La théorie de l'intégration repose sur une structure mathématique approfondie qui lie la mesure d'un espace à l'intégration des fonctions définies sur cet espace. Pour aborder ce sujet, il est essentiel de commencer par comprendre les éléments fondamentaux de l'intégration sur des espaces mesurés généraux avant de se concentrer sur des cas particuliers tels que l'intégration selon la mesure de Lebesgue. Une distinction importante est celle qui existe entre les espaces mesurés réguliers et non réguliers, ainsi que la manière dont les fonctions mesurables interagissent avec ces espaces.

Lorsqu'on traite d'un espace topologique XX et qu'on lui attribue une structure de mesure régulière (X,A,p)(X, A, p), où AB(X)A \in B(X), l'objectif est de vérifier si certaines conditions de régularité se maintiennent pour un sous-ensemble CAC \subset A, où vv désigne la mesure restreinte à CC. Ce cas particulier est intéressant car il démontre que la régularité de la mesure se conserve sous certaines conditions, ce qui est fondamental dans la construction d'intégrales sur des espaces mesurés non-métrisables.

Dans le contexte de l'intégration, l'un des points d'importance est la mesure de Radon, une mesure naturelle qui permet de définir des fonctions continues comme étant mesurables. Cette propriété est cruciale dans l'analyse de certaines classes de fonctions qui sont intégrables sur des espaces topologiques non-métrisables. Par ailleurs, le traitement des fonctions vectorielles devient indispensable, en particulier pour les fonctions prenant leurs valeurs dans un espace de Banach. Bien que la majorité des travaux en analyse repose sur des fonctions scalaire, le traitement des fonctions vectorielles est plus élégant et permet de simplifier de nombreux arguments théoriques, notamment dans la définition et l’utilisation de l'intégrale de Bochner-Lebesgue.

Un aspect central de cette approche est la capacité à intégrer des fonctions qui prennent des valeurs dans des espaces vectoriels, ce qui permet une généralisation des concepts classiques de la mesure et de l’intégration. Cette perspective s’élargit à la notion de mesurabilité et de presque séparabilité des fonctions, une condition qui émerge naturellement dans le cadre des espaces mesurés vectoriels. L'intégration de ces fonctions, en particulier les fonctions vectorielles, introduit des subtilités supplémentaires en raison des propriétés spécifiques des mesures sous-jacentes, telles que les mesures presque nulles.

Un autre point fondamental est l’étude de la convergence des suites de fonctions mesurables dans des espaces mesurés. Cette convergence est souvent abordée sous la forme de la convergence presque partout, qui peut être définie par le concept de pp-nullité. Par exemple, une suite de fonctions (fj)(f_j) converge presque partout vers une fonction ff si et seulement s’il existe un ensemble NN de mesure nulle sur lequel cette convergence n'est pas vérifiée. Cette idée de convergence presque partout est cruciale dans le cadre de l'intégration sur des espaces généraux.

Lorsqu'un espace mesuré est incomplet, une situation intéressante se présente : il existe des propriétés qui sont presque vraies sur l'ensemble XX, mais qui ne se vérifient pas sur un ensemble vv-null. Cette situation révèle la distinction entre complétude et incomplétude d'un espace mesuré, et est essentielle dans la compréhension des limites et des comportements des fonctions mesurables dans de tels espaces.

Une attention particulière doit être portée à l'étude des fonctions qui prennent leurs valeurs dans l'ensemble des réels étendu [0,][0, \infty], un cas qui peut sembler simple mais qui revêt une complexité sous-jacente dans la manière dont les intégrales sont définies et traitées. Les propriétés de ces fonctions, notamment en termes de comportement asymptotique et de mesurabilité, jouent un rôle important dans l'analyse de la convergence des intégrales.

En outre, il est essentiel de souligner que dans les espaces mesurés non-métrisables, les propriétés de l'intégration et de la mesure ne se comportent pas toujours comme dans les espaces métriques classiques. Cela implique que des stratégies adaptées et des constructions particulières doivent être utilisées pour développer une théorie d'intégration cohérente et généralisée, en particulier lorsque l'on travaille avec des espaces plus complexes comme ceux rencontrés dans la théorie des variétés.

Comment comprendre les fonctions de test et leur utilisation dans l'intégration et la théorie des distributions

Soit XX un espace métrique et AA et BB des sous-ensembles de XX. On dit que AA est compactement contenu dans BB (noté ABA \subset\subset B) si AA est compact et contenu dans l'intérieur de BB. Ce concept est fondamental dans la théorie des distributions, où l'on cherche à travailler avec des objets qui ont un support compact. Dans ce cadre, une fonction est souvent définie sur un espace ouvert XRnX \subset \mathbb{R}^n, et nous considérons des fonctions de test, qui sont des fonctions ayant un support compact et qui peuvent être utilisées pour étudier des objets plus généraux tels que les distributions.

