Le Lovage, une herbe qui n'est pas originaire des pentes du littoral méditerranéen mais des montagnes et plateaux qui surplombent la mer, est un témoignage fascinant de la résilience et de la beauté des plantes. Son nom botanique, Levisticum, est une corruption tardive du terme latin pour la Ligurie, un territoire que cette plante a traversé pour se rendre jusqu’à nos jardins. Dès les premiers jours du printemps, ce végétal robuste surgit d'une racine vivace, formant rapidement un touffe d'environ un pied de haut, avec des tiges rondes et des feuilles d’un vert foncé luisant, rappelant le céleri, tant par son apparence que par son goût. Une fois que ses premières feuilles s’ouvrent, la plante semble jaillir de la terre, ses tiges creuses s’élevant, atteignant jusqu’à cinq ou six pieds de hauteur. Les ombelles de fleurs jaune pollen couronnent le tout, émettant un parfum subtilement capiteux.

Bien que les fruits de l'ombelle, autrefois utilisés en cuisine et en médecine domestique, soient maintenant souvent négligés, les jeunes pousses, lorsqu'elles sont bouillies dans un bouillon, ajoutent une saveur intéressante et complexe, mêlant celle du céleri et de ses graines. Le Lovage, planté dans un sol riche qui conserve une humidité adéquate, est d'une robustesse étonnante, semblable à celle d'un chêne. Il est vigoureux et fascinant à observer dans un jardin, où il se distingue comme un point fort parmi les herbes.

Il est également intéressant de considérer les harmonies de couleurs que l'on retrouve dans un jardin. Le vert, par exemple, se décline sous des nuances infinies, certaines sombres et brillantes comme celles du Lovage, d’autres plus pâles. L’éventail de verts se mêle harmonieusement, allant du bleu pur au jaune, formant un contraste subtil qui enrichit la surface du monde végétal. Ainsi, chaque variété d'herbe, chaque feuillage, offre une nuance de vert qui capte et joue avec la lumière, ajoutant à la beauté de la scène de jardin.

Cela rappelle la notion de la « variation subtile » que l'on retrouve dans d'autres plantes telles que la rue argentée, le basilic frais ou le Costmary, toutes ces plantes créant un microcosme miniature de forêts et de plaines dans le cadre de votre jardin.

À côté du Lovage, la Lavande, bien connue des jardiniers et parfumeurs, occupe une place de choix. La Lavande anglaise, qui ne correspond plus tout à fait au type botanique Lavandula Vera, s’est transformée au fil des siècles pour devenir une variété ornementale unique, riche en huiles essentielles. Cette lavande, cultivée pour ses fleurs parfumées et ses propriétés médicinales, est un parfait exemple de la manière dont une plante peut évoluer au sein d’un environnement cultivé. Dans le jardin, la Lavande, de par sa forme érigée, ses tiges fleuries et ses feuilles étroites et gris-vert, se distingue par sa beauté. Elle n’est pas seulement un ajout visuel, mais aussi olfactif, créant une atmosphère apaisante.

L’Angleterre, avec son climat tempéré, s’est avérée être le lieu de prédilection pour la culture de la Lavande. En effet, cette plante y prospère non seulement dans les jardins, mais aussi dans les maisons, où son parfum est utilisé pour parfumer les armoires et les draps. En France, on cultive plusieurs variétés de Lavande, dont une souche française de L. Vera et une autre issue de semences anglaises. Cependant, parmi les multiples variétés, certaines peuvent être trompeuses pour l’acheteur, car de nombreuses pépinières proposent une "Lavande" sous des noms différents. C’est une quête délicate que de trouver la véritable L. Vera, car cette plante méditerranéenne résiste difficilement dans certains jardins américains, comme dans le nord-est des États-Unis, où le climat est moins favorable.

Le climat et la terre du sud de l’Angleterre semblent offrir les meilleures conditions pour cette plante, qui s’y développe harmonieusement, contrairement à des régions plus froides. Pour la cultiver efficacement, il est essentiel de tenir compte de son besoin de soleil tout en lui offrant une protection partielle contre les vents forts. En automne, les tiges de lavande doivent être taillées afin de favoriser la croissance de l’année suivante. Mais au-delà des aspects pratiques, c'est dans la symphonie de couleurs et de parfums que la Lavande prend tout son sens.

