Les populations noires et non-blanches, au cœur des débats sociaux, politiques et économiques contemporains, continuent de voir leurs trajectoires façonnées par des dynamiques de décolonisation, de racisme systémique et d'oppression institutionnelle. En particulier, les mouvements tels que Black Lives Matter (BLM) ont émergé comme une réponse forte et collective contre la violence policière et les inégalités raciales structurelles, redéfinissant les rapports de force et la manière dont les sociétés perçoivent et réagissent à ces injustices.

L'impact de ces mouvements ne se limite pas aux États-Unis, mais s'étend à une échelle mondiale, où les protestations contre la brutalité policière, les inégalités sociales et la marginalisation des groupes racialisés se multiplient, se connectant dans un même espace de résistance globale. En effet, si les États-Unis ont été le terreau de nombreux soubresauts sociaux, d'autres nations, notamment au Brésil et en Europe, voient émerger des formes variées de contestation. Le Brésil, par exemple, est un pays marqué par des héritages coloniaux profonds, où la population noire subit des discriminations quotidiennes tout en étant le moteur des changements sociaux à travers des luttes locales et nationales. La relation complexe entre les inégalités raciales et les structures de pouvoir politiques est donc un facteur clé pour comprendre les réalités de ces populations.

Les élections présidentielles brésiliennes illustrent cette dynamique. Alors que des figures populistes telles que Jair Bolsonaro ont su mobiliser des discours d'extrême droite sur la préservation d'une certaine forme de "purité" raciale, les mouvements de gauche et les communautés racisées cherchent à réécrire l'histoire d'un pays où la politique racialement sélective a longtemps été ignorée ou minimisée. Ce débat est également central dans d'autres nations, notamment aux États-Unis, où des personnalités politiques telles que Donald Trump ont exacerbé les divisions raciales en utilisant des discours populistes qui, loin de chercher à apaiser les tensions, se sont nourris des fractures sociales existantes.

Dans les sociétés capitalistes globalisées, les populations noires et non-blanches font face à des défis particuliers. L'économie mondiale et ses inégalités croissantes exacerbent la marginalisation des minorités raciales. La précarité économique, renforcée par des politiques d'austérité et de dérégulation, s'ajoute à une histoire d'exploitation coloniale qui continue de marquer les trajectoires individuelles et collectives. La question du "capitalisme racial" – une théorie qui lie directement les inégalités raciales à des mécanismes économiques – est donc un enjeu majeur dans la compréhension de l'articulation entre oppression et exploitation.

Il est essentiel de souligner que les mouvements sociaux actuels, tout comme les revendications politiques des populations noires et non-blanches, ne peuvent être réduits à une simple lutte pour les droits civiques. Ils s'inscrivent dans une contestation plus large de l'ordre socio-économique mondial, où les revendications de justice et d'égalité sont intrinsèquement liées à des questions de redistribution des richesses et de transformation des structures de pouvoir. Par conséquent, la question de la solidarité interethnique et internationale reste au cœur des stratégies politiques mises en place. Ces luttes doivent non seulement contester les pratiques internes de chaque société, mais aussi les structures de domination mondiales qui favorisent la concentration de la richesse et l'exploitation des peuples racialisés.

Le phénomène des « violences policières » et la répression systématique des manifestations en sont des exemples flagrants. En Europe, des pays comme la France ont vu un accroissement de la surveillance et des mesures répressives visant les populations racisées, en particulier dans les banlieues, où la combinaison de pauvreté, d'exclusion sociale et de contrôle policier crée un climat de tensions constantes. La question de la « gestion des frontières » est également cruciale, puisque les politiques migratoires actuelles, marquées par des murs et des dispositifs d'enfermement, excluent et stigmatisent les populations non-blanches, leur refusant non seulement des droits, mais aussi une reconnaissance en tant qu'humains à part entière.

Un autre aspect fondamental de cette dynamique est l'usage de la technologie et des médias numériques, qui jouent un rôle central dans la mobilisation sociale et la propagation des idéologies racistes. Les réseaux sociaux, en particulier, sont devenus des terrains de lutte, où les discours de haine se mêlent aux appels à la solidarité. Cependant, ces plateformes deviennent aussi des lieux de résistance, où les communautés racialisées redéfinissent leur narrative et revendiquent leur place dans l'histoire mondiale.

