Dans les systèmes de génération d'énergie, les variations de la charge du système se traduisent par des changements dans la fréquence. Ceux-ci sont modélisés par une constante d'inertie équivalente, MeqM_{eq}, qui est la somme des constantes d'inertie de plusieurs unités (ou générateurs). L'autorégulation du système dans son ensemble peut être représentée par une constante d'amortissement, DD, et, pour ce système composite, la réponse en régime permanent se caractérise par un paramètre appelé "décroissance", qui est exprimée par une équation reliant les différentes constantes d'inertie et d'amortissement des unités en fonctionnement.

Prenons l'exemple d'un système fonctionnant à une charge de 1 260 MW à 50 Hz, avec une constante d'amortissement de 1,5 %. La réserve en rotation du système est de 240 MW. Si une perte de charge de 60 MW survient soudainement, la charge du système passe à 1 200 MW. Dans ce cas, D=1.5×1200=5036D = 1.5 \times 1 200 = 50 - 36 MW/Hz. Si aucun gouverneur de vitesse ne réagissait, l'augmentation de fréquence serait de 1,67 Hz. Cependant, avec la réponse partielle des gouverneurs (80 % du système), l'augmentation de fréquence nette se modifie, comme le montre l'exemple par un calcul basé sur la constante de décrochage de 4 %, réduisant ainsi l'augmentation de la fréquence à 0,094 Hz après la réponse des gouverneurs.

Les systèmes modernes, de plus en plus dominés par des ressources renouvelables, voient une diminution progressive de l'inertie totale du système. Cela peut réduire la résilience du réseau face aux perturbations de fréquence. Un changement dramatique de l'inertie peut être observé en réduisant la constante d'inertie de 10 secondes à 3 secondes, comme illustré dans l'exemple avec les figures 4.18 et 4.19. Cette réduction de l'inertie entraîne un accroissement rapide de la fréquence qui pourrait destabiliser le réseau avant que les réserves de contrôle primaire ne puissent intervenir pour rectifier la situation. Le recours à des ressources de contrôle primaire plus nombreuses et réactives est alors essentiel. Si ces réserves de contrôle primaire ne sont pas suffisantes, le système devient vulnérable à une nouvelle perte de charge ou à une défaillance de générateur, pouvant conduire à une déstabilisation totale du réseau et des pannes de grande ampleur.

Une autre caractéristique critique à prendre en compte dans cette dynamique est la nature même de la réponse des générateurs, en particulier des turbines à gaz ou des moteurs à gaz, lorsqu'elles sont en fonction de contrôle primaire. Cette réponse dépend fortement de la capacité de réagir rapidement face aux fluctuations de fréquence, ce qui peut être influencé par les types de carburant utilisés dans les turbines. À ce titre, le chapitre 7 explore plus en profondeur le rôle des turbines à gaz dans le contrôle primaire.

L'impact des réserves secondaires et tertiaires de contrôle sur la régulation de fréquence est également un facteur décisif dans la gestion des instabilités à long terme du réseau. Une fois que les réserves de contrôle primaire sont pleinement activées, les réserves secondaires doivent entrer en jeu pour compléter la stabilisation de la fréquence, tandis que les réserves tertiaires offrent une protection supplémentaire en cas de défaillances multiples. Cette gestion multicouche des réponses est ce qui empêche souvent une cascade d’événements menaçant l'intégrité du réseau. En l’absence de ces mécanismes de secours, l’activation des réserves primaires pourrait être insuffisante, ce qui pourrait entraîner un effondrement total du réseau.

Le défi de maintenir une fréquence stable dans un réseau moderne devient plus complexe à mesure que les ressources renouvelables, notamment l’éolien et le solaire, augmentent leur part dans le mix énergétique. Ces sources d’énergie, bien qu’idéales pour réduire les émissions de CO2, contribuent moins à la régulation de fréquence à cause de leur caractère intermittent et non prévisible. Par conséquent, l’intégration de solutions comme le stockage d'énergie ou des mécanismes de contrôle de fréquence avancés devient cruciale pour compenser cette perte d'inertie.

L'une des solutions proposées pour pallier cette problématique est la flexibilité des carburants dans les turbines à gaz. Ces turbines, en raison de leur capacité à fonctionner avec différents types de carburants, peuvent s’adapter aux besoins spécifiques du système. Les carburants comme le biogaz, le biodiesel ou même l’hydrogène, bien qu'ils soient dits "neutres en carbone", présentent leurs propres défis, notamment en matière d’émissions d’oxydes d'azote (NOx), qui nécessitent des technologies de contrôle telles que l'injection de vapeur ou d'eau. Toutefois, l’utilisation de telles méthodes, bien que techniquement efficace, soulève des préoccupations écologiques liées à la consommation d'eau, une ressource de plus en plus rare dans certaines régions.

