Les mots de Lincoln, prononcés lors de son second discours inaugural, résonnent avec une profonde sagesse et une vision éthique du monde : "Sans malice envers personne, avec charité pour tous, avec fermeté dans la vérité telle que Dieu nous la donne, efforçons-nous de terminer le travail que nous avons commencé, de panser les blessures de la nation, de prendre soin de ceux qui ont porté le fardeau de la guerre, ainsi que de leurs veuves et orphelins, afin de réaliser et de préserver une paix juste et durable, parmi nous et avec toutes les nations." Cette vision, fondée sur une morale claire de ce qui est juste et de ce qui est injuste, appelle à une charité universelle et à l'absence de malice. Cependant, il est frappant de constater combien cette idéologie éthique se heurte à la réalité d'un gouvernement qui, sous Donald Trump, semble avoir pris un chemin tout à fait différent.
Trump, à l'inverse de ses prédécesseurs, s'est souvent distingué par un silence préoccupant sur les questions morales. Barack Obama, par exemple, parlait fréquemment de morale, tout comme George W. Bush. Mais Trump, lui, semble incapable de s'exprimer de manière éthique, son discours étant marqué par une absence totale de réflexion morale. Son langage et ses actions traduisent une indifférence à la notion de bien et de mal, transformant la politique en une scène où la vérité devient une notion malléable et la responsabilité civique une abstraction lointaine.
Prenons, par exemple, l'inaugural de John F. Kennedy. En 1961, Kennedy lançait un appel à l'action morale universelle : "Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays." Il incitait non seulement les Américains mais aussi les citoyens du monde à s'engager pour la liberté de l'humanité. A contrario, l'inaugural de Trump, en 2017, mettait l'accent sur une vision de l'Amérique centrée sur elle-même, égoïste et matérialiste : "Une nation existe pour servir ses citoyens." Ce retournement idéologique est manifeste, car au lieu de promouvoir le sens du devoir civique, Trump prône la satisfaction des besoins immédiats des citoyens, loin des idéaux nobles de service envers l'humanité.
Ce contraste s'accentue si l'on prend en compte la carrière pré-politique de Trump, marquée par l'immobilier, les casinos, et la célébrité télévisée. En comparaison, les fondateurs de la nation américaine, tels que John Adams, Thomas Jefferson ou Abraham Lincoln, ont forgé leurs carrières dans des domaines où l'éthique, la réflexion et la responsabilité sociale occupaient une place centrale. Ces hommes réfléchissaient attentivement à leurs mots et à leurs actions, une qualité que Trump semble négliger.
Ce manque d'authenticité se traduit par une politique de "superficialité", où l'image prend le pas sur la réalité. Son livre le plus célèbre, The Art of the Deal, incarne cette philosophie : un capitalisme débridé, sans considération morale, où l'hyperbole et la tromperie sont des stratégies de vente. "On ne peut jamais être trop avide", déclarait-il dans cet ouvrage, un principe qui serait impensable pour des figures comme Washington ou Jefferson. Trump ne se contente pas de jouer sur les apparences ; il cultive l'art de l'exagération, transformant chaque événement en un spectacle démesuré.
Mais ce n'est pas simplement la manipulation des faits qui pose problème. Ce qui inquiète, c'est l'utilisation systématique de mensonges pour légitimer le pouvoir. Trump a accumulé des milliers de fausses déclarations pendant son mandat, allant jusqu'à nier sa défaite électorale en 2020. Ce genre de comportement n'est pas inédit en politique, mais ce qui distingue Trump, c'est son recours à une "vérité alternative", où les faits sont non seulement ignorés, mais activement déformés pour servir ses intérêts personnels et politiques. Ce phénomène, surnommé "fake news", est l'un des pires effets collatéraux de son administration, et il s'accompagne d'une érosion de la confiance dans les institutions et la vérité elle-même.
Dans cette perspective, la question de la tyrannie prend un tour particulier. Un tyran, dans la tradition philosophique, est souvent celui qui justifie ses mensonges par sa prétendue supériorité morale ou intellectuelle. Ainsi, pour Machiavel, le prince doit parfois recourir à des "mensonges nobles" pour maintenir l'ordre et la stabilité. Cette idée, tout comme celle de la "philosophie du roi" de Platon, peut conduire à des excès de pouvoir, où la vérité est manipulée pour légitimer l'autorité d'un dirigeant. Et c'est précisément cette mentalité que Trump semble incarner : la conviction que la vérité peut être modelée à son image et que la fin justifie les moyens.
