Le néolibéralisme, à travers ses discours et ses institutions, s'attaque directement aux concepts de communauté, de responsabilité collective et d'action politique. Ce système met l'accent sur l'individu en tant que sujet autonome et indépendant, loin de toute forme d'engagement social ou collectif. Les idées néolibérales s'immiscent dans tous les aspects de la vie quotidienne, modifiant les perceptions et réinterprétant des notions clés comme le rôle du citoyen, l'engagement civique et la responsabilité envers le bien-être collectif. Ce processus se fait souvent sous couvert de valeurs telles que la liberté personnelle ou l'efficacité individuelle. L'idéologie néolibérale transforme des actions sociales perçues comme collectives, comme l'accès universel à la santé ou la protection de l'environnement, en initiatives individuelles ou même en obstacles à la liberté, souvent par des discours qui rejettent ce qui est qualifié de "socialisme".
Une des manifestations les plus visibles de cette tendance est la manière dont le néolibéralisme remodèle le langage. Le discours politique et médiatique se charge ainsi d'instrumentaliser le langage pour servir des intérêts individuels, tout en effaçant les frontières entre faits et opinions. Dans cette reconfiguration, l'expertise scientifique et l'opinion publique se trouvent souvent mises sur le même pied, sous prétexte que toutes les voix doivent être considérées de manière égale. Ce phénomène se retrouve notamment dans des contextes où des connaissances spécialisées sont non seulement ignorées, mais activement mises en doute, donnant naissance à des mouvements comme le déni du changement climatique ou l'anti-vaccination, où les faits scientifiques sont perçus comme des opinions parmi d'autres.
L’un des aspects les plus intéressants de ce processus est l’usage du scepticisme. Le néolibéralisme, en instaurant un marché idéologique où toutes les opinions se valent, contribue à un flou entre les faits et les croyances personnelles. Ce scepticisme ne se limite pas à l’ignorance des vérités scientifiques, mais devient une force active qui mine la légitimité des institutions et des experts, tout en valorisant l'individualisme. Il devient possible de reléguer toute expertise à une simple question d’opinion, que ce soit celle d’un scientifique, d’un politicien ou d'une célébrité. Ainsi, dans des débats publics, des opinions dénuées de fondements factuels sont souvent considérées sur un pied d’égalité avec des recherches rigoureusement validées, ce qui affaiblit la crédibilité des institutions collectives et renforce la tendance à une vision fragmentée de la société.
Une des applications les plus dramatiques de cette dynamique se retrouve dans les discours de leaders politiques, qui, sous le prétexte de défendre la liberté individuelle, réarticulent des discours qui détournent la responsabilité collective. Prenons l’exemple de l’attitude de Donald Trump face à la pandémie de COVID-19. Ses appels à une réaction volontaire face à la crise sanitaire, comme l'incitation à porter un masque, illustrent comment un discours apparemment neutre peut, en réalité, éviter toute incitation à l'action collective. Contrairement à l’exemple d’un individu criant "Au feu !" dans un théâtre, où il est clairement attendu une réaction immédiate de la part des auditeurs, Trump n’a pas cherché à forcer une réponse collective ou même une réponse cohérente à la situation de crise. Au contraire, il a invité ses auditeurs à considérer la réaction comme une option personnelle, un choix libre, plutôt que de prendre part à une action commune face à un danger.
Ce phénomène peut être compris à travers la théorie des actes de parole, notamment celle de J. L. Austin, qui distingue entre actes illocutoires et perlocutoires. Les actes illocutoires sont ceux qui accomplissent directement une action par leur énoncé, comme dans le cas d’un officiant qui prononce un mariage. À l'inverse, les actes perlocutoires, comme une injonction judiciaire ou une décision politique, déclenchent une série d'actions qui doivent ensuite se concrétiser au travers de processus institutionnels complexes. Cependant, ces actes perlocutoires deviennent de plus en plus flous dans un environnement marqué par l’interpolation, un concept proposé par Louis Althusser, qui décrit comment certaines énonciations agissent comme des appels à l’action et définissent les relations entre celui qui parle et celui qui est "interpellé", tout en étant toujours médiées par des idéologies spécifiques.
Ce phénomène d'interpolation devient particulièrement significatif lorsque les actes de parole ne sont plus vus comme des moyens de communiquer des faits ou de provoquer une réaction sociale immédiate, mais comme des moyens d'orienter l’opinion publique dans une direction particulière. Les discours politiques, loin de répondre à des nécessités objectives, sont souvent utilisés pour manipuler les perceptions et consolider des positions de pouvoir, tout en masquant l’idéologie sous-jacente.
Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre que le langage n’est pas simplement un outil de communication neutre, mais un champ de bataille idéologique où des forces sociales et politiques se jouent. À travers des discours qui réarticulent la société autour de l’individu isolé, le néolibéralisme parvient à redéfinir des concepts fondamentaux tels que la responsabilité collective, l’engagement civique, et même la vérité elle-même. En relativisant la notion de fait et d’opinion, il devient difficile de discerner les vérités objectives des croyances personnelles, exacerbant ainsi les divisions sociales et politiques.
La Politique de l'Indifférence : La Gestion Raciale et Politique de la Pandémie de COVID-19 aux États-Unis
Dès le début de la pandémie de COVID-19, une division marquée s'est instaurée entre les États gouvernés par les démocrates, appelés "bleus", et ceux gouvernés par les républicains, appelés "rouges". Ce clivage politique s'est rapidement doublé d'une dimension raciale et sociale, façonnant la réponse du gouvernement et du discours politique face à la crise sanitaire. L'administration Trump n’a jamais abordé les disparités raciales dans les taux d’infection et de mortalité dus au virus, mais elle a déployé un ensemble de stratégies rhétoriques pour atténuer la gravité de la situation et minimiser l'impact de la pandémie sur certains groupes sociaux. Les morts étaient souvent ignorées ou classées en fonction de critères qui excluaient certaines populations sur la base de leur supposée immunité, espérance de vie ou comorbidités.
Ainsi, dans un premier temps, la gestion de la pandémie se basait sur des facteurs dits « neutres », principalement l'âge, pour déterminer les groupes vulnérables. Mais, dès le mois d’avril, cette approche a évolué vers une partition plus politisée de la société. Les catégories de vulnérabilité ont été redéfinies en fonction d’affiliations politiques et de critères raciaux. Les populations noires et brunes ont été implicitement associées aux États dits "bleus", un raccourci rhétorique qui contribuait à masquer l’ampleur du désastre dans certaines communautés marginalisées.
Cette évolution s'est accompagnée d'une normalisation rapide de l'idée que certains groupes, principalement les personnes âgées et les résidents des maisons de retraite, étaient déjà voués à une mort imminente, et que leurs décès ne méritaient pas d’être comptabilisés comme des victimes directes du COVID-19. La logique était simple : ces vies étaient déjà perçues comme moins précieuses, et leur sacrifice dans la guerre économique serait justifiable, comme l'avait suggéré Dan Patrick, le lieutenant-gouverneur du Texas. La priorité donnée à la réouverture rapide de l’économie se doublait de la mise en place d’une « mort sociale » pour les populations les plus vulnérables, en particulier les personnes âgées, qui étaient incitées à s'isoler pour protéger une économie en souffrance.
La question des sacrifices à faire pour sauver l’économie a aussi été au cœur du débat sur la réouverture de l'économie. Trump a mis en avant l'idée selon laquelle les effets secondaires de la fermeture économique – la montée du chômage, les troubles mentaux et les suicides – pouvaient être pires que la pandémie elle-même. Cette vision se fonde sur des données qui ont été largement interprétées et parfois déformées pour justifier une réouverture rapide. Les chercheurs Anne Case et Angus Deaton, dans leurs travaux sur le taux de mortalité parmi les hommes de la classe moyenne blanche, ont été détournés pour servir cette thèse : en réouvrant rapidement, les vies blanches de la classe moyenne pouvaient être « sauvées par milliers ». Cette hiérarchisation des vies humaines en fonction de la couleur de peau et de la classe sociale est l’un des aspects les plus choquants de la gestion de la pandémie par l’administration Trump.
Simultanément, l'administration a cultivé l'idée d'une immunité sélective. Trump a répété que les enfants et les jeunes étaient à l'abri du virus, même si ces affirmations ont été rapidement contredites par les faits. L’appel à la réouverture des écoles et des universités, malgré les risques évidents, est devenu l'un des symboles de la résistance à l'idée de confinement. Cette logique de l’immunité sélective a encore exacerbé les inégalités, en ne prenant pas en compte les conséquences dramatiques pour les communautés afro-américaines et latines, plus exposées au virus en raison de conditions sociales et sanitaires défavorables.
