Lors de sa campagne présidentielle de 2016, Donald Trump a profondément modifié la manière dont l'exceptionnalisme américain était envisagé. Contrairement à ses prédécesseurs, qui évoquaient fréquemment la grandeur historique des États-Unis ou leur rôle de leader moral et politique dans le monde, Trump a introduit une approche résolument différente. Pour lui, l'exceptionnalisme n'était plus une caractéristique collective de la nation, mais une affirmation de sa propre personne, de ses qualités exceptionnelles, et de son rôle indispensable dans la renaissance du pays.
Alors que des figures comme John Kerry, Barack Obama ou Mitt Romney, tout en critiquant certains aspects de l'Amérique, insistaient sur les idéaux fondateurs et les valeurs qui faisaient des États-Unis un modèle pour le reste du monde, Trump a adopté une approche plus radicale. Il a surtout insisté sur l'idée que l'Amérique était en déclin et qu’elle ne pouvait être restaurée qu’à travers son leadership personnel. L'exceptionnalisme américain, dans sa vision, n'était plus une vertu intrinsèque au pays, mais une question de "gagner" et de prouver que les États-Unis pouvaient à nouveau dominer. "Gagner, c'est ce qui compte", déclarait-il dans son livre Crippled America: How to Make America Great Again. Ce "gagner" était une forme de victoire personnelle, et non une victoire collective fondée sur les idéaux de démocratie ou de liberté.
Le concept même d'exceptionnalisme a pris une tournure particulière avec Trump. Lorsqu’il l'évoquait, il ne parlait presque jamais des qualités uniques des États-Unis ou de leur rôle dans la communauté internationale. Il ne se référait pas à l’idée d’une "cité sur la colline" ou à la mission morale du pays. L'Amérique, dans sa vision, avait perdu son éclat, et ce n’était pas par la faute d’une faiblesse intrinsèque, mais bien à cause de l’establishment politique, des politiciens de Washington, qui avaient fait passer leurs intérêts avant ceux de la nation. Trump ne s’est pas contenté de pointer du doigt le Parti démocrate ; il a aussi accusé les républicains et les élites politiques de tout bord d’avoir permis ce déclin.
Là où ses prédécesseurs se seraient engagés à réparer l’exceptionnalisme en renouant avec les principes fondateurs, Trump a posé sa propre personne comme la clé de la restauration de la grandeur. L'exceptionnalisme américain ne résidait plus dans le pays lui-même, mais dans l’exceptionnalité personnelle de Donald Trump. Il se présentait comme l’unique sauveur capable de redresser la situation. Pour lui, l'exceptionnalisme américain était désormais inextricablement lié à son propre parcours et à son projet politique, qu’il a porté sous la forme de son slogan "Make America Great Again" (MAGA). Dans cette logique, ce n'était pas la nation dans son ensemble qui devait incarner l’exceptionnalisme, mais lui, Trump, comme l'individu capable de rétablir la grandeur.
Dans ce contexte, l’idée de "gagner" était omniprésente. Trump a constamment martelé que l’Amérique, sous sa direction, retrouverait sa place de leader mondial, mais pas à travers les moyens traditionnels de coopération internationale ou de diplomatie morale. Non, sous sa présidence, l’Amérique se redresserait par des actions concrètes, des réussites économiques, des politiques de protectionnisme et de renforcement militaire, visant à restaurer la position dominante du pays dans un monde de plus en plus compétitif. L'exceptionnalisme, selon Trump, n’était pas un simple idéal ; c’était un processus qui nécessitait des victoires tangibles.
Il est intéressant de noter qu'à l'inverse de nombreux opposants, qui parfois utilisent la notion d’exceptionnalisme pour critiquer la direction du pays tout en maintenant un soutien implicite à ses valeurs fondamentales, Trump a pris une approche beaucoup plus directe et agressive. Il n'a pas cherché à critiquer les politiques spécifiques tout en restant fidèle à l’idée d’exceptionnalisme. Non, pour lui, l'Amérique était devenue "non exceptionnelle", et cette dégradation était le résultat direct de l'incompétence et de la corruption des politiciens à Washington. En d'autres termes, l'exceptionnalisme américain n'existait plus à cause des autres, mais parce que lui-même était le seul à pouvoir le restaurer.
