Les probiotiques modifiés, protégés par des revêtements nanométriques, offrent une nouvelle voie prometteuse pour améliorer la biocompatibilité, la biodégradabilité et la tolérance gastrique par rapport aux cellules probiotiques natives. Ces revêtements permettent non seulement de renforcer l'adhésion des probiotiques aux cellules épithéliales intestinales, mais aussi d'améliorer leur capacité à neutraliser les radicaux libres (ROS) responsables de l'inflammation. Une étude a montré que des probiotiques modifiés par de l'acide tannique et du poloxamère favorisaient non seulement la protection des probiotiques contre les conditions sévères du tractus gastro-intestinal, mais aussi leur capacité à éliminer les ROS associés à l'inflammation, augmentant ainsi leur survie. De plus, ces revêtements ont montré une forte adhésion muqueuse et une amélioration de la colonisation probiotique dans des modèles intestinaux malades, réduisant considérablement l'inflammation dans des modèles murins de colite induite par DSS (Dextran sulfate de sodium) et Salmonella enterica.

Une autre approche intéressante a été développée par Hou et ses collègues, qui ont utilisé un revêtement thérapeutique à base de fibroïne de soie pour améliorer le potentiel biothérapeutique des probiotiques. Ce revêtement, obtenu par la technique LbL (Layer-by-Layer), permet non seulement une meilleure survie des probiotiques dans des fluides gastriques simulés, mais aussi une augmentation significative de leur colonisation dans l'intestin des souris. Cette méthode a démontré des propriétés anti-inflammatoires naturelles, augmentant ainsi l'efficacité thérapeutique dans un modèle murin de l'inflammation intestinale. En permettant une meilleure biodisponibilité orale et une plus grande efficacité du traitement, ce revêtement ouvre de nouvelles perspectives pour les thérapies probotiques dans la gestion des maladies gastro-intestinales.

L'Inflammatory Bowel Disease (IBD), ou maladie inflammatoire de l'intestin, inclut des pathologies chroniques telles que la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn. Ces affections sont souvent associées à un microbiome intestinal déséquilibré, à une réponse immunitaire dysrégulée et à un environnement inflammatoire excessif. La pathogénie de l'IBD comprend l'inflammation persistante de l'intestin, la perturbation de la barrière muqueuse, ainsi qu'un microbiome intestinal déséquilibré en raison de l'inflammation chronique. Les traitements traditionnels de l'IBD sont souvent limités par une faible biodisponibilité et une efficacité insuffisante, ce qui justifie le recours à des probiotiques génétiquement modifiés pour restaurer l'équilibre du microbiote intestinal et atténuer l'inflammation muqueuse intestinale. Une étude récente a permis de démontrer qu'un probiotic modifié génétiquement, sur-exprimant la catalase et la superoxyde dismutase, était capable de neutraliser efficacement les ROS et de réduire l'inflammation intestinale.

La mise en œuvre de cette technologie s'accompagne de l’utilisation d'un revêtement en chitosane et alginate de sodium, conçu pour améliorer la biodisponibilité gastro-intestinale. L’administration orale de ces probiotiques génétiquement modifiés a réduit l'inflammation dans un modèle murin de MII, comme en témoignent la réduction des cytokines pro-inflammatoires et l'élévation des cytokines anti-inflammatoires. En outre, ces probiotiques ont contribué à la restauration de l'intégrité de la barrière épithéliale dans le côlon, tout en régulant les communautés microbiennes intestinales, ce qui aide à maintenir l'homéostasie intestinale.

Par ailleurs, une autre approche consiste à utiliser des probiotiques génétiquement modifiés pour produire des matrices fibreuses, telles que des nanofibres curli fusionnées avec des facteurs de tréfoil (TFFs). Ces matrices renforcent l'intégrité de la barrière intestinale, et l'administration orale de ces probiotiques a montré un effet protecteur accru contre la colite induite par DSS, en soutenant la régénération muqueuse et en modulant la réponse immunitaire.