Là où les théologies anciennes, souvent polythéistes, étaient fondées sur l'illusion et le jeu des apparences, la foi chrétienne offre une vision radicalement différente. Dieu n'est pas un tyran, et il ne se plaît pas dans la manipulation des faits ou dans la glorification des puissants. Il ne récompense ni les menteurs, ni les tyrans, ni ceux qui cherchent la gloire mondaine. À travers cette perspective, on peut voir la politique de Trump non seulement comme une transgression de la vérité, mais aussi comme un échec moral et théologique. Il incarne une vision où l'hyperbole, la tromperie et la quête de pouvoir sont les maîtres mots, une vision à l'opposé de l'appel à la charité et à la justice formulé par Lincoln.
En conclusion, il est essentiel de comprendre que les mensonges et la manipulation ne sont pas de simples défauts dans un système politique. Ils sont les instruments mêmes de la tyrannie, renforçant la distance entre le pouvoir et le peuple. La véritable question ici est celle de l'intégrité morale et de la responsabilité de ceux qui détiennent le pouvoir. Une démocratie saine ne peut pas fonctionner sur la base de mensonges et d’apparences ; elle doit se fonder sur la vérité, la justice et la volonté de servir le bien commun.
La Fierté du Tyran et la Construction de Nouveaux Normes Morales
Le tyran, dans sa quête de pouvoir absolu, cherche à imposer une norme nouvelle, fondée non pas sur la justice ou la morale, mais sur son propre désir de domination. Cette volonté de remodeler l'ordre mondial selon sa propre vision est une idée qui résonne fortement dans la pensée de Nietzsche, notamment à travers le concept de l’Übermensch, ou "Surhomme", une figure qui crée un nouveau monde guidé par sa propre volonté de puissance. Ce n'est pas un simple désir d'améliorer le monde ou de maintenir un ordre juste, mais une volonté de se placer au sommet de la hiérarchie morale et politique, d'ériger de nouvelles lois et vérités qui lui sont exclusivement favorables.
Le tyran ne se soucie pas des principes de la moralité ou de la justice. Il cherche à se glorifier lui-même, à établir une réalité qui soit en accord avec sa propre vision du monde. Lorsque ce désir de pouvoir se concrétise, les contraintes habituelles, telles que la vérité, la loi et l'éthique, sont rapidement mises de côté. La soif de domination devient si forte qu'elle conduit à un effacement des limites morales et sociales qui, dans une société saine, permettraient de maintenir un équilibre. Cette attitude ressemble à un complexe divin, une volonté de devenir à la fois créateur, sauveur et source de toute autorité. Le tyran se voit comme un être supérieur, capable de régénérer la réalité selon ses désirs, à l'instar d'un dieu ou d'un messie.
Dans ce contexte, certains événements contemporains rappellent la dangerosité de cette dynamique. Prenons l’exemple de Donald Trump, qui, lors de sa présidence, a été associé à des propos qui frôlaient le sacrilège. En 2019, il a suggéré que les Juifs votant pour le parti démocrate étaient soit ignorants, soit déloyaux, et a ensuite relayé un message où il était comparé au "Roi d'Israël" et au "second avènement de Dieu". Bien que Trump ne semble pas se prendre pour un messie, le simple fait qu’il ait partagé de tels propos révèle l'ampleur du problème. Ces propos ne viennent pas seulement de lui, mais également de ses partisans, qui amplifient cette image messianique d'une manière qui touche aux frontières du blasphème.
Ce phénomène trouve une résonance dans la tradition chrétienne, où la fierté est vue comme un péché. Saint Thomas d'Aquin, en analysant la question de la fierté, fait un lien explicite entre cette dernière et Dieu. La fierté légitime découle de la reconnaissance de la grandeur de Dieu, tandis que la fierté pécheresse glorifie l’individu en cherchant à remplacer Dieu. Le tyran, dans cette optique, se place au-dessus des lois morales, adoptant une position qui lui permet de redéfinir la justice à sa propre convenance. À travers le mythe grec, les tyrans sont souvent comparés aux dieux, qui, de par leur pouvoir exorbitant, s’affranchissent des normes morales humaines.
