Soit une fonction ϕ appartenant à une classe de régularité adaptée, définie sur un intervalle [α, β] et à valeurs dans un espace fonctionnel F. Considérons une application Φ qui associe à un élément x d’un espace X l’intégrale ∫α^β ϕ(t, x) dt. Sous des hypothèses classiques de continuité et différentiabilité (par exemple ϕ ∈ C^0,p), on peut démontrer que Φ est de classe C^p sur X, et sa différentielle s’écrit explicitement comme l’intégrale des différentielles partielles de ϕ par rapport à la variable x, intégrées sur l’intervalle. Cette propriété s’appuie sur une combinaison astucieuse du théorème de dérivation en chaîne et de la théorie de l’intégration, notamment en s’appuyant sur la continuité forte des opérateurs linéaires issus de l’intégration.

L’analyse est d’autant plus raffinée que l’on considère les opérateurs de Nemytskii, lesquels transforment des fonctions en d’autres fonctions via une opération ponctuelle, et qui sont essentiels pour décrire des phénomènes où la dépendance spatiale et temporelle est couplée. L’opérateur Φ s’exprime souvent comme une composition d’une application ϕ avec un opérateur Ψ, qui encode les valeurs de la fonction et éventuellement de sa dérivée (dans le cas des espaces C^1). Cette structure permet de transférer la différentiabilité de ϕ à Φ via la règle de chaîne et d’établir ainsi une base rigoureuse pour le calcul variationnel.

Dans le cadre plus spécifique du calcul des variations, on considère des fonctionnelles définies comme des intégrales de Lagrangiens L(t, u(t), u̇(t)) sur un intervalle [α, β], où u appartient à un espace de fonctions suffisamment régulières, par exemple C^1. Ces intégrales sont sujettes à des problèmes d’optimisation, souvent avec des conditions aux limites libres ou fixes, ce qui définit des espaces fonctionnels adaptés (ouverts ou affines) sur lesquels la fonctionnelle est différentiable. La différentiabilité de la fonctionnelle f(u) := ∫α^β L(t, u(t), u̇(t)) dt se traduit par l’expression explicite de sa différentielle, impliquant les dérivées partielles de L par rapport à ses arguments, appliquées aux variations h et ḣ.

Une étape clé est la démonstration que l’ensemble des fonctions à variation nulle sur les bornes forme un sous-espace vectoriel fermé, complet — un espace de Banach — qui facilite l’analyse variationnelle. Les conditions extrémales du problème sont ensuite caractérisées par la nullité de la différentielle de f sur ce sous-espace, ce qui conduit naturellement à l’équation d’Euler–Lagrange, fondement du calcul variationnel.

L’importance de ce cadre théorique réside dans sa généralité : il permet de traiter rigoureusement la différentiabilité de fonctionnelles intégrales dépendant de paramètres, d’établir des formules précises pour leurs dérivées, et d’en déduire les équations gouvernant les extrémaux. Ceci est fondamental dans les applications physiques, ingénierie, et mathématiques appliquées où la modélisation par des intégrales fonctionnelles est omniprésente.

Au-delà de cette structure, il est primordial pour le lecteur de saisir que les conditions de régularité et d’ouverture des espaces fonctionnels ne sont pas de simples contraintes techniques, mais assurent la validité des opérations différentielles et permettent d’utiliser pleinement les outils du calcul différentiel infini-dimensionnel. Par ailleurs, comprendre la relation intime entre la différentiabilité des opérateurs et la structure topologique des espaces concernés est essentiel pour appréhender les subtilités des solutions aux problèmes variationnels, notamment en ce qui concerne la stabilité, l’unicité et la sensibilité aux conditions aux limites.

L'image d'une immersion injective est-elle un sous-variété ?

L'analyse de l'exemple précédent montre que l'application g1:SIg^{ -1}: S \to I n'est pas continue. Par conséquent, l'application g:ISg: I \to S n'est pas topologique. En effet, le théorème suivant établit que si une immersion injective possède un inverse continu, son image est une sous-variété. Nous définissons une immersion f:XRnf : X \to \mathbb{R}^n comme un (Cq) plongement de XX dans Rn\mathbb{R}^n si f:Xf(X)f : X \to f(X) est topologique.

Supposons que XX soit un ouvert de Rm\mathbb{R}^m et que fCq(X,Rn)f \in C^q(X, \mathbb{R}^n) soit un plongement. Alors l'image f(X)f(X) est une sous-variété mm-dimensionnelle de Rn\mathbb{R}^n.

