L'idée que les États-Unis bénéficient substantiellement de leur primauté militaire et de leur position dominante dans l'ordre économique mondial est largement exagérée. En effet, l'argument selon lequel l'hégémonie permet à la première puissance mondiale de récolter d'énormes bénéfices grâce aux ressources vitales et aux marchés lucratifs ne tient pas face à l'analyse. Bien que la sécurité des États-Unis soit indéniablement liée à la prospérité économique de la nation, l’idée que les États-Unis dominent le commerce mondial par la simple force de leur armée est mise en question. Il est difficile de soutenir que les États-Unis bénéficient de manière disproportionnée de l’ordre commercial mondial qui a été mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Après tout, même dans le cas où les États-Unis seraient en mesure de coercer certains pays à suivre leurs diktats, cette position dominante ne reste-t-elle pas avant tout fragile et coûteuse ?

Les partisans de la primauté soulignent souvent que les États-Unis, en tant que pouvoir dominant, bénéficient d'un accès privilégié aux ressources naturelles grâce à des négociations favorables, qu'elles soient coercitives ou coopératives. Cette position leur permet également de maintenir la stabilité dans les espaces mal gouvernés, favorisant ainsi un climat propice au commerce mondial. Cependant, ces analyses omettent de prendre en compte les effets délétères de l’interventionnisme militaire américain qui, loin de faciliter les échanges commerciaux, perturbe souvent les marchés et déstabilise des régions cruciales pour l’économie mondiale.

Dans un monde globalisé, le rôle des États-Unis en tant que "policier mondial" est, selon les défenseurs de la primauté, un atout majeur. Cette position leur permettrait d'influencer les négociations économiques mondiales et de favoriser les conditions favorables aux producteurs et consommateurs américains. Mais, au-delà des bénéfices théoriques qui découleraient de cette domination militaire, il semble que l'hégémonie militaire des États-Unis ne soit en réalité qu'un fardeau coûteux. Le déploiement de troupes à l'étranger ne se traduit pas nécessairement par une prospérité accrue pour les États-Unis. Au contraire, cet engagement militaire coûteux semble nuire davantage à l'économie intérieure que ne l'avantage.

Il est également important de noter que, bien que les États-Unis aient bénéficié de l’ordre commercial mondial dans l’après-guerre, les bénéfices économiques pour le pays ont progressivement diminué, surtout après la fin de la Guerre froide. Le monde a changé et les pays ont désormais des alternatives aux systèmes dominés par le dollar. La crise financière de 2008 a, quant à elle, porté un coup sévère à l’influence américaine, amplifiant le sentiment que l'hégémonie militaire et économique des États-Unis est devenue un concept obsolète.

Enfin, l’idée que l’armement américain contribue à stimuler le commerce international en sécurisant les routes commerciales globales est remise en question. Il est de plus en plus évident que l'économie mondiale, dans son ensemble, ne dépend pas d'une présence militaire constante pour prospérer. Le commerce mondial s’est intensifié grâce à des politiques plus ouvertes et des réformes économiques, et non en raison des bases militaires américaines ou des interventions militaires directes.

En dépit de l’image de la primauté américaine comme un modèle de succès économique et sécuritaire, la réalité est plus complexe. La dépendance excessive aux dépenses militaires, couplée à une conception dépassée du rôle de l’armée dans la facilitation des échanges commerciaux, conduit à une impasse économique et stratégique. Les États-Unis continuent à consacrer des sommes astronomiques à leur appareil militaire, mais il reste un doute persistant quant à l'efficacité réelle de cette approche dans un monde où les priorités géopolitiques et économiques évoluent rapidement.

Le renforcement de la position économique des États-Unis dans les années passées n’était pas nécessairement dû à la puissance militaire, mais plutôt à l’adaptation du pays à un ordre commercial mondial qui, bien que façonné en grande partie sous son égide, n’a pas pour autant été exclusif aux États-Unis. L'influence mondiale des États-Unis, à la fois militaire et économique, n'est pas infinie. À mesure que de nouvelles puissances émergent, l'approche de la primauté, fondée sur l’idée d'une hégémonie durable et profitable, s’avère moins convaincante. Il est important de comprendre que la réussite d’une nation dans le commerce mondial ne repose pas uniquement sur sa force militaire, mais bien davantage sur sa capacité à s'adapter aux nouvelles dynamiques économiques, à innover et à entretenir des relations diplomatiques et commerciales équilibrées.

Quel est le fondement de la politique étrangère de Donald Trump?

