Le ditellurure de tungstène (WTe₂) présente deux principales phases structurales aux propriétés distinctes, révélant la richesse des polymorphes dans les matériaux bidimensionnels à base de métaux de transition. La phase 2H de WTe₂ possède une symétrie hexagonale similaire à celle de 2H-MoS₂ et 2H-WSe₂, où les atomes de tellure supérieurs et inférieurs sont liés à un atome central de tungstène, formant un agencement prismatique trigonal. Cette configuration confère une répartition régulière des atomes dans le plan, avec des longueurs de liaison homogènes et un espacement constant entre les atomes de tungstène.

À l’opposé, la phase Td (orthorhombique) de WTe₂ s’apparente à la polytype 1T, caractérisée par un renversement des couches de tellure supérieur et inférieur, engendrant une coordination octaédrique centrée sur le tungstène. Cette particularité structurelle entraîne un déplacement notable des atomes de tungstène, réduisant la distance métal-métal à l’intérieur du plan, conséquence d’un fort couplage inter-métallique. Ce déplacement crée une chaîne en zigzag irrégulière le long de l’axe a, tandis que l’espacement entre les atomes de tungstène le long de l’axe b varie significativement, contrastant avec la régularité observée dans la phase 2H. Cette complexité structurelle influence non seulement les propriétés électroniques, mais aussi la dynamique vibrationnelle, comme en témoignent les analyses Raman qui révèlent un décalage des pics spectroscopiques en fonction de l’épaisseur des couches, notamment un déplacement vers le bleu des modes caractéristiques lors de l’amincissement du matériau.

La synthèse des ditellurures bidimensionnels, en particulier du MoTe₂ et du WTe₂, repose principalement sur deux approches : la méthode top-down, incluant l’exfoliation mécanique, et la méthode bottom-up, principalement la déposition chimique en phase vapeur (CVD). L’exfoliation mécanique, initiée par Novoselov et al., consiste en une séparation répétée de couches minces à l’aide de ruban adhésif, tirant profit des forces de Van der Waals faibles entre les plans pour isoler des feuillets mono- ou pluri-couches. Cette méthode, bien que rapide, économique et peu destructive, souffre d’une faible reproductibilité en termes de taille et d’épaisseur des flocons obtenus, ce qui limite son usage à la recherche fondamentale.

En revanche, la CVD offre un contrôle supérieur sur la croissance de films minces uniformes, avec une épaisseur et une morphologie modulables, facilitant ainsi l’intégration dans des dispositifs électroniques ou optiques. Ce procédé repose sur la réaction chimique entre des précurseurs vaporisés et un substrat, aboutissant à la formation d’un film cristallin en surface. Les paramètres tels que la température, la nature des précurseurs et la pression influencent la phase cristalline obtenue. Par exemple, la synthèse de MoTe₂ en phases 2H ou 1T′ peut être modulée par la sélection des précurseurs et des conditions thermiques. L’utilisation de MoCl₅ favorise la phase 2H tandis que l’emploi de Mo métallique sous certaines températures permet l’obtention de la phase 1T′.

Des méthodes complémentaires telles que le transport chimique en phase vapeur (CVT) et l’exfoliation liquide ont également été explorées, chacune présentant des avantages spécifiques. Le CVT utilise des transporteurs chimiques pour déplacer le matériau source vers une zone de croissance, permettant la formation de monocristaux. L’exfoliation liquide, employant des agents tensioactifs comme le déoxycholate de sodium, permet d’obtenir des suspensions stables de couches minces, intéressantes pour des applications photoniques telles que les absorbeurs saturables dans les lasers ultrarapides.

Il est crucial de comprendre que la qualité structurale et les propriétés fonctionnelles des matériaux bidimensionnels dits tellurides sont intrinsèquement liées à leur méthode de synthèse. Les propriétés chimiques, électriques, mécaniques et optiques varient avec la phase cristalline, l’épaisseur et la pureté des couches, éléments directement influencés par le choix de la technique de fabrication. Par conséquent, pour envisager des applications technologiques, une maîtrise fine des paramètres de synthèse est indispensable afin d’assurer la reproductibilité et la performance des dispositifs intégrant ces matériaux.

Par ailleurs, les interactions interatomiques spécifiques dans les phases Td et 2H, notamment la formation des chaînes en zigzag et la modulation des longueurs de liaison, modulent fortement la structure électronique et la réponse vibratoire des matériaux. Ces caractéristiques complexes doivent être considérées lors de l’interprétation des résultats spectroscopiques et de la conception de dispositifs exploitant les propriétés anisotropes ou topologiques des ditellurures de métaux de transition.