Platon, dans La République, présente le tyran comme un être au pouvoir excessif, agissant selon ses désirs, imposant sa volonté et menaçant ceux qui lui résistent. Thrasymachus, l’un des personnages de l’œuvre, va plus loin en affirmant que la tyrannie permet au tyran de redéfinir la justice à son image, comme une loi de la force et de la domination. Selon lui, le tyran impose une "justice" fondée sur ses propres intérêts, et ce pouvoir, qu’il soit divin ou humain, permet de renverser les normes existantes pour en imposer de nouvelles. Le tyran devient ainsi le créateur de sa propre légitimité, en construisant une moralité qui justifie son emprise.
L’idée que la tyrannie repose sur l’excessive concentration du pouvoir fait écho à une tradition plus ancienne, où la souveraineté, divine ou politique, se distingue par sa capacité à imposer une loi universelle. Si, dans la tradition chrétienne, Dieu est la figure souveraine par excellence, la relation entre sa puissance et sa bonté reste cruciale. Le tyran, à l’opposé, ne s’intéresse ni à la bonté ni à la justice. Sa seule préoccupation est l’affirmation de son pouvoir.
Cette réflexion sur la tyrannie prend une tournure politique importante lorsqu’on examine les révolutions. Lors de l'indépendance américaine, les révolutionnaires, s'appuyant sur la tradition du droit naturel, ont dénoncé la tyrannie du roi d'Angleterre. La Déclaration d’Indépendance évoque un roi devenu despotique, dont les actions visaient à établir une tyrannie absolue sur les colonies. La révolution était donc présentée comme une réponse légitime à ce pouvoir tyrannique. Cependant, ce jugement était subjectif, et des partisans de la monarchie ne voyaient pas en George III un tyran. De cette manière, la tyrannie apparaît toujours dans une lumière relative, dépendant de l'opinion de ceux qui la subissent ou la justifient.
Lors de toute transition de pouvoir, que ce soit à la suite d’une révolution ou d’une élection démocratique, il est inévitable que des divergences d’opinion surgissent. Lorsque l'un des camps remporte la victoire, il célèbre son triomphe, tandis que l'autre parle de fraude ou d'usurpation. Ce phénomène s'étend bien au-delà des exemples historiques, et la dynamique de pouvoir en politique moderne continue d'être marquée par ce même désir de redéfinir la légitimité du pouvoir, à la fois dans les structures étatiques et dans les individus eux-mêmes.
En résumé, le tyran s'affirme comme une figure qui, par son pouvoir excessif, cherche à renverser les fondements mêmes de la moralité et de la justice. Non seulement il rejette les normes existantes, mais il aspire à en imposer de nouvelles, selon ses propres désirs. Ce processus mène à une reconfiguration des valeurs morales et politiques qui sont censées guider une société, tout en ouvrant un débat sur les limites du pouvoir et la nécessité de maintenir une certaine distance entre grandeur et bonté, entre souveraineté et tyrannie.
La Stupidité du Fou : Entre Perspectivisme et Objectivité
Dans une interview de juin 2019, le président Trump a qualifié Joe Biden de « nigaud ». Tout en ridiculisant son adversaire en le surnommant « Sleepy Joe » et en suggérant qu’il souffrait de sénilité, Trump ne faisait pas une évaluation objective des facultés cognitives de Biden. Ces attaques s’inscrivent dans une tradition typiquement trumpienne de bombance, de sarcasmes et d’invectives. Le mot « nigaud » (dummy) est fréquemment utilisé par Trump, comme en témoigne son archiver Twitter, où il a qualifié de nombreux individus de « nigauds », parmi lesquels Bill Maher, Jon Stewart, Rosie O'Donnell, et même des figures politiques comme Beto O'Rourke et John Bolton. Le mot « moron » (imbécile) est tout aussi récurrent. En effet, une recherche dans son archiver Twitter révèle trente-sept tweets où il utilise ce terme, le plus récent datant du 22 janvier 2020, lorsqu’il a retweeté une insulte à l'encontre de la représentante Alexandria Ocasio-Cortez.
