La beauté, telle que nous la concevons, occupe une place complexe dans nos vies, souvent perçue comme une source de plaisir et d’admiration. Pourtant, elle porte en elle une dualité intrigante. Nick, mon vieil ami, un homme de petite taille mais aux convictions aussi vastes que son esprit, la considérait comme le véritable principe du mal. D’après lui, tout ce qui était misérable dans le monde trouvait sa source dans la beauté. Pas dans la vérité, ni dans la bonté, mais dans la beauté. Pour Nick, ce n’était ni la richesse, ni le pouvoir qui gouvernaient le monde, mais la beauté, un concept abstrait, omniprésent et inéluctable.
Bien que sa vision paraisse radicale, elle n'est pas sans fondement. Il soutenait que les belles choses et les belles personnes engendraient l'envie, la jalousie, et l'agression. Les beaux objets, en particulier, étaient des sources d'angoisse. Ceux qui en étaient privés ressentaient un malaise constant, un désir d'atteindre l’inaccessible, de posséder ce qu'ils ne pouvaient avoir. Il en allait de même pour les belles personnes : elles devenaient souvent des cibles de haine, des objets d’admiration ou de dégoût. Dans cette perspective, la beauté, qu'elle soit matérielle ou physique, semblait être à la base des conflits humains.
Mais cette vision ne se limite pas à la simple esthétique. La beauté, selon Nick, ne réside pas dans l'objet lui-même, mais dans ce qu'il représente : une quête insatiable, une source de souffrance et de frustration. La beauté, par sa nature même, engendre des conflits. Elle est désirée, convoitée, jalousée, et, parfois, elle mène à la destruction. Paradoxalement, la beauté ne génère pas seulement des émotions positives, elle peut aussi provoquer un sentiment d'infériorité ou de révolte. De ce fait, elle devient la cause de nombreux maux, de l’envie de posséder à l'agression physique.
Cependant, il convient de nuancer cette analyse. Si l’on considère la beauté comme une notion relative, perçue différemment selon les cultures et les individus, alors il devient difficile de lui attribuer une culpabilité universelle. Ce qui est beau pour l'un peut être repoussant pour l'autre, et ce qui provoque l'admiration dans une société peut, dans une autre, être vu comme insignifiant, voire choquant. La beauté est donc une notion subjective et son influence sur l’individu varie considérablement. Elle n'est ni intrinsèquement bonne ni mauvaise ; elle devient ce que nous en faisons.
Nick, bien qu'il fut un homme de convictions, n’échappait pas à ce dilemme. Si la beauté pouvait être responsable de tant de mal, elle était aussi la source de certaines des plus grandes joies humaines. Les aventures qu’il vivait, ses expériences avec des objets et des individus qu'il jugeait beaux, n’étaient pas sans passion, mais elles étaient aussi teintées de désillusion et de colère. Son exemple de l’homme beau, qui se croyait au-dessus des autres, illustre bien comment la beauté peut conduire à la vanité et à la souffrance.
Dans ce cadre, il est essentiel de comprendre que la beauté n'est pas un concept figé, mais une notion dynamique et complexe. Elle agit sur nous de manières subtiles et puissantes, souvent au-delà de notre contrôle ou de notre compréhension. Bien qu'elle puisse être la source d'une grande souffrance, elle est aussi un moteur d’émotions intenses, de recherche de sens et de satisfaction. La beauté est, en fin de compte, une force qui façonne notre perception du monde, mais aussi notre place en son sein.
Pour autant, il ne faut pas idéaliser la beauté ni la diaboliser. La manière dont nous y réagissons est ce qui détermine son pouvoir sur nous. Une saine appréciation de la beauté, qu'elle soit dans la nature, dans l'art, ou dans les êtres humains, peut enrichir notre expérience. En revanche, une quête obsessionnelle de la beauté, guidée par la comparaison et l'envie, peut mener à l’isolement, à la frustration et à la déception. En reconnaissant la beauté pour ce qu’elle est, nous pouvons choisir de l’accepter comme un élément de notre existence, sans laisser qu’elle dicte la manière dont nous vivons.
Qu'est-ce qui reste quand la mémoire disparaît ? La question de la mémoire et de la manipulation des "Recall Tapes"
La mémoire, en tant que concept humain, a toujours été au cœur de l'expérience individuelle et collective. Mais qu'en est-il lorsqu'elle peut être manipulée, volée, ou même effacée ? La question devient plus complexe encore lorsqu'il s'agit de manipuler les instruments qui garantissent l'intégrité de cette mémoire. Les "Recall Tapes", qui consignent chaque détail de l'existence d'un individu pendant trente jours, constituent un exemple frappant de la tension entre la nature humaine et la technologie. Un instrument qui, par sa précision et sa nature, semble rendre la mémoire à la fois inviolable et, paradoxalement, extrêmement vulnérable.