Quels rôles jouent les matériaux dichalcogénures de métaux de transition (TMDs) dans la science contemporaine des matériaux bidimensionnels ?

L’exploration des dichalcogénures de métaux de transition (TMDs) comme MoS₂, WS₂, ou encore WTe₂, s’inscrit dans un paysage scientifique dominé par la quête de matériaux bidimensionnels aux propriétés exceptionnelles. Ces composés, formés d’un plan métallique (Mo, W, Ti, etc.) pris en sandwich entre deux plans de chalcogènes (S, Se, Te), révèlent des structures cristallines polymorphes qui induisent des transitions de phase électroniques et structurales, déclenchées par des stimuli tels que la température, la pression, la tension ou le dopage.

Les publications récentes ont révélé une gamme étendue de comportements électroniques dans les TMDs : semi-conducteurs, semi-métaux, isolants topologiques ou encore supraconducteurs. Par exemple, dans certains polymorphes du MoTe₂ ou du WTe₂, des transitions entre phases 2H, 1T, et 1T’ ont été observées, donnant lieu à des états topologiques exotiques comme les fermions de Weyl ou les isolants quantiques de spin. Le contrôle de ces phases, via des techniques telles que le cisaillement mécanique, le dopage ionique ou la croissance assistée par substrat, ouvre des perspectives considérables pour l'ingénierie des états quantiques.

La spectroscopie Raman a joué un rôle central dans la caractérisation de ces matériaux. Par l’analyse fine des modes vibrationnels (E²g, A¹g, etc.), elle permet de distinguer les polymorphes, d’estimer le nombre de couches, ou encore de suivre des transitions de phase in situ. Des signatures spectrales spécifiques ont été observées dans les phases monocouches comparées à leurs équivalents massifs, notamment un déplacement fréquent des pics Raman dû à la diminution des interactions interplanaire et à l'effet confinement.

Les travaux théoriques basés sur la densité fonctionnelle ont permis de prédire les diagrammes de phases, les courbures de bande, les propriétés magnétiques et les effets spin-orbite dans les TMDs. La coexistence de bandes non dégénérées et d’un couplage spin-orbite élevé dans certains dichalcogénures (comme WSe₂) rend ces matériaux particulièrement prometteurs pour le développement de l’électronique spintronic ou de l’optoélectronique à spin polarisé.

L’intérêt technologique ne se limite pas aux propriétés quantiques. La haute mobilité des porteurs de charge dans des systèmes comme le MoS₂, combinée à une grande stabilité chimique et à une compatibilité avec les procédés de la microélectronique, a accéléré leur intégration dans des dispositifs tels que les transistors à effet de champ (FETs), les photodétecteurs, les cellules solaires ou les dispositifs à mémoire non volatile. De plus, la réponse non linéaire de second ordre, observable dans des structures sans centre d’inversion comme WS₂, ouvre un nouveau champ dans la photonique intégrée et la génération d’harmoniques.

Les TMDs émergent également comme plateformes idéales pour l’étude des phénomènes collectifs en régime 2D, notamment l'existence de condensats d'excitons, de charge density waves (CDWs), et la possibilité de supraconductivité dans des monocouches dopées ou intercalées. Ces états, traditionnellement associés aux systèmes massifs fortement corrélés, prennent ici une dimension nouvelle dans le contexte bidimensionnel, où la réduction de la dimensionnalité accentue les effets quantiques.

Outre les monocouches, les hétérostructures van der Waals formées par l’empilement contrôlé de différentes couches TMDs offrent une modularité fonctionnelle sans précédent. En contrôlant les angles de rotation entre couches (twistronics), il devient possible de manipuler les corrélations électroniques, créant ainsi des isolants de Mott, des états plats de bande ou des phases topologiques corrélées. Des expériences pionnières sur des hétéostructures MoSe₂/WSe₂ ont déjà révélé des excitons intercalaires fortement liés et des comportements quantiques collectifs à te

Quelle est l'efficacité des photocathodes à base d'oxyde pour la génération de H2 et comment les améliorer ?

Les matériaux semi-conducteurs à base d'oxydes ont montré un potentiel considérable pour la génération de gaz hydrogène dans les dispositifs photoélectrochimiques (PEC). Par exemple, un dispositif à tandem de type STH a atteint une efficacité d'environ 3 %, un record pour des dispositifs à tandem non biaisés composés uniquement de matériaux à base d'oxydes. Parmi ces matériaux, le CuBi2O4, un semi-conducteur de type p, est particulièrement prometteur en raison de sa disponibilité sur Terre et de son faible niveau de toxicité. Son large potentiel est dû à un bandeau optique étroit (Eg de 1,75 eV), ce qui en fait un candidat intéressant pour des applications pratiques dans la génération d'hydrogène.