Les attaques ad hominem circulent dans les deux sens. Le leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a traité Trump de « moron » tout en l’accusant d’être responsable de la pandémie de Covid-19 à l’automne 2020. L’ancien président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, a également affirmé que l’ascension de l’extrémisme au sein du Parti républicain était en partie due à l’afflux de « morons ». Dans ce contexte, il a déclaré qu'en 2010, avec l’ascension du Tea Party, « n’importe quel idiot pouvait être élu simplement en ayant un R à côté de son nom ». Plus célèbre encore, le secrétaire d’État de Trump, Rex Tillerson, aurait traité Trump de « moron » en juillet 2017 (certains rapports évoquent même le terme de « putain d'imbécile »). Trump, fidèle à sa stratégie, a riposté en 2018, le qualifiant de « débile comme une roche » et de « fainéant ».
Il est évident que Trump ne réserve pas ses invectives uniquement aux membres de l’autre camp. En 2021, il a traité Mitch McConnell de « fils de bi*** stupide ». Cette polarisation atteint même les rangs républicains : vous êtes soit avec Trump, soit contre lui. Le problème de cette polarisation réside dans la question même de ce qui constitue la sagesse et la stupidité, et comment définir « le peuple » ou « la meute ». Les conservateurs considèrent les libéraux comme stupides, et vice versa. Hillary Clinton, par exemple, affirmait que la moitié des partisans de Trump pouvaient être qualifiés de « panier de déplorables » en raison de leurs idées « racistes, sexistes, homophobes, xénophobes et islamophobes ». Cependant, Trump accusa régulièrement les libéraux de stupidité. Selon Newt Gingrich, Trump est avant tout anti-gauche, anti-correction politique, pro-américain et anti-stupidité. Gingrich explique que les bureaucrates se croient plus intelligents que le commun des mortels et que Trump l’exploite stratégiquement, en accusant constamment l’establishment d’être stupide.
Il convient de noter que le terme « moron » peut être particulièrement offensant. Historiquement, le mot était utilisé au début du 20e siècle pour classer et discréditer des personnes jugées déficientes mentalement. Le système, emprunté à des théories eugénistes, classifiait les individus selon des catégories comme « idiot », « imbécile » et « moron », ce dernier désignant ceux dont le développement mental dépassait celui d’un imbécile, mais restait en deçà de celui d'un enfant normal de douze ans. Ce système s'inscrivait dans un contexte de préjugés ethniques, de stéréotypes raciaux et de jugements moraux, soutenus par des évaluations pseudo-scientifiques de l’intelligence. Il est donc essentiel de traiter ce terme avec précaution.
Toutefois, il est important de rappeler que ce qui peut sembler être une bêtise à certains peut être perçu comme de l’inspiration par d’autres. Ce que je considère comme génie, vous pouvez le voir comme de la folie. L’exemple le plus célèbre de cette divergence est trouvé dans le Nouveau Testament, où Paul déclare (1 Corinthiens) que la sagesse du monde est de la folie, tandis que la folie de Dieu est sage. Le mot grec utilisé par Paul, « moros », est le même que celui utilisé par Platon et Sophocle à cet égard. Paul affirme que ceux qui suivent Dieu apparaîtront fous aux yeux des non-croyants, et ceux qui rejettent le Christ seront en réalité les vrais fous. Une traduction littérale de ces passages dirait : « La sagesse de ce monde est moronique » (1 Corinthiens 3:19) et « Que les sages deviennent des morons » (1 Corinthiens 3:18).