Ainsi, au lieu de promouvoir un message d’unité nationale fondée sur la croyance en la capacité collective du peuple américain, Trump a mis l'accent sur une vision plus individualiste, presque mythologique, où seul un leader charismatique pouvait redonner au pays sa grandeur. Dans cette stratégie, l'exceptionnalisme ne reposait plus sur un principe démocratique ou communautaire, mais sur la figure d’un homme seul, Trump, incarnant à la fois l'espoir et la solution à tous les problèmes du pays.
Il ne fait aucun doute que cette vision a trouvé un écho puissant chez une large part de l'électorat américain, qui se sentait marginalisé et désillusionné par les élites politiques traditionnelles. Le message de Trump était clair : la grandeur de l’Amérique n’était pas une conséquence de ses institutions ou de ses citoyens, mais un reflet de la grandeur personnelle de son leader.
L'idée que l’exceptionnalisme américain puisse être ressuscité par une personnalité forte a aussi eu un impact sur la politique et la culture américaine. Elle a renforcé l’idée que l’Amérique pourrait regagner sa place de leader mondial non seulement à travers une politique extérieure musclée, mais aussi par l'affirmation de sa puissance intérieure, notamment à travers des mesures économiques et des réformes qui renforcent l'identité nationale.
Il est important de noter que cette vision de l’exceptionnalisme a aussi entraîné des débats importants sur la nature de la démocratie et de l'identité américaine. L’exceptionnalisme de Trump, centré sur sa propre personne, remet en question l’idée que les valeurs de liberté, d’égalité et de justice sont au cœur de la grandeur américaine. Il semble suggérer que, pour que l'Amérique soit à nouveau "grande", elle doit être dirigée par une figure autoritaire qui impose sa vision sans égard pour les processus démocratiques traditionnels.
Quelle place pour l’exceptionnalisme présidentiel sous Trump ?
L'exceptionnalisme présidentiel, une stratégie de communication adoptée par Donald Trump, s’est manifesté à travers trois aspects principaux : la célébration de soi en tant qu'individu exceptionnel, la présentation de son administration comme étant sans précédent, et la mise en avant de la nation comme étant plus forte et prospère que jamais grâce à ses politiques. Dans ce cadre, Trump ne s'est pas contenté de se positionner comme un dirigeant ordinaire, mais comme une figure indispensable, dont l'absence mettrait en péril la stabilité même des États-Unis. Dès son premier mandat, il a affirmé que sans lui, la nation serait condamnée à l'échec, un raisonnement qui résonnait à travers ses discours et actions.
Cette perception d’exceptionnalité ne se limitait pas seulement à des déclarations de fierté nationale, mais était intégrée à la manière dont Trump se voyait par rapport à ses prédécesseurs. Plutôt que de se contenter de souligner l’importance de l’Amérique dans le monde, il a constamment mis en avant son rôle personnel. Il ne se contentait pas de dire "l’Amérique est la plus grande", mais insistait sur le fait que "l'Amérique est la meilleure de toute son histoire", une affirmation qu’il répétait avec une fréquence et une certitude déconcertantes. Ce phénomène n’était pas simplement une question de fierté nationale mais visait à s’affirmer comme l’élément incontournable de la grandeur américaine.
Le caractère exceptionnel de la présidence de Trump se distingue de celui de ses prédécesseurs par l’ampleur et la fréquence avec laquelle il a recours à ce langage. Par exemple, Trump a mentionné l’exceptionnalisme présidentiel dans ses discours 125 fois, un chiffre stupéfiant comparé aux 16 mentions de Lyndon Johnson, son prédécesseur le plus proche à cet égard. Plus encore, Trump était plus de 1,5 fois plus susceptible de parler de son exceptionnalisme personnel que de l’exceptionnalisme américain lui-même. Cette concentration sur son propre rôle renverse l’approche traditionnelle où le président est censé incarner la nation et non l'inverse.