À côté de la Lavande, le L. Dentata, une espèce un peu plus rare, émerge comme un ajout encore plus singulier dans le jardin. Bien que moins rustique, il offre des fleurs tout à fait remarquables, avec des tiges longues et des feuilles dentelées qui s’épanouissent en septembre, lorsque la plupart des autres plantes commencent à se faner. Ce type de Lavande, plus délicat et difficile à trouver, donne une touche de fraîcheur à l’aménagement floral.

Le jardinier ne doit pas seulement s’intéresser à la beauté immédiate d’une plante, mais aussi à la manière dont elle s’intègre dans l’écosystème du jardin. Chaque herbe, chaque fleur, chaque plante joue un rôle dans l’équilibre global du jardin, où la lumière, l’humidité et la protection des végétaux s’harmonisent pour créer une ambiance naturelle et vivante. Un jardin n’est pas seulement un espace de beauté esthétique ; c’est un espace vivant, où chaque élément contribue à une symphonie organique, parfois subtile, mais toujours indispensable.

L'usage des herbes dans l'agriculture classique et moderne : une exploration des arômes et symboles

Le Thym (Thymus) se présente sous différentes formes et variétés, chacune ayant sa propre singularité, mais toutes étant caractérisées par une robustesse et une capacité d’adaptation impressionnantes. Le Thym Marginalisé (T. S. Aureus-Marginatus), par exemple, se distingue par ses feuilles d’un vert sauge bordées d’une ligne d’ivoire, tandis que le Thym Serpyllum est plus lumineux, avec des feuilles qui réfléchissent la lumière du soleil. Le premier pousse en touffe, tandis que le second adopte une forme de plante rampante, ligneuse. Tous ces Thym, originaires de sols secs et calcaires, nécessitent un sol bien drainé, un élément essentiel pour leur croissance. Leur sensibilité aux pluies automnales en fait des plantes délicates en cette saison. Bien que les graines du Thym Serpyllum soient facilement accessibles, l’achat de plants reste recommandé pour une meilleure réussite. En revanche, le Thym Herba-Barona, celui au parfum de carvi, est plus difficile à trouver mais mérite d’être acquis, notamment pour son parfum unique. Ces Thym, en fleurs, ne sont pas simplement à observer de haut mais doivent être appréciés à leur échelle, avec une attention particulière à leur forme, leur odeur et la lumière du soleil qui accentue leur essence.

Le Thym, en tant qu’herbe de l’agriculture antique, nous rappelle la relation profonde entre les plantes et les divinités du monde classique. Dans les anciens sacrifices grecs, le Thym était utilisé pour allumer une flamme parfumée, un geste symbolique de dévotion. Il se trouve ainsi au carrefour de la mythologie, de l’agriculture et de la poésie, un symbole de douceur et de dévouement.

L'Applemint (Mentha Gentilis), plante typique de la Nouvelle-Angleterre, incarne à la fois la simplicité et l’élégance. Moins connu que la Menthe verte ou la Menthe poivrée, l'Applemint se caractérise par des tiges rouges et des feuilles lisses ou, dans une autre forme, d’un vert panaché de jaune ivoire. Sa taille modeste, variant entre cinq et six pouces, et son parfum subtilement différent de la menthe classique en font une plante précieuse pour les jardiniers. Elle est particulièrement appréciée pour sa capacité à parfumer des boissons sans que son goût n’éclipse d’autres saveurs. En jardin, l’Applemint se développe dans des zones mi-ombragées, et en hiver, la forme panachée peut être conservée en pot à l’intérieur, ajoutant ainsi une touche parfumée à l’espace. Bien que sa culture soit moins courante, elle vaut le détour pour ceux qui recherchent une saveur douce et originale.

Le Fenouil (Anethum Graveolens), de par sa structure élégante et délicate, offre un spectacle qui rappelle la beauté pure de la nature. Sa tige, fine et droite, se divise en ramifications portées par de petites feuilles fines, surmontées de grandes ombelles d’un jaune pâle. Ces ombelles, bien que simples, présentent une complexité de formes et une beauté rare. Le Fenouil, bien qu’un annexe commun dans de nombreuses cuisines, a une histoire riche, symbolisant le lien entre l’ancien monde de la magie et de la fertilité. En Scandinavie, par exemple, son utilisation dans les plats de fête est une tradition bien ancrée. Sa culture ne pose pas de problème particulier, et il suffit de semer les graines dans un sol léger et bien drainé. Les ombelles jeunes ajoutent une touche de fraîcheur aux salades, tandis que les graines sont utilisées pour parfumer vinaigre et pâtisseries.

