En Iowa, lors de la campagne présidentielle de 2016, un phénomène marquant fut l’abondance de panneaux faits main dans les jardins, en particulier en faveur de Donald Trump. Cette prolifération de signes visibles dans les espaces privés des électeurs traduisait une énergie populaire intense et un engagement visible dans les communautés rurales. Contrairement à cette dynamique, la campagne d’Hillary Clinton choisit délibérément de ne pas investir massivement dans la production et la distribution de panneaux similaires, suivant la maxime bien connue « les panneaux ne votent pas ». Ce choix stratégique suscita des critiques au sein même du camp démocrate, certains considérant que ces signes d’affichage public étaient essentiels pour manifester un soutien tangible et influencer les électeurs ruraux, où la visibilité symbolique revêt une importance particulière. Le contraste était frappant : dans de nombreuses localités, on voyait des fermes arborant fièrement des slogans pro-Trump, tandis que le camp Clinton restait silencieux, laissant ainsi la perception que l’opinion publique penchait nettement vers l’adversaire.
Cette dynamique d’affichage s’inscrit dans un contexte plus large de ressentiment à l’égard d’Hillary Clinton, dont la popularité souffrait d’une défiance généralisée, tant chez les Républicains que parmi certains Démocrates. Les sondages nationaux de Gallup de l’époque révélaient des taux d’impopularité record pour les deux candidats, mais Clinton souffrait d’un rejet encore plus prononcé dans l’Iowa. Les critiques à son encontre, relayées par les électeurs républicains, associaient son image à des accusations de malhonnêteté, notamment liées à des affaires comme Benghazi, l’utilisation d’un serveur privé d’e-mails, ou encore les controverses entourant la Fondation Clinton. Ce climat de défiance dépassait la simple opposition partisane et pénétrait même les rangs démocrates, où une certaine « fatigue Clinton » se faisait sentir, amplifiée par des rivalités internes exacerbées durant les primaires prolongées face à Bernie Sanders.
L’échec de la campagne Clinton à mobiliser pleinement les électeurs démocrates en Iowa s’explique aussi par les tensions provoquées par une primaire qui laissa un goût d’injustice à une partie des militants Sanders. Ce clivage générationnel et idéologique affaiblit la cohésion du camp démocrate, et certains militants, déçus, se détournèrent soit vers des candidats tiers soit s’abstinrent de voter. Cette fragmentation interne eut des conséquences directes, laissant un espace propice à la montée de Trump dans des comtés qui avaient précédemment soutenu Barack Obama. Le rejet de Clinton, souvent lié à son image perçue comme éloignée des préoccupations populaires et entachée par des scandales, fut ainsi un facteur déterminant dans le basculement électoral.
Il est important de saisir que les signes visibles d’un soutien populaire, comme les panneaux dans les jardins ou peints sur des bâtiments, vont au-delà de leur simple fonction décorative. Ils incarnent une manifestation publique d’engagement politique, renforcent le sentiment d’appartenance à un mouvement et influencent le climat électoral, en particulier dans les zones rurales où les interactions sociales sont souvent étroitement liées à l’espace communautaire visible. De plus, la dynamique interne d’un parti, notamment les conséquences d’une primaire conflictuelle, peut profondément affecter l’image et la force électorale d’un candidat lors de la phase décisive. Enfin, l’impact des perceptions négatives, qu’elles soient fondées sur des faits ou sur des campagnes narratives, souligne combien la confiance dans un candidat est aussi cruciale que les programmes politiques qu’il défend.
Pourquoi les électeurs ruraux de l'Iowa ont-ils choisi Trump en 2016 ?
Les luttes économiques dans les zones rurales de l'Iowa ont conduit les électeurs à se sentir délaissés par les gouvernements locaux et fédéraux, notamment à cause des coupes dans les services publics essentiels, souvent perçus comme des sources de soutien pour les communautés rurales. Le sentiment croissant d'abandon a renforcé l'idée que l'État, dans son ensemble, ne répondait plus aux préoccupations des habitants des campagnes. La situation était d'autant plus marquée en 2016, lorsqu'il est devenu évident que les électeurs ruraux cherchaient désespérément un message économique qui résonnait avec leurs préoccupations. Comme l'a exprimé Troy Price (2019), « Les habitants de l'Iowa rural se sentent déjà laissés pour compte, ils ont l'impression que leurs villes se dégradent, qu'elles se désintègrent… Nous ne leur avons tout simplement pas donné un message qui les ferait sentir que nous serions avec eux. Que nous combattrions pour eux. » La question du message est devenue cruciale pour l'élection de 2016, particulièrement en ce qui concerne la comparaison entre les électeurs urbains et ruraux.
