La physique moderne, telle qu'elle est définie principalement par l'invention de nouvelles théories, se compose de concepts mathématisés capables de prédire et, dans certains cas, de représenter la réalité physique responsable des phénomènes étudiés. Ce processus de création théorique a été intimement lié à l'invention de nouvelles mathématiques, des mathématiques qui étaient, à leur époque, nouvelles pour la physique. Ces mathématiques ont été empruntées à des domaines déjà existants, mais ont été adaptées pour répondre aux exigences croissantes de la science physique moderne.

Il est essentiel de comprendre que la physique moderne, surtout après l’émergence des théories de la relativité et de la mécanique quantique, n’a jamais pu se dissocier des mathématiques. Contrairement à ce qui est souvent suggéré, l'influence de la physique sur les mathématiques a toujours été secondaire par rapport à l'impact des mathématiques sur la physique. En effet, les mathématiques modernes ont façonné la physique, lui offrant des outils théoriques puissants qui lui ont permis de décrire des phénomènes auparavant inaccessibles. C’est ce que l'on peut appeler une asymétrie dans l’impact réciproque des deux disciplines, une asymétrie souvent sous-estimée.

Les mathématiques modernes, qui ont émergé à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, se sont progressivement détachées de la représentation des objets naturels et de la physique en tant que telle. Cette séparation a permis à la mathématique d'évoluer selon des principes d'abstraction qui, tout en s'éloignant de l’intuition phénoménale quotidienne, ont rendu possible la formulation des théories physiques les plus modernes. Dans cette dynamique, la physique moderne est apparue comme une science mathématique-expérimentale, une alliance étroite de la pensée théorique et des données empiriques, sans que les deux ne puissent véritablement être dissociés.

Un aspect fondamental de la physique moderne, en particulier dans ses développements les plus récents, réside dans la capacité de la mathématique à prédire les comportements des systèmes physiques à travers des calculs complexes et des modèles mathématiques abstraits. Cela a permis à des théories comme la mécanique quantique (QM) et la théorie quantique des champs (QFT) de décrire des phénomènes expérimentaux qui n'étaient même pas imaginables auparavant. Par exemple, le rôle des symétries et des groupes dans la mécanique quantique, comme l’a montré Eugene Wigner, a été crucial pour la structuration théorique de ces systèmes. Cependant, cet "efficacité" des mathématiques, si elle est en soi remarquable, reste mystérieuse, comme l’a souligné Wigner dans son célèbre essai sur la "nature déraisonnable de l'efficacité des mathématiques". Cela soulève la question du lien profond entre les mathématiques abstraites et leur application en physique : comment ces mathématiques, qui semblent si éloignées de la réalité physique quotidienne, parviennent-elles à offrir des modèles précis et fiables ?

La physique quantique, en particulier, a confronté la science à une nouvelle forme de probabilité et d'indéterminisme. En QM, la probabilité ne peut pas être réduite à la causalité comme c’était le cas dans la physique classique. Cette révision fondamentale du concept de causalité a nécessité l’invention de nouveaux outils mathématiques capables de gérer cette indéterminisme, comme ceux développés par Werner Heisenberg pour formaliser la mécanique quantique. Pourtant, même avec ces nouvelles approches, il subsiste un "reste" de la réalité qui échappe à toute représentation mathématique complète. Ce reste, en quelque sorte, échappe à notre capacité de conception, et nous sommes contraints de l’accepter comme un élément fondamental de la réalité quantique.

Il est également important de comprendre que l'invention de nouvelles mathématiques n’a pas seulement servi à représenter la réalité physique de manière plus précise. Ces mathématiques ont modifié la façon dont nous comprenons la réalité elle-même. Le développement de la théorie des champs quantiques, par exemple, a modifié notre conception de l’espace-temps et de la matière, introduisant des idées qui allaient au-delà des concepts classiques de position, de mouvement et de force. Ainsi, les mathématiques modernes ne servent pas seulement à décrire des phénomènes observables ; elles redéfinissent aussi notre compréhension de ce qu'est "l’être" et comment il interagit dans l'univers.

Dans cette perspective, la physique moderne devient plus qu'un simple domaine d’étude de phénomènes ; elle devient une voie pour appréhender une nouvelle philosophie de la réalité, de la probabilité et de la causalité. La physique quantique, notamment, nous oblige à réexaminer les fondements de la causalité elle-même, remettant en cause l'idée traditionnelle que chaque événement doit avoir une cause déterminée et identifiable. Cela engendre des paradoxes, des incohérences apparentes dans notre compréhension du monde, mais aussi de nouvelles avenues pour la recherche et la découverte scientifique.

L’importance des mathématiques modernes dans la physique ne réside pas seulement dans leur capacité à prédire les phénomènes observés. Elle réside aussi dans leur aptitude à réorganiser notre conception du monde, à ouvrir de nouvelles perspectives pour comprendre l’invisible et l’indéterminé.