Les probiotiques modifiés peuvent également être utilisés pour traiter des maladies inflammatoires chroniques comme la colite, grâce à la production de corps cétoniques tels que le 3-hydroxybutyrate (3HB), qui fournit de l'énergie et montre un potentiel thérapeutique contre l'inflammation. L'intégration du gène permettant la production de 3HB dans le génome du probiotique EcN permet une production durable de ce métabolite, favorisant ainsi la croissance du microbiote intestinal bénéfique et améliorant l'environnement colique. Dans un modèle murin de colite, cette stratégie a entraîné une amélioration des résultats systémiques, y compris la maintenance du poids corporel, la réduction du sang occulte, et une diminution des cytokines pro-inflammatoires.

Les probiotiques modifiés peuvent aussi être utilisés pour neutraliser spécifiquement des cytokines inflammatoires, comme le TNF-α, grâce à la sécrétion de nanocorps murins. Ces nanocorps sont plus stables que les anticorps conventionnels et ont montré une efficacité accrue dans la neutralisation du TNF dans des modèles murins de colite induite par DSS. L’administration orale de ces probiotiques modifiés a permis de réduire l'inflammation locale sans compromettre l’immunité systémique contre les infections. Cette approche offre une alternative plus sûre et ciblée aux thérapies traditionnelles anti-TNF.

Les probiotiques modifiés par des revêtements spécifiques permettent également de mieux gérer l’inflammation dans les modèles de colite, en améliorant la survie des probiotiques dans des environnements intestinaux agressifs et en favorisant leur adhésion à la muqueuse intestinale. Des exemples de telles stratégies incluent l'utilisation de liposomes enrobés de curcumine ou des polymères de chitosane et de gélatine.

Ces développements ouvrent la voie à des traitements plus efficaces et mieux ciblés pour les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, permettant de moduler l'inflammation et de restaurer l'équilibre du microbiote intestinal.

Comment l’ingénierie des membranes cellulaires révolutionne la lutte contre les maladies infectieuses : une stratégie innovante pour la délivrance ciblée de médicaments

L'ingénierie des membranes cellulaires s'impose progressivement comme une avancée significative dans le domaine de la nanomédecine, en particulier pour le traitement des maladies infectieuses. L’une des stratégies les plus prometteuses repose sur l’utilisation de nanoparticules recouvertes de membranes cellulaires (CMC-NPs). Ces plateformes biomimétiques, inspirées des propriétés naturelles des membranes cellulaires, offrent des avantages notables par rapport aux méthodes traditionnelles de délivrance de médicaments, notamment en matière de biocompatibilité, de stabilité, de délivrance ciblée et d'évasion immunitaire.

Les nanoparticules recouvertes de membranes cellulaires tirent parti des caractéristiques intrinsèques des cellules, permettant une meilleure interaction avec les cellules cibles, en particulier les cellules immunitaires, tout en minimisant les effets secondaires. De plus, ces systèmes de délivrance présentent une meilleure capacité à franchir les barrières biologiques, telles que les membranes cellulaires ou les biofilms microbiennes, ce qui les rend particulièrement efficaces contre les infections résistantes aux antimicrobiens.

Les techniques de fabrication des CMC-NPs comprennent l’extraction des membranes cellulaires suivie de leur incorporation sur des noyaux nanométriques. Ces nanomédicaments peuvent être classés en deux types principaux : les CMC-NPs à source unique et les CMC-NPs hybrides. Les premiers utilisent des membranes provenant d'une seule source cellulaire, tandis que les seconds combinent différentes membranes, augmentant ainsi la diversité et la polyvalence du système de délivrance.

Les CMC-NPs offrent une solution innovante pour traiter une variété d'infections, qu’elles soient bactériennes, virales, fongiques ou parasitaires. Par exemple, en utilisant des membranes de cellules immunitaires, ces nanoparticules peuvent activer ou moduler la réponse immunitaire tout en délivrant des agents thérapeutiques directement au site de l'infection. Cette approche est particulièrement bénéfique dans le traitement des infections chroniques ou récurrentes, où les stratégies conventionnelles échouent souvent en raison de la résistance des pathogènes.

