La reconstruction du vecteur d'état pour les cellules proches des parois à partir de leurs images constitue une étape clé dans les simulations fluides impliquant des phénomènes complexes comme la formation de givre. Cette reconstruction repose sur l’application de profils de vitesse spécifiques aux cellules de la frontière immergée (IB) en fonction de leur position par rapport à la paroi, comme illustré dans la Figure 2. Le composant normal de la vitesse est interpolé linéairement, car il n'existe aucune préférence physique permettant de justifier un autre type d'interpolation. Le vecteur normal et tangent peuvent être extraits de la fonction de distance signée ϕ\phi, ce qui permet de définir les directions perpendiculaire et parallèle à la paroi.

Dans le cas où un profil de vitesse linéaire est choisi, la vitesse tangentielle est calculée de manière identique à la composante normale. Pour des profils plus complexes, comme celui de la puissance un-septième, un rapport de distances est appliqué, comme le montre l'expression utib=ϕ7ϕimutimu_{tib} = \frac{\phi^{7}}{\phi_{im}} u_{tim}, qui est une version modifiée de l’approche linéaire pour s’adapter aux spécificités du problème étudié.

Cependant, lorsque l'on aborde la modélisation des parois turbulentes, un modèle plus sophistiqué est nécessaire. Un exemple classique est le modèle de paroi utilisé pour les turbulences, qui décrit la vitesse tangentielle à la paroi utu_t selon l'équation donnée par Beaugendre et Morency (2018). Ce modèle implique l'utilisation d'une approche itérative de Newton-Raphson pour calculer la vitesse de cisaillement uTu_T à un point d'image dans le domaine fluide. Cette approche permet d'obtenir une solution convergente après un nombre limité d'itérations, en ajustant progressivement les valeurs de uTu_T jusqu'à ce qu'elles se stabilisent. Une fois la vitesse de cisaillement calculée, la composante tangentielle de la vitesse à la paroi peut être déterminée à partir du modèle de paroi.

Une étape essentielle du modèle est de déterminer la viscosité turbulente au point IB, donnée par la formule de la longueur de mélange. Le modèle de Spalart-Allmaras est souvent employé pour cette tâche, qui nécessite de résoudre des équations complexes pour obtenir la viscosité turbulente μt\mu_t. L'itération pour résoudre cette viscosité suit une méthode similaire à celle utilisée pour la vitesse de cisaillement, où les solutions convergent rapidement après quelques itérations.

Le transport des gouttelettes dans le cadre de la simulation des conditions de givrage est une autre partie cruciale du modèle. La méthode de transport des gouttelettes développée dans NSMB repose sur une représentation eulérienne. Cela signifie que la vitesse des gouttelettes et leur fraction volumique sont résolues à l'aide d'un système d'équations aux dérivées partielles. Les gouttelettes sont supposées de forme sphérique, mais peuvent se déformer sous des nombres de Reynolds élevés. Les équations de conservation décrivent leur mouvement en fonction de paramètres comme le nombre de Reynolds des gouttelettes et les coefficients de traînée qui varient en fonction de leur forme et de leur taille.

La condition aux limites pour le transport des gouttelettes est particulièrement importante dans les zones où les gouttes de liquide frappent la surface, générant des phénomènes de collecte. Une méthode adaptative est utilisée pour appliquer les conditions aux limites en fonction de la vitesse des gouttelettes par rapport à la paroi. Cette approche permet d’assurer que les gouttelettes qui impactent la surface sont correctement capturées et que celles qui n’interagissent pas avec la surface sont traitées comme des conditions aux limites de Dirichlet.

La collecte des gouttelettes, ou « collection efficiency », est ensuite calculée en utilisant la formule β=αun\beta = \alpha u \cdot n, où α\alpha est la fraction volumique d'eau et uu est la vitesse des gouttelettes. Ce calcul peut être effectué soit à partir des cellules situées juste à l’extérieur de la paroi, soit à partir des cellules dont la fonction de niveau ϕ\phi est positive et dont la valeur de Dirac est supérieure à zéro.

En termes de modélisation thermodynamique, le modèle SWIM (Shallow-Water Ice Modeling) utilisé dans NSMB représente un cadre mathématique robuste pour la simulation de la formation de films liquides sur les surfaces. Ce modèle repose sur des équations de conservation de la masse et de l'énergie pour décrire l'évolution du film d'eau qui peut se geler sous certaines conditions. Ce modèle permet de prédire l’accumulation de glace en fonction des conditions de température et de l'humidité de l’air, et constitue un élément clé pour prédire l'évolution de la glace lors des simulations de givrage en vol.

Pour que ce type de simulation soit précis, il est crucial de bien comprendre les comportements physiques des gouttelettes et de la couche de glace, ainsi que de maîtriser l'itération des méthodes de résolution des équations complexes. De plus, le choix des profils de vitesse et des conditions aux limites a un impact direct sur la précision des résultats, notamment en ce qui concerne la modélisation des interactions entre les gouttelettes et la paroi. En effet, l’utilisation de conditions aux limites adaptatives et la prise en compte des variations de taille et de forme des gouttes permettent d’obtenir une description plus réaliste des processus de givrage.

Comment modéliser les couches limites de moment, thermique et de transition pour des écoulements turbulents ?

