Les réformes du New Deal et de la société de l'après-guerre ont marqué un tournant dans la politique américaine, notamment en ce qui concerne les questions raciales et économiques. Cependant, l’issue de ces réformes a été influencée par un changement de perspective dans la gestion des inégalités raciales après 1965. En effet, après l'abandon des politiques spécifiquement raciales en 1965, l’attention s’est déplacée des problèmes raciaux vers les défauts perçus au sein des communautés noires elles-mêmes. Ce changement est devenu un moyen de contourner la résistance blanche, notamment en réponse à une opposition croissante à la mise en place de politiques publiques qui reconnaissaient des inégalités raciales.

Au cœur de ce mouvement, l'un des pivots était le rapport Moynihan, qui a exacerbé les tensions raciales en reliant la pauvreté à la structure familiale noire. Dans le rapport, Daniel Patrick Moynihan mettait en évidence des dynamiques spécifiques à la famille noire, suggérant que la structure familiale dysfonctionnelle dans les communautés noires était en grande partie responsable de la pauvreté et de la dépendance à l'aide sociale. Cependant, cette interprétation a été vivement critiquée par de nombreux militants des droits civiques et intellectuels noirs, qui ont contesté l'idée selon laquelle la famille noire était intrinsèquement défaillante. Ils ont, au contraire, appelé à une reconnaissance des causes structurelles et historiques profondes de ces inégalités.

Simultanément, les politiques du welfare, ou de l'aide sociale, ont été de plus en plus politisées. Les réformes mises en place par Lyndon B. Johnson dans les années 1960, dans le cadre de la "Great Society", visaient à lutter contre la pauvreté, mais les programmes proposés étaient souvent présentés comme non raciaux, dans un effort stratégique pour rallier les électeurs blancs. Bien que ces réformes aient bénéficié de manière disproportionnée aux Afro-Américains, le discours politique a évité de mentionner explicitement la race afin d’attirer une majorité blanche. Cette approche visait à éviter les divisions raciales tout en répondant aux revendications économiques des Afro-Américains, qui appelaient à des réformes sociales plus ambitieuses.

L’absence de mention explicite de la race dans ces réformes a été une tactique politique, car Johnson craignait que la mention de la race ne ravive des tensions raciales. En effet, l’image de la pauvreté noire a été largement stéréotypée, et la simple évocation des inégalités raciales risquait de renforcer la perception erronée selon laquelle la pauvreté aux États-Unis était un problème spécifiquement noir. Cependant, en parlant de la pauvreté de manière générale, Johnson a cherché à limiter les oppositions racistes tout en répondant à des besoins économiques urgents.

Néanmoins, le rapport Moynihan a joué un rôle crucial dans la formation d’un discours politique sur la pauvreté qui allait devenir un instrument de la droite américaine dans les années suivantes. Les critiques de l’aide sociale se sont largement appuyées sur les arguments du rapport, notamment la critique de la structure familiale noire et l’association de la pauvreté à des comportements culturels perçus comme déviants. Cette approche a été utilisée par des figures conservatrices pour redéfinir les paramètres du débat politique sur l'aide sociale et la pauvreté. Le welfare est devenu un terrain de bataille idéologique où les politiques publiques étaient souvent critiquées comme étant une forme de soutien à des comportements jugés inacceptables.

Dans les années 1970, le discours de la droite s’est transformé sous la forme d’un argument selon lequel la culture et la moralité étaient les véritables causes des inégalités raciales. Le soutien gouvernemental à la pauvreté a ainsi été perçu comme une incitation à la dépendance et à l'immoralité. Cette rhétorique a marqué une nouvelle étape dans la manipulation politique des questions raciales, où la pauvreté des Noirs était fréquemment liée à un manque de valeurs familiales et culturelles, et non pas à des inégalités systémiques.

Au fur et à mesure que la politique des droits civiques a progressé, un fossé s’est creusé entre les stratégies de réformes progressistes visant à améliorer la condition des Noirs et les résistances qui ont été alimentées par des perceptions racistes. Dans cette dynamique, les républicains ont exploité la notion de la "majorité silencieuse", une stratégie de mobilisation qui se distançait de l'identification explicite de la race, tout en attisant des sentiments de mécontentement à l'égard des politiques de welfare. Cette approche a permis à Nixon de capter un large soutien parmi les électeurs blancs tout en évitant une confrontation directe sur les questions raciales.