Les fonctions de test, définies comme D(X,E)={vC(X,E);supp(v)X}D(X, E) = \{v \in C^\infty(X, E) ; \text{supp}(v) \subset X \}, jouent un rôle central dans la théorie des distributions. Ici, XX est un sous-ensemble ouvert de Rn\mathbb{R}^n et EE un espace vectoriel normé. Quand EE est un corps KK, on écrit simplement D(X):=D(X,K)D(X) := D(X, K), ce qui simplifie les notations. Il est essentiel de comprendre que D(X,E)D(X, E) est un sous-espace vectoriel de C(X,E)C^\infty(X, E) et de Cc(X,E)C_c(X, E), ce qui signifie que ce sont des fonctions qui, en plus d’être continues et dérivées de manière infinie, ont un support compact.

Une propriété clé est que D(X,E)=C(X,E)Cc(X,E)D(X, E) = C^\infty(X, E) \cap C_c(X, E), c'est-à-dire que les fonctions de test sont à la fois lisses et de support compact. En raison de la linéarité et de l'injectivité de la carte j:Cc(X,E)Cc(Rn,E)j: C_c(X,E) \rightarrow C_c(\mathbb{R}^n, E), on peut identifier Cc(X,E)C_c(X, E) comme un sous-espace vectoriel de Cc(Rn,E)C_c(\mathbb{R}^n, E). De même, D(X,E)D(X, E) peut être identifié à un sous-espace de D(Rn,E)D(\mathbb{R}^n, E), ce qui permet de travailler avec des objets locaux et de les étendre à des objets globaux, une propriété qui est extrêmement utile dans les applications pratiques de la théorie des distributions.

Lorsqu’on travaille avec des fonctions de test, une propriété importante à prendre en compte est l'existence de noyaux de lissage {pϵ;ϵ>0}\{p_\epsilon ; \epsilon > 0\}, qui sont utilisés pour définir des convolutions. Par exemple, si gg est une fonction de support compact, il existe un ϵ0>0\epsilon_0 > 0 tel que pour 0<ϵ<ϵ00 < \epsilon < \epsilon_0, la fonction ϵg\epsilon * g reste dans D(X)D(X), ce qui démontre que le lissage ne fait pas sortir les fonctions du cadre des fonctions de test. Ces convolutions sont particulièrement utiles dans l'analyse des espaces LpL^p et dans l'étude des propriétés locales des fonctions et distributions.

Une autre partie essentielle de cette théorie est l'existence des fonctions de coupe lisses. Par exemple, considérons un sous-ensemble compact KRnK \subset \mathbb{R}^n et une couverture ouverte {Xj;0jm}\{ X_j ; 0 \leq j \leq m \} de KK. Il existe alors une partition de l’unité lisse associée à cette couverture. Cela signifie qu’on peut associer à chaque élément de la couverture une fonction lisse pjp_j de support dans XjX_j telle que 0pj10 \leq p_j \leq 1 et pj=1p_j = 1 sur un sous-ensemble compact KjXjK_j \subset X_j, ce qui est essentiel dans la manipulation de fonctions définies localement. Ce type de partition de l'unité permet de manipuler des fonctions globales en les réduisant à des fonctions locales, ce qui simplifie considérablement les calculs dans les théories analytiques et géométriques.

L'existence de telles partitions de l'unité lisses dans Rn\mathbb{R}^n repose sur un résultat fondamental de la topologie de Rn\mathbb{R}^n, et s'avère utile dans de nombreux résultats analytiques, notamment dans l'intégration et l'approximation de fonctions. Les fonctions de test, couplées avec la partition de l’unité, permettent une grande flexibilité dans la manipulation des espaces de distributions.

Il est important de souligner que ces outils sont particulièrement adaptés pour les situations locales dans les espaces métriques, et leur utilisation ne se limite pas à Rn\mathbb{R}^n. En effet, ces concepts peuvent être étendus à des espaces métriques généraux, à condition de comprendre les conditions nécessaires à la définition de fonctions de test et de partitions de l'unité. De plus, leur rôle est crucial dans les théorèmes d'intégration, comme les théorèmes de la divergence et de Stokes, où les fonctions de test permettent de restreindre les intégrales à des sous-ensembles appropriés tout en conservant des propriétés analytiques fortes.

Les applications de ces concepts sont nombreuses, allant de la démonstration des théorèmes de représentation des distributions à la résolution d'équations aux dérivées partielles. Dans un espace ouvert XRnX \subset \mathbb{R}^n, par exemple, une fonction ff dans Lp(X)L^p(X) peut être approchée par des fonctions de test dans Cc(X)C_c(X), et les propriétés de convergence de ces approximations sont essentielles pour la compréhension des comportements locaux des fonctions et des distributions. Ces techniques permettent aussi de travailler avec des fonctions qui sont non seulement continues, mais aussi dérivées de manière infinie sur des sous-ensembles appropriés de l'espace XX.