La Pimprenelle (Poterium Sanguisorba), moins connue en dehors de certaines régions, mérite une attention particulière pour ses qualités gustatives et décoratives. Cette plante produit des feuilles qui, une fois jeunes, sont délicates et croquantes, avec un goût qui rappelle celui du concombre. Utilisée dans les salades fraîches, elle est parfois cultivée en tant qu’herbe ornementale dans les jardins. Les Romains connaissaient bien cette plante, et elle figure encore dans la cuisine française sous le nom de "Pimprenelle". Cultivée dans des sols secs, elle se développe en formant un petit buisson, idéal pour des bordures ou des rocailles.

Le Romarin, tout comme la Lavande, est une plante méditerranéenne qui, dans nos contrées septentrionales, peine à supporter les hivers rigoureux. Il est cependant un symbole puissant de mémoire et de souvenir. Ses petites feuilles persistantes, au parfum distinctif, évoquent l’amour et la fidélité. Dans les jardins du nord, il est souvent cultivé en pot, où il peut être protégé des rigueurs du climat. Son entretien exige un sol bien drainé, de la lumière, et un arrosage mesuré. Le Romarin, qui peut être formé en petit arbre, se prête aussi bien à l’ornementation des jardins qu’à la culture en intérieur, apportant ainsi une touche méditerranéenne à la maison.

Enfin, la Bourrache (Borago Officinalis), bien que principalement cultivée pour ses fleurs d’un bleu éclatant, présente également des qualités médicinales et culinaires. Ses fleurs, en forme d’étoile, ajoutent une note visuelle et gustative particulière aux boissons et aux plats. Le bleu de la Bourrache, souvent associé à la divinité de l’esprit, rappelle l’importance des couleurs dans les rites anciens. Bien que la plante soit assez robuste, elle est surtout appréciée pour ses fleurs et est utilisée pour ses effets rafraîchissants dans les infusions et les cocktails.

Les herbes, qu’elles soient symboles de divinités antiques, de mémoires anciennes ou simplement de saveurs et de bien-être, occupent une place privilégiée dans le jardin et dans notre quotidien. Elles relient les humains à leur histoire, à la nature et à une tradition millénaire d’utilisation.

Pourquoi les herbes et la terre sont-elles au cœur de l'œuvre de Henry Beston ?

L'univers de Henry Beston, empli de sensibilité pour la nature, trouve son expression la plus profonde dans son lien avec les herbes et la terre. Dans son livre Herbs and the Earth, Beston nous invite à une exploration simple mais profondément philosophique de la nature à travers l'observation et la culture des plantes. Son approche de l'horticulture n’est pas seulement technique, mais une forme de communion avec le monde naturel, un dialogue silencieux et réfléchi avec la terre elle-même.

À Chimney Farm, son refuge dans le Maine, Beston vivait au rythme des saisons agricoles. Ce n'était pas une ferme au sens traditionnel du terme, mais plutôt un lieu où l’harmonie avec la nature s’exprimait dans les gestes quotidiens : le travail de la terre, la culture des herbes, les rituels de la récolte et la contemplation du monde vivant. Henry n’était pas un fermier au sens strict; il se consacrait principalement à l’observation, à la réflexion et à la contemplation. En cultivant ses herbes, il trouvait une beauté simple, une poésie dans les cycles de la nature, une continuité du vivant qui résonnait profondément avec son propre appel intérieur.

Son jardin d'herbes, situé du côté de la maison faisant face au lac, était une métaphore de cette simplicité et de cette recherche spirituelle. Il commença par un petit parterre, un simple lit d'herbes de dix pieds de long, qui s’étendit au fil des années en deux plates-bandes. Il fit pousser des plantes méditerranéennes comme le thym et la lavande, chacune nécessitant des soins spécifiques en fonction de son orientation – l’une face à l’est, l’autre au sud. Ce jardin n'était pas qu’un espace de culture; il était un lieu de méditation, une invitation à une réflexion intime et sensuelle sur l’harmonie entre l'homme et la nature.