Lorsque l'agent de la Central Intelligence d'Earth, un homme aux allures vieillissantes et à l'esprit fatigué, me remit une liste de six noms potentiellement vivants, un sentiment de déconnexion s'installa immédiatement. Ces noms étaient ceux de personnes que j'avais aimées ou détestées, et qui appartenaient toutes au passé. En les lisant, un frisson d'incompréhension parcourut mon être : comment ces individus pouvaient-ils être potentiellement vivants après tout ce temps ? Et pourquoi m'adressait-on cette question ?
Les "Recall Tapes", conçues pour être des témoins inaltérables de la vie humaine, sont la dernière barrière contre l'oubli. En théorie, ces enregistrements étaient inaccessibles, inviolables. Il était inconcevable que quelqu'un puisse interférer avec eux, et pourtant, une faille avait été découverte. La perte des "Recall Tapes" n'était pas simplement une erreur technique ; c'était une brèche dans l'ordre établi, un trou béant dans la certitude humaine de l'inviolabilité de la mémoire. Cette révélation, aussi absurde que révoltante, remet en question l'essence même de notre existence.
La nature de l'homme, avec ses faiblesses et ses vulnérabilités, s'est toujours heurtée à la tentation de l'absolu. C'est là que la bureaucratie entre en jeu, ce monstre froid et impersonnel qui se nourrit de ces brèches pour faire croître ses tentacules. La bureaucratie n'est pas simplement une structure administrative ; elle devient une entité qui parodie le besoin humain de contrôle et d'ordre. Le vieux Max Weber, avec sa vision pragmatique de l'État et de la bureaucratie, pourrait affirmer que cet ordre est nécessaire, mais il serait difficile de ne pas y voir une tragédie. Dans cette machine impersonnelle, tout devient une question de processus, de catégories, de rapports et de délais. Les individus se transforment en rouages dans un système qui finit par les broyer.
Le rôle du gouvernement, ou plus précisément de la Central Intelligence, dans cette histoire n'est qu'une facette d'un problème plus vaste. Ce système de surveillance et de gestion de la mémoire humaine est à la fois un symbole de contrôle absolu et un reflet de l'angoisse existentielle de l'homme moderne. Qu'advient-il des souvenirs qui échappent à cette surveillance ? Que se passe-t-il lorsque la mémoire devient trop fragile pour être contenue dans une "Recall Tape" ?
C'est là que réside la clé de la question : ce n'est pas seulement la mémoire elle-même qui est en jeu, mais la manière dont nous percevons la réalité à travers elle. La mémoire, en tant que construction, est un outil fondamental de notre identité. Quand cette mémoire est manipulée, effacée ou simplement dérobée, c'est l'identité même qui devient sujette à révision. Les gens dont les noms figuraient sur cette liste n'étaient plus des souvenirs vivants, mais des fragments potentiels, indécis. La réalité n'était plus une certitude. Le passé, une fois perçu comme immuable, devenait désormais aussi incertain et mouvant que l'avenir.
Ce phénomène, ce pouvoir de manipulation des mémoires humaines, fait écho à des questions philosophiques profondes. Qu'est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? Est-ce notre corps, notre esprit, ou la somme de nos souvenirs et de nos expériences vécues ? Si ces souvenirs peuvent être volés, que reste-t-il de nous ?
Enfin, il est important de réfléchir à l'évolution de notre rapport à la mémoire et à la technologie. Si les "Recall Tapes" sont un instrument de surveillance, elles soulignent également un danger bien plus grand : celui de réduire l'être humain à un simple enregistrement, un catalogue de données à exploiter et à manipuler. Ce processus de désubstantialisation pourrait ouvrir la voie à une société où l'individu perd toute autonomie face à un système omniprésent, capable de déterminer la vérité d'un être humain en fonction de ses données plutôt que de son vécu.
Il est crucial de saisir l'implication de cette évolution. Nous vivons dans un monde où la technologie, tout en promettant de préserver et d'améliorer notre expérience humaine, peut aussi la dévoyer en la réduisant à une collection de données. La perte des "Recall Tapes" représente bien plus qu'une simple défaillance technique : elle symbolise la fragilité de notre existence face à un monde où la mémoire elle-même peut être manipulée et modifiée à volonté.
