Donald Trump a réécrit le livre de la politique présidentielle. Il a déconstruit les rôles traditionnels d'un président élu démocratiquement, en utilisant la logique des médias et une politique de la peur, tout en se présentant comme le sauveur du pays. Ce président, qualifié de "Gonzo", a su manipuler les médias et les technologies numériques pour transformer la nature même de la gouvernance à la fois au niveau fédéral et étatique. Au-delà des analyses politiques classiques de son histoire et de son soutien populaire, il est essentiel de se pencher sur les aspects communicatifs de son ascension et les répercussions culturelles et politiques profondes qui en découlent.

Ce phénomène, que l'on pourrait qualifier de "Gonzo Governance", repose sur plusieurs facteurs déterminants. D'abord, un contexte culturel où la culture populaire, le commercialisme, la peur et le divertissement favorisent la valorisation des célébrités. Ensuite, l'utilisation systématique des médias de masse et des technologies de l'information pour promouvoir le divertissement, le drame, le conflit et la peur. Enfin, l'usage des médias numériques qui, par leur instantanéité, leur caractère personnel et visuel, exigent une participation active et offrent un soutien émotionnel communautaire, créant ainsi un espace où l'individu est constamment validé et renforcé par ses pairs.

Les médias traditionnels et les nouvelles technologies de l'information ont modifié la dynamique du pouvoir politique, notamment en ce qui concerne la relation entre les acteurs politiques et les citoyens. Dans les siècles passés, la communication politique était largement dominée par des canaux asymétriques, avec des médias imprimés et radio-télévisés qui contrôlaient le flux d'information. Ces canaux étaient contrôlés par des institutions ou des individus puissants, et les messages circulaient principalement dans un sens : de l'émetteur vers l'audience. Mais avec l'émergence de la radio FM, de la télévision par câble et, plus récemment, des réseaux sociaux numériques, ce modèle a été bouleversé. L'élément clé de cette révolution est le passage d'une communication unidirectionnelle à une communication symétrique, dans laquelle les spectateurs ne sont plus de simples récepteurs mais des participants actifs et des évaluateurs du contenu.

L'impact de cette nouvelle écologie de la communication est indéniable dans le domaine de la politique. Non seulement les présidents doivent maintenant naviguer dans un environnement médiatique plus rapide et plus interactif, mais ils doivent aussi composer avec la montée en puissance de l'image et du spectacle. L'héritage de Trump ne réside pas seulement dans la destruction des institutions démocratiques, mais dans sa capacité à manipuler ces nouveaux formats médiatiques pour construire un discours politique qui, tout en étant populiste et conflictuel, a trouvé un écho profond au sein de l'opinion publique.

Si Trump n'a pas été le premier à briser les normes de gouvernance, il a amplifié et intensifié une tendance déjà amorcée, notamment par des figures comme Newt Gingrich dans les années 1990. Gingrich, en utilisant les nouveaux outils de communication comme C-Span et Fox News, a introduit une rhétorique plus agressive et conflictuelle, qui a redéfini la nature de l'opposition politique. Dans ce contexte, la politique n'était plus un lieu de compromis mais de confrontation sans fin. Trump a poussé cette logique encore plus loin, refusant tout cadre de respect mutuel et de dialogue, au point de compromettre des actions vitales pour la société, comme l’acceptation d'un vaccin contre la COVID-19, devenu un enjeu politique.

Cette "gouvernance Gonzo" a eu des conséquences dramatiques sur la politique américaine. Le recours massif aux réseaux sociaux, où les vérités sont souvent déformées et où la polarisation atteint des niveaux extrêmes, a profondément changé la façon dont les citoyens perçoivent leur démocratie. En envoyant plus de 25 000 tweets et en répandant des mensonges qui divisaient la population, Trump a exacerbé les fractures politiques et sociales. Le rôle des médias sociaux dans cette dynamique est primordial, car ils ont permis à des récits divisifs de se propager instantanément, renforçant les bulles d'information et le clivage idéologique.

Au-delà des simples manipulations médiatiques, ce phénomène illustre également l'impact des technologies numériques sur les comportements politiques et sociaux. La rapidité avec laquelle l'information est diffusée et la manière dont elle est interprétée ont des répercussions profondes sur les processus démocratiques. Les gouvernements, les institutions politiques et même les citoyens doivent désormais s’adapter à une réalité où la vérité devient relative, où les faits sont souvent secondaires par rapport à la puissance du message et à son efficacité à capter l'attention.

Cette évolution n’est pas seulement une question de politique américaine. Elle touche l’ensemble des démocraties modernes, où l’influence des médias et des technologies numériques redéfinit les contours de la politique, de l’opinion publique et des institutions. Il est essentiel de comprendre comment ces nouvelles formes de gouvernance, où l'information est manipulée et où l’émotion prime sur la raison, transforment non seulement la politique mais aussi les valeurs fondamentales qui sous-tendent nos sociétés.

