Dans son discours sur l'état de l'Union de 2020, Donald Trump a dépeint une image grandiose de l'Amérique, une nation retrouvant sa grandeur après des années de turbulences. Alors que l'Amérique était en proie à des débats acharnés sur son futur, Trump a su captiver l'attention de son auditoire en affirmant que le pays était de nouveau exceptionnel. Plus précisément, c'est sous son mandat que l'Amérique aurait retrouvé son leadership économique, militaire et moral. L'exceptionnalisme américain, une idée selon laquelle les États-Unis occupent une place unique et privilégiée dans le monde, était au cœur de son argumentaire.

Trump n'a pas tardé à revendiquer une part disproportionnée du crédit pour cette transformation. Dès son discours inaugural, il a mis en avant l'idée que l'Amérique avait été abandonnée par ses dirigeants précédents et qu'il était le seul à pouvoir inverser cette tendance. À travers ses discours, Trump a constamment redéfini l'exceptionnalisme en mettant l'accent sur ses propres actions. Par exemple, il a affirmé que sans lui, l'Amérique serait désormais surpassée par la Chine, soulignant que ses politiques économiques avaient placé les États-Unis à la tête du monde. Les réductions d'impôts, la déréglementation et la révolution énergétique ont été présentées comme des étapes clés dans ce retour triomphal de l'Amérique.

Il est intéressant de noter que ce récit de l'exceptionnalisme n’a pas seulement été construit à travers des chiffres économiques ou des discours politiques. Il a également pris vie dans ses rassemblements publics, où Trump a régulièrement affirmé que les dirigeants étrangers le félicitaient pour la réussite économique de l'Amérique sous sa présidence. Cette approche a renforcé l'idée que, dans un monde en perpétuelle compétition, les États-Unis étaient de nouveau l'acteur dominant grâce à lui seul. L’argumentation trumpienne était claire : l’Amérique a retrouvé sa place de leader sous sa présidence, et les autres nations en ont été témoins.

Une autre facette de cette stratégie a été la manière dont Trump a utilisé la rhétorique de la « restauration » de la grandeur. Dans ses discours, notamment lors de l'Adresse sur l'état de l'Union, il a insisté sur l'idée que le pays n'était plus un « gâchis » comme il l'avait hérité, mais une nation forte et prospère, prête à dominer de nouveau. L'accent a été mis sur une vision de l'Amérique qui n'était plus dépendante des autres, mais qui était autonome, forte et déterminée. Cette transformation a été personnifiée par Trump lui-même, qui s’est présenté non seulement comme le leader, mais comme la clé de ce renouveau.

Trump n'a cependant pas seulement décrit l'Amérique comme étant exceptionnellement puissante ; il a aussi introduit l'idée que les autres nations, et plus spécifiquement la Chine, tentaient de surpasser cette place de leader. En affirmant que, sans son intervention, l'Amérique serait devenue la seconde économie mondiale derrière la Chine, Trump a renforcé son image de sauveur de la nation. Son discours ne laissait aucune ambiguïté : l'Amérique exceptionnelle existait, mais elle n'était exceptionnelle que grâce à lui.

Au-delà des discours politiques, l’exceptionnalisme américain sous Trump s’est manifesté dans une politique étrangère de plus en plus isolationniste, centrée sur l'idée que les États-Unis devaient d'abord et avant tout se concentrer sur leurs propres intérêts. En se retirant de certains accords internationaux et en imposant des politiques protectionnistes, Trump a redéfini les relations internationales sous l'angle d’une supériorité américaine retrouvée. L’objectif n’était plus de coopérer avec d'autres puissances, mais d’affirmer la primauté des États-Unis et d’agir dans son propre intérêt.

Cette vision de l'Amérique, d'une puissance restaurée grâce à l'autorité d'un seul homme, a eu un impact considérable sur les débats internes américains. En s’appuyant sur l’exceptionnalisme pour justifier ses actions, Trump a créé une forme de légitimité populaire autour de sa présidence, particulièrement parmi les électeurs de base qui croyaient en son message. Pour eux, Trump représentait la figure qui redonnait à l’Amérique son rôle de phare mondial.

