La transmission des connaissances scientifiques dans nos sociétés modernes repose en grande partie sur des systèmes de certification et de confiance. Ces systèmes permettent à chacun de prendre des décisions éclairées, même sans être expert dans chaque domaine spécifique. Cependant, ces réseaux de confiance, tout comme les informations qu’ils véhiculent, peuvent être corrompus ou manipulés, affectant ainsi notre compréhension des faits. Il est crucial de comprendre comment ces systèmes fonctionnent et les défis qui peuvent survenir lorsqu’ils sont déformés.
L’une des plus grandes difficultés aujourd’hui est le rôle que jouent les croyances et les valeurs dans la manière dont les individus interprètent les informations scientifiques. Par exemple, un scientifique ne peut pas tout savoir de manière indépendante, et il s’appuie donc sur le travail de ses prédécesseurs. Comme l’a dit Isaac Newton, il se tenait sur les épaules de géants. De même, l’humanité s’appuie sur des réseaux d'expertise et de certification pour évaluer des phénomènes complexes comme le changement climatique. Pourtant, ces réseaux sont parfois fragiles et peuvent être déstabilisés par des influences extérieures.
Un exemple frappant est l’étude menée par le projet Cultural Cognition, qui a révélé que ce n’étaient pas forcément les citoyens les moins instruits scientifiquement qui remettaient en question la réalité du changement climatique, mais bien ceux qui avaient une très bonne compréhension des sciences. En effet, les personnes les plus informées sont parfois celles qui sont les plus polarisées, leurs croyances étant influencées par leurs affinités culturelles et sociales. Cette polarisation ne relève pas d’un manque de connaissances, mais d’un conflit entre systèmes de croyances, qui pousse les individus à interpréter les informations de manière biaisée pour les adapter à leurs valeurs préexistantes.
Cette situation trouve son origine dans un mécanisme de pensée qui dépasse la simple volonté d’être rationnel. Les individus ne choisissent pas leurs croyances; celles-ci sont déterminées par des valeurs et des informations que leur contexte social et culturel leur fournit. Selon Kahan, la prise de décision et la perception des faits sont façonnées par un « communwealth » de valeurs, de sensibilité et d’histoires partagées au sein de groupes sociaux. Ce processus, bien que naturel, entraîne une distorsion des faits lorsque ceux-ci entrent en conflit avec des croyances profondément enracinées.
Ainsi, même lorsque des informations scientifiques sont diffusées, leur réception dépend de la capacité des individus à les accepter comme valides. Kahan cite l’exemple des problèmes mathématiques complexes : lorsqu’un groupe de personnes est confronté à un problème qu’une minorité peut résoudre, la majorité des individus ne se contente pas d’attendre une explication, mais se tourne vers ceux qui détiennent la connaissance, non pas pour comprendre comment résoudre le problème, mais pour identifier ceux qui savent. Cela démontre l’importance des réseaux de certification et de confiance : on fait confiance à ceux qui sont perçus comme des experts ou des sources fiables.
Cependant, ces réseaux de confiance sont aujourd’hui vulnérables à diverses formes de manipulation. Des groupes marginaux ou des intérêts particuliers peuvent déformer les informations scientifiques dans le but de semer la confusion ou d’amplifier des divisions. La communication scientifique n’échappe pas à cette tendance, et certains acteurs exercent une pression considérable pour déstabiliser les systèmes de certification qui garantissent la validité des informations.
Le défi réside donc dans la manière de rétablir une communication scientifique fiable et effective. Kahan propose une solution : il faut explorer de nouvelles façons de raconter les histoires scientifiques. Selon lui, les individus réagissent de manière plus favorable lorsqu’ils sont confrontés à des récits qui intègrent des valeurs et des significations culturelles. La narration, avec un héros, un adversaire et un dénouement, est une forme puissante de communication qui capte l’attention et suscite l’engagement. Dans une société pluraliste, les narrations doivent être adaptées à la diversité des valeurs et des groupes sociaux. Il ne s’agit pas seulement de trouver les bonnes données, mais aussi de les présenter d’une manière qui résonne avec les valeurs et les identités des différents publics.