Donald Trump a su capter ce désarroi en présentant un discours qui semblait plus adapté à la réalité rurale de l'Iowa. Son slogan, « Make America Great Again », a trouvé un écho particulier parmi les électeurs ruraux. Un répondant démocrate de l'Iowa du nord-est a exprimé que Trump faisait « de grandes promesses qui les faisaient se sentir optimistes pour un avenir meilleur ». Ce discours a offert aux habitants de l'Iowa rural un espoir économique, notamment sous la forme d'une promesse de « salaires plus élevés ». Même si Donald Trump était un milliardaire, ses électeurs ont vu en lui quelqu'un capable de comprendre leurs difficultés économiques. En revanche, Hillary Clinton n’a pas réussi à convaincre les électeurs ruraux de l'Iowa. Non seulement son message n'a pas trouvé de résonance, mais il était aussi perçu comme déconnecté de la réalité des habitants des zones rurales. Pour un autre démocrate de l'Iowa du sud-est, « les problèmes soulevés par les démocrates ne résonnaient pas dans les zones rurales ». Un autre répondant, de l'Iowa du nord-est, expliquait que les électeurs ruraux cherchaient des candidats qui pouvaient « sauver leurs communautés, augmenter leurs salaires et offrir de meilleurs soins de santé », tandis que les électeurs urbains prenaient moins en compte ces préoccupations dans leur choix de candidat.
Il est important de noter que certains électeurs ont estimé que Hillary Clinton ignorait délibérément l'Iowa rural. D’autres ont même affirmé que Clinton n’arrivait pas à se connecter avec leur mode de vie et leurs défis. De plus, ses remarques controversées sur le « Panier de déplorables » ont particulièrement nui à son image dans l'Iowa rural. Ces mots ont été perçus comme une insulte par beaucoup d’électeurs, renforçant l’idée que Clinton était déconnectée de la réalité des petites communautés. Selon les sondages, cette déclaration a été un facteur décisif dans le choix de nombreux électeurs de soutenir Trump.
L'élection présidentielle de 2016 a été perçue par de nombreux électeurs comme un référendum sur l'administration d'Obama. L'élément central qui a motivé le changement de préférence chez les électeurs de l'Iowa, notamment parmi les électeurs non partisans, était le désir de « changement ». Beaucoup estimaient que les problèmes économiques non résolus, comme les faibles salaires et le manque d'emplois dans leurs communautés, ne pouvaient être réglés que par un dirigeant extérieur, perçu comme un non-initié du système politique traditionnel. Ces électeurs se sont tournés vers Trump, pensant qu'il incarnerait une rupture avec l'ordre établi.
Les données des sondages de sortie indiquent qu'une majorité des électeurs ayant perçu l'économie nationale comme « mauvaise » ont soutenu Trump, un phénomène particulièrement marqué en Iowa où l'écart était encore plus prononcé. Ceux qui se considéraient dans une situation financière « pire » étaient massivement en faveur de Trump. Ce sentiment de frustration par rapport à l'inefficacité de l'administration Obama et des promesses non tenues a été un facteur clé dans le soutien à Trump. Les électeurs en colère contre le gouvernement fédéral ont ainsi été bien plus nombreux à voter pour Trump que pour Clinton.
En somme, l'élection de 2016 a été avant tout une élection de changement. Les électeurs ruraux, frustrés par la lenteur de la reprise économique et par un sentiment d'abandon, ont vu en Donald Trump un homme capable de secouer le système et d'apporter des solutions à des problèmes longtemps ignorés. Ce rejet des politiques traditionnelles de Washington a alimenté le désir de voir un outsider à la Maison-Blanche, un désir qui s’est concrétisé par un soutien massif à Trump, notamment dans les comtés pivot de l'Iowa.
Quelles leçons de 2016 pour 2020 en Iowa ?