Cependant, il est essentiel de comprendre que l'exceptionnalisme américain, tel que défendu par Trump, repose sur une vision contestée de l’histoire et de l'avenir des États-Unis. L'idée que l'Amérique, sans lui, aurait sombré dans un déclin inéluctable, repose sur une simplification excessive des dynamiques économiques et politiques mondiales. Si l'Amérique reste incontestablement un acteur majeur sur la scène mondiale, l’exceptionnalisme à la Trump n'a pas pris en compte les défis globaux, comme la montée en puissance de nouvelles économies ou les enjeux environnementaux qui, eux aussi, redéfinissent la place des États-Unis dans le monde.

De plus, cette vision de l'Amérique a également occulté les fractures internes croissantes du pays. Si la rhétorique de l'exceptionnalisme a galvanisé une partie de la population, elle a aussi alimenté une polarisation politique de plus en plus marquée, notamment en ce qui concerne la gestion des inégalités économiques et sociales. La promesse de grandeur retrouvée a souvent masqué les défis internes que le pays doit affronter, comme la question du racisme systémique, les tensions sur l'immigration et la crise de la démocratie elle-même.

L'exceptionnalisme de Trump n’était pas seulement une question de politiques publiques, mais aussi un phénomène profondément idéologique. Il a incarné une vision de l’Amérique fondée sur la supériorité absolue de son modèle, sans vraiment prendre en compte les multiples forces qui façonnent le monde moderne et l'avenir de la nation. Ce discours a eu des répercussions sur le discours politique global, influençant non seulement la politique américaine, mais aussi la perception de l’Amérique dans le monde entier.

Comment Trump a redéfini l'Amérique : Une présidence exceptionnelle

Sous la présidence de Donald Trump, la rhétorique de l'exceptionnalisme américain a pris une place prépondérante. À travers des déclarations audacieuses et des promesses de grandeur, Trump a cherché à marquer les esprits en cultivant l'idée que son gouvernement avait non seulement restauré la grandeur de l'Amérique, mais l'avait propulsée vers des sommets jamais atteints auparavant. Dès sa campagne de 2016, avec le slogan "Make America Great Again", Trump s'était engagé à rétablir une Amérique forte et prospère, mais rapidement, son discours s'est métamorphosé : non seulement l'Amérique devait redevenir grande, mais elle devait surpasser tout ce qu'elle avait connu.

Quelques semaines après son élection, Trump annonçait déjà : "Nous allons avoir un pays qui n'a jamais été aussi grand. Vous allez voir – sous de nombreuses formes." Peu de temps après son entrée en fonction, il déclarait également : "Nous allons montrer au monde que l'Amérique sera forte à nouveau, plus forte que jamais." Ce ton guerrier, cette insistance sur l'exceptionnalisme américain, ont constitué le cœur de sa communication tout au long de son mandat.

Dès lors, la question n’était plus de savoir si Trump allait restaurer la grandeur de l’Amérique, mais comment il allait prouver qu’il avait effectivement fait de l’Amérique non seulement une nation grande, mais "meilleure que jamais". Son administration s'est donc employée à mettre en avant des indicateurs économiques qui semblaient confirmer cette version de la réalité, même si, en réalité, de nombreuses tendances économiques avaient démarré avant son arrivée à la Maison-Blanche. En matière d’économie, Trump ne se contentait pas de déclarer que l’Amérique avait retrouvé sa grandeur ; il insistait sur le fait que les résultats étaient "historiques". Que ce soit le marché boursier, l’emploi, ou même le revenu médian, Trump ne cessait de revendiquer des records.

Le marché boursier était, selon lui, une preuve indiscutable de sa réussite : "Nous avons établi 141 records sur le marché boursier, les plus hauts niveaux jamais enregistrés." Le taux de chômage, surtout parmi les groupes démographiques qu’il visait, était pour lui une autre victoire à afficher. Les statistiques concernant le chômage chez les Afro-Américains, les Hispaniques, ou les femmes, sont devenues des arguments centraux dans son discours, une manière de légitimer son action tout en tentant de séduire des électorats qui, souvent, lui étaient hostiles.

Les statistiques économiques étaient ainsi mises en avant non seulement pour donner une image de prospérité, mais aussi pour affirmer un idéal d’exceptionnalité. Trump parlait fréquemment de l'augmentation des salaires et de la confiance des consommateurs, comme si chaque indicateur économique positif était une validation de sa politique. "Les salaires, les salaires, magnifiques salaires, pour la première fois depuis des années, les salaires augmentent", proclamait-il.

