Dans les sociétés patriarcales, la gestion des biens et des ressources est souvent confiée aux hommes. Les normes sociales valorisant les fils et limitant la liberté des femmes sont caractéristiques des sociétés patrilinéaires. Par exemple, si l'on compare l'Inde avec le Sri Lanka, l'Indonésie, la Thaïlande ou les Philippines, où de nombreuses communautés suivent des systèmes de parenté cognatique ou bilatérale, l'image est bien différente (Leela Dube, 1994). Bien que ces sociétés soient largement patriarcales, la transmission des biens et de la descendance à la fois par les femmes et les hommes empêche des formes extrêmes de discrimination envers les femmes, telles que le meurtre de femmes en raison de la dot, l'infanticide féminin ou la négligence des filles. Dans les sociétés nord-américaines et européennes, bien que les enfants prennent souvent le nom de famille du père, les droits de propriété et les idées de proximité ou de distance par rapport à la famille maternelle ou paternelle ne varient pas de manière significative. Les familles dans lesquelles la femme s'installe chez la famille du père de son mari (ou chez son grand-père ou son oncle si le père est décédé) sont appelées patrilocales ou virilocales. À l'inverse, celles dans lesquelles le mari s'installe avec la famille maternelle de la femme sont dites matrilocales ou uxoriales (comme chez les Nairs du Kerala ou les Khasis du Meghalaya). Une autre configuration, appelée duolocale, où le couple continue à vivre respectivement avec les familles de chacun, est observée dans les îles Lakshadweep et dans le centre du Kerala.

Les types familiaux peuvent également être distingués en fonction du nombre de partenaires. La monogamie est un système dans lequel une personne n’a qu’un seul conjoint à la fois, tandis que la polygamie permet à une personne d’avoir plusieurs conjoints en même temps. La polygamie se décline en deux systèmes : la polyandrie, dans laquelle une femme peut avoir plusieurs maris, et la polygynie, où un homme peut avoir plusieurs femmes. Dans certains systèmes de polyandrie, bien que le rituel de mariage se déroule entre une femme et un homme, cette femme est souvent considérée comme l'épouse de tous les frères ou elle peut avoir accès à des services sexuels et domestiques fournis par tous.

Les études sociologiques révèlent une grande diversité de modèles familiaux dans différentes régions du sous-continent aujourd’hui, une diversité qui, sans doute, existait déjà dans les temps anciens. Les premiers écrits védiques se concentraient principalement sur les femmes des classes supérieures, ignorant souvent les membres les moins privilégiés de ce sexe. Bien que le Rig Veda mentionne plusieurs déesses, aucune d'entre elles n’atteint une importance comparable à celle des principaux dieux. La présence de déesses dans la pratique religieuse reflète une capacité d'une communauté à conceptualiser le divin sous forme féminine, mais cela ne signifie pas nécessairement que les femmes jouissaient de pouvoir ou de privilèges dans la réalité sociale. Le nombre de prières attribuées aux femmes dans le Rig Veda est minuscule (à peine 12–15 sur plus de 1 000), de même que celui des sages femmes. Cela suggère un accès limité des femmes à l'apprentissage sacré. Il n’existait pas de prêtresses dans le Rig Veda, et bien que les femmes participaient en tant qu'épouses aux sacrifices effectués pour leurs maris, elles ne les réalisaient pas par elles-mêmes ; elles n'étaient ni donatrices ni réceptrices de dana ou dakshina. Le foyer védique était donc clairement patriarcal et patrilinéaire, et les femmes avaient relativement peu de contrôle sur les ressources matérielles. Leur sexualité et leurs ressources reproductives étaient régulées par l’imposition de normes sociales déterminant ce qui était considéré comme un comportement approprié.

Les textes védiques anciens utilisent plusieurs mots pour désigner les unités familiales : durona, kshiti, dam/dama, pastya, gaya et griha, qui pouvaient correspondre à différents types de foyers. En raison de la structure patriarcale et patrilinéaire de la société védique, il n'est pas surprenant de constater que les prières dans le Rig Veda sont principalement adressées aux fils, et que l'absence de fils est fortement déplorée. Le Rig Veda accorde une grande importance à l'institution du mariage et mentionne divers types de mariage : la monogamie, la polygynie et la polyandrie. Les rituels de mariage font référence à des unions après la puberté, et certains versets évoquent même le choix du mari par la femme. Une femme pouvait se remarier si son mari mourait ou disparaissait, et il est fait mention de femmes célibataires, comme la voyante Ghosha dans le Rig Veda.