En définitive, le rejet de la race comme facteur explicatif dans la pauvreté a permis d’élargir le champ politique en faveur d’une vision plus inclusive mais également plus floue des causes de l’inégalité sociale. Toutefois, ce retrait des discussions sur la race n’a pas résolu les questions sous-jacentes. En omettant de reconnaître les injustices raciales, le système a mis en lumière la manière dont des inégalités profondes continuent d’être ignorées ou mal comprises dans les discours politiques. La politique de la race, bien qu'atténuée, demeure toujours au cœur des débats sur la pauvreté et les politiques publiques aux États-Unis, et le recours à des termes comme "culture" et "valeurs familiales" reste un moyen pour certains de détourner l'attention des véritables causes structurelles des inégalités.

Comment la rhétorique sur l’assistance sociale a façonné la politique américaine à travers l’image de la "reine du welfare"

La rhétorique autour de l’assistance sociale aux États-Unis a souvent été marquée par des stéréotypes puissants, destinés à attiser la méfiance et à diviser la société. Un des exemples les plus célèbres de cette stratégie est l’image de la « reine du welfare » qui a émergé dans le discours politique des années 1970, particulièrement dans le cadre de la campagne présidentielle de Ronald Reagan. Cette figure symbolique a joué un rôle central dans la façon dont les Américains percevaient les bénéficiaires de l’aide sociale, particulièrement dans les quartiers urbains pauvres.

Michael Rogin souligne que la création de monstres dans le discours politique américain est un procédé qui vise à diaboliser l’adversaire, à le stigmatiser et à le déshumaniser. Reagan a parfaitement utilisé cette tactique en 1976 lors de ses primaires, en exploitant le cas de Linda Taylor, une femme accusée d’avoir fraudé le système d’assistance sociale. Bien que cette histoire ait été exagérée à des fins politiques, elle est devenue un symbole de la fraude et de l’abus des fonds publics. En la diffusant largement, Reagan a créé une image de bénéficiaires des aides sociales non pas comme des personnes dans le besoin, mais comme des fraudeurs irresponsables, souvent associés à des communautés minoritaires, notamment les Afro-Américains. Ce phénomène a contribué à renforcer une vision stéréotypée des personnes recevant des aides sociales, une vision qui était bien loin de la réalité de la majorité des bénéficiaires.

L’histoire de Linda Taylor, bien que tragique, n’était qu’une exception à une règle qui voyait les femmes noires, en particulier celles élevant seules leurs enfants, comme des figures de la paresse et de la fraude. Ce stéréotype a été nourri par la rhétorique de l’époque, et notamment par Richard Nixon, qui, dans son discours politique, a associé la paresse et la dépendance à l’assistance sociale à une forme de corruption morale. Pour beaucoup, l’image de la "reine du welfare" incarnait non seulement une fraude financière, mais aussi une menace pour l'ordre moral de la société. Reagan a, par la suite, approfondi cette rhétorique, en présentant l’assistance sociale comme un moyen de maintenir les pauvres dans un état de dépendance, et a utilisé cette perception pour justifier des réductions drastiques des budgets alloués à l’aide sociale.

L’utilisation de termes comme « quartiers sensibles » ou « villes déprimées » par Reagan dans ses discours visait à évoquer de manière indirecte la pauvreté urbaine noire, tout en esquivant un discours direct sur les racines historiques de cette pauvreté. En présentant les bénéficiaires de l’aide sociale comme étant des « pupilles de l'État », Reagan a suggéré que l'assistance sociale était non seulement coûteuse, mais qu’elle maintenait également une large portion de la population dans un état d'immobilisme. Ce type de rhétorique, qui ne prenait jamais en compte les causes structurelles de la pauvreté, permettait à Reagan de détourner l'attention des véritables problèmes économiques tels que le déclin de l'industrie manufacturière ou l’exode des populations blanches des villes vers les banlieues. En blâmant les victimes du système, il réussissait à cristalliser le soutien des classes moyennes blanches, en les présentant comme des alliées naturelles dans sa lutte contre ce qu'il appelait un système de welfare inefficace et pernicieux.