Dans un discours prononcé en novembre 2018, Trump faisait état de résultats qu'il interprétait comme l’aboutissement de ses politiques. Il mettait en avant des chiffres comme l’augmentation des salaires et la montée en flèche de la confiance des consommateurs. Cette exaltation des statistiques visait à imprimer dans les esprits l'idée que les États-Unis vivaient une époque d’abondance, non seulement rétablie, mais transcendée par ses actions.

La guerre économique de Trump ne se limitait pas à l'intérieur des frontières américaines, mais s'étendait également au domaine militaire. Dès le début de sa présidence, il n’a cessé de critiquer l’état de l’armée américaine, qu’il qualifiait de "délabrée". Il s’était promis de la reconstruire pour en faire une force "plus grande, plus forte, plus puissante que jamais". Pourtant, les États-Unis possédaient déjà la plus grande armée du monde. L’idée de reconstruire l’armée n’était pas tant une réponse à une faiblesse avérée, mais une manière de marquer le passage d’une ère révolue à une nouvelle ère, celle de la domination totale, tant sur le plan militaire qu’économique.

Enfin, dans son discours, Trump soulignait constamment qu'il était responsable d’un miracle économique. Il attribuait à son administration un rôle central dans la réduction du chômage et la montée en flèche des créations d'emplois, mais aussi dans l'augmentation des salaires, en particulier parmi les travailleurs les moins qualifiés. À chaque nouveau chiffre, à chaque nouveau record, il répétait que l’Amérique était désormais une nation revitalisée, qui avait "atteint des niveaux d'excellence sans précédent".

Si ce message de grandeur a été largement reçu par ses partisans, il est important de noter que derrière ces discours se cachaient des ambiguïtés et des approximations. Nombre des réalisations économiques que Trump revendiquait avaient en réalité commencé avant son arrivée à la Maison-Blanche, et plusieurs des statistiques qu'il célébrait étaient parfois manipulées ou présentées de manière sélective pour mieux correspondre à sa vision. Pourtant, ce discours de l'exceptionnalité, de la prospérité retrouvée, a marqué une grande partie de son mandat et a forgé son image de président à la fois combatif et prometteur de changements radicaux.

Le rôle de Trump dans cette narration de l'exceptionnalisme ne réside pas uniquement dans les faits et chiffres qu'il a utilisés, mais dans la manière dont il a créé une réalité parallèle qui répondait à ses objectifs politiques. C'est dans cette construction d'un récit presque mythologique de l'Amérique, une Amérique qui se redécouvrait une grandeur incontestable, qu'il a pu solidifier son pouvoir et sa base électorale.

Comment l’exceptionnalisme américain a été remis en question par l’impeachment de Trump

L’un des enjeux centraux de l'impeachment de Donald Trump a été la manière dont il a affecté l'idée même d'exceptionnalisme américain. Cette notion, qui s’inscrit au cœur de l’histoire des États-Unis, considère le pays comme un modèle de démocratie et de liberté. Pourtant, au fur et à mesure des événements de l’impeachment, l'idée d'une nation exemplaire a été remise en question, non seulement par les actions de Trump, mais aussi par la manière dont ses opposants politiques l’ont accusé de subvertir ce qu’ils considéraient comme l’essence de l’Amérique.

Le 18 décembre 2019, lorsque la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, annonça son soutien aux articles de destitution, elle cita Benjamin Franklin pour souligner la fragilité de la République américaine : "Une République, si nous pouvons la préserver". Ce n’était pas simplement une référence historique, mais une déclaration symbolique sur l'état de la nation. Selon Pelosi, le projet des Pères Fondateurs — la création d'une république démocratique — était menacé par les actions de Trump, qui, à ses yeux, ne représentait pas le peuple, mais se plaçait au-dessus de la loi. Trump n’incarnait plus l’Amérique idéale, mais un danger pour elle, un homme qui refusait de se soumettre aux principes qui avaient fondé la nation.

Cet affrontement idéologique, entre l'exceptionnalisme américain d'un côté et l’autosuffisance autoritaire de Trump de l’autre, se prolongea tout au long des procédures de destitution. Des personnalités comme le député Adam Schiff ont amplifié ce discours. Lors des audiences à la Chambre, Schiff rappela que l’Amérique n’était pas seulement un pays, mais aussi une idée, un phare pour les nations du monde entier, qui cherchaient dans ses valeurs un exemple de démocratie à suivre. En invoquant Ronald Reagan et l’image de l'Amérique comme "la ville brillante sur la colline", Schiff affirma que Trump, par ses agissements, risquait de ternir cet héritage.