Cependant, malgré son potentiel théorique important, CuBi2O4 n'a pas encore montré de performances suffisantes dans la réponse de densité de courant photoélectrochimique (Δjph) pour la génération de H2. En effet, les films de CuBi2O4 n'ont atteint qu'un Δjph de −0,48 mA cm−2 à 0 V par rapport à RHE dans une solution de Na2SO4 (pH = 6,4), loin des limites théoriques estimées. Plusieurs facteurs limitent son efficacité dans ce contexte, notamment la photocorrosion et la mauvaise mobilité des porteurs de charges dans le matériau, ainsi qu'à l'interface CuBi2O4|électrolyte.

Pour atténuer ces problèmes, différentes stratégies ont été explorées. Une des plus prometteuses a été l'utilisation de couches tampon, comme le CdS, le BiVO4 ou le Ga2O3, entre les films de CuBi2O4 et une couche protectrice de TiO2. Dans une étude menée par Song et al. [69], la couche tampon de CdS a permis d'améliorer la réponse photoélectrochimique, atteignant un Δjph de −1 mA cm−2 à 0 V par rapport à RHE lorsque combinée à TiO2 et à un cocatalyseur RuOx (CuBi2O4/CdS/TiO2/RuOx). L'absence de trous piégés dans la structure hétérogène avec CdS a joué un rôle clé dans cette amélioration, en favorisant une meilleure réponse Δjph.

Des approches supplémentaires ont été proposées pour améliorer la stabilité et la photoélectroactivité des films de CuBi2O4 pour la génération d'hydrogène. Par exemple, Pulipaka et al. [70] ont déposé une fine couche de CuBi2O4 sur des films de cuivre(II) oxyde (CuO), qui ont été déposés sur des substrats de fluorine-dopé oxyde d'étain (FTO) par électrophorèse suivie d'un recuit. Ce système CuO/CuBi2O4 a montré une meilleure stabilité et une plus grande efficacité photoélectrochimique, avec un Δjph de −0,9 mA cm−2 à 0,1 V par rapport à RHE. Les chercheurs ont attribué cette amélioration à un contact intime entre les deux matériaux, ce qui a facilité le transport des porteurs de charges.

Une autre stratégie prometteuse repose sur l'utilisation de structures hétérogènes à deux dimensions (2D). Mony et al. [71] ont observé que la structure CuBi2O4/CuO dans une configuration 2D avait une réponse Δjph significativement améliorée (−1,49 mA cm−2 à 0,6 V par rapport à RHE), avec des valeurs allant jusqu'à −1,87 mA cm−2 après un traitement d'anodisation. Ce résultat a été expliqué par un effet synergétique dû à une surface plus grande, une distance réduite de transfert de charge dans la structure 2D et une meilleure conductivité.

Outre les structures hétérogènes, des modifications de surface ont également montré des résultats prometteurs. Par exemple, l'utilisation d'un substrat FTO recouvert d'or pour déposer le film de CuBi2O4 a permis d'améliorer la réponse Δjph. Une réponse encore plus élevée a été obtenue en modifiant la surface avec des nanoparticules de Pt en tant que cocatalyseur. De même, le dopage de CuBi2O4 avec des ions Ag, comme le montre l'étude de Kang et al. [73], a permis d'augmenter la concentration de trous dans le matériau et, par conséquent, d'améliorer la réponse photoélectrochimique pour la réduction de l'oxygène et de l'eau.

Cependant, bien que ces différentes approches aient permis d'améliorer l'efficacité de CuBi2O4 pour la génération d'hydrogène, un certain nombre de défis subsistent, notamment la photocorrosion, la lenteur du transfert d'électrons interfacial et la nécessité de maintenir une performance stable sur de longues périodes. Par exemple, même dans une configuration tandem, où le CuBi2O4 est combiné avec un photoanode à base de BiVO4, la photocorrosion reste un problème majeur. Les dispositifs tandem nécessitent souvent un biais externe pour générer suffisamment de H2, malgré les efforts pour atténuer la photocorrosion avec des couches protectrices.

Il est crucial de continuer à optimiser le transfert de charge et la séparation des charges dans les photocathodes, tout en améliorant leur stabilité à long terme. L'assemblage de dispositifs tandem avec des matériaux photoanodiques plus efficaces et la mise au point de nouvelles structures hétérogènes sont des axes de recherche importants pour atteindre une efficacité optimale dans la conversion solaire de l'eau en hydrogène.