À titre de comparaison, des présidents comme Lyndon Johnson ou Richard Nixon ont souligné leurs réussites mais en insistant également sur les défis à venir, de manière à encourager l’unité nationale et la continuité des efforts collectifs. Johnson, dans son discours sur l’état de l’Union en 1964, a mis en lumière les avancées économiques tout en soulignant les lacunes qui demeuraient : "Nous avons franchi le cap des 70 millions d'emplois, mais nous aurons bientôt besoin de plus de 75 millions", déclarait-il, soulignant que le travail était loin d’être terminé. Trump, en revanche, dans ses discours, se concentrait sur ses propres victoires, non seulement comme un fait accompli mais aussi comme la preuve de son caractère exceptionnel. Il proclamait fièrement : "Après des années de stagnation salariale, nous voyons enfin des salaires qui augmentent."
Trump, en s’éloignant des conventions historiques de la présidence, a délibérément adopté un ton plus personnel et centré sur lui-même. Cette approche a nourri l'image d'un homme politique qui ne se contentait pas d'exercer un pouvoir en fonction de la nation, mais qui personnifiait la nation elle-même. Ce point de vue radical a marqué une rupture avec la tradition, où la figure du président était généralement perçue comme une personne consciente des limites de son pouvoir et des défis permanents auxquels il faisait face.
Les discours de Trump ne se contentaient pas de célébrer l’Amérique. Ils célébraient sa propre présidence, poussant les limites de l'exceptionnalisme traditionnel en insistant sur son rôle unique dans l'histoire du pays. Au lieu d'une nation qui se forge collectivement, c’était l'individu Trump qui, selon lui, incarnait ce renouveau. Cette attitude a non seulement redéfini le discours présidentiel, mais a aussi façonné la perception de l’Amérique sous son mandat. Trump ne cherchait pas seulement à être reconnu comme un leader compétent ; il visait à être considéré comme un leader indispensable à l’avenir de la nation.
Il convient cependant de souligner que cette vision de l’exceptionnalisme présidentiel, même si elle s’inscrivait dans une stratégie de communication efficace, n’était pas sans conséquences. Elle a souvent suscité des réactions mitigées, oscillant entre l’admiration de ses partisans et la critique de ses détracteurs. La notion d’un seul homme au sommet, qui incarne à la fois l’État et le destin de la nation, soulève des questions sur la nature même du pouvoir démocratique et la place de l’individu dans la politique. Trump a placé la barre très haut pour ses successeurs, qui devront naviguer dans un paysage politique où l’exceptionnalisme présidentiel pourrait être la norme, et non l’exception.
La remise en question de l'exceptionnalisme américain par Trump : Une fracture dans le Parti républicain
Lors d'une interview avec Bill O'Reilly, Donald Trump a déclaré : "Je le respecte." Cependant, cette réponse n'a pas convaincu O'Reilly, qui a rapidement insisté : "Vraiment ? Pourquoi ?" Trump a expliqué que dans l'intérêt du pays, il était crucial de maintenir de bonnes relations avec la Russie et Vladimir Poutine, soulignant la coopération entre les deux nations dans la lutte contre l'État islamique et le terrorisme. Mais O'Reilly, peu satisfait, a répliqué : "Il est un tueur, Poutine est un tueur." Trump, après une brève réflexion, a répondu : "Beaucoup de tueurs. Nous avons beaucoup de tueurs. Tu penses que notre pays est si innocent ?"
O'Reilly, surpris, n'a pas pu répondre immédiatement. Trump a encore insisté : "Tu penses que notre pays est si innocent ?" Et lorsque O'Reilly a essayé de nuancer la situation, en soulignant qu'il ne connaissait pas de dirigeants américains "tueurs", Trump n'a pas hésité : "Eh bien, regarde ce qu'on a fait aussi. Nous avons fait beaucoup d'erreurs." Plutôt que de tempérer ses propos, Trump a affirmé sa position, mettant en doute la notion d'exceptionnalisme américain, un concept longtemps cher au Parti républicain.
