Les technologies d'IA, en particulier celles basées sur des réseaux de capteurs, la surveillance par reconnaissance faciale et le suivi sur les médias sociaux, menacent la vie privée des individus et exacerbent les risques de discrimination. Ces systèmes, opérant souvent sans le consentement explicite ou la pleine conscience des personnes concernées, ont le potentiel de reproduire des biais sociaux existants et de renforcer les stéréotypes (Whittaker et al., 2018). À cet égard, Mehrabi et al. (2019) affirment que, tout comme les êtres humains, les algorithmes peuvent être vulnérables à des biais qui rendent leurs décisions « injustes » : l'équité implique l'absence de tout préjugé ou favoritisme envers un individu ou un groupe, que ce soit en raison de caractéristiques innées ou acquises.
Des incidents aux États-Unis illustrent bien cette problématique, comme l'utilisation d'algorithmes de recrutement qui ont accentué les biais de genre (Dastin, 2018) ou les systèmes de crédit discriminant des groupes minoritaires (Bartlett et al., 2018 ; Glantz et Martinez, 2018). Une enquête de ProPublica a révélé que l'outil de calcul des risques utilisé en Floride était biaisé contre les Afro-Américains, produisant des résultats discriminatoires (Angwin et al., 2016). Cela soulève la question de savoir si ces biais sont uniquement le fait des concepteurs humains ou si la machine, elle-même, peut perpétuer des injustices sociales à travers les données qu’elle traite et la manière dont elle les interprète.
Un point intéressant soulevé par certains chercheurs est que ces défis éthiques peuvent varier en fonction des cultures et des langues. Par exemple, un incident en 2017 a montré que Facebook avait mal interprété un message en raison d’une erreur de traduction automatique, ce qui a conduit à l'arrestation d'un homme par la police israélienne (Hagerty et Rubinov, 2019). De même, un autre problème linguistique lié au bouton « J’aime » de Facebook a affecté un collectif indigène au Brésil, réduisant la visibilité de leurs messages en ligne (Ochigame et Holston, 2016). Cela souligne que les principes de l’IA, même lorsqu'ils sont traduits de manière réfléchie, peuvent acquérir des significations et des connotations distinctes d'une culture à l'autre, ce qui a des répercussions profondes sur l'efficacité et la justice des systèmes algorithmiques.
Les pays à faible et moyen revenu sont particulièrement vulnérables aux implications éthiques de ces technologies. Le Forum économique mondial (2018) a souligné que les pays en développement couraient des risques considérables de discrimination en utilisant des méthodes d'apprentissage automatique. Cette réalité est exacerbée par le manque de régulation et de compréhension des enjeux éthiques de l'IA dans ces régions. À cet égard, Hashmi et al. (2019) soulignent l’ambiguïté croissante entourant la mise en œuvre de l’IA dans le secteur public et la gouvernance, particulièrement en ce qui concerne les choix moraux, juridiques et sociaux que doivent faire les responsables politiques.
Il est aussi essentiel de prendre en compte l'impact des technologies de l'IA sur la propagation de la désinformation en ligne. Bien qu'il existe des efforts pour utiliser l'IA à des fins de défense contre les fake news — comme l'identification des comptes automatisés ou l’analyse de textes pour détecter des informations fausses (Sharma et al., 2019) — l'IA peut également être utilisée pour la diffusion de fausses informations. L’avancée des modèles d'apprentissage profond permet de créer des contenus personnalisés et de cibler des audiences spécifiques avec une grande précision, amplifiant ainsi la manipulation de l'opinion publique (Marsden et Meyer, 2019 ; Kertysova, 2018). La capacité de l'IA à générer des « deepfakes », par exemple, mine l'authenticité des vidéos et pourrait avoir des conséquences sociales et politiques dramatiques (Strickland, 2018 ; Güera et Delp, 2018).
L'utilisation de l'IA dans le cadre des campagnes de désinformation illustre parfaitement la dualité de ses fonctions. D'une part, l'IA peut être un outil défensif, luttant contre la propagation de la haine et des mensonges. D'autre part, elle peut devenir un instrument offensif, exploitant les biais algorithmiques pour manipuler et diviser la société. Comme le souligne Remian (2019), l'IA a le potentiel d'être utilisée à la fois pour répandre de la désinformation et pour s'en protéger, selon les intentions de ceux qui la contrôlent.
L’éthique de l’IA, notamment lorsqu’elle est appliquée à la gestion des informations et des données personnelles, doit donc être abordée avec une perspective intersectionnelle. Cette approche permet de prendre en compte la diversité des expériences humaines et de garantir que les groupes vulnérables, souvent exclus des décisions technologiques, soient inclus dans la conception des systèmes algorithmiques. Promouvoir la diversité dans l’IA et s’assurer que ses biais sont atténués sont des étapes essentielles pour un développement équitable de ces technologies. L’inclusion, quant à elle, permet de s’assurer que les voix des groupes marginalisés ne soient pas ignorées, mais plutôt intégrées dans les processus décisionnels qui affectent leurs vies.