Comprendre cette réalité exige aussi de prendre en compte les complexités géopolitiques qui influencent ces dynamiques. La montée des populismes de droite, en Europe et aux États-Unis, s'inscrit dans une tendance mondiale où les élites politiques cherchent à préserver un ordre social hiérarchisé. Les discours de certains leaders politiques, comme Donald Trump et Jair Bolsonaro, sont imprégnés de racisme, de xénophobie et de nationalisme, éléments qui renforcent les divisions sociales et politiques. Ce phénomène ne doit pas être vu comme une singularité américaine ou brésilienne, mais comme un reflet de tensions plus larges à l’échelle mondiale, qui poussent à la réaffirmation de la domination blanche et à la criminalisation des populations racisées.

Ainsi, pour comprendre l'évolution des populations noires et non-blanches dans le monde contemporain, il ne suffit pas d'observer les mouvements sociaux isolément. Il faut saisir la profondeur des inégalités systémiques et les mécanismes qui perpétuent cette marginalisation, tout en prenant en compte les nouvelles formes de résistance qui émergent à travers le monde. La véritable transformation, tant espérée, réside dans une remise en question radicale des structures de pouvoir, une déconstruction des récits d'exclusion et une réévaluation des fondements mêmes de nos sociétés.

Comment comprendre la stratégie de Donald Trump : excitation, transduction et détournement

Il est facile de réduire les comportements multiples et odieux de Donald Trump à de simples violations de principes sacrés, qu’ils soient religieux ou laïques, et de tracer la valeur, tant en capital qu’en pouvoirs politiques, qu’il a canalisée de l’État vers lui-même et ses alliés. Cependant, ce qui rend Trump si particulier, c'est sa manière de se délecter de ce transfert de valeur. Tout en niant explicitement les accusations de corruption et en les retournant contre ses adversaires, Trump s’intègre lui-même dans un récit de corruption. Il se met en scène dans un drame révolutionnaire où sa propre corruption sert à exposer et inverser la corruption supposée bien plus grave des institutions dites « établies » et des élites libérales dirigeantes.

Trump tente de transférer de la valeur (principalement de la dignité et du contrôle de soi) des groupes associés à l’Établissement vers ces « gens ordinaires » (implicitement blancs) dont elle aurait été soi-disant volée : c’est là le sens de son célèbre slogan de campagne de 2016, « Make America Great Again ». Il est crucial de comprendre comment Trump articule ses formes les plus marquées de sacrilège — ses insultes et son bigoterie, ses incitations auprès de groupes marginaux, ses mensonges interminables, son absence totale de honte — pour mettre en lumière une forme de corruption qu’il présente comme vertueuse ou, tout du moins, comme productivement rebelle. En analysant ces comportements réprouvés, je me permets de les définir à travers trois tactiques : excitation, transduction et détournement. Ces tactiques, qu’elles soient conscientes ou non, activent et diffusent le transfert de valeur que Trump opère dans la sphère morale de l’Établissement.

Excitation : induire l'explosion de la valeur au-delà du contrôle

Le terme « Trump derangement syndrome » a été utilisé pour décrire l'excitation confuse des opposants à Trump, notamment par le psychiatre et journaliste Charles Krauthammer en 2017. Ce syndrome, selon lui, ne se réduit pas à une simple hystérie, mais désigne l’incapacité à distinguer les différences légitimes de politique de la pathologie psychologique de Trump. Toutefois, la pathologie à expliquer n'est pas celle des opposants, mais celle de Trump. Ce qui distingue cette dynamique, c’est la manière dont Trump induit intentionnellement un état de « dérangement » chez ses adversaires — l’Établissement, la « gauche radicale », les « libtards », les « guerriers de la justice sociale », les « fake news media », et même chez des conservateurs modérés, les soi-disant RINOs (Républicains de nom seulement).

À travers son agressivité, son « politiquement incorrect » et ses appels à des groupes marginaux, Trump excite ses adversaires au point qu'ils perdent leur calme, leur maîtrise de soi, et donc leur emprise sur des valeurs symboliques et affectives qui lui permettent ensuite de les déstabiliser et de les rendre disponibles pour être appropriées par sa base politique. En induisant la panique et l'indignation chez ses opposants, Trump met en lumière sa capacité à entretenir une tendance américaine généralisée vers la pensée conspirationniste et des expériences étranges, comme le démontre l’anthropologue Susan Lepselter (2016). Ce qu’elle appelle une « structure de sentiment » (une phrase empruntée au critique littéraire marxiste Raymond Williams) repose sur un sentiment de captivité, qui reflète les bouleversements économiques et le malaise des États-Unis à la fin du 20e siècle. Cette structure de sentiment mobilise des récits de capture et d’appropriation, particulièrement populaires parmi les Blancs en perte de statut social.