Les accusations de stupidité traversent toute la tradition occidentale. Avant Paul, le Psaume 14 affirmait : « L'insensé dit en son cœur : Il n'y a point de Dieu ». Hobbes a joué sur cette idée, en disant que l'insensé, dans son cœur, nie l’existence de la justice. Les dramaturges et poètes ont souvent exploré la différence entre sagesse et folie, à travers le rôle des fous et des bouffons (comme dans les pièces de Shakespeare ou dans l’opéra), ainsi que celui du prophète aveugle (surtout dans les tragédies de Sophocle). Certains critiques radicaux, comme Nietzsche, ont même accusé la tradition entière d’être stupide et idiote. Nietzsche a affirmé à propos du christianisme que « celui-ci prend le parti de tout ce qui est idiot, il lance une malédiction contre l'intellect ». Ce problème de perspective, de points de vue contradictoires, est évident dans des œuvres comme l’Antigone de Sophocle, où les personnages s’échangent des accusations de stupidité et de tyrannie. Antigone, par exemple, déclare que, bien que Créon l’ait accusée de stupidité, c’est lui, en réalité, qui est le véritable idiot.
Ce type de polarisation crée une profonde fracture, menant à des conflits religieux et politiques. Ce que nous considérons comme sagesse et lumière, nous sommes nombreux à le contester. Qui est, en réalité, le « moron » ? Pour résoudre ce dilemme, une norme objective de justice, de sagesse et de vertu est nécessaire. Une constitution rationnelle et un système de responsabilité fondés sur cette norme objective offrent une solution aux problèmes de tyrannie, de sycophantisme et de stupidité. Il ne s'agit pas d'un simple jeu de perspectives. Le relativisme et le perspectivisme ne mènent nulle part. La tradition philosophique repose sur l’idée qu'il existe une vérité objective en matière de justice, que le pouvoir absolu est injuste, et que les « morons » sont véritablement aveugles et ignorants.
La Constitution des États-Unis : Une réponse tragique aux faiblesses humaines
La Constitution des États-Unis, bien qu’elle ait été conçue comme un rempart contre la tyrannie et l'injustice, n'a pas été créée dans l'optique d’une société idéale. En effet, son existence même est un reflet des imperfections humaines, des compromis historiques et des préoccupations de ses créateurs vis-à-vis de la nature humaine. Elle a été façonnée non seulement par des idéaux de liberté et de justice, mais aussi par une profonde méfiance envers la nature humaine et la démocratie directe.
À l’origine, plus de la moitié de la population n’était pas en mesure de participer aux processus électoraux : les femmes, de nombreux hommes, et bien sûr, les esclaves. De plus, les sénateurs américains n’étaient pas élus directement par les citoyens mais choisis par les législatures des États. Cette constitution, bien que fondatrice, n’était pas inviolable ni inaltérable. Elle laissait place à des manipulations qui pouvaient être exploitées par des présidents tyranniques, comme ce fut le cas pour Andrew Jackson, dont les actions ont contribué à des atrocités envers les peuples natifs. Il ne fait aucun doute que la constitution initiale était imparfaite au point de provoquer une guerre civile, qui a failli détruire l’unité du pays, nécessitant une série d’amendements qui n’ont été possibles qu’à la suite de la victoire du Nord sur le Sud.
Il convient ici de souligner une vérité tragique : il n’existe pas de constitution parfaite. L’idée d’une constitution idéale, comme l’a imaginée Platon, n’est qu’un fantasme. Aristote, quant à lui, rejetait l’idée de perfection en politique et soulignait que la philosophie politique devait être envisagée dans le cadre de la réalité non idéale. Comme il l’a formulé dans ses "Politiques", nous devons non seulement nous interroger sur ce qu’est la constitution idéale, mais aussi sur ce qui peut être réellement réalisé dans les conditions historiques et géographiques données. En d’autres termes, la philosophie politique doit prendre en compte non seulement l’idéalisme mais aussi l’utilité pratique. Aristote, avec son réalisme politique, reconnaissait que la vie politique est un enchevêtrement de compromis, d’échecs et de compromis, un terrain fertile pour les tragédies humaines.
Les premiers efforts de création d’une constitution aux États-Unis n’ont pas échappé à ces défauts. Les Articles de la Confédération, par exemple, étaient profondément défectueux, tout comme la Constitution elle-même dans une certaine mesure. Et de même, le cœur de la philosophie politique aristotélicienne présente des vues qui, à l’heure actuelle, sont inacceptables, notamment sur des sujets tels que l’esclavage, la subordination des femmes et la guerre contre les "barbares". L’histoire de la pensée politique montre que nous vivons dans un monde tragique où l’idéal reste hors de portée. Ce que nous pouvons faire, c’est avancer tant bien que mal dans une histoire que nous n’avons pas choisie et face à des conditions que nous ne pouvons maîtriser.
