L'idéologie et la motivation des auteurs d'attentats : Un portrait des terroristes solitaires et leur vision du monde
Les services de renseignement ont souvent une vision plutôt réduite des causes des attentats. Toutefois, il est possible de dépasser cette analyse par des constatations plus approfondies. L'exemple de David S., un auteur d'attentat solitaire, est emblématique de ce phénomène. Ce jeune homme connaissait bien ses victimes, qu'il avait observées à plusieurs reprises dans des lieux de rencontre comme un McDonald's, ce qui laisse supposer qu'il avait soigneusement choisi ses cibles en fonction de leur fréquentation. Ses victimes provenaient toutes de familles immigrées, ce qui suggère non seulement un acte de violence prémédité mais aussi un acte hautement politique, teinté de xénophobie. Le choix de la scène de l'attaque, à un endroit symbolique comme un McDonald's, est significatif : il s'agit d'un lieu souvent perçu comme un symbole de la mondialisation et de l'homogénéisation culturelle, un concept que les extrémistes de droite dénoncent au nom de la préservation de ce qu'ils considèrent comme des valeurs culturelles supérieures. Cependant, les services de renseignement ont délibérément omis d'aborder cet aspect idéologique, cherchant à minimiser l'incident en l'exposant comme un acte apolitique, un simple "déséquilibre mental".
De façon similaire, l'enquête menée par Britta Bannenberg en 2018 sur David S. cherche à établir des causes psychologiques, en suggérant que son acte pourrait être la conséquence d'un amour non réciproque, lié à une expérience de maltraitance à l'école. Cette analyse, bien que pertinente, néglige toutefois une facette primordiale : David S. n'était pas un individu apolitique. Il nourrissait une vision du monde très politisée, marquée par une sympathie pour les idéaux de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et une admiration pour les idéologies nationalistes et racistes. Son discours et ses actions laissent entrevoir un ancrage idéologique radical, notamment un sentiment de supériorité ethnique teinté de fierté aryenne, qu'il justifiait comme un combat pour son pays d'adoption, l'Allemagne.
Cette double lecture – d'une part, la minimisation de l'acte en le présentant comme un déséquilibre psychologique, et d'autre part, l'absence de prise en compte de la dimension idéologique – illustre une tendance à ignorer la relation entre la radicalisation et les idéologies extrémistes, que ce soit au niveau personnel ou social. Il convient de comprendre que derrière chaque acteur isolé se cache parfois une idéologie claire et cohérente, même si celle-ci n'est pas explicitement revendiquée comme telle. Les idées de guerre raciale et de purification ethnique, par exemple, ne sont pas l'apanage d'organisations terroristes établies, mais peuvent aussi se manifester chez des individus en quête de sens, de reconnaissance ou de pouvoir.
Une dynamique similaire peut être observée avec d'autres auteurs d'attentats de ce type. Prenons l'exemple de David Copeland, un britannique qui, en 1999, a déclenché une série d'attaques à la bombe dans des quartiers multiculturels de Londres. Ses victimes étaient des migrants, des personnes noires et des homosexuels. Cette attaque n'était pas le fruit d'une folie passagère mais bien d'une idéologie de haine profondément enracinée. Copeland se voyait comme un défenseur de la "race blanche" et des valeurs nationalistes, se réclamant d'une vision extrême de la société. En outre, il espérait que ses actes provoquent un "guerre raciale", un concept qu'il avait largement intégré grâce à sa participation à des mouvements d'extrême droite. Cependant, malgré ses liens avec des groupes néo-nazis, il n'avait jamais adhéré de manière formelle à une organisation, une caractéristique qui reste typique des "lone wolves" : des individus souvent déconnectés de toute structure mais profondément influencés par des idéologies extrémistes.
Les jeunes, en particulier, sont particulièrement vulnérables à de telles idéologies. Leur quête d'identité et de sens les rend souvent réceptifs aux discours radicalisants, notamment ceux prônant la violence comme moyen d'expression. Dans ce contexte, les acteurs solitaires, comme Breivik, Copeland ou Sonboly, représentent une nouvelle forme de terrorisme, plus insidieuse, car elle n'est pas directement liée à une organisation terroriste mais à une conviction personnelle profonde. L’individu se transforme en "justicier", croyant accomplir une mission sacrée ou épique, souvent motivée par des frustrations personnelles et un sentiment d'exclusion sociale.