Au-delà de la simple question de l’assistance sociale, cette rhétorique s’inscrivait dans un contexte plus large de guerre culturelle. Reagan opposait, dans ses discours, les immigrés et les Américains d’ascendance européenne, qu’il présentait comme des exemples de travailleur acharné, à une population noire qu’il stigmatisait comme dépendante et dénuée de moralité. Cette opposition permettait non seulement de diviser les électeurs en fonction de leur ethnie, mais aussi de maintenir une hiérarchie raciale implicite dans le discours public.

L’image du « welfare queen », bien que largement mythifiée, reste un puissant symbole de la manière dont la politique américaine a été façonnée par une vision racialement marquée de la pauvreté et de l’assistance sociale. En concentrant la critique sur les abus, réels ou imaginaires, des programmes d’aide sociale, les responsables politiques ont évité de poser les véritables questions sur les inégalités économiques, la mobilité sociale et les racines historiques de la pauvreté. En ce sens, cette rhétorique a permis de maintenir un statu quo où les inégalités raciales et économiques étaient largement invisibilisées, et où la responsabilité de la pauvreté était systématiquement attribuée aux pauvres eux-mêmes, souvent sans tenir compte des conditions structurelles qui contribuaient à leur marginalisation.

L’importance de cette analyse va au-delà de l’étude d’un phénomène spécifique lié aux années 70 et 80. Il s’agit de comprendre comment des discours stéréotypés, qui nourrissent des peurs et des préjugés, peuvent modeler la politique publique et l’opinion publique. La rhétorique de Reagan, en particulier, montre comment la politique peut être utilisée pour diviser et manipuler les perceptions sociales, et comment des images de l’Autre peuvent être utilisées pour masquer des vérités plus profondes et dérangeantes sur les inégalités sociales et économiques. En ce sens, l’étude de la « reine du welfare » offre une réflexion cruciale sur les mécanismes de construction des identités sociales et des inégalités dans le contexte politique américain.

Comment la rhétorique de Clinton a transformé le débat sur la justice sociale et la criminalité

L'approche de Bill Clinton vis-à-vis des politiques sociales et de la criminalité a été marquée par un usage stratégique de la rhétorique, un élément clé de son mandat qui mérite une analyse approfondie. Clinton a su utiliser des éléments des stratégies républicaines tout en se positionnant en défenseur de l'égalité raciale, cherchant à réconcilier les préoccupations des électeurs blancs de la classe moyenne avec des initiatives supposées favoriser les populations marginalisées, notamment les Afro-Américains et les Latinos. Cependant, cette démarche a mis en lumière un paradoxe : tout en se réclamant d'une approche progressiste, Clinton a en réalité renforcé des politiques qui ont, à bien des égards, exacerbé les inégalités raciales.

La rhétorique de Clinton, bien que s'inscrivant dans la continuité des discours de ses prédécesseurs démocrates, a pris un tour particulier en raison du contexte historique des années 1990. Dans un climat politique où les enjeux raciaux et économiques étaient particulièrement sensibles, Clinton a opté pour une approche centriste qui, selon certains analystes comme David Roediger, a permis de gagner le soutien des électeurs tout en effaçant des éléments essentiels de la politique de gauche. L'accent mis par Clinton sur les "réformes pour les pauvres noirs et latinos" tout en minimisant la portée des politiques spécifiques aux questions raciales a ainsi modifié l'attention portée aux racines historiques de ces inégalités. Ce compromis stratégique, bien qu'efficace électoralement, a conduit à une acceptation tacite de la rhétorique racialisée qui imprégnait déjà la culture politique américaine.