Cependant, malgré ces avancées prometteuses, plusieurs défis demeurent. L'un des obstacles majeurs réside dans la variabilité des membranes cellulaires utilisées et la difficulté de standardiser leur extraction et leur application. La complexité du processus de fabrication des CMC-NPs, notamment en termes de charge médicamenteuse et de contrôle de la libération, nécessite des améliorations pour garantir une efficacité clinique optimale.

Il existe également des préoccupations liées aux réponses immunitaires, en particulier en ce qui concerne l’immunogénicité des membranes étrangères, même si des études récentes montrent que les membranes issues de cellules humaines peuvent offrir des avantages en matière de biocompatibilité. En outre, les questions de la scalabilité et de la production à grande échelle des CMC-NPs restent des défis importants à surmonter pour permettre leur utilisation clinique de manière généralisée.

La recherche continue d’optimiser les méthodes de chargement, de libération et de ciblage des médicaments dans les CMC-NPs. De nouvelles stratégies sont également explorées pour améliorer l’efficacité des CMC-NPs en combinant ces systèmes de délivrance avec d’autres approches thérapeutiques, telles que la thérapie génique ou la thérapie photodynamique, pour offrir des traitements plus complets et synergiques. L'intégration de ces nanoplates-formes avec des technologies de pointe pourrait transformer les traitements actuels et ouvrir la voie à une gestion plus efficace des maladies infectieuses.

L'application de l'ingénierie des membranes cellulaires à la nanomédecine, en particulier dans le contexte des infections, représente une avancée majeure. Ce domaine pourrait non seulement transformer les approches de traitement des infections, mais aussi jouer un rôle central dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques et d'autres défis sanitaires mondiaux.

Comment les technologies génétiques et non-génétiques façonnent l'ingénierie des membranes cellulaires pour des applications thérapeutiques

Les branes ont démontré leur capacité à améliorer la précision du ciblage dans les applications thérapeutiques (Sarkar et al. 2010). Ce système permet des modifications génomiques précises, facilitant l'expression de protéines spécifiques sur les membranes cellulaires, ce qui améliore diverses fonctions cellulaires, notamment les capacités de ciblage dans le cadre de la thérapie CAR T (Xiong et al. 2024). Cependant, la complexité et le coût élevés associés à l’ingénierie génétique représentent des obstacles, incitant les chercheurs à explorer des alternatives plus simples et plus efficaces (Roy et al. 2020). Les systèmes basés sur CRISPR ont, par ailleurs, montré leur potentiel dans la création d'exosomes génétiquement modifiés, utilisés pour un ciblage précis des médicaments (Olson et al. 2024). La technologie CRISPR peut également être combinée avec d'autres outils génétiques pour optimiser les voies métaboliques et améliorer les fonctionnalités des cellules génétiquement modifiées (Lian et al. 2017).

Parallèlement aux techniques génétiques, des méthodes non génétiques comme la réticulation chimique et l'ancrage lipidique permettent l'attachement direct de molécules aux membranes cellulaires, complétant ainsi l'ingénierie génétique (Wang et al. 2024a). Ces méthodes permettent des modifications rapides et réversibles des surfaces cellulaires, particulièrement utiles dans les environnements thérapeutiques nécessitant des réponses dynamiques (Gabrielse et al. 2014). L'exploration des biointerfaces vivantes, où les cellules modifiées interagissent par le biais de membranes adaptées, étend les possibilités de l'ingénierie des membranes cellulaires en exploitant des cellules exprimant des protéines spécifiques pour améliorer l'adhésion et la différenciation dirigée. Ces approches sont essentielles dans l’ingénierie tissulaire, car elles permettent de contrôler le destin cellulaire et de créer des interfaces dynamiques répondant à des signaux, facilitant ainsi l'intégration des cellules modifiées dans les tissus hôtes (Custódio et Mano 2016).