Les auteurs de ce type de violence, bien qu'ayant des origines et des parcours variés, partagent souvent une vision déformée du monde, où l’altérité est perçue comme une menace à éradiquer. L’isolement social, le sentiment de marginalisation et la quête de reconnaissance sont des facteurs récurrents dans la formation de leur idéologie. Cette idéologie est parfois nourrie par la consommation de contenus extrémistes en ligne, qui fournissent à l'individu un "cadre" pour ses frustrations et ses peurs. Les réseaux sociaux et forums en ligne, où se diffusent des discours haineux et radicalisants, jouent un rôle clé dans cette dynamique.
Dans ce contexte, il devient impératif de mieux comprendre ces trajectoires individuelles, et de ne pas réduire ces actes à de simples explosions de violence irrationnelle. La radicalisation ne naît pas de l’isolement mental, mais plutôt d’un système complexe de facteurs sociaux, psychologiques et idéologiques qui se croisent et se nourrissent mutuellement. Ces phénomènes doivent être analysés de manière globale, en prenant en compte à la fois les dimensions personnelles, sociales et politiques, pour mieux appréhender et prévenir de telles dérives.
Quels profils psychologiques et idéologiques se cachent derrière les auteurs de violences extrémistes solitaires ?
Copeland et Auvinen se percevaient comme des figures quasi divines, s’arrogeant le droit de sélectionner, à la manière d’un darwinisme social autoproclamé, ceux qui méritaient ou non de vivre. Ils s’appuyaient pour cela sur leur propre lecture des dysfonctionnements de la société. À la frontière de l’âge adulte, ces individus en quête de structure s’enracinèrent dans une idéologie fasciste perçue comme refuge. Auvinen, en particulier, se distinguait par un discours introspectif et une profondeur philosophique manifeste. Son recours à une violence extrême fut préparé avec une précision méthodique. La construction d’ennemis symboliques — figures projetées de la déshumanisation raciste — lui fut indispensable pour légitimer l’explosion de cette violence.
Auvinen et Pettersson illustrent ce que l’on qualifie parfois de « tuerie en état d’amok », une forme de passage à l’acte dans laquelle le massacre est prémédité, planifié jusque dans les moindres détails, y compris leur propre suicide. Mais leur action ne s’arrête pas à un accès de rage : elle porte une charge politique assumée, inscrite dans une radicalisation opérée dans les espaces numériques. Pettersson, lui, choisissait délibérément des victimes issues de l’immigration. Ils s’inscrivent dans une lignée d’acteurs solitaires de l’extrême droite tels que Breivik ou Sonboly.
Face à de tels actes, l’observateur se demande : « Quel genre d’individus sont capables d’un tel passage à l’acte ? » En réalité, bien que très hétérogènes, ces profils partagent des caractéristiques fondamentales. La quasi-totalité manifeste une relation perturbée à la sexualité, à l’altérité, souvent marquée par le rejet. Échecs scolaires, isolement social, troubles affectifs ou familiaux dessinent un arrière-plan commun. Les « Turner Diaries », œuvre de référence de l’extrême droite américaine, figurent presque systématiquement dans leurs bibliothèques. Nombre d’entre eux ont tenté un parcours thérapeutique, avec des issues limitées.
Leur action est marquée par une brutalité froide, sans affect. On note un éventail de techniques allant de l’attaque au couteau à la fabrication d’explosifs. Rien n’est improvisé : la préparation peut s’étendre sur plusieurs années. Les victimes sont objectivées, réduites à un chiffre. Le choix des cibles — souvent des personnes perçues comme étrangères — s’inscrit dans une stratégie de délégation de haine. Il s’agit de frappes indirectes contre des symboles de transformation sociale. Le message idéologique, bien que parfois opaque ou délirant, est toujours présent.