Dans le domaine de la criminalité, Clinton a également empiété sur un terrain traditionnellement dominé par les républicains. À Las Vegas, en 1996, il se présente comme un président "difficile sur le crime", une posture qui tranche avec celle de ses prédécesseurs démocrates, et en particulier de Jimmy Carter, qui avait évité d'aborder directement la question du crime. Ce virage n'était pas sans précédent : Ronald Reagan et George H.W. Bush avaient déjà intégré la question de la criminalité dans leur stratégie politique, notamment à travers la guerre contre la drogue et des politiques pénales plus strictes. Clinton, cependant, allait plus loin en adoptant une approche qui combinait à la fois un durcissement des lois pénales et une prise en compte de la nécessité de contrôler les armes à feu.

Cependant, cette adoption de la rhétorique républicaine n'était pas sans conséquences. Clinton a non seulement soutenu l'idée d'une politique de "loi et ordre" mais a aussi légitimé une vision du crime qui était profondément racialement codée. En associant systématiquement criminalité, pauvreté et welfare (aide sociale), il a renforcé des stéréotypes qui associaient les populations noires et latinos à des comportements déviants. Dans ses discours, Clinton a lié la réduction du taux de criminalité à des diminutions des dépenses en aide sociale, de la pauvreté et de la grossesse chez les adolescentes, renforçant ainsi l'idée que les problèmes sociaux étaient intrinsèquement liés à des caractéristiques raciales et économiques spécifiques.

L'un des aspects les plus complexes de la stratégie de Clinton réside dans son utilisation de cette rhétorique au service de réformes qui ont profondément modifié le système de justice pénale. L'augmentation du nombre de détenus noirs aux États-Unis sous son administration, l'expansion de la guerre contre la drogue et les réformes du welfare ont largement contribué à la création de ce que Michelle Alexander appelle "le nouveau Jim Crow". La connexion entre la criminalité et la race s'est ainsi inscrite dans un cadre où, sous couvert de progrès, Clinton a ouvert la voie à des politiques d'incarcération de masse qui ont eu des effets dévastateurs sur les communautés afro-américaines et latinos.

La rhétorique de Clinton a donc eu des effets durables, non seulement en termes de résultats politiques immédiats mais aussi en modifiant la perception de la criminalité dans la société américaine. Le "tough on crime" qu'il a adopté a renforcé une culture de punition qui perdure encore aujourd'hui, exacerbant les inégalités raciales et économiques. Clinton, tout en se présentant comme un réformateur modéré et pragmatique, a en réalité instauré des politiques qui ont eu des effets inverses à ceux qu’il prétendait viser, en particulier pour les communautés les plus vulnérables.

Le débat sur la criminalité, comme sur d’autres questions sociales, est ainsi intimement lié à la question de la race et de l'économie aux États-Unis. Clinton, tout en se présentant comme un défenseur des minorités, a parfois privilégié des solutions qui ont renforcé la marginalisation de ces mêmes groupes. La normalisation de la rhétorique raciale, couplée à des politiques économiques conservatrices, a fait en sorte que les problèmes d'inégalité raciale et économique demeurent au cœur de la société américaine, même si la façon de les aborder a évolué au fil du temps.

Comment les présidents ont-ils abordé la question de la race depuis 1964 ?

Pour comprendre la rhétorique présidentielle, il est essentiel de clarifier ce que cela signifie réellement. En matière de recherche, deux domaines distincts d'études se consacrent à la présidence et à la rhétorique, chacun ayant des objectifs légèrement différents. Martin Medhurst distingue ainsi l'étude de la « rhétorique présidentielle » de la « présidence rhétorique ». La première se concentre sur les mots et les stratégies employés par les présidents. La deuxième, quant à elle, étudie l'institution présidentielle et l'évolution de l'expression du pouvoir présidentiel au fil du temps, notamment à travers l'usage accru des discours. Ces deux approches, bien que connexes, diffèrent dans leur objectif principal : l'une cherche à analyser les discours, tandis que l'autre examine les stratégies institutionnelles et leur évolution.

À première vue, ce livre pourrait sembler être une tentative de comprendre les stratégies rhétoriques des présidents, et s’inscrirait ainsi dans la première catégorie. Cependant, l’approche adoptée ici se rapproche davantage de la seconde, en analysant comment les présidents ont modifié, au fil du temps, la relation entre rhétorique et pouvoir. Il s'agit donc de retracer l'évolution de la rhétorique présidentielle et d'évaluer les implications politiques de ces changements.