En avril 2020, la situation a pris une tournure encore plus dramatique lorsque Trump a tweeté « Libérez le Michigan », un appel qui a rapidement incité des manifestations armées dans des États gouvernés par des démocrates. Cette mobilisation, qui a pris la forme de manifestations en soutien à Trump, a exacerbé les tensions raciales et politiques, servant de toile de fond à un combat idéologique plus large sur la gestion de la pandémie et la présidence elle-même. Ces protestations ont mis en lumière l’ampleur de la fracture sociale, où la question de la santé publique se trouvait indissociablement liée à la politique partisane et à une identité raciale.
Le retour au travail a également été imposé de manière brutale dans des secteurs comme l'industrie de la viande, où les travailleurs – principalement des minorités raciales et ethniques – ont été contraints de retourner dans des environnements à haut risque, bien que la pandémie se propageât déjà à grande échelle dans ces usines. Les pressions exercées sur ces travailleurs ont révélé le dédain flagrant pour leur bien-être, particulièrement dans un contexte où les syndicats tentaient de retarder les réouvertures pour protéger la santé des employés.
Il est également essentiel de comprendre que, tandis que les gouvernements fédéraux et d'États s’opposaient violemment sur la gestion de la crise, un autre événement majeur bouleversait le pays : le meurtre de George Floyd par la police à Minneapolis. Ce crime a non seulement ravivé le mouvement Black Lives Matter, mais aussi exacerbé les divisions raciales dans un contexte de pandémie où les communautés noires et brunes étaient déjà particulièrement vulnérables. Les manifestations massives qui ont suivi, bien qu'elles aient été en grande partie pacifiques, ont également été marquées par des scènes de violence, amplifiant ainsi les tensions et montrant l’ampleur du mécontentement face à l'injustice systémique.
En somme, cette gestion de la crise sanitaire par l’administration Trump a révélé une vision profondément clivée de la société américaine, où la santé publique et la vie humaine étaient négociées sur l’autel de la politique, du profit et du privilège racial. Au-delà des chiffres de contamination et de mortalité, il faut prendre en compte les divisions sociales et raciales qui ont exacerbé les inégalités existantes et qui continuent d’influencer la perception des enjeux sanitaires et politiques aux États-Unis.
Comment la vulnérabilité humaine et la politique de négligence façonnent la réponse à la crise sanitaire mondiale
La gestion politique de la crise sanitaire mondiale a révélé des mécanismes profonds de négation de la vie humaine, une tendance qui peut sembler choquante, mais qui trouve sa place dans l’histoire des pratiques étatiques et économiques. Loin d’être un simple phénomène de gestion de crise, la manière dont certains gouvernements ont réagi à la pandémie de COVID-19 – en particulier celui des États-Unis – soulève des questions essentielles sur la nature de la vulnérabilité humaine dans les sociétés modernes. L’anthropologie, avec son approche de la vie humaine comme phénomène social et collectif, offre un cadre critique pour évaluer ces enjeux, qui vont bien au-delà de simples décisions politiques : ils concernent une revalorisation du corps humain et de ses besoins fondamentaux à travers les prismes des classes sociales, des races et des inégalités structurelles.
Au cœur de la réponse gouvernementale à la pandémie, la notion de vulnérabilité a été manipulée comme un facteur économique et politique, où la perte de vies humaines était perçue par certains comme un "coût" récupérable. La hiérarchisation de la vie humaine en fonction de sa valeur économique, de son "utilité" sociale, ou de sa classe raciale a été flagrante. Un exemple marquant de cette dynamique a été l’utilisation de la rhétorique de l'immunité collective, qui, loin d’être une réflexion sur la santé publique, est devenue un outil de diversion politique pour minimiser les effets tragiques de la pandémie. La réduction des décès liés au COVID-19 à une question d’immunité naturelle, comme l’a suggéré l'ex-président Trump en 2020, s’inscrit dans une tradition plus large d’instrumentalisation de la souffrance humaine, souvent présentée comme un mal nécessaire au maintien d’un ordre économique mondial.