Chez tous ces acteurs, le repli est manifeste dans la phase de préparation : isolement social, rupture des liens, désengagement du réel. Ils présentent tous des traits de personnalité schizoïde : retrait affectif, pauvreté relationnelle, imagination envahissante, froideur émotionnelle. Leur empathie est déficiente ; ils ne peuvent ni percevoir l’altérité ni comprendre les réactions des autres. Leur narcissisme, souvent masqué, se construit sur un vide intérieur ou sur une posture de révolte impatiente. Ce narcissisme solitaire est profondément lié à un sentiment chronique de solitude.
Les désordres de la personnalité s’insèrent dan
Comment comprendre et prévenir la violence extrémiste au-delà des catégorisations politiques ?
Nous faisons face à un enjeu crucial : préserver la liberté tout en maintenant l’ordre dans nos sociétés, menacées par des individus cherchant à les déstabiliser. Ce défi dépasse la simple responsabilité de l’État, qui doit repenser sa conception d’une démocratie résiliente. La société civile doit aussi se renforcer pour résister à la brutalisation et à la barbarisation croissante. Il ne s’agit pas seulement de réagir aux actes violents une fois perpétrés, mais d’adopter une prévention intégrée, collective, capable de contrer la « propagande de l’acte » qui incite à l’imitation et à la radicalisation.
Une dimension fondamentale reste trop longtemps occultée : la prise en compte des troubles psychologiques dans l’analyse de ces phénomènes. Le tabou social autour des maladies mentales a longtemps empêché leur inclusion dans l’étude des actes extrêmes, alors même qu’une part importante des auteurs planifient leur violence dans un état intérieur de profonde frustration, souvent accompagné de troubles psychiques. Ces désordres, combinés à une idéologie raciste, offrent une explication partielle mais essentielle. La haine raciale agit comme un paravent idéal derrière lequel se dissimule un mal-être personnel, un mal-être exploité pour délégitimer l’autre et exprimer une agressivité latente.
L’exemple de David Sonboly illustre ces dynamiques complexes. Cinq ans après les meurtres perpétrés par Breivik, Sonboly a commis un massacre à Munich, où neuf personnes ont perdu la vie. Le changement de son prénom, passant d’Ali à David peu avant son acte, symbolise sa volonté d’adopter une identité allemande, rejetant ses origines migratoires tout en nourrissant une haine farouche contre les migrants. Pourtant, les autorités ont hésité à qualifier son acte de terrorisme d’extrême droite, préférant insister sur des motifs personnels, comme des rancunes scolaires, ou des troubles psychiques, évitant ainsi une reconnaissance claire de la nature politique de l’acte.
Cette posture officielle soulève des interrogations majeures sur la manière dont les institutions interprètent et communiquent ces violences. En excluant une dimension idéologique, elles minimisent la menace que représente l’extrême droite, contribuant à une méconnaissance et à une sous-estimation de ce danger. La communication publique a également amplifié la panique, avec une médiatisation précipitée et parfois erronée, mêlant rumeurs et spéculations sur des attentats islamiques, détournant ainsi l’attention du profil réel de l’auteur et de la nature de son acte.
Il est crucial de reconnaître que les violences d’extrême droite peuvent prendre des formes hybrides, mêlant souffrance psychologique et radicalisation idéologique. La difficulté à intégrer ces dimensions dans une analyse cohérente conduit à des réponses fragmentaires, insuffisantes pour enrayer la répétition de telles tragédies. Ce constat impose une évolution de la pensée politique et sociale : une démocratie forte doit se doter d’outils pour identifier précocement ces profils à risque, en alliant surveillance des idéologies haineuses et prise en charge adaptée des troubles mentaux.
La prévention doit également être collective, mobilisant non seulement les services de sécurité mais aussi l’ensemble des acteurs sociaux, éducatifs et médicaux, afin de créer un front uni contre la montée des extrémismes et la stigmatisation de la santé mentale. Enfin, la société civile doit développer une résilience active, en cultivant des valeurs de solidarité et de respect de la diversité, pour ne pas laisser le terrain libre à la barbarie et à l’exclusion.
Comprendre ce phénomène demande donc d’abandonner les catégorisations simplistes, pour embrasser la complexité des motivations, tout en affirmant une vigilance constante face aux discours haineux. Cette approche intégrée est indispensable pour préserver la liberté et la sécurité dans une société pluraliste.
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