Comment l’humanisme et la science peuvent-ils coexister sans se dissocier ?

L’histoire de Valentin Poénaru, mathématicien aux multiples facettes, est une illustration vivante de la manière dont l’humanisme et la science peuvent coexister sans tomber dans une séparation réductrice entre ces deux domaines. C’est une tentative courageuse d’abolir la dichotomie intellectuelle et pratique qui a longtemps opposé ces deux cultures. Poénaru ne se contentait pas de naviguer entre elles, il en faisait une véritable force de vie, une condition liminaire dans laquelle il s’épanouissait.

Poénaru est un homme qui ne s’est pas contenté de suivre la voie classique des universitaires. Lors de sa première rencontre avec lui, il y a plus de quarante ans, son nom seul suscitait une réflexion : Valentin, son prénom, il l’avait rejeté au profit de « Po », une simplification quasi radicale de son identité. Peut-être ce prénom lui semblait-il trop sucré, trop commun, ou encore, peut-être avait-il voulu se distancer de ses racines roumaines qu’il qualifiait de « mon ancienne patrie », comme un geste symbolique de coupure avec un passé qu’il ne souhaitait plus porter. Mais il y a aussi dans cette dénomination un clin d'œil à Edgar Allan Poe, un génie tourmenté qui l'intriguait.

Au-delà de son apparente simplicité, son personnage se distingue par une curiosité insatiable. Son amour pour l’histoire est un exemple frappant de cette ouverture intellectuelle. Peu de mathématiciens peuvent se targuer de discuter avec une telle érudition des Guerres Puniques ou de la Révolution bolchévique, avec une rigueur qui ferait pâlir même un historien professionnel. Pourtant, il n’y a pas d’arrogance chez lui, au contraire : ses récits, aussi détaillés que captivants, semblaient n’être qu’une invitation à redécouvrir des événements sous une lumière nouvelle.

Poénaru rejetait la rigidité académique et l’orthodoxie qui caractérisent souvent le monde universitaire. On le voyait rarement en costume, préférant une tenue décontractée qui était tout sauf conforme aux attentes institutionnelles : t-shirts colorés usés, sandales, et pantalons courts ou longs, selon la saison. Ces vêtements n’étaient pas seulement un choix esthétique mais un reflet de son rejet des conventions. Il n’aspirait pas à l’élitisme ; son apparence, comme ses idées, était libre de toute contrainte.

Il en allait de même pour sa culture littéraire, étonnamment vaste et éclectique. Poénaru n’était pas qu’un mathématicien, il était un lecteur infatigable, capable de citer des œuvres littéraires moins connues du grand public, comme Gog de Giovanni Papini, ou encore de s’immerger dans des auteurs oubliés ou mal compris. Il n’était pas intéressé par les ouvrages à la mode ou ceux qui se voulaient intellectuellement supérieurs, mais plutôt par ceux qui lui permettaient d’élargir son champ de vision, de déstabiliser ses certitudes, et de nourrir son esprit d’une multitude de points de vue. C’est là l’essence même de l’humanisme : un goût pour la diversité des idées, une volonté d’aller au-delà des frontières disciplinaires.

Sa relation avec les langues est aussi révélatrice de cette approche libre et inventive. Poénaru utilisait l'italien d'une manière qui lui était propre, sans crainte de hybridations ou de détournements linguistiques. Il créait des expressions nouvelles, souvent des mélanges inconscients, qui résonnaient avec une authenticité et une fraîcheur rare. Par exemple, lorsqu'il disait « vuolti dire un sicreto ? » (« veux-tu que je te dise un secret ? »), cette phrase, prononcée avec un sourire malicieux, était aussi bien un trait de caractère qu'une manière de dire le monde, un monde qui, pour lui, n’était jamais figé, mais toujours en mouvement, en évolution.

Poénaru se distinguait par une approche pragmatique du langage, rejetant l’idée qu’il faille tout « maîtriser » dans une langue. L’hybridation qu’il cultivait était le reflet d’une personnalité qui n’avait pas peur d’embrasser l’incertitude, d’accepter les imperfections comme une partie de l’expérience humaine. En ce sens, sa manière de parler et de penser brisait les barrières entre les disciplines et, plus encore, entre les cultures. Cette aptitude à être à la fois mathématicien et philosophe, à trouver une place pour l’imaginaire au sein de la rigueur scientifique, est ce qui fait de Poénaru une figure exceptionnelle.