La domination masculine et la subordination des femmes sont des caractéristiques communes à toutes les sociétés historiques connues. Cependant, cette domination varie selon les sociétés, tant en termes d’intensité que de structures dans lesquelles elle est ancrée. Par rapport aux textes védiques ultérieurs, les livres familiaux du Rig Veda Samhita reflètent une situation dans laquelle le statut social n’était pas aussi rigide ni aussi polarisé qu’il le deviendra plus tard. Cependant, cette société n’était pas celle de l’égalité — le rang social et le genre étaient les deux principales bases d'inégalité.

Le Rig Veda reflète les croyances et pratiques d'une élite religieuse et de ses mécènes, et il existe de nombreuses similitudes avec les idées reflétées dans l'Avesta iranienne. Le Rig Veda décrit une grande diversité de pratiques religieuses. Par exemple, il est fait mention de personnes qui ne vénéraient pas Indra, et les Dasas et Dasyus sont présentés comme ceux qui ne rendaient pas hommage aux dieux védiques et ne pratiquaient pas les sacrifices. Les hymnes védiques divisent l’univers en trois domaines : le ciel (dyu), la terre (prithvi) et le domaine intermédiaire (antariksha). Le terme deva (littéralement "brillant", "lumineux") est fréquemment utilisé pour désigner les dieux, bien que ceux-ci soient parfois aussi appelés asuras dans le Rig Veda. Ce mot, qui désignait à l'origine un être puissant, sera par la suite utilisé exclusivement pour désigner les démons. Selon le Rig Veda, il existe 33 dieux associés au ciel, à la terre et au royaume intermédiaire, bien que le texte mentionne un nombre beaucoup plus élevé de divinités. Certains dieux sont mentionnés plus fréquemment que d'autres, mais il n'y a pas d'ordre fixe d'importance ni de panthéon rigide. Chaque divinité invoquée dans un hymne particulier est désignée comme un dieu suprême. Ce phénomène est décrit par Max Müller comme de l'Hénothéisme ou du Kathénothéisme.

Comment l'expansion territoriale des dynasties sud-indiennes a façonné l'histoire médiévale du sous-continent

Les Kalabhras, au début de la période médiévale, ont étendu leur influence jusqu'à la rivière Kaveri, affrontant les Pandyas ainsi que le souverain de Ceylan (Sri Lanka). Leur domination a marqué un tournant dans l’histoire de l’Inde du Sud, bien que leur pouvoir soit de courte durée. Le successeur de Simhvishnu, Mahendravarman Ier (590-630), s'est distingué comme un grand mécène des arts, mais aussi comme un poète et musicien accompli. Son règne a été marqué par le début d'une rivalité historique entre les Pallavas et les Chalukyas de l’Ouest. Au cours de cette époque, l'armée de Pulakeshin II s’est aventurée très près de la capitale Pallava, Kanchipuram, annexant une grande partie du territoire septentrional de ce royaume. Cependant, sous le règne de Narasimhavarman Ier Mahamalla (630–668), les Pallavas ont regagné du terrain, remportant plusieurs victoires contre les Chalukyas avec l'aide de leur allié Manavarman, prince ceylanais devenu par la suite roi de l’île.

La plus grande victoire de Narasimhavarman fut la prise de Badami, capitale des Chalukyas, et sa prétention à avoir défait les Cholas, Cheras et Kalabhras. Toutefois, cette victoire ne signifiait pas la fin des conflits. Les Pallavas se sont trouvés confrontés aux Pandyas au sud et aux Rashtrakutas au nord. Dans les années 800, ces derniers, sous le règne de Govinda III, envahirent Kanchi, la capitale des Pallavas, et imposèrent leur domination. Mais la victoire décisive des Pallavas, lors de la bataille de Shripurambiyam, a permis à Dantivarman et son fils Nandivarman III de regagner une partie du territoire.