L'opposition à Trump s'est exprimée sur la scène politique avec une force grandissante. Des figures comme Ayanna Pressley ont mis en avant l'idée que l’impeachment était non seulement patriotique, mais aussi intrinsèquement américain. Pour elle, l’Amérique avait toujours été l’histoire de gens ordinaires affrontant l’abus de pouvoir. Elle appuyait l'idée que, face aux dérives d’un pouvoir exécutif autoritaire, le peuple américain, fidèle à ses principes, devait se lever pour défendre sa démocratie. Cette défense de l'exceptionnalisme, porté par les démocrates, contrastait avec le "Moi, le peuple" de Trump, en soulignant que ce dernier ne représentait en rien la volonté collective des citoyens.

La campagne présidentielle de 2020 amplifia cette critique de Trump. Bernie Sanders, par exemple, lança sa campagne sous le slogan "Not me. Us.", affirmant que Trump était un président "dangereux" et "le pire dans l’histoire moderne des États-Unis". Il dénonça Trump comme étant "le plus raciste, sexiste et homophobe" des présidents, un mensonge pathologique à la tête de l’administration la plus corrompue de l’histoire. Cette ligne de critique se retrouva également dans les discours d’autres candidats comme Pete Buttigieg et Elizabeth Warren, qui caractérisèrent Trump comme le symbole de tout ce qui ne va pas dans le pays.

Pour ces adversaires politiques, Trump n’était pas exceptionnel, mais exceptionnellement mauvais. L’exceptionnalisme américain, tel qu’ils le comprenaient, reposait sur un principe fondamental : l’idée que l’Amérique, en tant que modèle de démocratie, devait incarner les valeurs qu’elle prônait. Or, avec Trump, cette idée semblait s’effriter. En réponse à ses déclarations sur la puissance retrouvée des États-Unis sous son mandat, les démocrates soulignaient plutôt l’affaiblissement de la position mondiale du pays, la perte de son rôle de leader moral et démocratique. Kamala Harris, dans son discours de lancement de campagne, affirma que sous Trump, "la position des États-Unis dans le monde n’a jamais été aussi faible". Cette vision critique soulignait l'écart entre l’idéal américain et la réalité sous la présidence de Trump.

Ainsi, à travers ces diverses interventions, se dessine une lutte de récits : celui de Trump, qui se présente comme une figure exceptionnelle au service d’un "Moi, le peuple", et celui de ses opposants, qui défendent un idéal de démocratie et de responsabilité collective. L’enjeu n’était pas seulement politique, mais profondément symbolique : il s’agissait de définir ce que signifie être américain et de préserver une vision de la nation, ancrée dans l’idée d'une république démocratique, respectueuse des valeurs d’égalité et de justice.

Le processus de destitution a donc été bien plus qu'un simple conflit institutionnel : il a été un combat idéologique sur l’avenir de l'Amérique. Ceux qui ont soutenu l’impeachment ont cherché à rappeler aux Américains que l’exceptionnalisme de leur pays n’était pas le monopole d’un homme, aussi puissant soit-il, mais une idée collective, façonnée par des siècles de luttes pour la justice et la liberté. Trump, par son approche autoritaire et ses attaques incessantes contre les institutions, incarnait une menace à cet idéalisme.

Comment le patriotisme américain façonne le discours politique et l'exceptionnalisme

Le patriotisme américain a toujours été un vecteur essentiel des débats politiques et une pierre angulaire de l'identité nationale. De ses origines révolutionnaires à son rôle central dans les discours présidentiels contemporains, la notion d'exceptionnalisme américain se manifeste régulièrement dans le langage politique. L'usage de la patrie et de ses symboles, comme le drapeau ou l'hymne national, permet aux leaders politiques de façonner leur discours et d'influencer la perception du public sur des sujets aussi variés que la guerre, les droits civils, et les questions de politique étrangère.

Ce phénomène devient particulièrement évident au moment des élections présidentielles, où les candidats s'efforcent de se positionner comme les véritables représentants des valeurs américaines. Par exemple, pendant les campagnes de 1988 et de 1992, George H. W. Bush et Bill Clinton ont chacun utilisé le patriotisme pour souligner leur loyauté envers la nation, tout en critiquant l'opposition. Bush, notamment, a souligné son engagement envers le drapeau et la devise nationale, tandis que Clinton a défendu l'idée d'une Amérique ouverte et inclusive. Dans ce contexte, l’appropriation de la symbolique patriotique n’est pas uniquement un acte de fidélité, mais un outil stratégique permettant de différencier les partis politiques et de manipuler la perception de la « véritable » Amérique.