Trump, à cet égard, est moins un simple diffuseur de théories du complot qu'un miroir sur lequel divers groupes projettent leurs fantasmes de prise de valeur et de son appropriation par les élites. Il préfère se positionner en témoin, écoutant des rumeurs plutôt qu’en acteur principal de ces récits. Sa stratégie d’ouvrir une chaîne d’associations indéfinie entre ces groupes marginaux devient une forme de populisme dans lequel il amplifie sans explicitement soutenir certaines idées extrémistes, comme lorsqu’il dit : « Stand back and stand by » aux Proud Boys, ou « Il y a de très bonnes personnes des deux côtés » en référence aux néonazis de Charlottesville. L’ambiguïté de ses propos agace profondément ses opposants, car ils perçoivent l’amplification de ces récits dangereux, mais sont incapables d’obtenir une réponse claire quant à ses intentions.

Transduction et Détournement : mécanismes d'appropriation des valeurs

Trump utilise également un ensemble de stratégies dites « de transduction », en modifiant le sens des valeurs sociales partagées pour les transformer en atouts politiques. Par exemple, son utilisation du terme « politiquement incorrect » devient un outil pour violer systématiquement les codes de décence et en faire une vertu. En ridiculisant les « snowflakes » de gauche, Trump recode la sensibilité aux discours blessants comme une faiblesse, un prétexte pour que ses opposants soient traités comme fragiles et fragilisés par leurs propres normes sociales. C'est une forme de transduction qui détourne les valeurs de respect et de bienveillance en outils de division. Les discours racistes, sexistes et xenophobes ne sont pas seulement une incitation à la haine ; ils sont utilisés comme un moyen de provoquer la révolte contre un système qui serait trop « politiquement correct » pour aborder les vérités qu’il prétend révéler. Cela prend une forme encore plus dangereuse quand on observe les politiques qu’il met en place, telles que sa politique de séparation des familles à la frontière, qu’il justifie par une simple question d’« efficacité », tout en dépeignant ses opposants comme exagérant la portée de ses actions.

Le détournement, dans ce contexte, s’exprime par la manière dont Trump manipule les symboles de la liberté, de l’indépendance, et de la démocratie pour faire en sorte que ses attaques contre les institutions et les valeurs américaines semblent au contraire les défendre. Il joue avec les représentations de la « grande Amérique » et de la libération des peuples opprimés par l’establishment.

Il est fondamental de noter que ces tactiques ne se limitent pas simplement à un jeu de manipulation. Elles sont révélatrices d’un changement plus profond dans le tissu politique américain, un changement dans les façons dont les valeurs et les identités sont négociées, transférées et appropriées. Les adversaires de Trump doivent comprendre qu’en répétant sans cesse l’accusation de corruption, ils risquent de renforcer ses tactiques en les inscrivant davantage dans le récit qu'il cherche à imposer : un récit dans lequel lui et ses partisans se voient comme les vrais défenseurs des vertus perdues.

Comment le populisme autoritaire et le néolibéralisme se rencontrent-ils dans le gouvernement de Bolsonaro ?

Le populisme autoritaire de Jair Bolsonaro a permis de repenser la relation entre l'État et la société au Brésil, et la pandémie de COVID-19 a révélé des dynamiques complexes qui méritent une analyse approfondie. Lors de son ascension politique, Bolsonaro a su se positionner comme un défenseur de l'ordre moral et de la tradition, misant sur le rejet de l'élite politique et du système de corruption systémique qui gangrène les institutions brésiliennes. Il s'est ainsi présenté comme un "draineur du marais" dans la rhétorique qui l'entoure, mais cette posture a rapidement révélé ses propres liens avec des réseaux d'intérêts qui vont à l'encontre de l'image de l'homme politique pur et incorruptible. L'un des pivots de son discours est l'emprise des forces armées sur la politique brésilienne, qui, malgré leur implication dans des scandales de corruption dans le passé, sont devenues des symboles de la moralité et du patriotisme aux yeux d'une grande partie de la population.

Sous Bolsonaro, les forces armées, soutenues par la police et d'autres institutions sécuritaires, ont été mises en avant comme les garantes de la souveraineté populaire, mais également comme un moyen de renforcer le pouvoir personnel du président. En 2018, les militaires, aux côtés de la police, ont émergé comme des acteurs majeurs dans la lutte contre la "criminalité" et ont contribué à ancrer une vision de la société où l’État et la justice sont incarnés par des institutions fortement militarisées. Bolsonaro a ainsi créé une figure de "modération" à travers les forces armées, les plaçant au-dessus des autres branches du gouvernement civil. Cependant, cette image d'un pouvoir modéré dissimule un véritable jeu d'intérêts où l'armée, en position de force, cherche à obtenir une part des ressources étatiques pour ses propres objectifs.