Dans ce contexte, il devient urgent d’adopter une approche éthique adaptée à la réalité de l’IA, notamment en ce qui concerne la manipulation des données et la propagation de la désinformation. L’intersectionnalité, avec sa capacité à tenir compte des multiples facettes de l’identité humaine, constitue un cadre précieux pour concevoir une éthique de l’IA plus juste et plus inclusive, apte à faire face aux défis croissants de notre époque.
L'impact des biais algorithmiques dans les systèmes intelligents
Les répercussions de l'intelligence artificielle sur les sociétés modernes soulèvent des enjeux éthiques de plus en plus complexes, notamment en ce qui concerne les biais algorithmiques. Ceux-ci ne sont pas simplement des erreurs techniques, mais des phénomènes ayant des conséquences profondes sur des domaines aussi cruciaux que la justice, l’emploi, ou la sécurité publique. L’évolution rapide de ces technologies soulève la question de savoir comment gérer ces biais de manière éthique et responsable.
Les algorithmes, qui sont au cœur des systèmes intelligents utilisés dans de nombreux secteurs, peuvent reproduire des stéréotypes sociaux existants ou même en amplifier les effets. Par exemple, des recherches ont révélé que certains outils d'IA utilisés dans les processus de recrutement favorisaient inconsciemment des candidats masculins par rapport aux femmes, en raison des données biaisées sur lesquelles ces algorithmes avaient été formés. Ce problème a été mis en lumière en 2018, lorsque Amazon a dû abandonner un de ses outils de recrutement, après que des chercheurs ont prouvé qu’il était discriminatoire envers les femmes. Ce biais algorithmique n’était pas une intention délibérée, mais plutôt le produit de données historiques et de pratiques sociales qui ont été intégrées dans le système.
Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de programmation ou de conception technique. Les biais algorithmiques sont intrinsèquement liés à la manière dont les sociétés structurent les informations et interprètent les données. Par exemple, des études sur l’évaluation des risques en matière de justice pénale ont montré que les systèmes automatisés, utilisés pour prédire la probabilité de récidive d'un délinquant, tendent à exagérer les risques pour les personnes issues de certaines communautés raciales ou socio-économiques. Cela révèle un problème systémique où les biais de la société sont reproduits et amplifiés par les technologies censées les corriger.
L’intersectionnalité, un concept développé par Kimberlé Crenshaw, est essentiel pour comprendre les multiples dimensions de ces biais. Il est crucial de reconnaître que les discriminations ne sont pas simplement une question de race, de genre ou d'autres caractéristiques individuelles prises isolément, mais qu’elles se croisent et s'interconnectent. En matière d'intelligence artificielle, cela signifie que l’impact des biais algorithmiques peut être exacerbé par des facteurs multiples, notamment la race, le genre et la classe sociale, créant ainsi des effets disproportionnés sur certains groupes.
De plus, le rôle des grandes entreprises technologiques dans la propagation de ces biais soulève des questions éthiques supplémentaires. Des incidents comme celui de Cambridge Analytica, où des données personnelles ont été exploitées à des fins de manipulation politique, montrent les dangers liés à l’absence de régulation stricte des entreprises utilisant des algorithmes. Cette absence de supervision contribue non seulement à la formation de biais mais aussi à leur utilisation à des fins commerciales, en manipulant les opinions publiques et en influençant des décisions politiques.
Les impacts des biais algorithmiques ne se limitent pas aux domaines de la justice sociale ou politique. Dans l'économie, les conséquences peuvent être tout aussi graves. Par exemple, la discrimination systémique observée dans l’accès au crédit ou dans la distribution des prêts financiers, souvent alimentée par des outils automatisés, limite les opportunités économiques pour certaines populations. Les discriminations financières exacerbent les inégalités sociales, en renforçant les obstacles à l’accès à des ressources essentielles comme le logement et l’éducation.
Le défi consiste donc à identifier ces biais et à développer des mécanismes de régulation pour s’assurer que les algorithmes n’exacerbent pas les inégalités. Cela passe par une approche plus transparente et inclusive de la conception de ces technologies. Par exemple, il devient impératif de diversifier les équipes de développement d’IA afin d’intégrer des perspectives variées dans la conception des algorithmes. En outre, l’utilisation de bases de données plus équilibrées et représentatives est essentielle pour éviter que les systèmes ne perpétuent des stéréotypes erronés et discriminatoires.
Ainsi, comprendre les biais algorithmiques et leur impact sur la société ne relève pas seulement de la compétence technique, mais aussi d’une prise de conscience des dynamiques sociales et des structures de pouvoir qui influencent ces systèmes. En intégrant ces considérations dans le processus de développement de l’intelligence artificielle, il devient possible de créer des technologies qui non seulement minimisent les biais, mais qui favorisent une société plus juste et équitable.

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