À travers l’étude de ses herbes, Beston plongeait dans une histoire ancienne, un voyage à travers les âges, de la Bible à la Grèce antique, des Romains à la Renaissance, jusqu’à l’Angleterre élisabéthaine. Ce lien entre l’herbe, le sol et la culture humaine révélait une profonde connexion entre la nature et l’histoire, une manière de comprendre notre place dans le monde à travers les racines de notre héritage commun.

Il n’y avait pas de recherche de perfection dans ce jardin, mais une recherche d’authenticité et de vérité. Beston trouvait une beauté dans les plus simples des feuilles, des herbes telles que le basilic, la sauge, ou la bourrache, qui n’étaient pas seulement des plantes utilitaires, mais des symboles vivants du temps, de la terre et du sacré. Pour lui, chaque feuille était un témoin du monde, une trace de l’histoire de l’univers et de l’expérience humaine. Le jardin était plus qu’un lieu physique; il devenait un espace spirituel, une résonance de l’ordre naturel, du passage des saisons et de l’éternité.

Henry Beston vivait aussi une sorte de dualité dans son travail de jardinier et d’écrivain. Bien qu’il s’adonne avec enthousiasme à l’observation des plantes, la véritable tâche qui le poussait était celle de trouver dans chaque geste de jardinage un sens plus profond, un lien avec l’essence même de la vie. La terre, pour lui, n’était pas seulement une ressource à exploiter mais une entité vivante, une matière qui portait en elle la mémoire et l’histoire. À travers l’écriture de Herbs and the Earth, il nous guide dans cette exploration intérieure du monde naturel, nous invitant à ressentir ce que lui-même ressentait lors de ses moments de solitude et de contemplation dans le jardin.

En revanche, l’écriture était un combat pour lui. Elle n’était pas spontanée, mais un travail ardu, presque physique. Ses notes se déversaient sur le papier après des heures d’effort, et souvent, il avait l’impression que l’écriture était un fardeau. Pourtant, dans ses livres, notamment Herbs and the Earth, il parvenait à capturer l’essence de ce qu’il avait appris et observé, à distiller cette sagesse en mots. Le processus d’écriture, tout comme son travail de jardinier, était une quête de vérité, une exploration de la vie qui ne se révélait que dans la lenteur et la patience.

Il est essentiel de noter que ce lien avec la nature, pour Beston, allait au-delà de l’aspect esthétique ou utilitaire de l’agriculture. C’était une forme de spiritualité, une façon de renouer avec un rythme plus ancien, plus primal, que celui dicté par la modernité et l’industrialisation. Beston rejetait l’idée que l’homme pouvait se couper de la nature sans en payer le prix. Son oeuvre est une invitation à réévaluer notre propre relation à la terre et à nous reconnecter à ce monde naturel qui nous nourrit à la fois physiquement et spirituellement.

Le livre de Beston n’est pas seulement un manuel de jardinage, mais un voyage intérieur qui met en lumière les liens invisibles entre l’homme et la terre, entre l’individu et l’histoire collective. En cultivant ses herbes, il se réconciliait avec ses propres racines, trouvant dans chaque plante une métaphore de la condition humaine. Chaque geste, chaque observation devenait un acte sacré de compréhension et de respect envers la nature.

Ainsi, le message que Beston nous laisse dans Herbs and the Earth est une invitation à la contemplation, à la simplicité et à la reconnaissance du sacré dans les choses les plus ordinaires. Au-delà de la pratique du jardinage, c’est une leçon sur l’humilité, la patience et la beauté de la nature qui nous entoure, toujours présente, toujours vivante, toujours prête à nous offrir son enseignement.

Comment la Nature nous Offre un Voyage Magique à Travers les Herbes

Les herbes ont toujours occupé une place particulière dans l'histoire de l'humanité, tant pour leur utilité pratique que pour leur signification symbolique. Des champs verdoyants aux coins secrets de notre jardin, elles incarnent la rencontre de l'art de cultiver et de l'expérience sensorielle. Parmi ces plantes, certaines sont vénérées depuis l'Antiquité, tandis que d'autres, moins connues, méritent une attention toute particulière. Ces herbes nous relient non seulement à la nature, mais aussi à l’histoire culturelle et spirituelle des civilisations passées. Leurs vertus dépassent les simples usages culinaires ou médicinaux, elles sont des porteuses de symboles, des messagères de ce qui est à la fois sacré et mystérieux dans notre relation à la terre.