La politique étrangère de Donald Trump, une des facettes les plus complexes et déroutantes de sa présidence, demeure marquée par une incohérence apparente et une absence de stratégie globale discernable. Alors que son administration a prétendu défendre une vision claire et unilatérale de l'« America First », les décisions prises par Trump semblent souvent déconnectées d’un cadre stratégique systématique. À titre d'exemple, son retrait de l'accord nucléaire avec l'Iran (le JCPOA), qu’il qualifiait de « mauvais accord », contraste fortement avec son approche envers la Corée du Nord. Ce dernier, malgré son statut d'État possédant des armes nucléaires, n’a pas fait l’objet de discussions substantielles sur la dénucléarisation ou la réforme de sa politique régionale et intérieure. Trump, pourtant, se vantait régulièrement d’avoir résolu la question nord-coréenne après un simple entretien avec Kim Jong Un, proclamant que la Corée du Nord n'était plus une menace.

Cette apparente contradiction dans la gestion des deux dossiers témoigne non seulement d’un manque de cohérence stratégique, mais aussi d’une approche largement axée sur l'instinct et les calculs à court terme plutôt que sur une vision géopolitique solide. À l’opposé de son rejet de l'accord avec l'Iran, qu’il jugeait trop faible en raison de l’enrichissement civil en uranium et de l'absence de mesures contraignantes concernant les droits humains ou le comportement régional de l'Iran, il ne demandait aucune forme de contrainte similaire vis-à-vis de la Corée du Nord, et ce, malgré l'expansion continue du programme nucléaire nord-coréen.

Le manque d'une vision globale et la tendance à faire appel à l’improvisation apparaissent comme des caractéristiques dominantes de la politique étrangère de Trump. Nombre d’analystes ont conclu qu’il n’existait pas véritablement de doctrine Trumpienne, et que ses décisions étaient largement motivées par des impulsions personnelles et des préoccupations internes plutôt que par des considérations stratégiques profondes. Un certain nombre de responsables politiques de son entourage ont, d’ailleurs, affirmé que la présidence de Trump manquait cruellement de principes directeurs solides, conférant à sa politique étrangère une dynamique imprévisible.

En outre, une autre difficulté réside dans le fait que les déclarations publiques de Trump, souvent préparées par ses conseillers, comme Steve Bannon ou Stephen Miller, rendent particulièrement complexe l’identification d’une pensée personnelle et cohérente. Trump, bien qu’il ait su incarner un message populiste et nationaliste, n’a jamais présenté de réflexion personnelle systématique sur la manière dont il envisageait le rôle des États-Unis dans le monde. Ses discours les plus célèbres sont davantage le fruit de ses conseillers que de ses propres réflexions. Dès lors, comprendre ses priorités en matière de politique étrangère revient à déchiffrer un enchevêtrement d’instincts et d’ambitions mal définies.

Au-delà de l’aspect stratégique, un élément essentiel de la présidence Trump réside dans sa personnalité. L’importance de ses traits de caractère dans ses décisions internationales ne saurait être sous-estimée. La position dominante des États-Unis dans l’ordre mondial, combinée à des pouvoirs exécutifs étendus, a contribué à accentuer l’influence de la personnalité du président sur les choix de politique étrangère. Cela devient encore plus évident lorsqu’on examine les comportements de Trump, qui oscillent entre narcissisme, arrogance et une absence manifeste d'empathie pour les normes internationales. Sa façon de se présenter comme un génie, ou de se vanter de sa richesse, tout en adoptant une attitude méprisante envers ses détracteurs, ajoute une dimension psychologique qui influe directement sur ses décisions diplomatiques.

En somme, la politique étrangère de Trump n’est pas seulement l’expression d’une vision géopolitique mais également le reflet d’un homme impulsif, ayant recours à des décisions prises sous le coup de ses instincts personnels, parfois au détriment de la cohérence stratégique et de la stabilité des relations internationales. Cette absence de doctrine claire laisse une impression de chaos, et il est probable que de telles approches aient eu des répercussions profondes et durables sur l’ordre mondial.

Il est essentiel de prendre en compte l'interaction entre les impulsions personnelles du président et la structure de décision politique américaine. L'isolement de Trump par rapport à ses conseillers et la fragmentation de son administration ont exacerbé les contradictions dans ses politiques extérieures. La flexibilité et la réactivité des États-Unis sous sa présidence ont parfois permis des avancées diplomatiques rapides, mais aussi conduit à des échecs retentissants, notamment en ce qui concerne l’Iran et la Corée du Nord.