Un autre point essentiel réside dans la question de la nature humaine : sommes-nous perfectibles ou corruptibles ? Sommes-nous rationnels ou irrationnels ? Ce qui nous préoccupe le plus est-il la justice ou le pouvoir et l’intérêt personnel ? Le plus grand danger à éviter est-il l’ascension de la tyrannie ou l’inefficacité d’un système gouvernemental dysfonctionnel ? La politique, en dépit des idéaux, demeure une entreprise complexe et tragique, marquée par des échecs inévitables. Les individus sont faillibles : nous avons tous la tendance à devenir tyranniques, sycophantes ou stupides. L’histoire a montré que la vie politique se brise sous le poids de ces défauts humains. Mais le système qui a émergé, bien que loin de l’idéal, a servi à contenir certains des pires travers de l’humanité.
Les Pères fondateurs des États-Unis, issus de contextes divers et opposés, ont conçu la Constitution à travers des compromis nécessaires. Ce document reflète ainsi une réalité historique, une tentative de prévenir des tragédies encore plus grandes, notamment la tyrannie. Comme le soulignait James Madison dans les "Federalist Papers", si les hommes étaient des anges, il n’y aurait pas besoin de gouvernement. Mais puisqu'ils ne le sont pas, il faut organiser un système qui, d’une part, limite les tendances tyranniques et, d’autre part, empêche les gouvernements de se soumettre à une seule autorité. C’est dans cette optique que la séparation des pouvoirs et un système de contrepoids ont été jugés essentiels. Thomas Jefferson, pour sa part, mettait en garde contre la concentration des pouvoirs entre les mains d’une élite et la tyrannie élective, qui pourrait être aussi dévastatrice que la tyrannie d’un seul homme.
La Constitution des États-Unis n’est donc pas le fruit d’une vision parfaite mais d’une tentative pragmatique de répondre à la nature imparfaite de l’humanité. Elle existe dans un monde non idéal et constitue une réponse aux tentations humaines : la tyrannie, la flatterie, et la stupidité. Si elle a survécu, ce n’est pas parce qu’elle est parfaite, mais parce qu’elle a su endiguer ces dangers fondamentaux. Cependant, même cette constitution peut se montrer insuffisante face à des tyrans potentiels, et sa longévité dans un monde en perpétuel changement demeure incertaine.
Le Pouvoir et la Gloire : Entre Ambition Humaine et Tyrannie Divine
L'aspiration à la gloire et au pouvoir a toujours occupé une place centrale dans l'histoire humaine. Les Anciens comprenaient bien cette pulsion qui pousse les individus à chercher une domination absolue, non seulement sur leurs semblables, mais sur le monde entier. Socrate, dans ses dialogues, décrit l'ambition d'Alcibiade comme un désir de régner sur l'ensemble du monde, pas simplement sur Athènes ou sur les Grecs. Alcibiade cherchait à remplir le monde de son "pouvoir et de son nom", à prouver aux autres qu'il était plus digne d'honneur "que quiconque ait jamais existé". Ce désir démesuré de gloire et de pouvoir se traduit par ce que Socrate appelle l'ambition, ou "l'arrogance". Il s'agit d'une perception gonflée de sa propre valeur, de sa grandeur et de sa gloire. Thucydide, de son côté, décrit également Alcibiade dans des termes similaires, en expliquant que les Athéniens étaient effrayés par la grandeur de cet homme, et que c'est pour cette raison qu'ils finirent par se retourner contre lui.
L'ambition d'Alcibiade, bien que démesurée, était fondée sur des acquis réels : une famille riche, des victoires multiples aux Jeux Olympiques, des actions significatives pour la ville d'Athènes. Il se considérait donc comme un homme qui ne devrait pas s'abaisser à égaler ceux qui sont moins dignes de gloire et d'honneur que lui. Après lui, Alexandre le Grand incarna à son tour ce désir irrationnel de domination. Alexandre, tout comme Alcibiade, n’hésita pas à adopter des comportements tyranniques, y compris l’assassinat de ceux qui refusaient de se prosterner devant lui, allant jusqu’à tuer Callisthène, le neveu d’Aristote, pour avoir refusé de le traiter comme un dieu.
