Barbara Ward, économiste influente et conseillère informelle de Lyndon Johnson, a joué un rôle crucial dans la formulation des politiques étrangères et domestiques de l'administration Johnson. Son ouvrage, souvent cité comme une référence par le président américain, a largement inspiré la façon dont il a abordé les défis mondiaux et nationaux. Johnson, sensible à la montée des inégalités mondiales, a vu dans les idées de Ward une solution potentielle pour stabiliser les nations en développement et pour renforcer l'image des États-Unis à l'international. Ward croyait fermement que l’aide étrangère américaine pourrait non seulement contribuer à la paix mondiale, mais aussi à la lutte contre la pauvreté et les inégalités, des thèmes qui ont profondément marqué la présidence de Johnson.
L’idée d’un "New Deal international", qu’elle prônait, a trouvé une résonance particulière auprès de Johnson après son accession à la présidence en 1963. Bien que son prédécesseur, John F. Kennedy, ne lui ait pas accordé une place de premier plan, Johnson a rapidement mis en œuvre certaines des idées de Ward, notamment en matière de soutien aux pays en développement. Cependant, ces initiatives ont été en grande partie inefficaces, comme le souligne l’historien Robert Dallek. Johnson, en dépit de son enthousiasme, n’a pas réussi à obtenir des résultats tangibles pendant ses voyages à l'étranger, qui ont souvent été perçus comme des occasions pour le président d'afficher son comportement excentrique plutôt que de favoriser un changement de politique.
Mais après l’assassinat de Kennedy, la relation entre Johnson et Ward s'est intensifiée. Elle devint une conseillère de confiance, l'aidant à élaborer des discours importants, dont celui du 20 avril 1964, où Johnson exprima son désir de "gagner la guerre contre la pauvreté à l'intérieur du pays" tout en "luttant contre la pauvreté dans le monde". Ce discours marqua un tournant dans la politique étrangère américaine, avec une volonté affirmée de réduire les écarts entre nations riches et pauvres. Johnson, dans ses déclarations, connecta les droits civiques aux relations internationales, soulignant que l'Amérique devait prouver sa force à travers la lutte pour l’égalité raciale, un thème qui serait central dans ses discours durant toute l'année.
L’influence de Ward se manifesta également dans la manière dont Johnson aborda la question des droits civiques. Bien que son approche en la matière fût plus prudente que celle de ses successeurs, il comprenait l’importance d’agir pour maintenir la crédibilité internationale des États-Unis. Dans un discours mémorable, il souligna que "il n'y a pas de plus grande source de force pour cette nation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur", que l’élimination de la discrimination raciale. C’est là que l’on voit la manière dont Johnson a habilement tissé les enjeux domestiques et internationaux, non seulement pour répondre aux demandes des militants afro-américains, mais aussi pour maintenir une position morale forte sur la scène mondiale.
Cependant, bien que l’influence de Ward sur Johnson ait été importante, il est crucial de comprendre les dynamiques politiques internes qui ont façonné la présidence de Johnson, en particulier en ce qui concerne la Loi sur les droits civiques de 1964. Johnson, conscient de la résistance des démocrates du Sud, n'a pas adopté une stratégie publique agressive au début de son mandat. Il a d'abord privilégié des négociations en coulisses, cherchant à convaincre les membres de son propre parti d'accepter la loi. Mais face à la montée des tensions et à l’opposition véhémente des sénateurs sudistes, Johnson a dû modifier sa stratégie en adoptant une approche plus publique et plus directe. Cette démarche, souvent qualifiée de "stratégie publique", visait à galvaniser l’opinion publique contre les opposants à la loi et à exercer une pression morale qui finirait par entraîner une majorité au Congrès.
La stratégie de "publicisation" a été un double tranchant. Si elle a permis de mobiliser les soutiens et de forcer un passage législatif rapide de la loi, elle a aussi exacerbé les divisions au sein du Parti démocrate. À travers cette approche, Johnson a pris le risque de perdre le soutien des États du Sud, un danger qu'il reconnaissait comme inévitable. Le prix politique de la loi sur les droits civiques fut élevé, et comme le suggère l’anecdote souvent attribuée à Johnson, il comprenait parfaitement que cet acte pourrait marquer un tournant dans la politique américaine, livrant le Sud aux républicains pour des décennies.
Il est essentiel de noter que l’adhésion de Johnson aux idéaux de Ward ne se limitait pas à une simple question de politique extérieure. C’était aussi une reconnaissance de la nature interconnectée du monde moderne, où les choix domestiques ont des répercussions profondes sur la politique internationale. Son engagement en faveur des droits civiques et de la justice sociale reflétait non seulement une conviction personnelle mais aussi une stratégie visant à redéfinir l’image de l’Amérique dans le monde, comme une nation non seulement démocratique mais également juste et égalitaire.