L'usage du patriotisme, cependant, n'est pas un phénomène uniforme. Les élections récentes, notamment celles de 2004 et de 2008, ont montré comment l'identité nationale peut être instrumentalisée pour renforcer la division politique. Le cas de John Kerry, par exemple, illustre la manière dont ses opposants ont remis en question sa loyauté patriotique en raison de ses positions sur la guerre du Vietnam et de son passé militaire. Cela a été exacerbé par les publicités du groupe des vétérans "Swift Boat Veterans for Truth", qui ont attaqué Kerry sur sa prétendue faiblesse patriotique, une tactique qui a frappé particulièrement fort dans un pays où la guerre du Vietnam reste une question délicate.

De même, Barack Obama, bien qu'il ait mis l'accent sur l'unité nationale, a dû faire face à des accusations de manquer de patriotisme, notamment en raison de ses origines et de ses positions perçues comme éloignées des traditions américaines. La question de son lieu de naissance, alimentée par les attaques du mouvement des "birthers", a ainsi été un point de friction central dans sa campagne de réélection en 2012. Cela démontre comment le patriotisme devient une arme à double tranchant, utilisée pour renforcer la légitimité d'un candidat, mais aussi pour discréditer ses opposants.

Dans ce cadre, l’exceptionnalisme américain joue un rôle primordial. L'idée que les États-Unis possèdent un destin unique et une mission spéciale dans le monde a été un leitmotiv constant dans le discours des présidents, qu'ils soient républicains ou démocrates. Les discours de George W. Bush après les attaques du 11 septembre 2001 ont notamment mis en avant ce concept, soulignant la mission de l’Amérique pour la liberté et la démocratie à travers le monde. De même, les élections de 2016, avec Donald Trump à la tête, ont marqué un tournant dans la manière dont l'exceptionnalisme a été articulé, souvent sous forme d'une vision nationaliste qui privilégie les intérêts internes au détriment des alliances internationales.

Cependant, l’exceptionnalisme n’est pas une notion monolithique. Les critiques de cette idée, notamment par les partisans d’une politique étrangère plus pragmatique ou isolationniste, soulignent les dangers de cette vision du monde. L'idée que les États-Unis soient fondamentalement différents des autres nations est parfois perçue comme un obstacle à une coopération mondiale véritable. L'utilisation de l'exceptionnalisme dans la rhétorique électorale peut ainsi créer des divisions non seulement au sein du pays, mais aussi entre les États-Unis et leurs alliés.

Le patriotisme, de ce fait, n'est pas seulement une question d'attachement à des valeurs communes, mais aussi un outil pour créer une identité politique collective. Dans cette lutte pour définir ce que signifie être "vraiment américain", les symboles, les récits et les discours jouent un rôle crucial. L’importance de la loyauté envers la nation, de l'héritage historique et des valeurs fondamentales comme la liberté et la justice, sont constamment rappelées dans les discours électoraux. Mais derrière ces affirmations se cache souvent un processus de différenciation idéologique, où le patriotisme devient un moyen d’exclure les autres tout en renforçant le pouvoir des élites politiques dominantes.

Il est essentiel de comprendre que, au-delà de l’élément discursif, le patriotisme et l’exceptionnalisme américains sont aussi des forces sociales puissantes qui influencent les comportements et les perceptions des citoyens. Le patriotisme est en quelque sorte un miroir de l’histoire américaine, qui reflète ses réussites, mais aussi ses contradictions. Les débats autour de l'identité nationale, les discussions sur l'intégration des minorités et les questions d'immigration sont intimement liés à la manière dont le patriotisme est exprimé et perçu dans la politique américaine.

Quel rôle joue l'exceptionnalisme américain dans le discours politique contemporain ?

L'exceptionnalisme américain, concept selon lequel les États-Unis se considèrent comme une nation unique, dotée d'une mission particulière dans le monde, a été largement exploré et réinterprété au fil des décennies. Cependant, dans les discours contemporains des figures politiques telles que John Kerry, Barack Obama, Mitt Romney et Donald Trump, ce concept a pris de nouvelles dimensions. Chaque leader a invoqué, de manière différente, l'idée d'exceptionnalisme, souvent pour justifier une politique intérieure ou extérieure particulière, mais aussi pour répondre aux défis internes et externes.