L'impact de la gouvernance gonzo sur la culture civique : Une analyse de la politique américaine sous Donald Trump

L'esclavage, après deux siècles et demi d'intégration dans le tissu social américain, n'était pas simplement une institution économique pour les États du Sud, mais un facteur fondamental dans la constitution du produit intérieur brut des États-Unis. Son abolition, survenue après une guerre civile dévastatrice, n'a pas seulement remis en question l'ordre social, mais a également bouleversé la légitimité civile et le respect de l'État de droit. Un autre exemple de ce phénomène d'enracinement proposé par Starr concerne la démocratie libérale et le changement progressif aux États-Unis. Malgré les nombreux échecs et revers survenus au fil des décennies, les principes fondamentaux de cette démocratie, même si le sens du mot a parfois été trahi, ont résisté et ont été renforcés par des initiatives de leadership présidentiel, telles que le « New Deal » de Franklin Roosevelt, qui a soutenu divers programmes sociaux. Cependant, depuis les années 1980, ces principes ont été de plus en plus attaqués par les politiciens républicains, et la création par Donald Trump d'une Cour suprême ultra-conservatrice n'a fait qu'exacerber la situation, tout en favorisant l'oligarchie et le populisme, érodant ainsi les processus démocratiques et les programmes progressistes.

L’un des effets les plus notables de cette ère Trump a été l'usage stratégique des médias pour alimenter un discours de peur, transformant cette peur en un outil politique puissant. Comme le souligne Gandhi, cette peur est utilisée pour convaincre les populations que leurs intérêts matériels, qu'ils soient nationaux, raciaux ou de classe, seraient en péril si des mesures draconiennes n'étaient pas prises. Le mécanisme qui sous-tend cette logique est la manipulation des médias, particulièrement dans un monde où l'écologie de la communication se trouve profondément influencée par l'essor des médias numériques. Il ne s'agit plus seulement de diffuser des messages, mais de créer une réalité sociale qui façonne la manière dont les individus interprètent et réagissent aux événements qui les entourent. Le monde moderne est façonné par les technologies de l'information et leurs formats, et il devient impératif de comprendre comment ces institutions médiatiques dictent les expériences et actions sociales, qu’elles soient conscientes ou non.

La « gouvernance gonzo », terme qui fait référence à une gouvernance marquée par le chaos, l’improvisation et l’absence de respect pour les règles établies, doit être comprise dans ce contexte : elle émerge non seulement à travers les pratiques politiques, mais aussi grâce à l'amplification des émotions collectives générées par les médias. En effet, il est crucial de saisir que toute réponse à des phénomènes comme le terrorisme, ou encore la gouvernance gonzo, doit d'abord reconnaître leur dimension sociale et culturelle. Ce n’est pas un hasard si la montée en puissance de Donald Trump a été soutenue par une stratégie de peur, amplifiée par la puissance des médias de masse et des réseaux sociaux. Ces derniers ne se contentent pas de relater des faits, mais construisent une réalité interprétée par l'opinion publique. Il devient alors évident que les médias, qu’ils soient traditionnels ou numériques, sont des acteurs majeurs dans la configuration de la culture civique et politique d’un pays.

Dans cette optique, la culture civique, qui désigne l'ensemble des expériences quotidiennes, attentes et sentiments des citoyens à l'égard du gouvernement, devient un terrain fertile pour la consolidation ou la destruction de la démocratie. Un principe essentiel de la culture civique repose sur des valeurs partagées, un minimum de consensus sur la vision démocratique et l'engagement civique. Toutefois, ces valeurs ne sont pas simplement théoriques; elles doivent s'ancrer dans le quotidien des citoyens. Si une société déséquilibre ces valeurs fondamentales, la démocratie devient vulnérable, comme on a pu le voir sous l'administration Trump, où les principes de démocratie ont été sapés, non seulement par des actions politiques directes mais aussi par la propagation de récits antisémites et d'une vision de l’Amérique exclusive et racialisée.

La culture civique repose aussi sur des pratiques, souvent considérées comme banales ou de routine, mais qui en réalité constituent l'ossature de la vie démocratique. Que ce soit à travers le droit de vote, l'engagement civique ou même les manifestations spontanées, ces pratiques quotidiennes aident à concrétiser les idéaux démocratiques. Cependant, elles doivent être constamment renouvelées pour éviter la stagnation. Un système démocratique doit être capable de se réinventer sans pour autant se couper de son passé, d’où l’importance de créer de nouvelles pratiques démocratiques qui restent ouvertes aux défis contemporains.

Trump a été l'exemple même d'une gestion gonzo de la gouvernance, où les valeurs démocratiques ont été systématiquement réduites, la connaissance politique ignorée et les identités des citoyens, souvent marginalisées ou remises en question. Le défi, aujourd’hui, est de reconstruire une culture civique forte, où la démocratie puisse se réaffirmer, non seulement dans les institutions mais aussi dans le cœur et l'esprit des citoyens. Cela nécessite non seulement une réaffirmation des valeurs fondamentales, mais aussi un effort concerté pour que les pratiques démocratiques ne deviennent pas de simples formalités, mais des instruments de changement et de participation active à la vie politique.