Les découvertes archéologiques réalisées à Gandhara et à Narhan (district de Gorakhpur, Uttar Pradesh) ont révélé des fragments de métal non finis, des blanks en argent, des formes brutes qui n’ont pas encore reçu de marques de frappe. Ces vestiges offrent un aperçu précieux de l’artisanat dans la région, mais ils ne sont qu’une petite partie de l’ensemble des découvertes qui nous permettent de reconstruire les sociétés anciennes. L’une des caractéristiques les plus fascinantes de cette période est la poterie de type Northern Black Polished Ware (NBPW), dont la découverte nous aide à mieux comprendre les sociétés politiques et artisanales du passé.

Le NBPW, dont le nom peut être trompeur, n’est pas exclusivement trouvé dans le Nord de l'Inde, il n’est pas toujours noir, ni nécessairement poli. En réalité, cette poterie est une céramique de haute qualité, réalisée à la roue avec de l’argile bien levigée. Elle est fine, parfois aussi mince que 1,5 mm, et présente une surface lisse et brillante. Les couleurs varient, allant du noir au rouge, avec des formes variées telles que des bols à bords droits ou convexe, des plats aux bords incurvés, des couvercles à boutons et des vases miniatures. Les motifs décoratifs, bien que peu fréquents, comprennent des lignes ondulées, des cercles concentriques, des points, et des semi-cercles en jaune et en vermillon clair. Ces œuvres, souvent non peintes, offrent une fenêtre fascinante sur les techniques de fabrication de la poterie antique, bien que les méthodes exactes de fabrication de la brillance de cette poterie demeurent encore discutées.

Une des hypothèses suggère que la brillance de cette céramique était obtenue par l’application d’un composé ferrugineux avant la cuisson, dans un environnement réducteur. Une autre théorie propose que la brillance était un effet du traitement post-cuisson des pots, lorsqu’ils étaient encore chauds, avec des matières comme de l’huile ou du jus végétal. Des études plus récentes ont exploré l’idée que l'oxyde magnétique de fer pouvait être responsable de la couleur noire et de la texture vitreuse, tandis qu'une couche de terre liquide enrichie en hématite aurait été appliquée avant la cuisson sous conditions réductrices.

Ce type de poterie est retrouvé dans une vaste zone géographique, s'étendant de Taxila à l'ouest jusqu’à Amaravati à l’est, et de Prabhas Patan au Gujarat jusqu’à Tamluk au Bengale. L’aire de diffusion la plus dense se situe dans le Punjab, l’Haryana, le Rajasthan, l’Uttar Pradesh, le Bihar et le Bengale Occidental. Les fouilles les plus importantes ont eu lieu dans des sites tels que Rupar, Raja Karna ka Qila, Daulatpur, Bairat, Noh, Jodhpura, Hastinapur, Atranjikhera, et Kaushambi, illustrant une large diffusion du NBPW à travers le sous-continent.

L’étude de cette poterie s’inscrit dans un contexte plus large, celui de l’émergence des premiers états en Inde du Nord, particulièrement au cours de la période historique ancienne. C’est durant cette période que la politique évolue d’une organisation plus tribale et décentralisée vers des formes plus hiérarchisées et complexes, dominées par des royaumes et des empires centralisés. L’un des phénomènes les plus marquants de cette époque est l’émergence de la monarchie comme système politique dominant, même si, au début, il existe aussi des oligarchies où le pouvoir est exercé par un groupe d’élites plutôt que par un seul individu.

Les textes anciens, comme les épopées et les Purânas, mentionnent un grand nombre de royaumes et de dynasties, mais c’est à partir du 6e siècle avant notre ère que la politique de l'Inde du Nord prend forme de manière plus claire, avec des figures historiques bien identifiables dans les traditions religieuses et littéraires. Les royaumes puissants de l'époque sont souvent désignés sous le nom de « Mahâjanapadas » — les seize grandes républiques ou royaumes, qui, en plus de leur organisation politique, comprenaient des villes et des campagnes, des institutions et des habitants formant une société structurée.

Les Mahâjanapadas, comme Kashi, Kosala, Magadha, Malla, et Kosala, ainsi que Gandhara et Kamboja, sont au cœur de cette transformation. Ces royaumes ont non seulement marqué l’histoire politique par leurs rivalités militaires et leurs expansions, mais aussi par la structuration de l’économie, de la société et des institutions gouvernementales. Ce phénomène de concentration du pouvoir, que l’on retrouve aussi bien dans les monarchies que dans les systèmes plus collectifs, fait le lien avec l’évolution de l’artisanat et de la production, illustrée par des artefacts comme la poterie NBPW.