Il ne faut pas oublier que la communication scientifique ne se limite pas à la transmission d’informations objectives. Elle est aussi influencée par le narrateur, par le cadre dans lequel l’histoire est racontée, et par l’identité de l’audience à laquelle elle s’adresse. Il est essentiel de respecter les différences culturelles et idéologiques pour établir un dialogue ouvert et constructif. Pour parvenir à un consensus, les individus doivent pouvoir voir des personnes qui leur ressemblent, mais aussi des voix différentes des leurs, afin de promouvoir une compréhension mutuelle.
Ainsi, comprendre la science ne dépend pas uniquement des faits eux-mêmes, mais aussi de la manière dont ils sont présentés et interprétés à travers des narratifs culturels. Dans un environnement pluraliste, il est crucial que chaque groupe puisse voir la situation à travers une lentille qui lui est propre, tout en étant capable de considérer d’autres perspectives sans rejet systématique. Cette approche permettra de favoriser des discussions ouvertes et de surmonter les divisions qui compromettent actuellement la réception de la science dans le débat public.
Comment les leaders façonnent le monde : le pouvoir, l'amour et les systèmes interdépendants
Il a été dit que l'amour sans pouvoir est plus dangereux que le pouvoir sans amour, car ce dernier reste souvent caché. "Il produit des résultats pervertis. Soyez prudents en essayant de marcher sur une seule jambe." Cette observation soulève un point essentiel : il est impossible de nier le pouvoir persuasif de certains grands leaders de l'Histoire, qui ne se sont pas engagés dans des dialogues mais se sont concentrés unilatéralement sur la persuasion. Cependant, une dichotomie plus importante, comme l'a souligné Kahane, ne réside pas entre dialogue et persuasion, mais entre dialogue et action unilatérale. Selon lui, les deux sont nécessaires.
Les changements dans le monde surviennent lorsque les gens perçoivent quelque chose qui doit être fait et qu'ils croient, d'une manière ou d'une autre, que cela sert leurs intérêts. Ce besoin de réponse entraîne une action. Cette action peut être insensible, forcée, voire violente, mais sans cette impulsion, bien des transformations n'auraient pas lieu. Pourtant, les dangers d'un pouvoir pur dépourvu d'amour sont omniprésents et mènent à la destruction de notre planète. "Nous ne devons pas laisser le pendule osciller d'un côté ou de l'autre", affirmait-il. Cette réflexion sur le pouvoir et l'amour appelle à une prise de conscience des forces en jeu dans les dynamiques sociales et politiques.
Peter Senge, spécialiste mondial de la pensée systémique, a une approche différente mais complémentaire. Il nous invite à voir le monde non pas en lignes droites, mais en cercles, dans des systèmes interdépendants. Lorsqu'il explique la pensée systémique à ses étudiants, Senge leur demande si, par exemple, ils ont déjà observé comment, dans une famille, les actions ou les sentiments de ses membres produisent des conséquences non intentionnelles. Cela permet de sortir de la sphère théorique pour entrer dans la réalité vécue, où nous comprenons que nous vivons tous dans des réseaux d'interdépendance. C'est ainsi qu'il invite à aborder les problèmes complexes, en cherchant non pas à trouver des réponses rapides, mais à mieux comprendre les relations qui les sous-tendent.
L'un des grands défis d'aujourd'hui réside dans notre incapacité à appréhender la complexité du monde que nous avons créé. Senge le rappelle constamment : "Chaque problème est un sous-ensemble de ce problème majeur, celui de notre incapacité à comprendre la complexité que nous avons engendrée." Le changement climatique en est un exemple parfait, un problème qui reste largement incompris par le grand public. La science du climat a échoué à expliquer de manière simple des concepts élémentaires, comme celui de l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui rend inévitables des réductions massives des émissions. Cette incompréhension crée une impasse dans les débats et conduit à des stratégies inefficaces.