L’ambition démesurée est également abordée par Machiavel, qui note que la tyrannie, en tant que phénomène païen, est centrée sur l'intérêt personnel, le pouvoir matériel et la gloire séculière. Contrairement au christianisme, qui valorise l'humilité et le mépris des biens mondains, les religions païennes vénéraient ceux qui avaient acquis une grande gloire, comme les chefs militaires ou les dirigeants républicains. Cette distinction entre l'idéal chrétien et la vénération païenne des figures de pouvoir souligne la divergence entre la quête de la gloire terrestre et les vertus spirituelles que le christianisme prône.
Mais la tyrannie ne se limite pas simplement à une question d’ambition personnelle. Elle soulève également des problèmes moraux et théologiques profonds. Pour le pasteur américain Jonathan Mayhew, par exemple, la tyrannie est non seulement une source d'ignorance et de brutalité, mais elle a aussi pour effet de dégrader l'humanité, d'étouffer la noblesse d'esprit, et de détruire toute forme d'art et de générosité. Il affirmait que chaque individu, amoureux de la vérité et du bien commun, avait le devoir de résister à ce "monstre" qu’est la tyrannie.
L'argument de Mayhew, qui se fait écho des idées des fondateurs américains, suggère que la tyrannie, qu'elle soit exercée par un seul individu ou par une classe dominante, est en soi contraire à la dignité humaine. Elle se nourrit de l'ego du tyran, qui cherche à imposer sa propre gloire sans égard pour la morale, la vérité supérieure ou le bien commun. Ce constat fait écho aux réflexions de Socrate et de Platon, qui préconisaient une éducation fondée sur la vertu, la justice et l’intérêt collectif pour éviter la tyrannie. Si cette éducation échoue, alors il est nécessaire de mettre en place des lois justes. Cependant, même ces lois peuvent faillir, d'où la nécessité d'un engagement constant de la part des citoyens pour faire progresser la justice et la vertu.
Un aspect fondamental dans cette réflexion est la question de l'intervention divine dans la politique. L'idée d'un "droit divin" des rois, selon laquelle un leader ou un parti détiendrait une autorité sacrée, est étrangère à la philosophie politique moderne, mais elle a été un concept omniprésent dans les sociétés antiques et médiévales. Platon soulignait qu’il existe un lien étroit entre certaines théologies et la tyrannie. Dans un de ses dialogues, Socrate interroge le jeune Théages, qui avoue vouloir devenir tyran, voire même dieu. Ce désir de pouvoir absolu s'accompagne souvent de la conviction que la grandeur réside uniquement dans la puissance, et non dans la bonté ou la vertu. Le tyran, dans sa quête de domination, projette son désir de puissance sur le monde, supposant à tort que tout le monde partage son aspiration à régner.
Ainsi, la tyrannie n'est pas seulement une question de domination physique ou politique, mais elle est aussi profondément liée à des fantasmes théologiques et psychologiques. Le tyran ne cherche pas simplement à imposer son pouvoir, il veut que les autres l'adulent, qu'ils se soumettent volontairement à lui. Cependant, comme Socrate le montre, la véritable soumission volontaire découle de la vertu et non de la tyrannie. Ce principe se retrouve dans la théologie chrétienne, qui valorise non pas la puissance divine, mais la bonté et la justice de Dieu. Le problème des tyrans, qu’ils soient humains ou divins, est qu’ils cherchent à imposer leur volonté par la force et l’intimidation, alors que le véritable pouvoir repose sur la vertu et l'amour du bien.
Il est essentiel de comprendre que la lutte contre la tyrannie ne passe pas uniquement par la résistance armée ou l’abolition du pouvoir, mais également par un engagement continu à éduquer les dirigeants et les citoyens, à promouvoir la vertu, la justice et la responsabilité civique. Les lois doivent être justes, mais leur mise en œuvre ne peut être effective que si elles reposent sur des principes éthiques partagés par tous. La quête du pouvoir, lorsqu'elle n'est pas modérée par la vertu et le respect du bien commun, mène à la tyrannie, quelle que soit sa forme.
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