur qui revend un actif à un instant T, après l’avoir acquis progressivement sur un intervalle de temps. Ces mécanismes permettent de gérer le risque lié aux fluctuations du prix moyen de l’actif.

Les options barrières, quant à elles, dépendent d’un seuil prédéfini que le prix de l’actif sous-jacent doit atteindre ou ne pas atteindre avant l’échéance. Elles sont classées en knock-in, qui ne s’activent que si le prix franchit la barrière, et knock-out, qui deviennent sans valeur si la barrière est atteinte. Un exemple élémentaire est l’option digitale qui verse un montant fixe si le prix dépasse une certaine barrière. Les options down-and-in ou up-and-out sont des variantes où le paiement final dépend du minimum ou du maximum atteint par le prix au cours de la période, avec activation ou désactivation conditionnelle.

Les options lookback offrent un droit sur le prix extrême (maximum ou minimum) atteint par l’actif pendant la durée de vie de l’option, ce qui permet de saisir la meilleure valorisation possible. La valeur actualisée d’une créance contingente s’exprime en fonction d’un numéraire, souvent l’actif sans risque, ce qui donne une représentation économiquement pertinente tout en conservant la rigueur mathématique. Cette approche duale, combinant mathématiques et intuition économique, permet d’appréhender clairement les mécanismes de valorisation et de réplication.

Dans un marché sans arbitrage, une créance contingente est dite réalisable (ou répliquable) si elle peut être reproduite exactement par une stratégie d’investissement autofinancée, sans apport ni retrait de capitaux supplémentaires, dont la valeur finale correspond au paiement de la créance. Une telle stratégie de réplication garantit que la créance est intégrable par rapport à toute mesure martingale équivalente, ce qui est essentiel pour assurer la cohérence des prix dans le modèle probabiliste.

L’unicité de la valeur d’une créance réalisable découle du fait que toutes les stratégies de réplication ont le même processus de valeur, indépendamment de la mesure martingale choisie. Cela garantit une cohérence interne dans la valorisation des produits dérivés, où la valeur attendue conditionnelle sous une mesure équivalente représente à la fois le prix juste et la valeur de la stratégie de couverture dynamique.

Avant actualisation, cette propriété se traduit par une équivalence entre la valeur du portefeuille de réplication et l’espérance conditionnelle des gains actualisés, assurant ainsi que le prix initial de la créance correspond à l’investissement minimal nécessaire pour la couvrir parfaitement, éliminant toute opportunité d’arbitrage.

La notion de prix sans arbitrage pour une créance contingente repose sur l’existence d’un processus de prix adapté, positif, et compatible avec le modèle de marché, qui respecte la contrainte de ne pas permettre d’opportunités de profit sans risque. Ainsi, le prix sans arbitrage est un élément fondamental garantissant la stabilité et la cohérence des marchés financiers dérivés.

L’ensemble des prix sans arbitrage d’une créance actualisée est caractérisé comme l’image des espérances conditionnelles de cette créance sous toutes les mesures martingales équivalentes admissibles. Ces bornes supérieures et inférieures délimitent l’espace des prix possibles, offrant une grille de lecture robuste sur la valorisation des produits dérivés dans un cadre d’incertitude.

Il est essentiel de comprendre que l’utilisation d’un numéraire approprié ne relève pas d’une simple commodité mathématique, mais d’une nécessité économique, car elle reflète la réalité des coûts d’opportunité et du financement dans les marchés. La réplication dynamique, fondement du modèle sans arbitrage, repose sur la capacité à ajuster continuellement la composition du portefeuille pour correspondre aux variations du prix de l’actif sous-jacent, assurant ainsi la réalisation exacte du paiement final.

En outre, bien que les théorèmes garantissent l’existence de mesures martingales équivalentes et l’intégrabilité des créances réalisables, la construction effective de stratégies de réplication demande une compréhension approfondie des mécanismes stochastiques, des contraintes du marché et des conditions de liquidité. Cela souligne l’importance pour le lecteur de saisir non seulement les formules mathématiques, mais aussi les implications pratiques liées à la modélisation des risques, la gestion des portefeuilles et les limites du cadre théorique dans des environnements réels.