Comment préparer et exécuter une descente clandestine sur une planète façonnée de ses propres mains
Dans l’unité de régénération, la douleur s’éteint, la peau se referme, le corps se rétablit sans cicatrice visible. Pourtant, sous l’épiderme intact, la mémoire du feu reste vive : étendre le doigt, plier les autres et, paume ouverte vers le ciel, libérer un rayon capable de trancher deux pieds de granit. C’est un fardeau de puissance et d’habitude, la conscience de ce qu’on transporte avec soi. Les rations sont compactes, les racines de glitten glissées dans un sac léger. Pas de cartes ni de boussole – ce serait inutile sur une planète qu’on a soi-même modelée – mais des firesticks, une toile de flimsy, une torche de poche, des night-specs, de quoi survivre et s’orienter dans l’inconnu que l’on connaît trop bien. Tout est disposé comme une liturgie de gestes.
Le choix du transport est une décision stratégique : abandonner le Model T en orbite et descendre dans un drift-sled non métallique. La lenteur et le silence sont ici des armes plus précieuses que la vitesse. L’Illyrie se présente comme un opale vert aux mers miroitantes, aux continents modelés avec soin : collines souples, fjords découpés, neuf déserts comme autant d’accents discordants, un fleuve monstrueux aux proportions mythiques, un pont continental dressé contre les théories géologiques, un système de courants conçu comme une signature invisible. Observer la formation d’une tempête près de l’équateur devient un acte esthétique. Les lunes – Flopsus, Mopsus et Kattontallus – rythment la lumière et l’ombre, découpent le monde en éclats mouvants. C’est un décor total, et pourtant un piège.
Le rituel de l’équipement ressemble à celui d’un combattant d’un autre temps : chemise noire et pantalon synthétique imperméable, boots blousés, ceinture de cuir à boucle bifide transformable en fil d’étranglement, ceinturon portant un pistolet-laser et une rangée de grenades miniatures, pendentif avec micro-bombe, chrono truqué pour diffuser du para-gaz. Dans les poches, un mouchoir, un peigne et l’inutile relique d’une patte de lapin millénaire. Le fétiche superstitieux persiste à côté des technologies de pointe, comme un rappel que l’aléatoire ne se laisse jamais totalement éradiquer.
L’attente est presque insoutenable. La descente se fera de nuit, sur Splendida, à distance calculée de la cible. La procédure du drift-sled n’est pas une chute mais une translation. Antigravité et voiles tridimensionnelles : c’est moins un planeur qu’un voilier sur océan spatial. La capsule chauffe, le cœur bat, l’air souffle en mince jet au-dessus du front. Les lumières changent : bleu, rouge, puis le choc – un coup de mule dans le dos – et il n’y a plus de cadre, plus de trappe, seulement l’abîme d’Illyrie sous soi et les étoiles froides comme la ferveur d’un dieu absent.
Le souvenir remonte, irrépressible : l’aube sur la mer, le tangage d’un navire de débarquement, le goût amer de la Dramamine, les premiers coups d’artillerie. Le geste de frotter ses paumes sur ses genoux, de toucher la patte de lapin, est un exorcisme. Un frère perdu, aviateur, amateur d’acrobaties, planeurs et mer – une mémoire greffée à la descente actuelle, une filiation de risques assumés. L’espace entre les lunes devient une mer intérieure, parfois calme, parfois prise d’immenses marées lorsque leurs orbites se conjuguent. Le monde alors se transforme en un théâtre éphémère : coraux surgis dans les déserts, vagues vertes dressées comme des montagnes, vents inversés, cathédrales de nuages brisées par les pluies, cités féeriques englouties. C’est la planète elle-même qui devient un organisme respirant, capable de révéler ses os, ses pierres, ses cadavres d’animaux, ses empreintes de dieu marin.
Dans l’ombre, Illyrie se tend comme un drap de gaze sous la lune. Bientôt une créature féliforme s’éveillera, étirera ses membres et commencera sa ronde. Elle lèvera les yeux vers le ciel, vers la lune et au-delà, et un murmure parcourra les vallées, les feuilles frémiront. Elles sentiront, toutes, cette vibration infime : celle de l’esprit qui les a conçues, fraction de son propre ADN, propagée dans le tissu de la planète. L’anticipation est leur langue commune. Le message est clair, murmuré à travers l’atmosphère et les racines : oui, mes enfants, j’arrive. Belion a osé marcher parmi vous.
Qui était Shandon et pourquoi fallait-il qu'il meure?