Parmi les herbes les plus célèbres, la rue (Ruta graveolens) se distingue par ses vertus magiques et médicinales. Connue pour ses propriétés purifiantes, elle était autrefois utilisée dans les rituels de purification et de protection contre les forces invisibles. Les anciens croyaient qu’elle pouvait éloigner le mal et apaiser l’âme. Cette herbe a traversé les siècles pour se retrouver même mentionnée dans les Évangiles, un symbole d’aspiration spirituelle, de purification intérieure.

La verveine, ou vervaine (Verbena officinalis), quant à elle, est une herbe aux multiples usages, célèbre pour sa capacité à apaiser l'esprit et à apporter une forme de sérénité. Depuis l’Antiquité, elle était considérée comme une plante sacrée, dédiée aux dieux, et souvent utilisée dans les rituels religieux. Elle incarne le passage entre le divin et l’humain, entre le visible et l’invisible. Sa forte essence a traversé les âges, ajoutant à son mystère et à sa puissance.

Le fenouil (Foeniculum vulgare), simple à cultiver, a lui aussi une place importante dans les jardins de nos ancêtres. Son parfum anisé et sa saveur douce sont aussi une invitation à la méditation. Utilisé en cuisine pour sa capacité à éveiller les sens, le fenouil a aussi longtemps été associé à des vertus protectrices, notamment dans les croyances populaires. Cette herbe, bien que discrète, offre une sagesse ancienne: un rappel que même les petites plantes ont des histoires et des pouvoirs insoupçonnés.

Les herbes qui parfumeraient un simple jardin d'été, comme le cerfeuil, la marjolaine, et les différents types de basilic, ne se contentent pas d’ajouter de la saveur aux plats. Elles nous relient à la nature de manière plus profonde, en révélant les cycles secrets du vivant. Les marins de jadis connaissaient l’importance de ces plantes pour leur potentiel de guérison, en particulier lorsqu’elles étaient utilisées pour apaiser les maux de mer et les maladies liées aux longues traversées.

Le basilic, par exemple, symbole de la protection et de la chance dans de nombreuses cultures, était autrefois un gage de fidélité dans l’amour, mais aussi de force intérieure. Son parfum doux mais intense offre une touche de mystère, rappelant les moments d’introspection auxquels chaque être humain se confronte en contemplant le monde naturel.

Au-delà de leur usage quotidien, ces herbes portent aussi en elles l’écho des traditions anciennes, telles que celles mentionnées dans la Bible. La mandragore, par exemple, dans le livre de la Genèse, incarne la magie et le mysticisme, tandis que la coriandre, la menthe et l’aneth sont également des plantes ayant traversé l'histoire des peuples, tantôt utilisées comme épices, tantôt comme symboles de foi et de guérison spirituelle.

La connaissance des herbes et de leur symbolisme va au-delà du simple jardinage ou de la cuisine. Dans leur essence, elles nous rappellent l’impermanence de la vie, les cycles éternels de la nature, et la connexion sacrée que l’humain entretient avec la Terre. Comme l’a écrit George Herbert, elles poussent dans l’obscurité, nourries par la terre, et deviennent visibles et odorantes lorsqu’elles atteignent la lumière. Ce processus, apparemment simple, est un reflet de notre propre existence : nous naissons dans l’obscurité, grandissons dans les ténèbres, et émergeons pour offrir nos talents et nos dons au monde.

Les herbes de l’Antiquité, qui ont traversé le temps pour s’installer dans nos jardins et dans nos cœurs, nous rappellent que chaque plante a une histoire, une force et une signification. Elles sont les témoins silencieux de notre passé, de nos croyances et de nos rituels, et continuent à jouer un rôle vital dans notre relation à la terre. Cultiver ces herbes, c'est participer à un rituel ancien, un geste qui s'inscrit dans le cycle sans fin de la nature et de l'humanité.

Le jardin des herbes, c'est plus qu'un lieu de culture, c'est un espace où la beauté du monde naturel se marie à une connaissance ancienne. En cultivant ces plantes, nous devenons non seulement des jardiniers, mais aussi des gardiens des traditions, des sentinelles d’un savoir qui s'est transmis à travers les âges. Leur parfum, leurs couleurs et leurs textures sont les témoins de ce lien indestructible entre l'homme et la terre.