Comment la politique de Nixon a redéfini la question de l'ethnicité et de la majorité silencieuse en Amérique
Les années 1970 marquent un tournant dans la politique américaine, en grande partie grâce à la manière dont Richard Nixon a abordé les questions sociales, économiques et raciales. En particulier, sa politique de bien-être et son discours sur la « majorité silencieuse » révèlent une compréhension nuancée des tensions ethniques, sociales et raciales aux États-Unis. Nixon, en cherchant à construire une coalition politique solide, a adopté une stratégie d'engagement envers les électeurs blancs d'origine européenne tout en évitant de s'aliéner les autres groupes ethniques.
Dans ses discours, Nixon présente l'Amérique comme une « nation de nations », un pays forgé par des individus de toutes origines, races et croyances. Il insiste sur le fait que chaque communauté, chaque culture, a contribué à façonner la société américaine. Ces déclarations semblent, à première vue, inclure une large variété de groupes sociaux et ethniques. Cependant, sous-jacente à ces paroles, il y a une orientation stratégique claire : Nixon vise principalement les électeurs blancs issus de la classe moyenne, les anciens électeurs démocrates qui s'étaient éloignés du Parti en raison des politiques progressistes et des tensions raciales croissantes.
Ce qui est intéressant dans l'approche de Nixon, c'est la manière dont il articule l'idée d'une « majorité silencieuse », un groupe d'Américains blancs qui, selon lui, n'étaient pas représentés par les élites politiques libérales et les minorités vocales, mais qui constituaient en réalité la majorité du pays. Cette majorité était perçue comme étant principalement conservatrice, et ses préoccupations se concentraient sur la stabilité sociale et la préservation des valeurs traditionnelles. Nixon joue habilement sur ce sentiment de marginalisation parmi les électeurs blancs en opposition aux politiques progressistes perçues comme trop permissives vis-à-vis des minorités, notamment en matière de droits civiques, de welfare et de quotas raciaux. Dans ses discours, Nixon se fait le champion d'un ordre social qui, selon lui, protégerait la majorité blanche contre les dérives perçues du mouvement pour les droits civiques et les réformes sociales.
Mais en même temps, il tente de ne pas aliener complètement les autres groupes ethniques. Les discours de Nixon incluent des références à la diversité de l'Amérique et la place de chaque groupe dans le rêve américain. Pourtant, ce discours se heurte à la réalité de la politique de l'époque, où les intérêts des blancs étaient souvent mis en avant, et les politiques de bien-être, sous couvert d'un langage de réformes, étaient perçues comme discriminatoires envers les populations pauvres, majoritairement non blanches. En particulier, Nixon utilise des expressions comme "l'ordre et la loi", en réponse aux émeutes urbaines et aux mouvements de protestation, ce qui renforce l'idée qu'il se place du côté des blancs défavorisés et des classes moyennes, tout en minant les aspirations des minorités.
Les réformes sociales de Nixon, notamment en matière de bien-être, étaient aussi marquées par une vision particulière de la responsabilité individuelle. Plutôt que de voir l'État comme un instrument de redistribution pour les plus démunis, Nixon mettait l'accent sur une approche plus paternaliste, où les individus étaient encouragés à prendre en main leur destin. Cela s’inscrivait dans une critique plus large de l'État-providence, que Nixon et d'autres conservateurs considéraient comme inefficace et responsable de la dépendance. Ce discours s'adressait directement à une classe moyenne blanche qui, dans le contexte de l’après-guerre, voyait ses repères sociaux et économiques menacés par des changements rapides, y compris l’urbanisation, la montée de la criminalité et la perte de certains privilèges raciaux.
Cependant, cette vision d’un America fondée sur des idéaux d’égalité et de solidarité se heurtait à la réalité des discriminations systémiques persistantes. Les blancs d'origine européenne, en particulier les immigrants italiens, irlandais et polonais, qui constituaient une partie de la base électorale de Nixon, avaient eux-mêmes été marginalisés dans les premières décennies du XXe siècle. Leur ascension vers une position plus dominante dans la société américaine, soutenue par des politiques de droit de vote et d'intégration, faisait partie d'un processus historique complexe. La notion même de « blanchité », qui émerge dans les discours politiques de l’époque, reflétait une identité en construction, un statut social qui devait être consolidé par des stratégies politiques et sociales.
L’idée de la majorité silencieuse n’était pas simplement un appel aux électeurs blancs, mais aussi une manière de polariser le débat national en opposant des groupes sociaux perçus comme étant à la fois opposés et menacés. La rhétorique de Nixon, qui opposait "l'ordre" à la "rébellion" et la "responsabilité" à la "dépendance", résonnait profondément dans un pays traversé par des luttes raciales, économiques et sociales. Mais, tout en prétendant représenter l’ensemble du pays, cette approche laissait de côté les populations racialisées, qu’elles soient noires, latino-américaines ou asiatiques, en continuant à les considérer comme des groupes extérieurs à la nation fondée sur les principes de la majorité blanche.
Il est essentiel de comprendre que cette polarisation n'était pas seulement le fruit d’un discours, mais qu’elle se manifestait également dans les politiques publiques et les réformes sociales mises en place sous Nixon. La guerre contre la pauvreté et les réformes du bien-être, qui se sont intensifiées dans les années 1970, ont exacerbé les tensions sociales, notamment en renforçant l’image d’un gouvernement qui privilégiait certains groupes tout en en excluant d’autres. Les débats autour de la race, de l’immigration et de la redistribution des ressources sont donc des éléments clés à prendre en compte pour comprendre les dynamiques politiques et sociales de cette époque.