En parallèle à cette évolution politique, la violence prend une dimension différente. Si elle faisait déjà partie intégrante des sociétés pré-étatiques et non-étatiques, c’est avec l’émergence des premiers états que les formes de violence se structurent et se codifient. L'apparition des royaumes a accompagné un raffinement dans les structures militaires et une diversification des classes de soldats, incluant des mercenaires et des soldats professionnels rémunérés par l'État. La guerre, les alliances matrimoniales et politiques sont des éléments essentiels dans les relations inter-étatiques de l’époque. Cependant, à cette époque, une réflexion sur le pouvoir, la violence et la place du souverain dans la société commence à prendre forme. Les textes comme le Mahabharata et le Manusmriti, ainsi que les écrits bouddhistes et jainistes, abordent les origines de la royauté et les devoirs des rois, notamment le rôle de la taxation et de la coercition dans le maintien de l’ordre.

Les premières théories politiques, en apparence, dissimulaient souvent la nature coercitive de la monarchie en présentant un contrat social fictif entre le roi et ses sujets, contrat qui justifiait l'utilisation de la violence pour maintenir l’ordre social. Cette transition vers une légitimation théorique de la violence et du pouvoir reflète une transformation de la structure sociale, marquée à la fois par l’élargissement de la sphère de contrôle du pouvoir central et la diversification des formes de résistance et de soumission au pouvoir.

Il est essentiel de comprendre que ces dynamiques politiques et sociales, ainsi que les pratiques artisanales comme celles associées à la poterie NBPW, ne sont pas seulement des expressions de la culture matérielle ou de l’organisation politique. Elles sont des éléments indissociables d’un processus plus vaste, celui de l’émergence et de l'affirmation de sociétés complexes qui, à travers leurs objets, leurs rituels et leurs écrits, ont laissé une empreinte durable sur l’histoire de l’Inde.

Comment les interactions culturelles et l'archéologie façonnent notre compréhension de l'Inde ancienne

L'archéologie et les études culturelles sont des outils essentiels pour reconstruire les dynamiques sociales, économiques et politiques de l'Inde ancienne. Ces disciplines permettent non seulement de mieux comprendre les civilisations passées, mais aussi d'identifier des continuités et des ruptures dans les pratiques culturelles au fil des siècles. Une telle analyse offre une lecture plus nuancée de l'histoire, permettant de dépasser les récits conventionnels souvent dominés par les textes littéraires et les traditions orales.

L'Indus, par exemple, reste une civilisation énigmatique dont les vestiges sont disséminés à travers l'actuel Pakistan et le nord-ouest de l'Inde. L'interprétation des découvertes archéologiques, comme celles de sites tels que Bhirrana ou Kanaganahalli, a permis d'approfondir la compréhension des premiers systèmes urbains, des échanges commerciaux et des pratiques religieuses qui ont marqué cette société. Toutefois, malgré des décennies de fouilles, une grande partie du sens de ces vestiges échappe encore aux chercheurs, notamment en raison du manque de déchiffrement des écritures de l'Indus.

Dans le domaine littéraire, la diversité des versions du Ramayana est un autre exemple frappant des interactions entre différentes régions et cultures de l'Inde ancienne. Chaque version de cette épopée reflète les spécificités locales et les valeurs sociales des sociétés qui l'ont racontée et interprétée. Ces récits, qu'ils soient issus du sud ou du nord de l'Inde, présentent des variations intéressantes qui révèlent des rapports complexes entre les pouvoirs religieux et politiques. Le travail de chercheurs comme Sheldon Pollock sur le "Langage des dieux dans le monde des hommes" met en lumière le rôle central du sanskrit dans la diffusion de la culture et des idées à travers l'Asie du Sud, tout en soulignant l'impact de la langue et de la littérature sanskrites sur les structures de pouvoir.

Les recherches archéologiques récentes sur la civilisation de la vallée de l'Indus, notamment l'étude des villes de Mohenjo-Daro et Harappa, ont mis en évidence des pratiques artisanales avancées, des réseaux commerciaux étendus, et des indices d'un système d'écriture propre à cette civilisation. Ces découvertes remettent en question les théories simplistes selon lesquelles l'Indus aurait été une société sans structure politique complexe ou sans pratiques religieuses organisées. Des études comme celles de Shereen Ratnagar, qui examinent les échanges commerciaux de la civilisation harappéenne, ont permis de comprendre son rôle dans les dynamiques économiques de l'Asie du Sud, en particulier en ce qui concerne les liens avec la Mésopotamie.