Les couches limites de moment et thermique jouent un rôle crucial dans l'étude des écoulements fluides, notamment dans les contextes de transfert de chaleur et d'impact des surfaces rugueuses sur les régimes d'écoulement. À partir de plusieurs modèles, tels que ceux de Thwaites (1949), Smith et Spalding (1958), et de Kays et Crawford (1993), on peut établir des expressions mathématiques permettant de caractériser ces phénomènes, notamment dans le cadre des codes de simulation de la glace en vol. Les équations qui en résultent offrent une approximation précise des différentes couches limites, depuis la transition laminaire-turbulent jusqu'aux régimes de turbulences complètes.

L'une des premières approximations pour les couches limites de moment est proposée par Stefanini et al. (2007), qui utilisent une série d'équations spécifiques à la dynamique des couches limites. Ces modèles permettent d'évaluer l'épaisseur de la couche limite de moment dans les régimes laminaires à partir de relations empiriques, telles que l'intégration de l'équation de la continuité de la quantité de mouvement selon la méthode de Kays et Crawford (1993). Par exemple, dans un écoulement laminaire, l'épaisseur de la couche limite peut être estimée par la formule suivante :

δ2,lam=0.664(ν1/2ue4.68)ds\delta_{2,\text{lam}} = 0.664 \left( \frac{\nu^{1/2}}{u_e^{4.68}} \right) \, ds

Ce modèle est utilisé pour des flux incompressibles à faible vitesse, et l'intégration de cette équation fournit une approximation utile pour déterminer la position de transition entre les régimes laminaire et turbulent.

Dans un contexte plus spécifique aux surfaces rugueuses, Kays et Crawford (1993) ont développé une approche pour déterminer le coefficient de frottement dans des régions complètement rugueuses. Cette approche repose sur une loi du mur qui s'applique aux surfaces rugueuses où le gradient de pression est nul et où il n'y a pas de transpiration. L'expression approximative pour le coefficient de frottement dans une telle région est donnée par :

Cf=0.168[2ln(864δ2/ks)]C_f = 0.168 \left[ 2 \ln\left(\frac{864}{\delta_2/k_s}\right) \right]

Les résultats de cette approche sont particulièrement utiles dans les modèles d'écoulements où la rugosité de la surface a un effet majeur sur la dynamique de la couche limite, notamment en présence d'un écoulement turbulent sur des surfaces telles que les ailes d'avion en vol.

Les phénomènes liés à l'échange thermique, en particulier le transfert de chaleur convectif à travers les couches limites thermiques, ont également été modélisés à partir des travaux de Smith et Spalding (1958). Selon leur modèle, l'épaisseur de la couche limite thermique peut être obtenue en négligeant les effets de la forme et de l'épaisseur de la couche limite, en supposant une dépendance uniquement aux conditions locales. Cette approximation est particulièrement pertinente pour les écoulements sur des surfaces isothermes et lisses. L'équation correspondante pour la conduction thermique est la suivante :

Δ2=11.68u11.87ν\Delta_2 = 11.68 \, \frac{u_1^{1.87}}{\nu}

Dans les régimes turbulents, la prédiction du nombre de Stanton, qui mesure le transfert de chaleur, devient essentielle pour les calculs de thermique en aérodynamique. Kays et Crawford (1993) ont formulé un modèle pour prédire ce nombre dans des régimes turbulents à partir du coefficient de frottement turbulent, en tenant compte des effets de la rugosité de la surface. L'expression simplifiée pour le nombre de Stanton turbulent est donnée par :

Stturb=Cf,turb2(Prt+0.5Cf,turb2)St_{\text{turb}} = \frac{C_f, \text{turb}}{2} \left( \frac{Pr_t + 0.5 C_f, \text{turb}}{2} \right)

Les calculs utilisant ces relations sont fondamentaux dans les simulations numériques de transfert de chaleur et dans les modèles de prévision de la formation de glace.

Dans les écoulements où il y a une transition entre des régimes laminaire et turbulent, il est souvent difficile de déterminer précisément la position et l'étendue de la transition. Stefanini et al. (2007) ont proposé une approche qui considère la transition comme une zone définie, où l'écoulement passe progressivement d'un régime laminaire à un régime turbulent, lié par une fonction d'intermittence. Cette fonction prend la valeur de zéro en amont de la région de transition et atteint 0.99 à la fin de la zone de transition. Le modèle implique que la couche limite turbulente commence au point de transition sans une couche limite laminaire préalable. Si une couche limite laminaire précède la région turbulente, l'épaisseur de la couche limite de moment est alors ajustée en fonction de la solution laminaire à la position de transition. L'équation pour l'épaisseur de la couche limite de moment à ce point de transition est alors donnée par :

δ2=0.0156(ν1/4u13.86)ds+δ2,o\delta_2 = 0.0156 \left( \frac{\nu^{1/4}}{u_1^{3.86}} \right) ds + \delta_{2,o}

Cette approche permet de simuler plus fidèlement les phénomènes de transition dans des conditions d'écoulement complexes, en particulier dans les modèles aérodynamiques des avions soumis à des conditions de givre en vol.

Les études sur la transition de couche limite et les écoulements turbulents sont essentielles pour améliorer les prédictions de la formation de glace, notamment en raison de l'impact que peuvent avoir les surfaces rugueuses et les irrégularités sur la dynamique de l'écoulement. Les codes numériques modernes, tels qu'ONERA2D, utilisent ces modèles pour prédire de manière plus précise l'impact de la glace sur la performance des aéronefs. L'adoption de critères empiriques pour déterminer le point de transition est donc nécessaire dans les simulations pratiques.