Au-delà de son ascension, le gouvernement de Bolsonaro a rapidement révélé une gestion pragmatique du pouvoir où les promesses de lutte contre la corruption sont souvent éclipsées par des stratégies de survie politique. La nomination d'officiers militaires à des postes clés de l’administration fédérale a permis à l'armée de renforcer sa position au sein du pouvoir exécutif, facilitant une structure de gouvernement où l’allégeance à Bolsonaro prime sur l’expertise et la compétence administratives. En parallèle, ses attaques contre les opposants politiques et ses mouvements pour protéger sa famille des accusations de corruption ont alimenté un climat de méfiance et de polarisation extrême, transformant la politique brésilienne en un jeu de pouvoir où la morale et la légalité sont souvent sacrifiées au profit de la stabilité personnelle et du maintien de l’ordre établi.

Le néolibéralisme de Bolsonaro, incarné par son ministre de l'Économie Paulo Guedes, ancien "Chicago boy" formé sous le régime de Pinochet, se trouve au carrefour de ces tensions. Si certains critiques ont vu dans les aides d'urgence et la hausse des dépenses publiques pendant la pandémie un signe de l'effritement du néolibéralisme au Brésil, il est plus juste de les considérer comme un outil stratégique dans un contexte de crise. Bolsonaro et Guedes, tout en mettant en œuvre des politiques économiques de marché libre, ont fait face à des défis importants en matière de gestion de la crise sanitaire, utilisant la pandémie non seulement pour remettre en question les responsabilités de l'État mais aussi pour conforter une idéologie où la gestion du corps social se fait par la sélection naturelle, une sorte de darwinisme social réaffirmé par l'État.

Lors de la crise sanitaire, Bolsonaro a répété une rhétorique qui minimisait la gravité de la pandémie, favorisant des solutions douteuses comme l’hydroxychloroquine et en refusant de mettre en place une stratégie nationale cohérente pour lutter contre la COVID-19. Ce rejet d’un plan d’action national a permis de dissimuler la gestion calamiteuse des décès et a créé un flou épistémique où l’inaction du gouvernement n'était jamais directement imputable à Bolsonaro. En cultivant un climat de confusion et de désinformation, il a pu déjouer les critiques et se maintenir en place, profitant de l’état de délitement des institutions pour imposer une logique de gouvernance où la négligence d'État est utilisée à des fins politiques.

Cette approche de la crise sanitaire souligne une réalité plus vaste du gouvernement Bolsonaro : un engagement dans une politique de néolibéralisme autoritaire, où les inégalités sociales, déjà profondément enracinées dans l’histoire du pays, sont exacerbées par une gestion qui tend à laisser les plus vulnérables sans protections sociales. L'isolement social et d'autres mesures de santé publique sont considérés comme des privilèges des élites, renforçant une vision de la société où l'État ne doit rien aux plus pauvres, qui sont condamnés à subir les lois du marché sans aucune forme de soutien institutionnel. La logique de Bolsonaro est claire : la pandémie est un mal nécessaire, un test de résistance pour la société où seuls les plus forts, c’est-à-dire ceux qui peuvent se permettre de survivre à cette épreuve, méritent de prospérer.

Bolsonaro incarne ainsi une figure paradoxale : celle d'un leader qui se veut porteur de la pureté morale tout en incarnant une forme de néolibéralisme régressive qui, loin de remettre en question les inégalités historiques du Brésil, les consolide au contraire. Le populisme autoritaire, loin d'être une rupture avec les pratiques néolibérales, les nourrit et les transforme en un mécanisme de contrôle social où les politiques de la mort et de l’abandon des plus vulnérables se fondent dans une logique de marché et de compétition sociale. Cela fait de Bolsonarisme une continuité dans la manière dont les régimes autoritaires au Brésil ont géré les fractures sociales : par la violence symbolique, la mise à l'écart des plus fragiles, et la valorisation d'un modèle économique où l’État se fait silencieux et complice de la mise en place d'un ordre social inégalitaire.