L'importance des femmes et de leur rôle dans la société indienne ancienne reste un sujet d'étude crucial. Des travaux sur le textile et le rôle des tisseuses dans le sud de l'Inde médiévale (comme ceux de Vijaya Ramaswamy) montrent l'influence silencieuse mais déterminante des femmes dans la production et la diffusion de biens culturels et matériels. De même, les recherches sur la spiritualité et la condition sociale des femmes dans le sud de l'Inde, telles que celles réalisées par Rangachari et Ramanujan, dévoilent des dynamiques complexes de pouvoir, de religion et de sexe qui façonnent la société dans ses moindres détails.

En parallèle, l'archéologie de la région de Tamil Nadu, avec ses explorations des tombes mégalithiques et des premières inscriptions, a permis de réécrire l'histoire des premiers systèmes d'écriture et des sociétés complexes de la région. Les recherches sur les inscriptions de Kodumanal et les dates radiométriques récentes, telles que celles menées par Rajan et ses collègues, remettent en lumière les échanges culturels et technologiques dans les premiers siècles de notre ère, soulignant l'importance de ces dynamiques dans la formation de structures sociales et politiques avancées.

Les échanges maritimes et leur rôle dans le développement de l'Inde ancienne, en particulier la côte ouest, ont également été des objets d'études déterminants. Le travail de Himanshu Ray et de ses collègues sur les réseaux maritimes de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est montre l'importance des routes maritimes dans l'extension des influences culturelles, commerciales et religieuses de l'Inde vers l'est et le sud-est de l'Asie. Ces interactions ont permis l'émergence de nouvelles formes de syncrétisme culturel, particulièrement visibles dans l'architecture et les pratiques religieuses de la région.

Enfin, l'une des grandes questions que suscite l'étude de ces civilisations anciennes est celle de la continuité culturelle à travers les âges. Comment, malgré les bouleversements politiques et les invasions étrangères, des éléments de la culture indienne ancienne ont-ils survécu et se sont adaptés aux contextes modernes ? Les travaux sur l'architecture, les rituels et les textes révèlent un processus complexe de transmission et d'adaptation des savoirs, qui continue de façonner l'Inde contemporaine.

L'intégration de ces recherches dans une perspective plus large permet de comprendre que l'Inde ancienne n'était pas un espace figé, mais un lieu d'échanges constants, de renouvellements culturels et de transformations sociales. Ces interactions et ces échanges ne se limitaient pas aux frontières géographiques de l'Inde, mais s'étendaient sur tout le sous-continent et au-delà, vers le monde asiatique, africain et méditerranéen. L'histoire de l'Inde ancienne est ainsi celle d'une civilisation qui a su préserver ses particularités tout en se nourrissant des influences extérieures, un processus qui a permis son épanouissement et sa durabilité à travers les siècles.

Les sites du Paléolithique Moyen et Supérieur en Inde: Perspectives et Approches

Dans la région du Thar, les artefacts du paléolithique moyen sont retrouvés dans des sols brun-rouge, ce qui témoigne d'une végétation plus dense, d'une plus grande disponibilité en eau de surface et d'un climat plus frais, humide et plus arrosé, en comparaison avec les contextes du paléolithique inférieur. Des sites d'ateliers et de campements ont été découverts dans diverses parties du Thar, notamment près des rivières et des lacs. Un nombre important de sites du paléolithique moyen et supérieur se trouvent autour du lac Budha Pushkar, une région qui bénéficie d'un accès facile à l'eau et à la pierre. Des outils paléolithiques moyens et supérieurs ont également été retrouvés autour d'Ajmer. Des traces de planchers de travail du paléolithique moyen ont été identifiées à Hokra et Baridhani, près de lacs aujourd'hui asséchés.

Dans la région de Jaisalmer, les artefacts du paléolithique supérieur sont moins abondants que ceux du paléolithique moyen. Des sites du paléolithique moyen ont aussi été localisés le long du système fluvial presque disparu du Luni. Le terme « industrie de Luni » est utilisé pour désigner les assemblages du paléolithique moyen à l'ouest des Aravallis, en contraste avec ceux des régions à l'est des Aravallis. Bien que certaines formes d'outils soient communes aux deux régions, celles à l'ouest des Aravallis présentent une plus grande variété de types d'outils en pierre et un plus grand nombre de éclats retravaillés. Des outils du paléolithique moyen et supérieur ont également été retrouvés le long de la marge orientale du Gujarat.

Dans la vallée de Belan, 87 sites du paléolithique moyen ont été identifiés jusqu'à présent (Varma et al., 2014). Ces sites incluent Mahua Kaccha, Panchoh, Daiya, Belarahi et Karaundahia, entre autres. Bien que des outils en noyaux et en galets soient présents, la majorité des artefacts sont fabriqués à partir de éclats. En tout, 86 sites du paléolithique moyen ont été découverts dans les vallées du Son et de ses affluents, dont plusieurs sites d'ateliers. Les matériaux de base utilisés sont principalement le chert, mais aussi le quartzite, le silex et le jaspe.