Il mesurait environ cinq cent cinq ou six, et devait peser une quinzaine de kilos de plus que moi; ses yeux avaient la couleur du acajou poli, ses cheveux étaient noirs comme de l'encre. Il se mouvait avec une élégance presque insolente, possédait une voix proprement affligeante de beauté et s'habillait toujours avec une perfection qui irritait. Fils de fermiers d'une région céréalière qu'on appelait Wava, il avait l'âme d'un vagabond et des goûts coûteux. Il s'était cultivé pendant une réhabilitation — autrefois on aurait dit «au dépôt scolaire de la prison», maintenant on embrouille les mots, mais le fond reste identique. Sa réinsertion eut l'air réussie : il fallut longtemps avant qu'on ne le reprenne.
Il avait tant d'atouts qu'il était étrange qu'il ait un jour trébuché — pourtant il répétait, d'une façon presque théâtrale, qu'il était «né pour être second». Télépathe, mémoire quasi photographique, force, résistance, intelligence, une bouteille qu'il tenait sans se briser, et les femmes tombaient à ses pieds : voilà le tableau. Mon tic d'alarme n'était pas dénué de raison. Il avait travaillé pour moi plusieurs années avant que je ne le rencontre en personne; un de mes recruteurs l'avait déniché et envoyé à l'École Spéciale d'Exécution de Sandow. Il sortit second de sa promotion, puis fit merveille dans ce qu'on appelait la recherche de produits — mais son nom revenait trop souvent dans des rapports classifiés. Un soir, je pris rendez-vous pour dîner.
La sincérité, les bonnes manières — ce sont bien les seules choses que je me rappelle. Il était né escroc. Les télépathes humains ne courent pas les rues, et les informations obtenues par cette voie ne tiennent pas en cour. Néanmoins, la capacité valait de l'or. Valable ou non, Shandon était un problème : quoi qu'il gagnât, il dépensait plus. Des années après sa mort, j'appris l'étendue de ses chantages. Ce qui le perdit fut son travail au noir. Nous savions qu'il y avait une faille de sécurité à Sandow Enterprises; nous ignorions comment ni d'où. Il fallut presque cinq ans pour la débusquer. Entre-temps, l'empire vacillait. Nous l'accrochâmes finalement, non sans peine, aidés de quatre autres télépathes. On le traîna devant les tribunaux; j'y témoignai longuement. Il fut condamné, expédié pour une nouvelle «réhabilitation». Moi, j'acceptai trois missions de worldscaping pour maintenir SE en marche.
Sa fuite de détention réhabilitative survint plusieurs années plus tard; la nouvelle se répandit vite. Son procès avait été sensationnel, son nom figura sur les listes recherchées. L'univers est vaste, et l'on peut se perdre. J'étais alors près de Coos Bay, Oregon, louant une maison en bord de mer pour suivre des fusions nord-américaines — deux ou trois mois, je croyais. La vie au bord de l'eau, la mer qui rince l'âme, la conscience qui blanchit : j'y mariais mes promenades matinales et mes veillées. La maison, blanche, toit de tuiles rouges, petite cour, portail noir menant à la plage. Au sud, une falaise de schiste; au nord, un amas d'arbustes et d'arbres. Paisible, je l'étais.
La nuit où tout bascula était fraîche, presque froide. Une lune pleine, trois quarts, glissait vers l'ouest et peignait la mer d'une lumière grise; les étoiles semblaient nettes. Au loin, des derricks—îlots flottants—barricadaient le ciel. Je ne l'entendis pas venir. Il avait dû descendre par le couvert au nord, m'attendre et surgir quand j'étais le plus près. Il est plus simple qu'on ne croit à un télépathe de masquer sa présence à un autre, tout en restant conscient de sa position: on se ceint d'un blindage mental et l'on s'efforce de neutraliser ses émotions. Ce qui sauve, parfois, c'est précisément cette neutralité quand on hait l'homme qui vous suit et prévoit de vous tuer; l'impartialité forcée agit comme une armure.
Je ne réalisai pas d'abord la présence vengeresse derrière moi; ce fut une appréhension sourde, un frisson d'anciens réflexes primaires, le sentiment que la nuit avait rapetissé et que la mer se peuplait de menaces. Quand le premier goût de sable croula sous ma semelle, l'adrénaline était déjà levée. Je pivote, m'accroupis; un coup latéral me projette en avant — nous roulons, luttant dans le sable humide, la marée éclaboussant nos oreilles. Criant aurait été inutile; personne d'autre à l'horizon. J'essaie de crever ses yeux, de frapper bas, de le clouer; il est entraîné, plus lourd, plus vite. Pendant près de cinq minutes nous bataillons avant que je ne sache — puis ne voie — qui il est : Shandon. Mon nez se fend, deux doigts cassés; la lune glisse sur son visage humide. Je compris que la seule manière d'en finir serait la mort. L'enfer d'une prison ou d'un hôpital n'eût été qu'un report.