Comment le discours politique a-t-il abordé la question des inégalités raciales et sociales aux États-Unis dans les années 1990?
Dans les années 1990, les débats politiques sur les inégalités raciales et sociales ont été largement façonnés par les discours et les politiques des présidents américains de l'époque. George Bush et Bill Clinton, en particulier, ont utilisé leurs discours publics pour aborder des questions de race, de classe et de valeurs familiales, tout en cherchant à attirer différents segments de l’électorat américain. Toutefois, bien que ces discours aient varié en fonction des contextes politiques, ils ont souvent révélé des tensions sous-jacentes et des contradictions dans la manière dont les élites politiques percevaient et géraient les inégalités raciales.
Le discours de George Bush en 1992, par exemple, marque une tentative d'équilibrer des préoccupations sur les désordres civils, les inégalités économiques et la question de la criminalité dans les quartiers urbains. Son appel à la "loi et l'ordre" semblait parfois minimiser les causes sociales profondes des violences raciales, tout en mettant l'accent sur la nécessité de restaurer la stabilité. En parallèle, la manière dont il a abordé les réformes du bien-être social a été perçue comme une réaction à la perception populaire d'un système qui favorise l'oisiveté au détriment du travail. Cependant, cette approche n’a pas permis de résoudre les causes structurelles des inégalités raciales et économiques.
L'élection de Bill Clinton en 1992 a apporté une approche différente, plus nuancée, bien que non exempte de contradictions. Clinton a cherché à se positionner en tant que président du "nouveau libéralisme", tout en affirmant que la diversité ethnique et raciale était une force pour la nation. Cependant, ses politiques de réforme du bien-être, notamment la signature du Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act en 1996, ont été perçues par certains comme une forme de déresponsabilisation, coupant l'accès aux aides sociales pour de nombreuses communautés marginalisées. Sa gestion de la question des inégalités raciales se révélait ambivalente : d’une part, il prônait l’égalité des chances et mettait en avant les valeurs familiales, mais d'autre part, ses réformes ont souvent aggravé les conditions de vie des plus vulnérables.
Les deux présidents ont également dû naviguer dans une politique de plus en plus polarisée où les questions raciales étaient traitées de manière souvent ambiguë, en particulier au moment des émeutes de Los Angeles en 1992. Les discours présidentiels sur ces événements ont donné l'impression d'une volonté de résoudre les tensions raciales, mais ont souvent omis d'aborder de manière significative les causes profondes de l'inégalité raciale. Ces événements ont illustré la fracture persistante entre les discours politiques et la réalité vécue par de nombreuses communautés noires et latinos dans les grandes villes américaines.
De plus, dans leurs efforts pour apaiser les tensions raciales et sociales, les présidents des années 1990 ont souvent eu recours à un langage symbolique. Clinton, par exemple, utilisait la diversité comme un moyen de valoriser l'image de l'Amérique tout en présentant la diversité ethnique comme une ressource, mais sans nécessairement aborder les obstacles systémiques qui se dressaient devant les minorités. À travers ses discours, il a fréquemment souligné la nécessité de travailler ensemble, mais cette vision idéalisée de la société américaine n’a pas toujours été accompagnée de mesures concrètes pour résoudre les disparités raciales et économiques.
Un autre aspect important réside dans la façon dont la politique de la race s’est construite autour de l’idée de "valeurs familiales". Cette notion, souvent utilisée dans les discours politiques de l’époque, servait de prisme à travers lequel les présidents tentaient de reformuler les questions de race et de classe. L’idée de la famille traditionnelle et de la responsabilité individuelle était utilisée pour renforcer un certain ordre moral, parfois au détriment des structures sociales qui avaient historiquement soutenu les communautés marginalisées. En insistant sur la "responsabilité" et en adoptant une approche individualiste, ces discours minimisaient souvent l’impact des discriminations raciales et des inégalités économiques sur les chances de réussite des individus issus de ces communautés.
La gestion de la politique du bien-être social a également été une dimension essentielle des discours de Clinton. Sous son administration, la réforme du bien-être a cherché à réorienter l’assistance sociale vers une approche plus axée sur le travail, en restreignant les prestations et en introduisant des politiques d’incitation à
Quel est le rôle du phénotype sécrétoire associé à la sénescence (SASP) dans la progression du cancer et les maladies liées à l'âge ?
Comment la pratique de la non-violence et du renoncement mène à la sagesse et à la liberté dans le jaïnisme
Les mécanismes de production d'hydrogène et de bio-huile à partir de biomasse : Perspectives et technologies
Pourquoi les panneaux dans les jardins ont-ils joué un rôle crucial dans la campagne électorale de 2016 en Iowa ?

Deutsch
Francais
Nederlands
Svenska
Norsk
Dansk
Suomi
Espanol
Italiano
Portugues
Magyar
Polski
Cestina
Русский