Cela n'est pas un phénomène isolé. Historiquement, des logiques similaires ont été employées dans le cadre des réformes sociales, notamment lors de la réforme du système de bien-être aux États-Unis en 1996, qui avait introduit une vision racialisée de la dépendance à l'État, associant injustement les bénéficiaires de l’aide sociale aux communautés noires et latinos. Cette racialisation des vulnérabilités n’est pas seulement une question de mots : elle se traduit par une allocation inégale des ressources sanitaires, une exposition disproportionnée des populations pauvres et racisées aux risques sanitaires, et des réponses politiques qui négligent leur santé au nom de considérations économiques. Il n’est pas étonnant que les communautés de couleur aient été plus durement touchées par le COVID-19, comme l’ont montré de nombreuses études et rapports sur les inégalités raciales dans l’accès aux soins et les taux de mortalité. Ce phénomène est révélateur d'une structure de pouvoir où les vies humaines sont valorisées différemment en fonction de leur classe sociale, de leur race et de leur capital économique.
Les discussions politiques autour de la gestion de la pandémie ont également mis en lumière les rapports de pouvoir implicites entre l’État et les citoyens, notamment dans l'argument selon lequel certaines populations, considérées comme moins vulnérables ou plus "résilientes", pourraient endurer davantage de souffrances sans conséquences graves. Ce type de discours nie la réalité des inégalités sociales et les liens profonds entre la santé publique et les conditions de vie des individus. Au lieu d'aborder les inégalités systémiques, certains dirigeants ont préféré mettre en avant des narratives d’immunité ou de "renforcement" des populations par la douleur, une approche qui semble moins soucieuse de la souffrance réelle des individus que de maintenir un ordre économique et social préexistant.
La question centrale à poser, au-delà des discours politiques qui ont accompagné la pandémie, est celle de la valeur de la vie humaine dans le cadre d'une économie mondialisée et néolibérale. L’anthropologie sociale nous invite à examiner non seulement les dimensions explicites des structures sociales, mais aussi ces "fantômes dissimulés" qui hantent nos sociétés et façonnent les décisions politiques. Il devient ainsi crucial de repenser la façon dont les États et les acteurs politiques définissent la vulnérabilité : non comme un fait biologique ou naturel, mais comme une construction sociale qui résulte directement des rapports de pouvoir. La réponse à la crise sanitaire a révélé que, dans une société où la valeur de la vie humaine est souvent réduite à sa productivité ou à sa place dans l’économie, certaines vies sont plus facilement sacrifiables que d’autres.
Il est aussi essentiel de comprendre que cette dynamique de négligence et de dévalorisation des vies humaines ne se limite pas à un contexte particulier, mais s’étend au-delà des frontières nationales. Elle traverse les divisions raciales et de classe, et se retrouve dans de nombreuses régions du monde où des élites politiques et économiques prennent des décisions au détriment de ceux qui sont déjà vulnérables. En ce sens, la réponse à la pandémie a mis en lumière une forme de corruption structurelle qui n'est pas seulement liée à des actes criminels individuels, mais qui est profondément ancrée dans les mécanismes de gestion de la vie humaine dans un monde capitaliste.
Enfin, il est fondamental de comprendre que, derrière la gestion de la crise sanitaire, se joue une lutte idéologique plus large sur le sens même de la vie humaine dans nos sociétés contemporaines. La pandémie de COVID-19 n’a pas seulement révélé des défaillances dans les systèmes de santé publics, mais aussi une crise morale et éthique de nos sociétés modernes, où la protection de la vie humaine doit être mise au centre des préoccupations politiques et économiques.
Comment les slogans de Trump ont redéfini la place des Blancs dans la politique américaine
Les campagnes présidentielles de Donald Trump ont largement utilisé les slogans « America First » et « Make America Great Again » pour évoquer la restauration d'un rêve américain que beaucoup considéraient comme en déclin. Ces slogans ne se contentaient pas d’être de simples appels à la grandeur nationale ; ils véhiculaient aussi un message subliminal sur les citoyens qui, selon Trump, méritaient d'accéder à ce rêve américain : les Blancs. Par ces deux formules, Trump suggérait que les Blancs, en particulier ceux issus des classes populaires rurales et du Sud profond des États-Unis, avaient été marginalisés par des politiques de diversité et d'inclusion qui favorisaient les groupes auparavant opprimés. Ces citoyens blancs, souvent oubliés dans les discours politiques sur la démocratie et le capitalisme, étaient représentés comme les véritables victimes d'un système qui leur aurait tourné le dos.