Il est essentiel, cependant, de ne pas se contenter d'un regard superficiel sur ces plantes. Chaque herbe porte en elle une sagesse qui dépasse le simple usage. Comprendre leur histoire, leur rôle dans les écosystèmes et leur symbolisme profond nous permet de mieux appréhender le monde qui nous entoure. Une simple touche de basilic sur un plat ou de menthe dans un thé ne doit pas seulement être perçue comme un acte quotidien, mais comme une forme de communion avec les cycles naturels et spirituels de notre existence. Les herbes, dans leur simplicité, nous rappellent que nous faisons partie d'un tout beaucoup plus vaste, un tout dont chaque élément, aussi petit soit-il, a un rôle crucial à jouer.

Quelle est la mélodie de la Terre dans l'harmonie céleste ?

Dans cette harmonie céleste, quelle chanson la Terre chantait-elle alors ? Quelle vaste et solennelle musique notre planète produisait-elle en tournant sur ses pôles, en roulant à travers le vide universel, amenant ses cités vers le soleil et ses champs vers la nuit ? Le son n’était-il que la voix confuse et primordiale de la planète, montant éternellement de ses noyaux de pierre, ou un mélange des bruits des rivières et des océans, des feuilles et de la pluie infinie, formant une harmonie mystérieuse ? Et peut-être qu’un dieu écoutant aurait perçu les échos de l’homme, le cri perçant d’un charrue retournant la terre, ou le chant d’une femme exprimant son rêve et sa joie ? Ce n’est que lorsque nous prenons conscience de la Terre comme poème que nous vivons véritablement. Les âges et les peuples qui séparent la Terre de l’esprit poétique, ou qui ne s'en préoccupent pas, ou qui se bouchent les oreilles avec des connaissances comme on couvre des poussières, voient leurs veines se vider et leurs cœurs se remplir de vide, résonnant de questions sans fin.

Car la Terre est bien plus que la Terre, bien plus que le champ du haut et du bas, l'arbre et la colline. Là réside le mystère ceint de vert, là montent les dieux, ici la bienveillance et le maïs sous le soleil, là la terreur et la nuit, ici la vie, ici la mort, ici le feu, ici la vague qui roule dans la mer. C’est cette Terre qui constitue le véritable héritage de l’homme, son lien avec son passé humain, la source de sa religion, de ses rituels et de ses chansons, le royaume sans lequel il retombe dans un monde plus bas, dépourvu de la vertu et de l'intégrité qui le distinguent de l'animal. La véritable humanité n'est pas un droit inhérent, mais un accomplissement. Et c’est seulement à travers la Terre que nous pouvons être un avec ceux qui ont été et ceux qui seront encore, partageant tous ensemble le mystère de la vie, atteignant la plénitude de la paix et de la joie humaines.

Ici, dans ce petit abri ombragé par des herbes, avec le raisin au-dessus et le basilic en fleur sous le soleil, ici, dans ce calme brisé par les premiers chants des oiseaux de campagne, on peut méditer un instant sur la façon dont l'âme peut posséder et préserver son héritage terrestre. L’époque dans laquelle nous vivons est étrange et confuse ; elle est dépourvue d’un passé véritablement humain et peut-être sans avenir humain, et elle est arrivée si soudainement que l’on pourrait imaginer qu’un esprit cosmique ou un daimôn errant ait baissé la main et saisi l’homme par les cheveux. L’homme a perdu la Terre, mais il a trouvé (depuis le siècle confortable des philosophes en robe de chambre) quelque chose qu’il appelle "la nature", et de quoi il parle avec enthousiasme et qu’il embaume dans des photographies. Il a aussi perdu le sens historique, la reconnaissance poignante et poétique de la longue continuité de l’homme, ce sentiment dans nos cœurs qui s’émeut d’une ancienne empreinte dans un vieux livre, d’un paysan labourant avec des boeufs près des ruines envahies par le fenouil, tandis que, sur un côté, des femmes frappent des cymbales pour apaiser les abeilles qui s'agglutinent.