Il faut également retenir que les notions de support compact et de fonctions de test ne sont pas seulement des outils mathématiques abstraits. Elles permettent de modéliser des phénomènes physiques dans divers domaines comme la mécanique des fluides, l'analyse des vibrations, et la physique théorique, où la notion de localisation joue un rôle clé. Dans ces contextes, les convolutions et les noyaux de lissage servent à décrire des interactions locales, tout en permettant des généralisations à des contextes non locaux via la théorie des distributions.

Qu'est-ce que cela signifie, qu'une fonction est faiblement dérivable plusieurs fois ?

La théorie des distributions de Schwartz permet d'étendre de manière rigoureuse la notion de dérivée aux fonctions qui ne sont pas nécessairement différentiables au sens classique. Une fonction localement intégrable uLloc1(X)u \in L^1_{\text{loc}}(X) est dite faiblement m-fois dérivable sur un ouvert XRnX \subset \mathbb{R}^n si, pour chaque multi-indice αNn\alpha \in \mathbb{N}^n de longueur αm|\alpha| \leq m, il existe une fonction uαLloc1(X)u_\alpha \in L^1_{\text{loc}}(X) telle que pour toute fonction test φD(X)\varphi \in \mathcal{D}(X), on ait l'égalité

Xu(x)αφ(x)dx=(1)αXuα(x)φ(x)dx.\int_X u(x) \, \partial^\alpha \varphi(x) \, dx = (-1)^{|\alpha|} \int_X u_\alpha(x) \, \varphi(x) \, dx.

Cette relation définit la dérivée faible d'ordre α\alpha, notée αu:=uα\partial^\alpha u := u_\alpha, et cette dernière est bien définie de manière unique. C’est une conséquence immédiate de l’injectivité de l’inclusion de Lloc1(X)L^1_{\text{loc}}(X) dans D(X)\mathcal{D}'(X), le dual topologique de l’espace des fonctions test, autrement dit, l’espace des distributions.

Ainsi, toute fonction localement intégrable peut être vue comme une distribution, c’est-à-dire comme un élément de D(X)\mathcal{D}'(X). L'identification est faite via l’application Tf:φXf(x)φ(x)dxT_f : \varphi \mapsto \int_X f(x)\varphi(x)\,dx, qui est linéaire et continue sur D(X)\mathcal{D}(X). Cette immersion permet de considérer Lloc1(X)L^1_{\text{loc}}(X) comme un sous-espace vectoriel de D(X)\mathcal{D}'(X).

Dans le cas particulier où m=1m = 1, on dit que uLloc1(X)u \in L^1_{\text{loc}}(X) est faiblement dérivable une fois si chaque dérivée partielle au sens faible ju\partial_j u (où j=1,,nj = 1,\dots,n) existe et appartient à Lloc1(X)L^1_{\text{loc}}(X). On désigne alors ces dérivées par uju_j, et les notations classiques sont conservées.

Ce formalisme prend toute sa force lorsqu’on considère des fonctions qui ne sont pas régulières. Par exemple, une fonction continue par morceaux peut admettre une dérivée faible même si elle n’est pas dérivable au sens classique en tout point. De façon remarquable, si une fonction uCm(X)u \in C^m(X), c’est-à-dire de classe CmC^m, alors ses dérivées faibles coïncident avec ses dérivées usuelles. Cela montre que la notion de dérivée faible est bien une extension naturelle et cohérente de la dérivée classique.

L’ensemble des fonctions localement m-fois faiblement dérivables est noté Wlocm,1(X)W^{m,1}_{\text{loc}}(X). Il forme un sous-espace vectoriel de Lloc1(X)L^1_{\text{loc}}(X), et cet espace joue un rôle fondamental dans la théorie des espaces de Sobolev, en particulier lorsqu’on considère des problèmes aux dérivées partielles dans le cadre faible.

Ce qu’il est essentiel de comprendre, c’est que l’introduction de la dérivée faible n’est pas un artifice technique, mais une nécessité conceptuelle pour travailler avec des objets qui n’ont pas la régularité suffisante pour être dérivés de manière classique. Elle permet, par exemple, de formuler et d’analyser rigoureusement des équations différentielles dans des espaces fonctionnels où la solution n’est pas attendue à être lisse, mais seulement intégrable ou localement intégrable. En effet, dans de nombreux problèmes en analyse, physique mathématique ou géométrie différentielle, les solutions naturelles ne sont pas des fonctions classiques mais des distributions, ou au mieux des fonctions dans des espaces de Sobolev.