En 1999, lors d’une interview, Poénaru évoquait le divorce entre les cultures humanistes et scientifiques, une fracture qu’il attribuait à la structure de l’éducation moderne. Selon lui, ce clivage est en partie responsable du manque de profondeur et de créativité dans les formations universitaires actuelles. Il critiquait notamment une certaine vision cartésienne qui laissait peu de place aux rêves, à l’imagination ou à l’intuition. Ce phénomène, selon lui, était d’autant plus accentué en France, où la littérature domine presque exclusivement l’enseignement secondaire, au détriment d’autres formes d’expression, telles que les arts visuels ou la musique.

Dans ce contexte, Poénaru se faisait l’avocat d’une approche plus holistique de la connaissance, où la science ne devrait pas être considérée comme un domaine hermétique, excluant les autres formes de savoir. Son point de vue se base sur l'idée que l’humain doit toujours rester au centre de la recherche, que ce soit dans les mathématiques ou dans les humanités. Le refus de la séparation des savoirs n’est pas seulement une position intellectuelle, c’est une manière de vivre et d’être, une invitation à réconcilier des aspects apparemment opposés de notre culture. Ce qu’il nous enseigne, à travers son exemple et son travail, c’est que l’humain est complexe et que sa compréhension ne peut se réduire à une seule discipline.

Il est crucial de comprendre que, dans cette quête de réconciliation entre science et humanisme, Poénaru incarne cette volonté de fluidité et de dépassement des frontières établies. Sa démarche ne se limite pas à une simple critique des structures éducatives, mais invite aussi à une réflexion sur la manière dont chaque individu peut, à son niveau, contribuer à un monde où l’intuition, l’art et la rationalité cohabitent harmonieusement.

Les Modifications de Dehn, Isotopies et Applications aux Orbits Connectants des Points Selle

Les modifications de Dehn, qu'elles soient à gauche ou à droite, ainsi que les isotopies, M1, ψt1, ..., Mk, ψtk, t ∈ [0, 1], et une séquence de paires de foliations, (F, L), (F1, L1), ..., (Fk, Lk), satisfont les conditions récurrentes suivantes pour chaque entier j ∈ [1, k].

(i) Mj est une modification de Dehn adaptée à la paire de foliations Fj−1, ψ1j−1(Lj−1).
(ii) Mj transporte Fj−1 vers Fj et ψ1j−1(Lj−1) vers Lj.
(iii) Fk = ψ1k(Lk).

Sous cette forme, le théorème (A’) se réduit à : F et L sont isotopiques faibles. Une application importante des modifications de Dehn est liée aux orbites connectantes des selles. Il convient d’abord de souligner qu’à l’instar d’une famille de fonctions à un paramètre sur une variété riemannienne, la fonction vectorielle ∇Lf a, de manière générique par rapport à la métrique, un nombre fini d'orbites connectant deux selles. De plus, il n’existe pas d’orbites connectantes allant d’une selle de type max-selle à une selle λ.-selle, ni d’une selle Y-selle à une selle min-selle inflexion. Nous introduisons cette propriété dans la définition de l’excellence et l’assumons dans la suite de ce texte. On rappelle que, selon la proposition 9.3.15, on peut supposer qu’aucune selle n’est de type X.

Dans ce cadre, la proposition 9.4.6 stipule qu'il existe une isotopie faible de la fonction f vers une nouvelle fonction f′ dans M telle que toutes ses selles Y sont situées au-dessus de ses selles λ.-par rapport à l’ordre de leurs valeurs f. L’idée principale ici est de supprimer les orbites connectantes entre une selle Y et une selle λ. Cela revient à assurer qu’il n'existe aucune telle connexion en effectuant une série de transformations, notamment par les modifications de Dehn. Le point clé est de comprendre que, sans selles de type X, le type de selle reste constant sur chaque arc de selle. Les deux extrémités de cet arc sont des inflexions de même indice de Morse : si cet indice est 0 (respectivement 1), les selles sont de type λ. (respectivement Y), comme cela peut être observé près de l’inflexion.

Une fois que les orbites connectantes entre une selle Y et une selle λ sont éliminées, il devient possible de reconfigurer l’espace folié à l’aide des modifications de Dehn. Cela commence par un nombre fini d'orbites connectantes entre les selles Y et λ, qui résident dans des feuilles distinctes L1, L2, ..., Ln, où chaque Li est une feuille générique. Il existe un ε > 0 tel que L̂i := f^−1([yi − ε, yi + ε]) reste formée de feuilles génériques. L'orbite connectante sur Li va de la selle Y, si, à la selle λ, s′i. Chaque arc de points de contact contenant si (resp. s′i) est un intervalle de selle, que l'on désigne sous les termes α̂i et α̂′i.

Pour assurer que ces orbites connectantes soient supprimées, on procède à des modifications de Dehn. La clé de la procédure réside dans le fait que, après une première modification de Dehn, des orbites connectantes peuvent réapparaître, mais cette réapparition ne fait qu'augmenter la complexité locale du système sans affecter la structure globale. Chaque fois qu'une orbite connectan