L'essor des méthodes de criblage à haut débit, comme le tri cellulaire par fluorescence, a permis de faciliter l'identification des meilleures modifications génétiques pour améliorer les propriétés des membranes (Menasche et al. 2019). Ces techniques permettent une évaluation rapide des cellules modifiées en fonction de leurs caractéristiques de surface, facilitant ainsi la sélection des groupes optimaux pour la recherche et la thérapie. Elles sont cruciales pour faire avancer l’ingénierie des membranes cellulaires et ses applications cliniques (Csizmar et al. 2018).

Les approches d'ingénierie génétique dans le domaine des membranes cellulaires se sont révélées être des méthodes essentielles pour l'optimisation du pré-chargement de médicaments dans des applications thérapeutiques. Ces techniques exploitent les caractéristiques distinctives des vésicules dérivées de membranes cellulaires (CMVs) pour améliorer l'efficacité et les capacités de ciblage des systèmes de livraison de médicaments. Les CMVs sont des particules membranaires produites ou sécrétées par presque toutes les cellules vivantes, présentant une structure de bicouche phospholipidique semblable aux vésicules extracellulaires (EVs) et aux vésicules membranaires bactériennes (BMVs) (El Andaloussi et al. 2013). Les EVs jouent un rôle crucial dans le tri et la livraison de biomacromolécules, telles que des protéines et des acides nucléiques, aux cellules réceptrices, contribuant ainsi aux fonctions physiologiques normales, aux réponses immunitaires et à la progression des maladies (El Andaloussi et al. 2013 ; Rädler et al. 2023 ; Jeppesen et al. 2023). Bien que les processus impliqués dans le tri du chargement dans les EVs ne soient pas encore entièrement compris, ces vésicules ont été utilisées efficacement pour encapsuler des biomacromolécules endogènes (Zhang et al. 2021b).

Cependant, la production naturelle de CMVs rencontre des défis, notamment de faibles rendements et une hétérogénéité en raison des variations dans les cellules sources, les voies biogénétiques et les méthodes de purification. Ces limitations compliquent la compréhension de leurs composants et de leurs propriétés fonctionnelles, réduisant ainsi leur efficacité thérapeutique (Jeppesen et al. 2023). De plus, bien que les CMVs contiennent des éléments biologiques provenant de leurs cellules d'origine, elles échouent souvent à atteindre des résultats thérapeutiques spécifiques en raison d'un ciblage tissulaire insuffisant, d'une modulation des signaux inadéquate et de l'absence d'améliorations thérapeutiques externes (Raposo et Stahl 2023).

Les vésicules membranaires génétiquement modifiées sont un domaine de la nanomédecine en pleine expansion, offrant un large éventail d'applications biomédicales (Dooley et al. 2021 ; Liang et al. 2021). En combinant l'ingénierie génétique avec la chimie bioorthogonale et des techniques comme l'hybridation membranaire, les fonctionnalités internes et de surface des CMVs peuvent être optimisées, ce qui introduit de nouvelles fonctions thérapeutiques ou améliore celles existantes. Cette approche suscite un intérêt croissant pour les CMVs modifiées génétiquement dans les applications biothérapeutiques (Zhang et al. 2021b).

Les défis liés à l'isolement et à la purification des EVs, et des sous-populations d’EVs telles que les exosomes, les ectosomes et les corps apoptotiques, sont cruciaux pour améliorer leurs applications biomédicales. Des techniques de purification uniques ont été développées pour isoler les EVs, et elles peuvent également être appliquées aux cellules donneuses génétiquement modifiées (Fig. 6.3). En outre, les aEVs (artificially engineered EVs) peuvent être produits par des techniques mécaniques comme l'extrusion, où les cellules sont transformées en solution de lyse puis forcées à travers des filtres polycarbonate de tailles de pores variées, donnant des aEVs structurés en cœur-coquille (Jang et al. 2013). Ce processus permet d'incorporer des molécules thérapeutiques aux cellules, facilitant ainsi la collecte de aEVs chargés pour la livraison ciblée de médicaments.