Comprendre les dérivées faibles, c’est aussi comprendre comment la régularité faible peut suffire à capturer l’essentiel des propriétés différentielles d’une fonction, et comment les outils de la théorie des distributions permettent de maintenir une rigueur analytique dans des contextes où les outils classiques échouent.

Comment définir et comprendre le laplacien, le produit vectoriel et le rotationnel sur une variété riemannienne

Sur une variété riemannienne orientée de dimension trois, munie d'un élément de volume approprié, la définition du laplacien et des opérateurs vectoriels comme le produit vectoriel et le rotationnel s'inscrit dans une structure géométrique et analytique précise. Le laplacien, étendu aux champs vectoriels, se définit via une composition d'opérateurs différentielles : pour une variété M de classe C^{k+2}, on introduit l’opérateur A qui agit sur les champs vectoriels V(M) en faisant intervenir la différentielle extérieure d et son adjoint codifférentiel δ. Cet opérateur A se manifeste comme la somme du gradient du div plus la composition du codifférentiel et de la différentielle extérieure, reflétant une généralisation naturelle du laplacien classique sur ℝ^m.

En coordonnées euclidiennes, ce laplacien agit composante par composante sur les champs vectoriels, et sa régularité dépend de la classe de différentiabilité de la variété. Cette définition s’appuie sur la structure différentielle de la variété, et son extension est essentielle pour étudier des phénomènes géométriques ou physiques sur des espaces plus généraux que ℝ^3.

Le produit vectoriel, ou produit croisé, défini sur une variété riemannienne orientée (M, g), est une opération bilinéaire et alternée, définie point par point via l’élément de volume x_M : pour deux champs vectoriels v, w, le produit v × w est l’unique vecteur tel que, pour tout u, le produit scalaire g(u, v × w) égale la forme volume évaluée en (u, v, w). Cette construction garantit que v × w est orthogonal à v et w selon la métrique g, et sa norme satisfait la relation classique |v × w| = |v||w|sin θ où θ est l’angle entre v et w. L’opération respecte des identités algébriques fondamentales, telles que l’identité de Grassmann et l’identité de Jacobi, ce qui confère à l’espace des champs vectoriels muni de × la structure d’une algèbre de Lie.

Le rotationnel curl, quant à lui, s’exprime naturellement via la différentielle extérieure et l’opérateur étoile de Hodge. Pour un champ vectoriel v, son rotationnel est donné par l’image inverse du 1-forme associée à v, appliquée à la différentielle extérieure dudit 1-forme : curl(v) = ♯^{ -1} * d ♭ v. Cette définition s’intègre dans un diagramme commutatif reliant champs vectoriels et formes différentielles, ce qui permet d’exploiter pleinement le formalisme de l’algèbre extérieure et de la géométrie riemannienne pour étudier les propriétés du rotationnel.

Plusieurs identités différentielles découlent de ce formalisme, notamment la divergence du produit vectoriel, le comportement du rotationnel vis-à-vis du produit par une fonction scalaire, et les relations classiques entre le rotationnel du rotationnel, la divergence et le laplacien. Ces formules générales étendent les résultats classiques de l’analyse vectorielle euclidienne à des contextes géométriques plus larges, permettant une compréhension profonde des phénomènes vectoriels sur des variétés.

Une prudence s’impose néanmoins lorsqu’on utilise la notation formelle du nabla ∇ ou du produit vectoriel dans des calculs algébriques : certaines manipulations valables en ℝ^3 avec la métrique standard ne se traduisent pas directement dans un cadre géométrique général sans justification rigoureuse, en particulier en ce qui concerne la dérivation des identités de type ∇ × (v × w).

Enfin, la connexion entre le produit vectoriel et le produit extérieur de formes différentielles, via l’opérateur étoile, éclaire la nature intrinsèque de ces opérations, ancrées dans la géométrie de la variété. Le passage des expressions locales en coordonnées orthonormales à des définitions globales grâce à la structure riemannienne est essentiel pour traiter les applications physiques et géométriques de ces opérateurs.

Il importe que le lecteur saisisse que ces opérateurs, bien que généraux, conservent des propriétés fondamentales classiques tout en nécessitant une approche adaptée à la variété sous-jacente. La manipulation des formes différentielles, la compréhension des opérateurs d’adjoint et le rôle du choix des coordonnées sont des éléments cruciaux pour une maîtrise approfondie de l’analyse vectorielle sur les variétés. Une attention particulière doit être portée aux conditions de régularité des champs vectoriels et des variétés considérées, ainsi qu’aux conventions de signe qui peuvent varier selon les auteurs et les contextes. La rigueur dans l’emploi de ces concepts garantit leur applicabilité dans des domaines tels que la géométrie différentielle, la physique mathématique, et l’étude des systèmes dynamiques sur des espaces courbes.