Pour démontrer cela, posons M:=f(X)M := f(X) et choisissons un point y0My_0 \in M. D'après le théorème 9.7, il existe un voisinage ouvert X0X_0 de x0:=f1(y0)x_0 := f^{ -1}(y_0) dans XX tel que M0:=f(X0)M_0 := f(X_0) soit une sous-variété mm-dimensionnelle de Rn\mathbb{R}^n. Il existe ainsi des voisinages ouverts U1U_1 de y0y_0 et V1V_1 de 0 dans Rn\mathbb{R}^n, ainsi qu'un difféomorphisme Φ\Phi de U1U_1 vers V1V_1 tel que Φ(M0U1)=V1Rm×{0}\Phi(M_0 \cap U_1) = V_1 \cap \mathbb{R}^m \times \{0\}. Comme ff est topologique, M0M_0 est un ouvert dans MM. Par conséquent, il existe un voisinage ouvert U2U_2 dans Rn\mathbb{R}^n tel que M0=MU2M_0 = M \cap U_2. D'où il suit que U:=U1U2U := U_1 \cap U_2 est un voisinage ouvert de y0y_0 dans Rn\mathbb{R}^n, et V:=Φ(U)V := \Phi(U) est un voisinage ouvert de 0 dans Rn\mathbb{R}^n, avec Φ(MU)=VRm×{0}\Phi(M \cap U) = V \cap \mathbb{R}^m \times \{0\}. Cette démonstration s'applique à chaque point y0My_0 \in M, et conclut que MM est une sous-variété.

Les exemples suivants illustrent ce concept à travers plusieurs représentations géométriques.

Exemples de plongements

(a) Coordonnées sphériques :
Considérons la fonction f3:R3R3f_3 : \mathbb{R}^3 \to \mathbb{R}^3, définie par les coordonnées sphériques (r,φ,ϑ)(x,y,z)(r, \varphi, \vartheta) \mapsto (x, y, z) données par les relations :

x=rcosφsinϑ,y=rsinφsinϑ,z=rcosϑ.x = r \cos \varphi \sin \vartheta, \quad y = r \sin \varphi \sin \vartheta, \quad z = r \cos \vartheta.

Soit V3:=(0,)×(0,2π)×(0,π)V_3 := (0, \infty) \times (0, 2\pi) \times (0, \pi). La restriction g3:=f3V3g_3 := f_3|_{V_3} est un plongement CC^\infty de V3V_3 dans R3\mathbb{R}^3, et F3=g3(V3)=R3H3F_3 = g_3(V_3) = \mathbb{R}^3 \setminus H_3, où H3H_3 est le demi-plan fermé R+×{0}×R\mathbb{R}^+ \times \{0\} \times \mathbb{R}.

(b) Coordonnées sphériques sur S2S^2 :

Nous définissons f2:R2R3f_2 : \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^3, avec (φ,ϑ)(x,y,z)( \varphi, \vartheta ) \mapsto (x, y, z), où les coordonnées sphériques sont données par :

x=cosφsinϑ,y=sinφsinϑ,z=cosϑ.x = \cos \varphi \sin \vartheta, \quad y = \sin \varphi \sin \vartheta, \quad z = \cos \vartheta.

La restriction g2:=f2V2g_2 := f_2|_{V_2} est un plongement CC^\infty de V2V_2 dans R3\mathbb{R}^3, et F2=g2(V2)=S2H3F_2 = g_2(V_2) = S^2 \setminus H_3, où S2S^2 est la sphère unité dans R3\mathbb{R}^3.

(c) Coordonnées cylindriques :

Soit f:R3R3f : \mathbb{R}^3 \to \mathbb{R}^3, défini par (r,φ,z)(x,y,z)(r, \varphi, z) \mapsto (x, y, z), avec les relations :

x=rcosφ,y=rsinφ,z=z.x = r \cos \varphi, \quad y = r \sin \varphi, \quad z = z.

La restriction g:=fVg := f|_V est un plongement CC^\infty de V=(0,)×(0,2π)×RV = (0, \infty) \times (0, 2\pi) \times \mathbb{R} dans R3\mathbb{R}^3, et son image est F3=R3H3F_3 = \mathbb{R}^3 \setminus H_3.

Conclusion

Il est crucial de comprendre que ces exemples montrent non seulement que ces plongements sont des immersions, mais aussi que leurs images sont des sous-variétés de Rn\mathbb{R}^n sous certaines conditions. La continuité et la structure topologique jouent un rôle fondamental dans la définition des sous-variétés, en particulier dans le contexte des immersions injectives et de la nécessité que l'inverse soit continu pour que l'image soit une sous-variété. L'importance de ces concepts réside dans leur capacité à modéliser géométriquement des objets complexes à travers des cartes locales et des paramétrisations régulières.

Comment comprendre l'espace tangent d'une variété différentielle et sa géométrie locale

L’espace tangent d’une variété MM en un point pp est un concept fondamental en géométrie différentielle. Il permet d’étudier localement la structure de la variété autour de ce point en la reliant à un espace vectoriel. Cette notion est cruciale pour l’analyse de la géométrie et des courbes, ainsi que pour la compréhension des propriétés locales de MM.