Le processus électoral de 2020 en Iowa, tout comme en 2016, sera influencé par une série de facteurs qui détermineront la capacité des démocrates à regagner l'État face à un Donald Trump toujours aussi dominant. Pour qu'Iowa bascule à nouveau en bleu démocrate, plusieurs conditions doivent être réunies.
La première de ces conditions concerne la sélection du candidat. En 2016, bien que Trump ait bénéficié de l'un des pires indices de popularité pour un candidat à la présidence, il a su exploiter les faiblesses de Hillary Clinton à son avantage. La campagne s’est rapidement centrée sur la notion du « moindre mal », ce qui a permis à Trump de s’imposer. Pour les démocrates, il est primordial de désigner un candidat capable de résister aux attaques inévitables de la campagne de Trump. Si le candidat choisi présente des failles importantes ou des vulnérabilités évidentes, cela pourrait offrir à Trump le même avantage qu'en 2016, permettant à ce dernier de définir le cadre de la campagne à son profit. Par ailleurs, la position idéologique perçue du candidat démocrate pourrait jouer un rôle crucial. Trump a déjà commencé à tester des messages électoraux qui peignent les démocrates comme des socialistes, des radicaux déconnectés des préoccupations du peuple. Si un candidat démocrate se voit affublé de l’étiquette de « socialiste », cela pourrait miner les tentatives de reconquérir les électeurs « indépendants » ou ceux qui avaient voté pour Obama en 2012, mais qui ont choisi Trump en 2016. En conséquence, les démocrates doivent prêter une attention particulière à l’« éléctabilité » de leur candidat. Les sondages de mars 2019 montrent que Joe Biden et Bernie Sanders devançaient Trump de 6 % et 2 %, respectivement, dans des duels hypothétiques. Cependant, un nombre significatif d’électeurs démocrates considéraient Sanders comme « trop libéral », ce qui montre bien les tensions idéologiques qui peuvent affecter le résultat des urnes.
Ensuite, il est nécessaire de revoir l’approche de la campagne en Iowa, et particulièrement dans les comtés ruraux de l’est de l’État. Bien que les démocrates bénéficient d'un avantage en matière d’inscriptions électorales dans cette région, Trump a réussi à y gagner en 2016, notamment dans des comtés où le Parti républicain n’avait pas triomphé depuis des décennies. Pour regagner ces électeurs, il est essentiel de trouver un candidat dont le message résonne à la fois dans les zones urbaines et rurales de l'Iowa. Un tel candidat devrait pouvoir parler aux préoccupations des électeurs des zones rurales, notamment en ce qui concerne l’agriculture, le commerce, l’immigration, les emplois et les infrastructures. Trump a particulièrement utilisé l’immigration comme un levier électoral en 2016 et semble prêt à réitérer cette stratégie en 2020. Dans ce contexte, les démocrates ont une occasion de présenter une approche plus intelligente de l'immigration, en soulignant que les travailleurs sont essentiels pour les secteurs industriels et agricoles, qui dépendent de la main-d'œuvre étrangère.
Enfin, les démocrates doivent impérativement renforcer leur présence en Iowa rural. Si la campagne de Clinton en 2016 a été critiquée pour son manque de message adressé aux électeurs ruraux, ce vide de communication a conduit à un sentiment d’abandon chez ces électeurs. Que cette négligence ait été stratégique ou non, elle a permis à Trump de se faire une place importante dans ces comtés. Une approche plus ciblée, qui mettrait en avant les avantages des politiques démocrates pour les communautés rurales, serait essentielle pour reconquérir ces électeurs. Il ne s'agit pas nécessairement de remporter le vote rural, comme l'a prouvé Obama en 2012, mais de ne pas subir un écart aussi conséquent que celui que Clinton a connu en 2016.
L'électorat d'Iowa en 2020 sera donc déterminé par la capacité des démocrates à choisir un candidat capable de gagner en milieu rural tout en consolidant ses bases urbaines. Si cette stratégie est bien menée, elle pourrait permettre de réduire l'écart qui sépare le parti démocrate de Trump, et offrir une chance de remporter l'État.
Quel rôle joue l’écart d’enthousiasme dans la dynamique électorale ?
