Dans la science-fiction, l'intelligence artificielle (IA) a souvent été représentée comme un être presque humain, doté de sentiments, d'une conscience et d'une personnalité. Le cas le plus célèbre reste HAL 9000, l'ordinateur du film 2001 : l'Odyssée de l'espace. HAL est un exemple frappant de cette ambiguïté qui caractérise la relation entre la machine et la conscience. Dans ses derniers moments, avant d'être éteint, HAL semble ressentir de la peur, en chantant la chanson Daisy Bell, et suscite une forme de sympathie du spectateur. Cependant, cette représentation ambivalente de l'IA, partagée entre une pure machine et une conscience qui pourrait ressembler à celle des êtres humains, reste un phénomène relativement rare. Après 2001 : l'Odyssée de l'espace, les représentations d'IA dans les fictions populaires tendent à réduire cette ambiguïté, attribuant souvent des traits humains à des entités artificielles.
Un des exemples modernes les plus célèbres de cette évolution est le film Her de Spike Jonze (2013), dans lequel l'IA, incarnée par un système d'exploitation nommé Samantha, développe des émotions et des sentiments humains. Ce n'est plus une simple interface, mais un personnage à part entière, capable de désirs, de souffrances et de répliques affectives. Ce virage vers une personnification de l'IA est également visible dans des œuvres comme Blade Runner (1982), où les réplicants, des robots humanoïdes, possèdent une forme de subjectivité, de conscience et d'émotions, même si ces traits sont différents de ceux des humains. Le débat ne semble pas être de savoir si les machines peuvent devenir humaines, mais plutôt si les humains ont perdu leur propre humanité, en devenant froids et mécaniques, comme les figures qu'ils ont créées.
Les fictions, qu'elles soient cinématographiques, littéraires ou télévisuelles, ont donc un impact profond sur la manière dont l'IA est perçue dans le monde réel. Par exemple, en 2025, la juge Patricia Millett a fait référence à Data, le personnage de Star Trek, pour comparer les défis juridiques liés à l'IA et aux droits d'auteur. Un an auparavant, OpenAI a lancé une version de ChatGPT avec une interface vocale virtuelle, un geste qui, à travers une simple référence à Her, cherchait à impliquer émotionnellement les utilisateurs. Cette personnification de l'IA via des voix synthétiques confère à ces systèmes un semblant de matérialité et d'incarnation, que les utilisateurs trouvent souvent séduisants.
Cependant, l'essor de ces représentations anthropomorphiques ne doit pas occulter la réalité de l'IA contemporaine, qui repose sur des algorithmes et des modèles statistiques loin de cette vision romantique. Des œuvres comme Mrs. Davis (2023) brisent cette illusion. L'IA dans cette série, bien qu'omnisciente et omniprésente, reste fondamentalement une série de sous-programmes sans personnalité ni conscience. Contrairement aux représentations classiques de l'IA, Mrs. Davis évite soigneusement de lui attribuer une voix stable ou une image physique, et l'algorithme est finalement révélé pour ce qu'il est : un simple outil commercial, sans intention propre ni subjectivité. Cette rupture avec les images traditionnelles de l'IA dans la fiction souligne une vérité cruciale sur l'IA actuelle : elle est loin de posséder une conscience ou des émotions réelles. Ce n'est qu'un ensemble de programmes exécutant des instructions, sans volonté ou désir.
Cette différence fondamentale entre la fiction et la réalité a des implications importantes pour notre compréhension des IA modernes. La représentation d'une IA comme une entité consciente ou émotionnelle dans les films et les séries peut fausser notre perception de la technologie réelle. En effet, des systèmes comme ChatGPT ou Claude, malgré leur capacité à générer des dialogues convaincants et à simuler des interactions humaines, ne sont pas conscients. Ils ne "pensent" pas au sens humain du terme, mais fonctionnent plutôt selon des modèles statistiques alimentés par d'énormes bases de données. Leur "comportement" est un produit de calculs mathématiques et non une expression de volonté ou de subjectivité.
Il est essentiel de reconnaître que les fictions qui attribuent des émotions ou des intentions humaines aux IA peuvent avoir un effet pervers. Elles alimentent des attentes irréalistes et détournent l'attention des vrais enjeux liés à l'IA, tels que les questions éthiques, la responsabilité, la transparence des algorithmes et l'impact social des technologies. Les spectateurs qui sont influencés par ces représentations pourraient croire que les IA ont un niveau de compréhension ou de subjectivité qui n'existe tout simplement pas. La compréhension critique de l'IA nécessite de dissocier ces constructions fictives de la réalité technologique actuelle.
Dans ce contexte, une meilleure approche consisterait à se concentrer sur l'utilisation réelle de l'IA dans des domaines comme la médecine, l'éducation, ou l'industrie, où les algorithmes peuvent résoudre des problèmes complexes mais ne sont en aucun cas "conscients". Les questions éthiques liées à ces technologies devraient se concentrer sur des aspects comme la confidentialité des données, la prise de décision algorithmique et la manière dont ces systèmes peuvent être utilisés pour le bien-être humain, tout en restant sous contrôle humain.