Un autre domaine pertinent pour ce livre est celui des études sur l’utilisation de la race dans les campagnes politiques. Bien que cet ouvrage se concentre sur la rhétorique présidentielle, il contribue également à une meilleure compréhension des tactiques électorales, en particulier en ce qui concerne la race. Les travaux de chercheurs comme Thomas et Mary Edsall illustrent comment Ronald Reagan, dans les années 1960 et 1970, a adopté une rhétorique codée sur la race, les aides sociales et les impôts, exploitant ainsi le ressentiment des Blancs. De même, les recherches de Sugrue et Skrentny mettent en lumière la façon dont Richard Nixon a fait appel aux Blancs d’origine ethnique en 1972, bien qu’ils se concentrent davantage sur sa stratégie que sur ses discours. De telles études montrent comment des figures politiques utilisent des stratégies rhétoriques pour gagner des voix, mais ne prennent pas en compte les changements dans les discours au fil du temps, ni la persistance de ces stratégies après Clinton, par exemple.

Si certaines études ont tenté une analyse à grande échelle de la rhétorique présidentielle, elles se concentrent souvent sur des éléments isolés sans entrer dans une analyse textuelle approfondie. Elles abordent la manière dont les présidents évoquent la race, en présentant l'Amérique comme une nation intrinsèquement égalitaire ou en évitant de discuter des groupes spécifiques. Cependant, elles ne tiennent pas compte de l'usage stratégique de cette rhétorique. Cet ouvrage, quant à lui, met l'accent sur l'utilisation stratégique de la rhétorique présidentielle et sur la manière dont les présidents ont développé leur approche de la race et de l'ethnicité au fil du temps, tout en considérant les implications politiques de ces stratégies.

L’analyse historique de la rhétorique raciale présidentielle pendant les années électorales permet de suivre son évolution d'une administration à l'autre, offrant ainsi une meilleure compréhension de la manière dont la race a été intégrée dans la rhétorique politique. Cette évolution montre également comment les présidents ont utilisé un langage codé pour décrire les politiques sociales, économiques et internationales, ancrant ainsi la question raciale dans les discours politiques. Enfin, cette analyse révèle comment ces structures rhétoriques sont fondées sur une stratégie commune visant à séduire les Américains blancs de la classe moyenne. En d'autres termes, la manière dont les présidents définissent la culture américaine influence les décisions politiques et façonne les enjeux perçus par le public, souvent en s’adressant à un public homogène.

Un point important à considérer est la relation entre la rhétorique présidentielle et l’opinion publique. Si certains chercheurs, comme George C. Edwards III, soutiennent que la rhétorique présidentielle n’a pas nécessairement d’impact direct sur l’opinion publique, il existe néanmoins une relation subtile entre le langage et le monde politique qui justifie l’analyse de cette rhétorique. L’essentiel n’est pas de démontrer que la rhétorique présidentielle influence directement l’opinion publique, mais plutôt de comprendre comment la répétition stratégique de certains discours peut influencer le débat public sur une longue période. Il ne s'agit donc pas de chercher une corrélation immédiate, mais de comprendre les effets durables et les changements de perception à long terme.

Les présidents n’utilisent pas la rhétorique uniquement pour convaincre le public ou le Congrès d’adopter une politique, mais aussi pour modeler la façon dont les citoyens parlent et pensent des enjeux sociaux. La rhétorique, particulièrement durant les campagnes électorales, permet aux candidats de manipuler les perceptions publiques en réponse aux enjeux politiques du moment, notamment en ce qui concerne la race et les divisions sociales. En ce sens, la rhétorique présidentielle sert un double objectif : défendre des positions politiques spécifiques et définir les contours du débat public.

Il est crucial de reconnaître que, bien que la rhétorique présidentielle puisse ne pas avoir un impact immédiat et mesurable sur l'opinion publique, elle demeure un outil central dans la formation et l'évolution de la politique américaine. L'étude de cette rhétorique nous permet de mieux comprendre non seulement les stratégies des présidents, mais aussi les mécanismes à travers lesquels les concepts de race et d'identité nationale ont été manipulés et réinterprétés au fil des décennies.