Lorsque John Kerry prononce ses discours, notamment en 2004, l'idée d'une "Amérique exceptionnelle" est encore marquée par une vision idéaliste et universaliste. Son appel à une politique de dialogue et de coopération internationale reflète l'image d'une Amérique prête à guider le monde vers la paix et la prospérité. Barack Obama, dans ses prises de parole, notamment en 2007, reprend cette notion d'exceptionnalisme mais la nuance en insistant sur les failles internes de la nation et la nécessité de réformer certaines de ses pratiques pour rester fidèle à ses valeurs fondatrices. Pour Obama, l'exceptionnalisme ne doit pas être une excuse pour l'isolement, mais plutôt un appel à une plus grande solidarité internationale.

En revanche, Donald Trump, dans ses discours de 2015 à 2016, présente un modèle d'exceptionnalisme radicalement différent. Sous sa présidence, le concept d'exceptionnalisme américain est transformé en un slogan populiste, centré sur la notion de "Make America Great Again". Ce n'est plus la vision d'une Amérique guide morale du monde, mais plutôt celle d'une nation prête à rejeter les alliances internationales et à se concentrer sur ses propres intérêts, quitte à ce que cela implique une remise en cause des engagements globaux précédents. Trump accentue le sentiment de crise et de déclin, incitant à une sorte de retour aux sources, où l'Amérique retrouverait sa grandeur par un renversement des paradigmes internationaux.

Mitt Romney, quant à lui, tout en adhérant à l'idée de l'exceptionnalisme, propose une version plus modérée, entre celle de Kerry et celle de Trump. Dans ses discours de campagne, il insiste sur la nécessité de maintenir l'influence américaine, tout en insistant sur la responsabilité morale des États-Unis dans le maintien de l'ordre mondial. Il critique souvent les politiques de l'administration Obama, mais sans renier l'idée fondamentale que les États-Unis sont destinés à jouer un rôle de leadership global.

Un aspect intéressant de cette évolution des discours autour de l'exceptionnalisme est l'analyse des termes employés. Une étude menée sur les discours de ces quatre figures montre une différence notable dans la fréquence d'évocation de l'"unexceptionnalisme" — c'est-à-dire la reconnaissance que les États-Unis ne sont pas toujours irréprochables dans leurs actions, et que l'Amérique, parfois, faillit à ses propres idéaux. Trump, en particulier, évoque cet "unexceptionnalisme" beaucoup plus fréquemment que ses prédécesseurs, soulignant une vision plus critique et dissonante de la place des États-Unis dans le monde.

Ces discours sont également révélateurs de l'évolution de la politique américaine : l'exceptionnalisme devient une arme stratégique, utilisée pour mobiliser les électeurs et légitimer les choix politiques. En 2016, par exemple, Trump utilise cette idée pour amplifier la division et la peur, peignant l'Amérique comme une nation en déclin qui doit retrouver sa place dominante par un retour à des politiques protectionnistes et nationalistes. Ce discours trouve un écho chez une partie de l'électorat américain, fatiguée de l'engagement international des États-Unis et désireuse de retrouver un sens de grandeur nationale.

Dans les années suivantes, la manière dont ces leaders utilisent le concept d'exceptionnalisme continuera de se transformer. Alors que l'Amérique s'engage dans une nouvelle ère de polarisation interne, le défi pour les futurs dirigeants sera de concilier ce sentiment de grandeur avec les réalités du monde multipolaire et interconnecté. La question reste donc ouverte : comment l'exceptionnalisme américain pourra-t-il s'adapter aux exigences d'un monde en constante évolution, où la place de chaque nation est de plus en plus disputée ?

Il est essentiel de comprendre que, bien que l'exceptionnalisme américain ait souvent servi à justifier des politiques impérialistes ou interventionnistes, il reste un concept largement influencé par les dynamiques internes du pays. La montée du populisme, les fractures sociales croissantes et l'isolement international sont des éléments qui transforment cette notion. De plus, le discours politique sur l'exceptionnalisme est intrinsèquement lié aux perceptions de la puissance et de la morale, et il reflète les préoccupations profondes d'une nation qui cherche à redéfinir sa place dans un monde globalisé.