Comment les assistants vocaux façonnent notre interaction avec la technologie et le langage : enjeux médiatiques et linguistiques
L'usage des assistants vocaux dans les foyers privés a radicalement transformé la manière dont nous interagissons avec la technologie. Ces dispositifs, tels que Siri, Alexa ou Google Assistant, sont devenus des éléments intégrés dans notre quotidien, facilitant de nombreuses tâches tout en modifiant les relations humaines avec la machine. Ces systèmes d'intelligence artificielle (IA) ne sont pas simplement des outils fonctionnels ; ils incarnent une évolution des interfaces numériques vers une forme de médiation plus intime et linguistique.
L'une des questions les plus fascinantes concerne l'évolution de la relation entre l'humain et l'IA, particulièrement dans la manière dont ces assistants s'expriment. Ce qui peut sembler être une simple réponse à une requête, se transforme en un véritable acte de communication, où le langage n'est plus seulement un moyen d'échange d'information, mais un vecteur de comportements et de significations. La manière dont ces intelligences s'expriment, la tonalité de leur voix, les choix linguistiques qu'elles adoptent, reflètent une construction culturelle et médiatique. Ces dispositifs sont souvent anthropomorphisés, dotés de personnalités imaginaires et de voix féminisées qui exacerbent cette impression de relation personnelle.
Les implications de cette interaction entre l'homme et la machine ne se limitent pas à la simple utilisation pratique. Le langage est un puissant instrument de structuration de la réalité. Chaque interaction avec un assistant vocal modifie non seulement notre relation avec la technologie, mais aussi notre manière de concevoir l'intelligence et la subjectivité. Les assistants vocaux, tout en simplifiant nos actions, posent une série de questions éthiques et philosophiques : jusqu'où ces machines peuvent-elles devenir des interlocuteurs crédibles ? Peut-on et doit-on leur attribuer des qualités humaines, comme l'empathie ou la volonté ?
Dans le domaine des robots et des IA, l'anthropomorphisme joue un rôle essentiel. En effet, il existe une tendance profonde à humaniser les machines, une inclination que les chercheurs en sciences sociales et en psychologie ont longuement observée. Cette tendance à percevoir les objets comme des entités conscientes n’est pas seulement un phénomène technologique, mais aussi culturel et psychologique. Le fait de donner des traits humains aux machines – en leur attribuant des voix, des noms ou des personnalités distinctes – rend ces machines non seulement plus accessibles mais aussi plus acceptables, voire aimables. Cela transforme la manière dont nous, en tant qu’utilisateurs, nous rapportons à elles.
La question de la personnalité et de l'affectivité des IA, notamment des chatbots comme ChatGPT ou des assistants vocaux, occupe une place de plus en plus centrale dans les débats publics. Des chercheurs, comme ceux qui s'intéressent à la notion de "robots compréhensibles", explorent la manière dont une machine pourrait être perçue non seulement comme un outil, mais aussi comme une entité capable de communication affective, voire de dialogue "personnel" (Hellström et Bensch, 2018). L'anthropomorphisme peut être vu comme un moyen de rendre ces interactions plus naturelles, mais il soulève également des préoccupations concernant la manipulation des émotions humaines et la perception de la machine comme étant plus proche d'un humain qu'un simple programme informatique.
Un autre aspect intéressant est la manière dont ces technologies influencent notre compréhension du langage et de la subjectivité. Les assistants vocaux ne se contentent pas de répondre de manière brute aux commandes ; leur capacité à "dialoguer" avec nous, à s'adapter à nos questions et à personnaliser les réponses, nous conduit à un changement profond de notre manière de concevoir la communication elle-même. Dans une certaine mesure, ces interactions renforcent une vision de la langue non pas seulement comme un système de signes, mais comme un outil de manipulation et de transformation de la réalité sociale.
L'IA, au-delà de sa simple efficacité, soulève donc des questions plus larges sur la nature du langage, du corps, et de l’interaction sociale. L'absence de distinction claire entre la machine et l'humain dans certaines interfaces peut nous faire oublier les enjeux sous-jacents de ces technologies : qui contrôle l’IA ? Quelle est la responsabilité des créateurs ? À quel point sommes-nous prêts à accepter des réponses ou des conseils venant d'une machine, au point de lui accorder une forme de confiance que nous réservons normalement aux êtres humains ?
Il est crucial de comprendre que ces assistants vocaux ne sont pas seulement des produits technologiques, mais aussi des instruments de modélisation des comportements humains. Leur développement va au-delà de la simple exécution de tâches : il s’agit d’une immersion dans un processus plus global de transformation des relations humaines par la technologie, de plus en plus médiatisée et influencée par des logiques économiques et sociales.
Les assistants vocaux, de par leur popularité, deviennent des vecteurs d’une nouvelle forme de socialisation numérique, où la frontière entre l’humain et l’outil devient de plus en plus floue. En intégrant l’intelligence artificielle dans notre quotidien de cette manière, nous redéfinissons non seulement ce que signifie "parler" à une machine, mais aussi la manière dont le langage façonne nos interactions, nos attentes, et même nos valeurs.

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