L'industrie paléolithique moyen du centre et de la péninsule indienne est parfois désignée sous le nom d'industrie de Nevasan, en raison de la découverte par l'archéologue pionnier H. D. Sankalia de premiers artefacts du paléolithique moyen dans un contexte stratifié sur le site de Nevasa. Les outils, comprenant une grande variété de grattoirs, sont réalisés en pierre fine et lisse telle que l'agate, le jaspe et la calcédoine. Le site de Patne, dans la vallée de Tapi, a révélé une séquence stratigraphique comprenant des outils du paléolithique moyen et supérieur ainsi que du mésolithique. Il existe également des preuves d'un site de vie et d'atelier du paléolithique moyen à Chirki, près de Nevasa.

Les premiers signes d'occupation humaine dans la plaine du Gange ont été retrouvés dans une section de falaise de 20 mètres d'épaisseur à Kalpi (dans le district de Jalaun, Uttar Pradesh), sur la rive sud de la Yamuna. Plusieurs fossiles de vertébrés, notamment des défenses d'éléphant, des omoplates d'éléphant, des molaires d'Equus et des bovidés, ont été découverts sur ce site. Les outils en pierre du paléolithique moyen (y compris des outils en galets, des pointes et des grattoirs latéraux) et les outils en os (tels que des grattoirs terminaux, des pointes et des burins) ont été retrouvés à côté de ces fossiles. Le niveau contenant les outils à Kalpi a été daté d'environ 45 000 ans.

Plusieurs sites du paléolithique moyen et supérieur sont situés plus à l'est, notamment dans la partie occidentale du Bengale occidental. En Inde du Sud, la culture du paléolithique moyen se caractérise par une industrie d'outils en éclats. Sur la côte de Visakhapatnam, le quartzite, le chert et le quartz sont fréquemment utilisés pour la fabrication d'outils en pierre. Des preuves d'outils réalisés selon la technique de Levallois ont été trouvées à plusieurs endroits. Outre des haches plus petites, des éclats et des éclateurs, l'industrie du paléolithique moyen comprenait de nouveaux types d'outils, tels que des grattoirs de formes variées. Une datation C-14 pour le paléolithique moyen à Nandipalli (district de Kadapa) indique une époque antérieure à 23 000 ans. Le site important d'Attirampakkam (Tamil Nadu) a été abordé précédemment.

L'avancée technique majeure du paléolithique supérieur réside dans la fabrication de lames à bords parallèles. L'augmentation du nombre de burins est également significative. La tendance générale était à la réduction de la taille des outils, ce qui doit être interprété comme une adaptation aux changements environnementaux. Par exemple, il est connu que le climat du nord et de l'ouest de l'Inde semble être devenu de plus en plus aride durant le paléolithique supérieur. Les types d'outils plus anciens ont continué à être fabriqués pour des activités nécessitant des outils plus robustes.

Les premiers outils du paléolithique supérieur ont été datés à environ 45 000 ans, comme en témoigne le site 55 à Riwat. Des dates C-14 provenant de la grotte de Sanghao indiquent une période comprise entre 41 825 ± 4 120 avant notre ère et 20 660 ± 360 avant notre ère. En Inde centrale, la vallée du Son a donné des dates au radiocarbone entre 12 000 et 10 000 ans BP. Deux dates provenant des grottes de Kurnool (dans l'Andhra Pradesh) sont respectivement de 19 224 ans BP et 16 686 ans BP (sur la base de la méthode de résonance de spin électronique).

Dans le nord-ouest, la grotte de Sanghao a révélé des outils du paléolithique moyen et supérieur, des foyers, des ossements d'animaux et ce qui semble être des tombes. Des outils du paléolithique supérieur ont également été retrouvés dans les collines de Rohri, au Sindh supérieur, ainsi qu'à Milestone 101, dans le Sindh inférieur. Dans le nord de l'Inde, le paléolithique supérieur du Cachemire a été daté d'environ 18 000 ans avant le présent, coïncidant avec l'adoucissement du climat. Dans le Thar, le nombre de sites du paléolithique supérieur est inférieur à celui des phases précédentes, en raison de l'augmentation de l'aridité. Toutefois, l'occupation humaine autour du lac Budha Pushkar a perduré.

En Inde centrale, des sites d'habitat du paléolithique supérieur ont été retrouvés dans des grottes et des abris sous roche des Vindhyas. Le contexte paléolithique supérieur de la vallée de Belan a été daté entre 25 000 et 19 000 ans avant le présent, et celui de la vallée du Son vers 10 000 ans avant le présent. Le site de Chopani Mando, dans la vallée de Belan, semble être un site d'habitat avec une séquence culturelle allant du paléolithique supérieur au néolithique.