La déclin des Pallavas, et la montée en puissance des Cholas, marquent un autre chapitre important. Après la défaite de la dynastie Pallava par Aditya Ier (871-907), le contrôle de Tondaimandalam passa aux mains des Cholas. Ce dernier, fondateur de la dynastie médiévale Chola, a établi son pouvoir autour de Tanjore, chassant les Muttaraiyar et étendant son royaume le long de la Kaveri. Son fils, Parantaka Ier (907–953), élargit encore ce territoire en obtenant la soumission des Pandyas et en capturant Madurai, avant d’essuyer une défaite cuisante contre les Rashtrakutas en 949. Malgré cela, les Cholas ont rapidement récupéré leur pouvoir.

L'ascension des Cholas culmina sous le règne de Rajaraja Ier (985–1014), qui consolida leur domination sur le Sud de l’Inde, notamment en infligeant une série de défaites aux Pandyas et en s’emparant du royaume de Sri Lanka. Son objectif principal était de briser la confédération entre les Pandyas et les souverains du Kerala et de Ceylan, ce qu’il réussit notamment avec une expédition navale décisive qui détruisit Anuradhapura. Rajaraja réussit également à s'imposer face aux Chalukyas et aux Rashtrakutas, consolidant ainsi sa position sur la scène politique régionale. À sa mort, son fils, Rajendra Ier (1012–1044), poursuivit l’expansion. Il renforça le contrôle Chola sur l’île de Ceylan, prit des territoires au Sri Lanka, et étendit son empire jusqu’au fleuve Gange. Rajendra se fit appeler « Gangaikondachola », en référence à sa victoire sur les Ganges.

Cependant, malgré ces exploits militaires et diplomatiques, la nature de l'armée et de la marine Chola reste floue, les inscriptions disponibles ne donnant que peu d’informations sur l’organisation de ces forces. Le royaume des Cholas entra dans une période de stagnation à partir du XIIIe siècle, mais les impacts de leur expansion continuèrent à marquer l’histoire de l’Inde du Sud. Il est important de noter que les relations entre les royaumes de l'Inde du Sud et le Sri Lanka furent toujours complexes et souvent marquées par des alliances et des conflits à la fois militaires et culturels.

Les dynasties sud-indiennes ont ainsi marqué de manière indélébile le paysage politique et culturel du sous-continent. Leurs confrontations incessantes et leurs alliances stratégiques ont redéfini les frontières et renforcé des liens durables, mais ont aussi facilité la diffusion de la culture et de l'influence du Sud de l'Inde à travers l'océan Indien. Cette dynamique est essentielle pour comprendre non seulement l'évolution de l'Inde du Sud mais aussi l'influence qu'exercèrent ces royaumes sur le reste de l'Asie du Sud-Est et l'archipel indien.

Quelle signification historique et politique des frappes contre-marques sur les monnaies anciennes ?

Les frappes contre-marques sur les monnaies antiques sont un phénomène riche en significations historiques et politiques, offrant des informations cruciales sur les dynamiques de pouvoir, les rivalités et les continuums économiques dans l'Inde ancienne. Ces frappes, visibles sur certaines monnaies, témoignent des stratégies des souverains pour marquer leur autorité, annoncer un changement politique, ou renforcer une légitimité dans un contexte où la continuité de la monnaie était essentielle pour maintenir la confiance du public.

Prenons l'exemple des monnaies d'argent de Nahapana, souverain des Kshaharata, dont le design était inspiré des drachmes gréco-bouddhistes. L'avers des pièces portait son portrait, accompagné d'une légende en grec corrompu, tandis que le revers présentait son emblème dynastique, un éclair et une flèche, ainsi que des inscriptions en brahmî et en kharoshthî. Ces pièces ont été contre-frappées par Gautamiputra Satakarni, un roi des Satavahana. Sur l'avers de ces pièces contre-frappées, on trouvait un symbole en arc de cercle, accompagné d’une légende en prakrit donnant le nom du roi, tandis que le revers affichait l'emblème des Satavahana : quatre cercles reliés par une croix, avec un croissant sur l'un d'eux, un symbole couramment appelé le "symbole d'Ujjain". Cette contre-marque, souvent interprétée comme un signe de rivalité politique, peut également être vue comme une méthode d'affirmation de la suprématie à un moment donné, soulignant la compétition entre ces deux maisons royales.