Un jardin d’herbes n’a pas besoin d’être plus grand que l’ombre d’un buisson, et pourtant, en lui, comme en aucun autre endroit, une humeur de la Terre se rapproche et rencontre l’esprit humain. Sous ces feuilles ancestrales, ces compagnons immémoriaux de l’homme, ces serviteurs de sa magie et guérisseurs de sa douleur, la Terre sous nos pieds est la Terre de la poésie et de l’esprit humain ; dans ce petit soleil et cette ombre se développe toute une tradition de l’humanité. Cette fleur, c’est Athènes ; cette liane, c’est Rome ; un moine du Moyen Âge cultivait ce vert contre le mur ; avec cette feuille parfumée, des rois étaient accueillis au matin du monde. Charmants et intemporels, enracinés à la fois dans les jardins et dans la vie, les grandes herbes sont notre plus noble héritage de verdure.

Un jardin est le miroir d’un esprit. C’est un lieu de vie, un mystère de vert qui pulse au rythme de l’année, et qui avance et se suspend au fil de ses propres rythmes intérieurs. Dans la création d’un jardin, il y a quelque chose à rechercher, et quelque chose à découvrir. Ce qui doit être recherché, c’est un sens du beau et de l’assuré, de la permanence et de l'ordre du jardin, de l’association humaine et de la signification humaine ; ce qui est à découvrir, c’est la beauté et cette satisfaction qui se déploie au fil du temps, et qui est l'une des lampes de la paix. Les jardins d’aujourd’hui semblent souvent ni chercher ni trouver. Ils produisent un effet, atteignent une perfection, mais ils sont curieusement dépourvus de sentiment humain ou d’appel émotionnel. En fait, leur caractère est celui d’une image, peinte avec des fleurs comme avec des huiles, une couleur ajoutée ici, une fleur là, jusqu’à ce que la toile soit prête à être vue. Une telle approche, bien que purement objective, touche seulement un petit côté de nous, parfois un côté plutôt enfantin, et les méthodes utilisées pour y parvenir ont tendance à perturber et détruire l’ordre naturel et la beauté pérenne du jardin. Quelle signification humaine y a-t-il dans ces tableaux grandiloquents en crinoline, dans ces immenses scènes faites de tout ce qui existe sous le soleil, ou dans l’usage de mauvaises herbes grossières dans une splendeur nouvelle et sacrilège, des raretés aussi extravagantes qu’une personne avec une broche dans le nez, et des classiques de jardin qui deviennent hideux par une destruction de la proportion ?

Les anciens jardiniers étaient plus sages. Pour eux, les fleurs n’étaient qu’un aspect, une beauté incidente de quelque chose qui était proche de l’homme, vivant et vert. Les plantes étaient des identités, des présences à vivre avec, à connaître et à observer grandir ; elles étaient des formes et des habitudes de feuilles, des puissances, des fragrances, et des familières de la vie. Un sens de la forme donnait au jardin sa tranquillité, et l’on pouvait y entendre, dans toute la plénitude de sa paix, les pas sereins de l’année. Même un tel jardin, on le crée encore avec des herbes. Une plante de mélisse, levée de la terre de juin avec sa barbe de racines délicates, un buisson de thym en fleur sous le soleil ardent, de l'angélique montant parmi les roseaux gothiques là où la terre riche et plane stocke longtemps sa pluie, chacune de ces plantes conserve son utilité, sa puissance et son nom. Un jardin d’herbes est un jardin d’êtres aimés pour eux-mêmes dans leur totalité et leur intégrité. Ce n’est pas un jardin de fleurs, mais un jardin de plantes qui sont parfois de très belles fleurs et qui sont toujours plus que des fleurs. C’est un jardin de couleurs perçues comme une partie de la vie du jardin et non comme son sommet et sa fin, des plaisirs et des rafraîchissements de fragrance, de la fantaisie et de la beauté des feuilles, de la joie de la symétrie et du design dans la nature, de ce délice négligé que l’on trouve dans les contrastes et les harmonies de vert au jardin. Le basilic doux avec ses bractées et branches couleur prune, ses feuilles vertes et ses petites fleurs rose-blanches, le basilic parfumé avec des feuilles plus pâles et des fleurs blanchâtres, l’armoise verte et grise, la rue avec sa couleur bleu-verte de lumière lunaire, la sauge avec ses magnifiques épis de fleurs, la marjolaine au parfum enivrant, combien un jardin semble vide sans leur présence !

Mais qu’il ne faille pas trop d'herbes. Le futur herboriste doit se méfier un peu d’une confusion très ancienne et très nouvelle.