Comment la manipulation de l'État et des émotions forge le pouvoir politique des leaders populistes : L'exemple de Trump et Poutine

Les pratiques manipulatrices des dirigeants populistes ont transformé le paysage politique mondial, surtout dans des pays où le pouvoir exécutif s'est concentré entre les mains d'un leader fort. Donald Trump et Vladimir Poutine, bien que venant de contextes politiques différents, partagent des stratégies similaires pour atteindre leurs objectifs. Leur ascension au pouvoir, bien qu’appartenant à des systèmes distincts — l’un démocratique, l’autre oligarchique — illustre une même trajectoire de manipulation des émotions publiques et de la perception des événements. À travers une gestion calculée des médias et une utilisation des institutions étatiques pour réprimer l’opposition, ces dirigeants ont cherché à normaliser un pouvoir exécutif excessif, à déstabiliser les institutions démocratiques et à renforcer leurs positions autoritaires.

L’admiration que Trump porte à des leaders autoritaires comme Poutine est loin d’être un simple acte de flatterie diplomatique. Lors de multiples occasions, Trump a salué Poutine pour son efficacité et son autorité, l’appelant un “homme fort” et un “leader intelligent”. Poutine, à son tour, a décrit Trump comme un “leader exceptionnel” et un “grand communicateur”. Ces échanges sont révélateurs d’une relation de pouvoir mutuelle qui dépasse la simple politique internationale : ils illustrent des stratégies de communication, de domination et de manipulation partagées qui permettent de faire pencher la balance en faveur des intérêts personnels de ces dirigeants.

Le concept de manipulative statecraft — ou art de la manipulation politique — désigne cette combinaison de stratégies employées par des leaders comme Trump et Poutine pour influencer l’opinion publique et justifier des actions qui sont souvent remises en question. Dans un contexte où les émotions sont aussi manipulées que les faits, ces pratiques ont un objectif précis : transformer des événements perçus comme des menaces ou des nécessités en politiques institutionnalisées et exécutables. Cela se fait par la mise en scène d’événements politiques, des discours soigneusement orchestrés et une gestion des crises pour obtenir des avantages politiques.

Prenons, par exemple, l’interdiction musulmane émise par Trump peu après son entrée en fonction, interdisant l’entrée de ressortissants de sept pays musulmans, sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Cependant, cette mesure ne s’appliquait pas aux pays musulmans avec lesquels Trump entretenait des liens économiques, comme l’Arabie Saoudite ou la Turquie. Ce paradoxe illustre bien le mécanisme de manipulation de l'opinion publique : une politique présentée comme une nécessité de sécurité nationale, mais qui sert en réalité des intérêts économiques et politiques personnels. La manipulation de l’émotion publique à travers des politiques de peur, comme la mise en avant d'une “menace terroriste” fictive, permet de justifier des décisions qui, autrement, seraient jugées inacceptables.

En parallèle, Poutine, avec sa maîtrise des médias et de la propagande, a utilisé des événements mondiaux pour renforcer son pouvoir interne. Que ce soit par des attaques contre l'opposition ou par la réécriture de l’histoire nationale, Poutine façonne constamment la perception publique de son rôle en Russie et de son image à l’étranger. Le contraste avec les discours démocratiques traditionnels, qui cherchent à apaiser et à argumenter, est frappant. La manipulation de l'information et la criminalisation des voix dissidentes font partie d’un arsenal qui permet à ces leaders de transformer des actions controversées en politiques légitimes, souvent au prix de la vérité et de l'équité.

Ces stratégies partagent un trait fondamental : elles utilisent l'État, non pas pour servir le bien public, mais pour maintenir et solidifier un pouvoir personnel. Elles exploitent des crises pour justifier des mesures extrêmes, des restrictions des libertés publiques, et la suppression des voix opposantes, tout en modifiant les perceptions collectives de la vérité. La capacité de ces leaders à mobiliser des émotions fortes, comme la peur ou la colère, devient ainsi un outil stratégique pour influer sur les comportements électoraux et politiques, voire pour justifier des actions qui violent des principes démocratiques fondamentaux.

Les leaders populistes comme Trump et Poutine se servent de la polarisation sociale pour diviser et conquérir, en manipulant habilement les perceptions collectives. Ils détournent les médias pour créer des narrations où les vérités sont fluides et les réalités complexes sont simplifiées en manichéisme. L’objectif ultime de ces stratégies est de s’assurer que la légitimité de leur pouvoir n’est pas seulement maintenue par la force ou par des élections, mais également par un contrôle subtile des narratifs politiques et des émotions publiques.

Dans ce contexte, il est essentiel pour le public de comprendre que la manipulation des émotions et des perceptions est un outil puissant dans la gouvernance populiste. La simple question des politiques autoritaires ne se limite pas à des lois et des décrets, mais à la capacité de ces leaders à orienter les sentiments populaires et à orienter l’opinion publique vers un soutien inébranlable de leurs actions, malgré leur nature souvent anti-démocratique.