Soit qN×{}q \in \mathbb{N} \times \cup \{\infty\} et pMp \in M. Une carte (φ,U)(\varphi, U) de MM autour de pp permet de paramétrer MM dans un voisinage de pp à travers une fonction g:VUg : V \to U. L’espace tangent TpMT_pM de MM au point pp est l’image de Tφ(p)VT_{\varphi(p)}V sous Tφ(p)gT_{\varphi(p)}g, soit TpM=im(Tφ(p)g)T_pM = \text{im}(T_{\varphi(p)}g). Les éléments de cet espace sont appelés vecteurs tangents de MM en pp. Ainsi, l’ensemble des espaces tangents pour tous les points de MM forme le faisceau tangent TMTM.

Il est essentiel de noter que l’espace tangent TpMT_pM est bien défini indépendamment de la carte choisie, ce qui en fait un objet géométriquement invariant. En effet, si nous considérons une autre carte (φ,U)(\varphi', U') autour de pp, l’espace tangent défini par cette carte sera isomorphe à celui défini par (φ,U)(\varphi, U). Cette propriété de stabilité est garantie par le théorème de la chaîne et la règle de dérivation associée.

Structure de l’espace tangent

L’espace tangent TpMT_pM est un sous-espace vectoriel de TpRnT_p\mathbb{R}^n, ce qui en fait un sous-espace de dimension mm si MM est une sous-variété de dimension mm de Rn\mathbb{R}^n. De plus, cet espace est muni d’un produit scalaire induit par le produit scalaire standard de TpRnT_p\mathbb{R}^n. Ainsi, TpMT_pM devient un espace de Hilbert de dimension mm pour lequel il est possible de définir des normes et des produits scalaires locaux qui sont cruciaux pour l’étude de la géométrie locale de MM.

Les vecteurs tangents sont souvent représentés dans des coordonnées locales, et un vecteur tangent vTpMv \in T_pM peut être exprimé comme v=Tφ(p)g(ξ)v = T_{\varphi(p)}g(\xi) pour un certain ξRm\xi \in \mathbb{R}^m, où ξ\xi représente une base de vecteurs dans les coordonnées locales induites par la carte φ\varphi.

Les applications locales et les bases locales

Une carte locale permet de définir des coordonnées locales sur MM et ainsi de représenter l’espace tangent en termes de vecteurs de Rm\mathbb{R}^m. Ces coordonnées locales permettent d’exprimer les éléments de l’espace tangent à travers des dérivées partielles de la fonction de paramétrisation gg. Par exemple, si g(x)=(x,f(x))g(x) = (x, f(x)) est une paramétrisation de MM, les vecteurs tangents peuvent être obtenus en prenant les dérivées partielles de gg par rapport aux coordonnées xx, donnant ainsi les directions tangentes locales de MM.

Les bases locales de l’espace tangent TpMT_pM peuvent être définies comme les vecteurs tangents aux « chemins coordonnés » passant par pp. Ces vecteurs sont obtenus en considérant les chemins de la forme γj(t)=g(φ(p)+tej)\gamma_j(t) = g(\varphi(p) + t e_j), où eje_j est un vecteur de la base canonique de Rm\mathbb{R}^m. Les vecteurs gxj\frac{\partial g}{\partial x_j} forment ainsi une base de l’espace tangent en pp.

Représentation géométrique des vecteurs tangents

Une des interprétations géométriques de l’espace tangent est que chaque vecteur tangent vv à MM en pp peut être vu comme la vitesse d’un chemin passant par pp et appartenant entièrement à MM. Cela découle du théorème de caractérisation des espaces tangents, qui stipule qu’un vecteur vTpMv \in T_pM correspond à la vitesse de certaines trajectoires dans MM. Plus précisément, il existe un chemin γC1((ε,ε),Rn)\gamma \in C^1((- \varepsilon, \varepsilon), \mathbb{R}^n) qui passe par pp, avec γ(0)=p\gamma(0) = p et γ˙(0)=v\dot{\gamma}(0) = v, et tel que γ(t)M\gamma(t) \in M pour tous tt proches de zéro.

Cela fournit une compréhension géométrique profonde de l’espace tangent : les vecteurs tangents décrivent non seulement les directions dans lesquelles la variété « touche » l’espace ambiant, mais ils sont également liés à la notion de courbure et de variation locale de la variété.

Interprétation et applications

L’interprétation géométrique de l’espace tangent est cruciale pour comprendre la variabilité et la courbure locale des courbes et des surfaces. De plus, cette notion est fondamentale pour la définition des formes différentielles et pour la compréhension des opérations de calcul différentiel sur des variétés. Un autre aspect important est que, pour des sous-variétés de Rn\mathbb{R}^n, l’espace tangent peut être utilisé pour définir des concepts tels que les normales et les géodésiques, qui jouent un rôle essentiel en géométrie différentielle.

Dans le cadre des variétés implicites, si MM est défini par une équation de type f1(c)f^{ -1}(c), où f:XRmf : X \to \mathbb{R}^m est une fonction régulière, alors l’espace tangent peut être lié à l’espace du noyau de la dérivée de ff, c’est-à-dire TpM=ker(Tpf)T_pM = \ker(T_p f). Cela offre un lien direct entre la géométrie locale de MM et les propriétés analytiques de ff.