Quelque chose de dur et tranchant me transperça le dos; j'esquivai vers la gauche. Quand un homme a choisi de vous tuer, peu m'importe la manière dont je le lui restitue : être le premier compte seul. La mer fouettait nos têtes et Shandon poussait ma face en arrière; ma main droite trouva une pierre. Le premier coup glissa sur son avant-bras relevé...
Il y a, dans ces instants, des impressions qui ne trompent pas : l'éclat d'os, le goût du sel, la pente sombre où basculent les consciences. On apprend à mesurer la valeur d'un homme non à ses talents mais à l'usage qu'il en fait. Shandon avait pris ses dons pour une couronne; il en porta la charge jusqu'à ce qu'elle devienne un piège.
Il est important de comprendre que la moralité n'est pas une ligne droite tirée entre l'avocat et l'accusé; elle est un réseau d'intentions, d'opportunités et de conséquences. Le coeur télépathique ne dispense pas de responsabilité : connaître les pensées d'autrui et les utiliser, c'est posséder une arme dont la dangerosité vient moins de la puissance que du secret. Les institutions qui prétendent réhabiliter peuvent rediriger, contenir, épuiser un homme, mais elles ne changent pas les choix ni l'avidité. Enfin, la mer et les villes ne sont que des décors — l'essentiel réside dans la décision que chacun prend au moment où l'autre lui met la vie en balance.
L’Arbre et le Nom : Réflexions sur la Propriété, le Pouvoir et la Continuité
L’image de l’Arbre, immense et vivant, dont les feuilles portent des noms qui tombent et repoussent sans cesse, traduit une vérité plus vaste que celle de la richesse seule. Les noms changent, mais l’Arbre demeure, plus grand peut-être, mais fidèle à ses fonctions vitales. C’est un organisme autonome qui ne se laisse pas façonner à volonté, encore moins tailler comme un bonsaï pour satisfaire un caprice. Cette métaphore souligne le paradoxe de la possession : on croit contrôler, mais on n’est qu’un passager de sa propre création. L’Arbre ne se soucie ni de la main qui l’a planté, ni de celle qui l’entretient ; il pousse, il absorbe, il continue.
J’ai longtemps essayé d’en retrancher la pourriture, croyant pouvoir purifier, corriger, redresser. Mais à chaque incision, la décomposition renaissait ailleurs, et moi, mortel, je devais dormir. L’argent, la richesse, la puissance : tout cela échappe à l’ordre parfait. Même la charité est viciée ; on ne peut plus “donner” convenablement. La taille de l’Arbre dépasse la mesure humaine, il se moque des tentatives de redressement. Alors je me suis résigné à me balancer dans ses branches, mon nom inscrit çà et là sur des feuilles qui jaunissent ou se parent de vert tendre, essayant simplement d’y trouver un peu de plaisir.
Dans cette vie où l’on accumule les biens et les précautions, l’essentiel se joue pourtant ailleurs. Je vérifie mes volontés, prépare des enveloppes et des codes d’urgence, envoie des alertes à mes représentants sur des mondes lointains, distribue des chèques aux noms que je crois importants. Mais qu’est-ce que cela signifie, sinon la mise en ordre d’un théâtre avant le lever de rideau d’une autre scène ? Ces gestes, répétés avec soin, ne changent pas la nature de l’Arbre ; ils n’organisent que mon absence.
Et pourtant, dans l’ombre des préparatifs, se glissent des moments de grâce. Le dîner sur la terrasse orientale, sous un ciel éclaboussé de sang d’arc-en-ciel entre Urim et Thumim, avec un Rigélien qui me sert, d’une gravité teintée de fidélité, le repas que je ne goûterai jamais de la même façon que lui. Martin Bremen, ce maître des saveurs étrangères, incarne un paradoxe semblable à celui de l’Arbre : il est au plus bas de son art, cuisinier pour homo sapiens, mais il y met une passion impassible, une rigueur qui transcende le mépris implicite de sa caste. Ses mains multiples tiennent les plats, le café, le pain, comme si l’acte de servir était pour lui une liturgie silencieuse.
Je lui propose un an de congé payé, avec une cagnotte pour acheter des recettes qu’il aimerait expérimenter. Il refuse de trahir son éthique en disant que ma nourriture lui rappelle des déchets. Il reste, stoïque et attentif, tandis que moi, je pense à ma propre fragilité, à l’éventualité de ne pas revenir. Je lui confie que j’ai prévu quelque chose pour lui dans mon testament, et il reste sans mots, car que peut-on dire, sinon que la fidélité et le service sont plus durables que la fortune elle-même ?
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