Un autre exemple intéressant de contre-frappe provient de certaines monnaies de Nahapana, frappées par un roi satavahana peu connu, Shiva Satakarni. Ces pièces, contre-frappées réciproquement, montrent non seulement une relation de concurrence, mais aussi l’alignement temporel de ces deux souverains. Le fait qu'ils frappaient mutuellement les monnaies de l'autre suggère qu’ils étaient contemporains, mais aussi qu’ils s'efforçaient de marquer leur territoire politique tout en évitant de perturber le système monétaire en place. Ce phénomène, selon Shailendra Bhandare, peut être interprété comme une tentative de maintenir une certaine continuité de l'autorité tout en validant une transition de pouvoir.

Le rôle crucial de cette continuité dans le système monétaire doit être souligné. Lorsqu'une nouvelle autorité politique prenait le contrôle d'une région, elle était souvent soucieuse de ne pas rompre radicalement avec les pratiques monétaires existantes. Ainsi, bien que Nahapana ait pris le contrôle de certaines régions auparavant sous domination des Satavahana, ses pièces ont conservé des motifs comme l’éléphant ou l'arbre avec grille présents sur les monnaies précédentes. Cependant, sur le revers des nouvelles pièces, il a remplacé le "symbole d’Ujjain" par son propre emblème de l'éclair et de la flèche, ce qui, tout en assurant la continuité, marquait clairement son autorité.

Dans le même esprit, les représentations de divinités sur les monnaies fournissent également des indices sur les préférences religieuses des souverains, leur politique religieuse et la dynamique spirituelle de l'époque. Les pièces de monnaie d'Agathocles, roi indo-grec du IIe siècle av. J.-C., retrouvées à Aï-Khanoum, comportent des images de Balarama et Krishna, des figures religieuses majeures dans la région, illustrant leur importance dans la vie spirituelle et sociale de cette époque. Ces représentations montrent non seulement les croyances personnelles des souverains, mais aussi l’intégration de pratiques religieuses locales dans leur légitimité politique.

Les cowries, coquillages utilisés comme monnaie, représentent un autre aspect de l’économie ancienne. Leur usage, parallèle aux pièces de monnaie, était courant dans diverses régions d'Asie, et leur valeur fluctuant selon l'offre et la demande, nous montre l'existence de systèmes monétaires diversifiés. L'archéologie et les références textuelles révèlent l’ampleur de leur usage au-delà des monnaies métalliques, notamment dans les transactions complexes où l’utilisation des billets de change était également fréquente.

Il est important de noter que la diversité des sources visuelles, comme les sculptures, peintures, et autres œuvres d'art, joue un rôle clé dans la compréhension de ces dynamiques. L'art indien ancien, loin de se limiter à une esthétique pure, est souvent lié à des représentations religieuses et politiques. Ainsi, les œuvres artistiques ne doivent pas seulement être lues comme des produits de l'imaginaire, mais aussi comme des témoignages de pratiques religieuses et sociales, reflet des valeurs culturelles et des préoccupations spirituelles d'une époque donnée.

Les arts visuels, tout comme les monnaies, ont toujours eu un rôle fondamental dans l’affirmation des idéologies politiques et religieuses. Par exemple, les sculptures des divinités sur les temples et les statues des rois dans les espaces publics, tout comme les iconographies présentes sur les pièces de monnaie, offrent une fenêtre sur les croyances et les pratiques religieuses des souverains. Cette iconographie ne se limite pas à une simple représentation esthétique, mais participe à un projet plus vaste de légitimation du pouvoir par l’image.

Enfin, la fluidité des styles artistiques et la diversité des supports artistiques témoignent de l’ouverture de l’Inde ancienne aux influences extérieures, notamment iraniennes et gréco-romaines. Ces influences se retrouvent non seulement dans les motifs monétaires, mais aussi dans les conceptions artistiques, créant un mélange d’idées religieuses et politiques qui reflètent les dynamiques interculturelles de l’époque.