Les scientifiques, bien qu'excellents pour soulever de nouvelles questions, peinent souvent à créer un consensus autour des problèmes complexes. Senge note que la science n'a pas vocation à produire une unanimité, mais plutôt à affiner les débats et à éclairer de nouvelles pistes. Cependant, lorsque ces débats se concentrent uniquement sur les aspects négatifs ou les incertitudes, cela conduit à une paralysie collective. Au lieu de cela, il faut aborder les problèmes sous l'angle d'une intelligence collective. L'idée que "plusieurs intelligences valent mieux qu'une" peut transformer les sociétés, créant des villes plus durables et des secteurs industriels plus flexibles et socialement responsables.
Le système actuel dans lequel nous vivons est à la fois fragile et résilient. Il résiste souvent au changement, ce qui peut rendre la transition difficile. Par exemple, dans les systèmes biologiques, l'homéostasie est un principe fondamental qui cherche à maintenir l'équilibre et à éviter les perturbations. Sur le plan social et environnemental, ce même principe s'applique : toute tentative de changement extérieur suscite une résistance interne, qu'elle soit consciente ou non. Ce phénomène de résistance au changement est souvent négligé, alors qu'il constitue un obstacle majeur à la résolution des problèmes mondiaux.
Senge, qui a grandi à Los Angeles, a vu cette résistance s’incarner dans l'urbanisation incontrôlée de la ville. Les anciens vergers d’oranges et de citrons ont laissé place en quelques années à des centres commerciaux et des autoroutes. Cette expansion anarchique a engendré des problèmes sociaux, économiques et environnementaux considérables. Ce phénomène, qu'il compare à la croissance tumorale d'un cancer, s’observe dans de nombreuses régions du monde. Partout, l’expansion incontrôlée des villes et des économies produit des effets secondaires négatifs.
La question fondamentale est donc celle de la gestion de cette complexité grandissante. Comment réconcilier l’action unilatérale, souvent nécessaire pour initier un changement, avec une compréhension plus profonde des systèmes interconnectés dans lesquels nous vivons ? Comment éviter que les solutions proposées ne soient que des pansements temporaires sur des blessures structurelles ? C’est là que la pensée systémique devient cruciale. En abordant les problèmes à travers un prisme global et interdépendant, il est possible de concevoir des solutions qui soient à la fois durables et véritablement transformatrices. L'intelligence collective, la coopération entre différentes parties prenantes et la reconnaissance de nos propres contributions aux problèmes actuels sont des éléments essentiels pour résoudre les défis mondiaux.
Comment les mécanismes de défense façonnent notre réponse aux crises environnementales et à la réalité du changement climatique
Les stratégies de protection psychologique jouent un rôle crucial dans la manière dont les individus et les sociétés réagissent aux enjeux environnementaux, notamment le changement climatique. Ces mécanismes de défense, qui comprennent le déni, la projection et la division, sont des réponses instinctives face à des menaces perçues comme trop vastes ou accablantes pour être confrontées directement. Selon la psychologue Lertzman, ces stratégies ne sont pas uniquement le produit de notre psyché individuelle, mais se manifestent également dans les interactions sociales, organisationnelles et politiques. Elles impliquent souvent une forme de collusion collective où nous nous aidons mutuellement à ignorer ou à minimiser la réalité d'une situation. Ainsi, ce qui semble être un déni personnel peut aussi être une réponse sociale ou culturelle partagée.
La sociologue Kari Norgaard va plus loin en suggérant que le silence observé sur le sujet du changement climatique ne doit pas être interprété comme un manque d'intérêt, mais plutôt comme une réaction émotionnelle face à la culpabilité collective et à l'ampleur de notre responsabilité. Cette prise de conscience inconfortable, ou même douloureuse, du rôle humain dans la crise environnementale conduit à un silence assourdissant, car il devient difficile de reconnaître une telle vérité sans se sentir paralysé par la honte et l’impuissance. Les chercheurs s’accordent à dire que la première étape pour briser ce cercle vicieux est d’offrir un espace sécurisé, à la fois personnel et collectif, où les gens peuvent affronter leurs émotions et leurs peurs sans se sentir jugés ni accablés.