Comment les photocathodes à base de sulfures et de chalcopyrites contribuent à la génération d'hydrogène dans les cellules PEC

Les matériaux semi-conducteurs à base de sulfures et de chalcopyrites suscitent un intérêt considérable dans le domaine de la génération d'hydrogène par électrolyse photoélectrochimique (PEC). Parmi ces matériaux, le Sb2S3 (disulfure d'antimoine) a attiré l'attention en raison de ses propriétés photoélectrochimiques prometteuses. Cependant, pour exploiter pleinement son potentiel, divers traitements et modifications sont nécessaires pour améliorer ses performances, en particulier en ce qui concerne la génération d'hydrogène à partir de l'eau.

L'un des principaux défis réside dans l'optimisation de la réponse photoélectrochimique des photocathodes en utilisant des traitements tels que le traitement au plasma ou l'ajout de couches et de co-catalyseurs. Par exemple, il a été observé qu'après un traitement plasma de courte durée, les films de Sb2S3 montrent une amélioration notable de leurs propriétés de contact de surface avec l'électrolyte, ce qui facilite le transfert d'électrons. En parallèle, l'ajout de nanoparticules de NiS et d'une couche de NiO sur les films de CuInS2, un autre composé chalcopyrite, a conduit à une augmentation substantielle de la densité de courant photoélectrochimique (Δjph), atteignant 175% de plus que celle d'un photocathode simple en CuInS2.

Les chalcopyrites à base de cuivre, comme le CuInS2 et le CIGS (Cu(In,Ga)Se2), possèdent des avantages optiques notables, notamment une large bande interdite optique, ce qui leur permet d'absorber efficacement la lumière visible et même proche infrarouge. Ces matériaux présentent également une conductivité intrinsèquement de type p, ce qui les rend idéaux pour être utilisés comme photocathodes dans les cellules PEC. Dans une étude de Liu et Zhou, le photocathode NiO/CuInS2/NiS a montré une réponse photoélectrochimique améliorée, due à un effet synergique entre les nanoparticules de NiS et la couche de NiO, ce qui permet une extraction plus rapide des trous photogénérés.

Les chalcopyrites ne sont pas les seuls matériaux semi-conducteurs étudiés dans le cadre de la PEC. Les matériaux de type kesterite, tels que le CZTS (Cu2ZnSnS4), montrent également un grand potentiel. Ce matériau présente une bande interdite optique étroite de 1,5 eV et une absorption efficace dans une large gamme du spectre solaire. Sa conductivité intrinsèquement de type p en fait également un candidat idéal pour la génération d'hydrogène. Un progrès important dans l'amélioration des photocathodes à base de CZTS a été réalisé avec l'ajout de couches tampon en CdS et la modification avec des nanoparticules de Pt. Cette combinaison a permis d'atteindre une densité de courant photoélectrochimique de −17,2 mA cm−2 à 0 V versus RHE, ce qui correspond à une efficacité de conversion solaire de l'ordre de 3,5 %. Cette amélioration a été attribuée à la présence de structures de TiO2-NB qui facilitent la séparation et le transfert des électrons photogénérés.

Une autre approche intéressante consiste à remplacer partiellement le cuivre par de l'argent dans les photocathodes à base de CZTS, ce qui améliore encore les propriétés à l'interface avec le CdS et réduit certains défauts d'interface. L'introduction de nanoparticules de MoSx comme co-catalyseur dans les systèmes CZTS a également montré une amélioration significative de la stabilité et de l'efficacité à long terme des photocathodes dans des solutions aqueuses neutres.

Enfin, des travaux récents ont également exploré l'utilisation d'autres matériaux semi-conducteurs à base de sulfure, tels que le CuInS2 et le Sb2S3, pour créer des photocathodes plus efficaces. Par exemple, la modification de la surface des films de CuInS2 avec une couche de CdS et des nanoparticules de Pt a permis d'atteindre une Δjph de −6,8 mA cm−2 à 0 V versus RHE, ce qui représente une amélioration substantielle par rapport aux films non modifiés.

Il est important de noter que, malgré ces avancées, de nombreux défis demeurent en matière de stabilité à long terme et de coûts de production de ces matériaux. L'amélioration continue de la performance des photocathodes pour la génération d'hydrogène nécessite de nouveaux développements dans la conception des matériaux, leur traitement de surface, ainsi que l'intégration de co-catalyseurs efficaces. L'application de ces technologies pourrait constituer une solution durable pour la production d'hydrogène à partir de l'eau en utilisant uniquement l'énergie solaire.