Les réactions à ces propos ont été immédiates et vives. Des figures emblématiques du Parti républicain, comme l'ancien gouverneur de l'Ohio John Kasich, ont tweeté : "L'Amérique a été un phare de lumière et de liberté. Il n'y a pas d'équivalence avec le régime brutal de Vladimir Poutine." De même, le sénateur Ben Sasse a souligné : "Il n'y a aucune équivalence morale entre les États-Unis d'Amérique, la plus grande nation amoureuse de la liberté de l'histoire du monde, et les voyous meurtriers qui défendent le clientélisme de Poutine."
Même Mitch McConnell, leader de la majorité sénatoriale, n'a pas tardé à qualifier Poutine de "voyou", insistant sur l'idée que "l'Amérique est exceptionnelle" et que les États-Unis ne se comportent pas comme la Russie. Mais malgré ces critiques, Trump n'a pas rétracté ses propos. Bien au contraire, il a renforcé ses attaques contre l'exceptionnalisme américain, un principe fondamental du Parti républicain, notamment sous l'influence de Ronald Reagan, qui avait imaginé l'Amérique comme une "cité brillante sur une colline", un modèle moral pour le monde.
Cette rupture idéologique a déstabilisé le Parti républicain. La défense de l'exceptionnalisme américain, qui avait guidé la politique étrangère des républicains pendant des décennies, a été violemment remise en cause par Trump. D'autres républicains, comme le sénateur John McCain, ont exprimé leur désaveu avec force : "Poutine est un tueur ! Il n'y a aucune équivalence morale entre ce boucher, ce voyou et colonel du KGB, et les États-Unis d'Amérique." La référence à Reagan, figure tutélaire du Parti républicain, souligne l'ampleur de la remise en cause de l'idéologie dominante au sein du parti.
Trump, cependant, semblait déterminé à détruire cette vision de l'Amérique. Selon James Hohmann du Washington Post, "Trump ne souscrit pas à l'idée que notre histoire, nos valeurs républicaines et notre système constitutionnel unique sont des caractéristiques qui rendent l'Amérique exceptionnelle." Ce rejet de l'exceptionnalisme américain ne semblait pas toutefois partagé par tous les républicains, une division qui allait se creuser de plus en plus avec le temps. Les "anciens" du Parti républicain, tels que McCain, se retrouvaient de plus en plus isolés, tandis que la base du parti se tournait vers Trump.
Les élections de mi-mandat de 2018 ont marqué un tournant. Lors d'un meeting à Cape Girardeau, Missouri, Trump a été rejoint par des figures de l'extrême droite médiatique comme Rush Limbaugh et Sean Hannity, renforçant son influence sur les électeurs et sur les médias conservateurs. Limbaugh, en particulier, n'a pas hésité à déclarer : "Ces rassemblements, je vous le dis, ils sont l'envie de Washington officiel." Et en effet, Trump semblait posséder une connexion unique avec ses partisans, un lien qui n'existait chez aucun autre homme politique.
Le soutien médiatique a été un pilier important de sa stratégie. Les figures de Fox News, comme Hannity, ont amplifié son message, transformant chaque événement en un spectacle où Trump et ses alliés conservateurs pouvaient redéfinir le discours politique américain à leur image. Ces rassemblements, loin de se limiter à des événements électoraux classiques, étaient des expressions directes de la manière dont Trump entendait remodeler le paysage politique des États-Unis, en dehors des sentiers battus.
Pour le lecteur, il est essentiel de comprendre que cette remise en question de l'exceptionnalisme américain par Trump n'était pas simplement une crise de l'identité du Parti républicain, mais un défi à l'idéologie dominante des États-Unis elle-même. L'exceptionnalisme, ce mythe selon lequel l'Amérique incarne une vision morale supérieure du monde, a été remis en cause par un président qui semblait vouloir redéfinir ce que signifie être une superpuissance dans un monde globalisé. Cette fracture idéologique, qui opposait l'ancienne garde républicaine aux partisans de Trump, a transformé le Parti républicain en une entité plus fragmentée, où l'unité était plus une illusion qu'une réalité. En conséquence, ces tensions ont non seulement modifié la politique intérieure des États-Unis, mais ont également redéfini leur rôle sur la scène mondiale.
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