Ce processus est similaire à ce que fait un thérapeute lorsqu'il travaille avec un client qui apporte des attitudes de protection de soi dans la séance. Selon Lertzman, un thérapeute fait trois choses : il reconnaît, il encourage la vérité et il soutient la mobilisation vers des solutions. La reconnaissance consiste à dire : « Je vous entends, je vous vois, et je reflète ce que je crois que vous ressentez. » Cet acte simple mais puissant aide à désarmer les mécanismes de défense et permet à la personne de se sentir entendue, ouvrant ainsi la voie à une plus grande réceptivité. La vérité, même inconfortable, doit être mise en lumière, sans minimiser ni cacher la réalité. C’est en confrontant cette vérité que nous pouvons trouver des solutions actives pour avancer, comme l’a exemplifié Winston Churchill lors de son discours pendant la Seconde Guerre mondiale, où il a reconnu la gravité de la situation tout en appelant à la résilience et à la détermination face à l’adversité.
En parallèle, l’un des défis psychologiques majeurs dans la gestion de crises mondiales réside dans le phénomène du « engourdissement psychique » décrit par le psychologue Paul Slovic. Ce concept explique pourquoi nous éprouvons souvent une indifférence face à des problèmes globaux d’ampleur, comme le génocide ou le changement climatique. Slovic note que l’indifférence à des événements de grande envergure s’explique par une incapacité à ressentir émotionnellement leur portée, en raison de leur échelle. L'exemple du génocide rwandais, où des centaines de milliers de personnes ont été tuées en l’espace de quelques mois, illustre bien cette distorsion dans la perception des risques. Nous réagissons de manière intense lorsqu'un individu est en détresse, mais notre réponse devient beaucoup plus faible lorsque des milliers de personnes sont affectées. Cette réduction de la réponse émotionnelle est en partie liée au phénomène qu'il appelle l'effet "goutte d'eau dans l'océan" : plus le problème est vaste, plus il semble distant et moins il suscite d'actions concrètes. Il en va de même pour le changement climatique : lorsque les conséquences ne sont pas immédiatement perceptibles, il devient facile de minimiser l'ampleur du problème, en le réduisant à une variation naturelle du climat.
L’un des principaux obstacles à une réponse plus engagée face aux catastrophes mondiales réside dans la manière dont les individus perçoivent la capacité de leur propre action. L’idée que "cela ne fera pas de différence", amplifiée par la taille du problème, dissuade souvent de l'engagement. Cette mentalité est d’autant plus présente dans les pays développés, où les effets directs du changement climatique sont moins visibles, et où l'on peut se permettre de maintenir une routine quotidienne sans se sentir personnellement affecté par la situation. Cela crée une forme de déconnexion émotionnelle qui nourrit l’inertie collective face à des défis environnementaux graves.
Il est également crucial de comprendre que la perception des risques, qu’il s’agisse de l'extinction d'espèces ou de l’effondrement écologique, est influencée par des facteurs cognitifs et émotionnels complexes. Les chiffres seuls ne sont pas suffisants pour motiver une action. Loin de susciter de l’empathie ou de l’urgence, ils manquent de dimension humaine, ce qui fait que les individus ont du mal à réagir de manière adéquate. Les études de Slovic révèlent que les gens sont beaucoup plus enclins à agir lorsqu'ils perçoivent les problèmes à l'échelle humaine. Par conséquent, l’une des clés pour briser l'engourdissement psychique réside dans la manière dont nous présentons les enjeux environnementaux : il faut humaniser les statistiques, donner un visage et une voix à ceux qui souffrent des effets du changement climatique, pour susciter une réponse plus empathique et engageante. Cette approche pourrait contribuer à réorienter nos priorités collectives et nous amener à investir plus sérieusement dans des solutions durables.
Il est important de comprendre que ce phénomène d’indifférence n’est pas simplement un signe d’indifférence morale, mais une réponse psychologique complexe, ancrée dans notre incapacité à percevoir les grandes tragédies mondiales de manière immédiate et tangible. En outre, l’inaction face au changement climatique et à d’autres crises mondiales est souvent alimentée par des intérêts économiques puissants qui, par la préservation du statu quo, renforcent cette inertie psychologique et sociale. Cela souligne l’urgence d’adopter une approche plus proactive et solidaire pour surmonter cette distorsion collective, et ainsi réussir à créer une véritable mobilisation face aux enjeux environnementaux.
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