Les bioénergies, et particulièrement les biocarburants, représentent une alternative plus durable et, dans certains cas, carboniquement neutre. Cependant, même ces carburants peuvent entraîner des émissions de CO2 plus élevées que les combustibles fossiles traditionnels, selon le type et la provenance des matières premières utilisées pour leur production. Ce constat est mis en lumière dans les résultats d'études réalisées sur la base des différents combustibles utilisés dans des turbines à gaz de classe F. Ces analyses montrent que, bien que les biocarburants soient souvent considérés comme une solution propre, leur impact environnemental demeure controversé, en particulier lorsqu’on prend en compte l'ensemble du cycle de vie des carburants.

Il est donc essentiel pour le lecteur de comprendre que, bien que la flexibilité du carburant soit un atout pour la stabilité énergétique, elle doit être accompagnée de mesures strictes en matière de contrôle des émissions et de gestion des ressources.

Quelle est l'efficacité énergétique dans le stockage d'énergie par air comprimé ?

Le concept d'efficacité énergétique est central dans la compréhension des systèmes modernes de stockage d'énergie. Dans ce contexte, la définition de l'efficacité énergétique primaire, ou PEE (Primary Energy Efficiency), joue un rôle déterminant. Ce paramètre décrit la relation entre l'énergie produite et l'énergie qui aurait pu être générée avec la même quantité de combustible, dans des conditions idéales de fonctionnement d'une centrale énergétique, comme une centrale au gaz naturel qui, en moyenne, affiche une efficacité d'environ 50%. Cette efficacité doit être mesurée à travers une approche systémique, prenant en compte les pertes mécaniques, la chaleur générée et les fuites, qui sont des phénomènes inévitables dans tout système énergétique.

Dans une approche plus détaillée de l'efficacité, l'expression mathématique du PEE permet de mieux comprendre le rendement global d'un système, en tenant compte des différentes étapes du processus de stockage et de conversion d'énergie. L'un des équilibres essentiels dans ce calcul est celui entre les pertes mécaniques et thermiques pendant les phases de compression et d'expansion de l'air comprimé.

Prenons, par exemple, l'équation du PEE dans le cadre du stockage d'énergie par air comprimé (CAES – Compressed Air Energy Storage). Cette équation est généralement exprimée sous la forme :

PEE = \frac{{\text{Puissance générée avec air comprimé}}}{{\text{Puissance qui pourrait avoir été générée avec la même quantité de combustible, en tenant compte de l'efficacité d'une centrale à gaz naturel, typiquement de 50%}}}

Cette formule est souvent complétée par des termes supplémentaires relatifs aux pertes thermiques et mécaniques, ainsi qu'aux diverses frictions dans les tuyaux et autres équipements du système. En effet, la compréhension de la relation entre la compression et l'expansion de l'air, et plus spécifiquement la durée respective de ces deux étapes, permet de calculer plus précisément l'efficacité énergétique globale du système.

En outre, une représentation graphique de l'efficacité primaire (comme le montre la figure 6.5 de l'exemple) permet de visualiser les différentes phases du processus de stockage d'air comprimé. Ces graphiques permettent de décomposer le PEE en sous-ensembles, tels que les pertes mécaniques et thermiques, ainsi que les différentes sources d'énergie qui entrent dans la génération d'air comprimé. L'objectif ultime est de maximiser l'efficacité de ces processus afin d'optimiser l'utilisation des ressources énergétiques et minimiser les pertes.

L'un des défis majeurs réside dans la gestion de la chaleur. En effet, l'air comprimé, lorsqu'il est stocké sous pression, génère des pertes de chaleur considérables. Ces pertes sont liées aux caractéristiques thermodynamiques de l'air, et leur gestion devient cruciale pour améliorer l'efficacité du système. Par exemple, la chaleur perdue lors de la compression peut être récupérée et réutilisée pendant l'expansion, ce qui permet de réduire les pertes énergétiques et d'augmenter l'efficacité globale.

Il est également essentiel de comprendre que l'efficacité énergétique dans le stockage d'air comprimé ne se limite pas à la compression et à l'expansion de l'air. Elle englobe également les pertes dues aux fuites, à la friction des tuyaux, ainsi qu'aux divers composants mécaniques du système. Par conséquent, tout système de stockage d'énergie par air comprimé doit être conçu pour minimiser ces pertes tout en maximisant la capacité de stockage et la rapidité de récupération de l'énergie.

En résumé, bien que l'efficacité énergétique primaire (PEE) d'un système de stockage d'énergie par air comprimé repose sur un calcul complexe, il est crucial de tenir compte de tous les aspects du système, de la compression à l'expansion, en passant par les pertes thermiques, mécaniques et de friction. La gestion optimale de ces éléments est la clé pour atteindre un système énergétiquement efficace et économiquement viable.

Il est également important de noter que l'efficacité d'un système de stockage d'air comprimé peut être influencée par divers facteurs externes, tels que la qualité de l'équipement utilisé, les conditions environnementales, et même la manière dont l'énergie est récupérée ou utilisée après son stockage. En outre, les avancées technologiques dans le domaine du stockage d'énergie, notamment les innovations dans les matériaux utilisés pour les réservoirs d'air comprimé et les méthodes de récupération de chaleur, pourraient jouer un rôle déterminant dans l'amélioration continue de l'efficacité de ces systèmes.