Cette vision de l’Amérique, selon laquelle une certaine classe de Blancs se retrouvait laissée pour compte, était exploitée par Trump pour leur offrir une illusion de rédemption. Dans cette narration, la question de l’injustice sociale était d’abord posée à l'encontre des Blancs, particulièrement des hommes issus des milieux ruraux et des classes populaires. En leur offrant un moyen de se rebeller contre les politiques qui leur paraissaient injustes, Trump leur offrait une possibilité de rétablir ce qu'ils percevaient comme une grandeur perdue. Ce phénomène a été décrit par la sociologue Arlie Russell Hochschild, qui a noté que Trump était devenu un porte-parole des hommes blancs hétérosexuels, se présentant comme un candidat qui comprenait leur situation de marginalisation. Dans cette lutte, le spectre du racisme et de l’exclusion était déplacé : au lieu de dénoncer la discrimination systémique envers les minorités, Trump faisait valoir que ce sont désormais les Blancs, et en particulier les hommes blancs, qui étaient les victimes d'une société qu'ils jugeaient avoir été construite pour et par les autres.
La rhétorique de Trump n’a pas seulement amplifié ce sentiment de victimisation des Blancs. Il a aussi contribué à promouvoir une vision où la marginalisation des Blancs n'était pas le fruit de forces internes de la société américaine ou de l’économie mondiale, mais bien une conséquence de l'immigration et des politiques d’inclusion qui favorisaient les minorités. Dans cette optique, les slogans comme « America First » étaient présentés comme des réponses à ce ressentiment, un moyen de défendre un idéal d’Amérique pure et homogène contre les menaces qu’incarnaient les immigrants, les communautés noires et les autres groupes minoritaires.
Cela a conduit à un autre aspect de la campagne de Trump : l’image des minorités comme étant moralement corrompues. En particulier, les immigrants et les membres des communautés marginalisées étaient constamment dépeints par Trump et ses alliés comme des éléments déstabilisants pour la société américaine. Les discours sur la « corruption morale » ont été utilisés pour détourner l'attention des accusations de corruption et de pratiques politiques douteuses qui visaient Trump et ses alliés. En renvoyant la question de la corruption vers les communautés minoritaires, Trump a réorienté le débat pour créer une image d’un monde où les Blancs seraient les véritables défenseurs de la vertu et de la moralité.
La mise en scène de cette « corruption morale » allait au-delà des simples discours haineux. Il s’agissait de dépeindre les minorités comme étant intrinsèquement primitives, paresseuses et perverses, des éléments qui, selon lui, constituaient une menace pour l'ordre moral et social de l'Amérique. Cette vision s’appuyait sur des stéréotypes racistes et dégradants, qui considéraient les communautés noires, latino-américaines et musulmanes non seulement comme des menaces à la sécurité mais aussi comme des manifestations de ce qui était perçu comme une décadence morale.
Les slogans de Trump, tels que « Make America Great Again », étaient donc loin de se limiter à un appel à la prospérité économique ou à un retour à une forme de grandeur politique. Ils étaient, en réalité, un moyen pour Trump de redéfinir l’histoire et la trajectoire du pays. En créant une opposition entre « la civilisation » et « la barbarie », Trump a attribué aux Blancs, et plus spécifiquement aux hommes blancs, le rôle de ceux qui avaient élevé l'humanité de l'état primitif à la grandeur moderne. La conception du progrès qu’il défendait s’inscrivait dans cette dichotomie, un progrès censé s’éloigner de l’idée de primitivisme pour se diriger vers un monde utopique où les Blancs seraient les protagonistes et les bénéficiaires d’une évolution humaine considérée comme linéaire et supérieure.
Ainsi, Trump et ses partisans rejetaient toute idée d'inclusivité, affirmant que les politiques mises en place par les démocrates avaient trahi l’idéal américain en favorisant les minorités et en sacrifiant les Blancs. Pour eux, l’Amérique devait revenir à ses racines, à un passé idéalisé où les Blancs étaient au sommet de la hiérarchie sociale et culturelle, un passé où la domination de cette catégorie sociale était perçue comme naturelle et juste.
Cette rhétorique a bien entendu soulevé des débats sur la nature du progrès et sur la place des différents groupes dans l’histoire américaine. Il ne s’agissait pas seulement d’un affrontement politique entre deux visions du pays, mais d’un combat idéologique qui interrogeait la manière dont les États-Unis devraient évoluer face aux transformations démographiques et sociales. Dans ce contexte, la lutte pour « rendre l’Amérique grande à nouveau » devient bien plus qu'une simple quête politique ; elle prend les allures d’une croisade morale, dans laquelle la place des minorités dans la société est non seulement contestée, mais activement réduite.

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