À l'automne 2018, un processus méthodique a été mis en œuvre pour interroger les présidents des partis politiques de chaque comté de l'Iowa. Le contact initial fut établi par courrier postal afin de vérifier les adresses électroniques et informer les destinataires d’un sondage imminent. Un soin particulier fut accordé à la précision du contact, y compris dans les cas où les présidents en fonction n’étaient plus les mêmes que lors du cycle électoral précédent. La rigueur de cette démarche était essentielle pour assurer une représentativité minimale et garantir la fiabilité des réponses collectées.
Le sondage fut distribué via Qualtrics pour ceux disposant d’une adresse électronique valide, tandis qu’une version papier fut envoyée aux sept présidents ne disposant pas d’adresse email. Des rappels furent envoyés tout au long des mois de décembre et janvier. À la mi-février 2019, le taux global de réponse s’élevait à 36,4 %, incluant quatre retours papiers. Des réponses furent reçues pour 58 des 99 comtés de l’Iowa, et dans 10 d’entre eux, les deux partis y étaient représentés. La répartition géographique des réponses fut relativement équilibrée, bien que légèrement dominée par les régions nord-est et nord-ouest de l'État.
En complément, huit entretiens furent réalisés avec des élites politiques ayant joué un rôle déterminant durant la campagne présidentielle de 2016. Quatre Républicains et quatre Démocrates furent sélectionnés selon leur implication directe et leur connaissance des dynamiques électorales spécifiques à l’Iowa. La collecte des données fut conduite avec rigueur : chaque entretien, d’une durée de 29 à 50 minutes, fut enregistré, minuté, et analysé de manière thématique. Aucune transcription intégrale ne fut réalisée ; l’analyse s’appuya sur une écoute attentive et la création d’un index horodaté.
Ce double corpus — quantitatif et qualitatif — permit d’identifier plusieurs thématiques récurrentes, la plus saillante étant celle de l’écart d’enthousiasme. Déjà perceptible à la fin de 2015, cet écart opposait un électorat républicain motivé à un électorat démocrate hésitant. Les élites démocrates minimisaient ce phénomène, convaincues que l’enthousiasme remonterait une fois Hillary Clinton désignée comme candidate. Cette hypothèse ne se vérifia pas.
À l’approche de l’élection, les données de sondages nationaux confirmèrent l’existence persistante de cet écart. Selon les chiffres d’ABC News/Washington Post, l’enthousiasme fort parmi les électeurs de Trump atteignait 53 % une semaine avant l’élection, contre 45 % pour Clinton. Huit points d’écart, suffisants pour influer significativement sur la participation électorale. L’enthousiasme ne détermine pas uniquement l’intensité du soutien ; il influe directement sur la mobilisation, sur le volontarisme des électeurs à se rendre aux urnes, à persuader leur entourage, à donner de leur temps.
Ce phénomène de l’“enthusiasm gap” fut considéré par plusieurs stratèges comme un indicateur plus fiable que les intentions de vote brutes. Jeff Boeyink, par exemple, interprète l’écart d’enthousiasme comme un signal d’alerte stratégique. L’analyse de l’enthousiasme, bien plus que celle de la simple préférence électorale, permettrait d’anticiper les flux de mobilisation et les zones de faiblesse dans une base partisane.
Ce qui apparaît en filigrane de ces entretiens et de cette collecte minutieuse de données, c’est la capacité de l’enthousiasme électoral à transcender les prédictions traditionnelles. Lorsque les électeurs votent “contre” plutôt que “pour”, lorsque la candidate ou le candidat ne suscite pas de passion, l'appareil partisan peut bien fonctionner, les messages peuvent bien être diffusés, mais l'élan populaire se dérobe. L’élection présidentielle de 2016 illustre de manière saisissante ce déplacement de l’analyse électorale vers des facteurs affectifs, relationnels, presque organiques. L’écart d’enthousiasme n’est pas une simple mesure d’humeur électorale : il est une mécanique invisible qui façonne les issues.
Pour que cette dynamique soit pleinement comprise, il convient aussi d'examiner la manière dont les campagnes électorales nourrissent ou entravent l'enthousiasme. L’organisation des campagnes, le ton des discours, la présence sur le terrain, la capacité à incarner une cause plus large que soi-même : tous ces éléments interagissent pour produire — ou non — cet élan électoral collectif. Comprendre l’écart d’enthousiasme, c’est donc aussi comprendre l’art de faire campagne dans une démocratie fatiguée, où le vote devient souvent un acte d’usure, plutôt qu’un engagement.
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