Comment évaluer les prix et stratégies d’exercice des options américaines dans un cadre d’arbitrage ?

L’inégalité de Jensen appliquée aux espérances conditionnelles permet de montrer que, sous une mesure risque-neutre PP^*, pour une fonction convexe ff, on a

E[f(Xt+1)Ft]f(E[Xt+1Ft])=f(Xt).E^* [ f(X_{t+1}) \mid \mathcal{F}_t ] \geq f(E^* [ X_{t+1} \mid \mathcal{F}_t ]) = f(X_t).

Cette propriété fondamentale conduit à la conclusion que certains processus liés aux options sont des sous-martingales. Par exemple, la valeur actualisée du gain d’une option d’achat américaine (call) peut être représentée par un processus HtcallH_t^{\text{call}} qui est un sous-martingale sous PP^*. Ceci implique que la valeur optimale du call américain coïncide avec celle de son équivalent européen, ainsi que l’échéance optimale d’exercice est la maturité TT. En d’autres termes, dans un modèle complet avec des taux d’intérêt non négatifs, il n’est jamais optimal d’exercer un call américain avant sa date de maturité.

Pour les options de vente américaines (put), la situation est plus nuancée. Lorsque le processus d’actualisation S0S_0 est croissant, la propriété de sous-martingale du gain escompté ne tient plus automatiquement. Si les taux d’intérêt sont négatifs, ce qui est rare mais possible, on peut avoir un comportement inverse. La prime d’exercice anticipé d’un put américain, définie comme la différence entre la valeur de l’option américaine et celle de son pendant européen, peut devenir positive, justifiant ainsi l’intérêt d’un exercice anticipé. Cela signifie que la valeur d’un put américain peut dépasser sa valeur intrinsèque, et qu’il peut être avantageux pour le détenteur d’exercer avant maturité.

Le modèle binomial de Cox-Ross-Rubinstein (CRR) illustre bien ces phénomènes. Sous une mesure risque-neutre unique PP^*, caractérisée par des probabilités ajustées pp^*, le prix d’une option américaine peut être exprimé comme une fonction convexe et décroissante de la valeur initiale de l’actif sous-jacent. L’analyse des conditions sur les paramètres du modèle et du niveau de prix du sous-jacent permet d’identifier les régimes où il est optimal d’exercer immédiatement, de différer l’exercice ou encore où l’option est hors de la monnaie et sans valeur.

L’enveloppe de Snell, un outil essentiel dans l’évaluation des options américaines, fournit la valeur optimale de la fonction de gain actualisée et décompose l’espace temps et prix en deux régions : la région de continuation où il est optimal de conserver l’option, et la région d’arrêt où l’exercice est optimal. Le temps d’arrêt minimal optimal est défini comme la première fois où le processus (temps, prix) quitte la région de continuation. Cette approche donne un cadre algorithmique pour déterminer les stratégies d’exercice optimales.

Dans des modèles plus généraux, y compris ceux qui ne sont pas complets, la notion de prix sans arbitrage pour une option américaine s’étend en considérant les valeurs attendues du gain à différents temps d’exercice, intégrées sous différentes mesures risque-neutres. Le problème de valorisation d’une option américaine peut ainsi être ramené à celui des options européennes avec exercice fixé, en utilisant la correspondance entre temps d’arrêt et stratégies d’exercice.

Il importe de comprendre que la relation entre valeur intrinsèque et valeur de marché d’une option américaine dépend non seulement du comportement du sous-jacent mais aussi de la dynamique des taux d’intérêt et de la complétude du marché. De plus, les outils mathématiques tels que les inégalités de Jensen, les sous-martingales, l’enveloppe de Snell et les mesures équivalentes martingales forment une base rigoureuse indispensable pour décrire les caractéristiques des options américaines.

Il faut noter que, dans des contextes réels, les modèles idéalisés doivent souvent être ajustés pour tenir compte des coûts de transaction, de la volatilité locale, des sauts dans les prix, ou encore de la présence de contraintes d’exercice. La compréhension fine des stratégies d’exercice optimal et de la formation des primes d’options est donc indispensable pour la gestion des risques et la conception de produits financiers innovants.