Les efforts de plaidoyer peuvent varier considérablement en fonction de leur portée, de leur impact financier, et des acteurs impliqués. Ainsi, il est essentiel de comprendre que l'ampleur d'une initiative de plaidoyer déterminera non seulement la stratégie à adopter, mais aussi les actions nécessaires pour aligner les différents acteurs. Le processus de plaidoyer peut se décomposer en deux grandes catégories : celui de petite portée et celui de grande portée. Chaque type présente ses propres caractéristiques et exigences, et il convient d'adapter l’approche stratégique en conséquence.

Le plaidoyer de petite portée concerne généralement des initiatives qui ont un impact localisé, limité à une école ou à une communauté spécifique. Prenons par exemple la question des procédures de dépôt des enfants à l’école. Si un parent estime que ces procédures sont dangereuses, il peut s’adresser directement au directeur de l'école. Cette démarche, bien que simple, est stratégique. Non seulement il est important de soulever un problème, mais il est tout aussi essentiel de proposer une solution concrète. Cela augmente considérablement les chances de succès de la demande. Ce type de plaidoyer se distingue par sa simplicité : peu de pièces à aligner, un faible niveau de bureaucratie, et des ressources limitées. Le temps et l’investissement financier sont également réduits, ce qui permet à l’initiative de se concentrer sur des actions rapides et efficaces.

Dans une telle situation, plusieurs éléments stratégiques doivent être pris en compte : la présence d’un champion de l’initiative (dans ce cas, le parent ou un groupe de parents), la proposition d’une solution claire, la collecte de données pour soutenir la position, l’engagement d’une diversité de parties prenantes (parents, enseignants, agents de sécurité), ainsi que la prise en compte de l'impact financier et des solutions possibles. Ce plaidoyer peut se faire de manière informelle, mais il reste fondé sur des arguments solides et une capacité à persévérer si la réponse initiale n’est pas positive. Dans tous les cas, la persévérance est un élément clé. Si la solution n’est pas adoptée immédiatement, il est crucial de continuer à proposer des alternatives et de maintenir la pression pour obtenir un changement.

En revanche, le plaidoyer de grande portée concerne des initiatives ayant un impact plus large, souvent à l'échelle d'un État ou d'une politique nationale. Un exemple de ce type de plaidoyer pourrait être la proposition d’une politique de prévention du suicide dans les écoles d'un État, là où l’initiative implique de nombreux groupes d'acteurs. Ce plaidoyer nécessite non seulement l’adhésion des parties prenantes, mais aussi une synchronisation entre différents niveaux bureaucratiques, ce qui rend le processus beaucoup plus complexe. Un acteur comme un directeur d’école ou un psychologue scolaire, même s’il est concerné par la question, n’aurait pas l’autorité nécessaire pour instituer une politique à l’échelle de l'État. Il est donc impératif d’élargir l’action à des instances décisionnelles plus élevées.

Les caractéristiques d’un plaidoyer de grande ampleur incluent une grande variété de parties prenantes à aligner, un haut niveau de bureaucratie, un engagement à long terme, ainsi qu’un impact financier conséquent. La stratégie employée dans ces situations doit également comprendre plusieurs éléments : un champion qui prendra la tête de l’initiative, des données à l’appui de la position, un soutien diversifié de différentes parties prenantes, ainsi qu’une comparaison des résultats actuels et des résultats escomptés. Dans de tels cas, le plaidoyer s’inscrit souvent dans un processus long et complexe, nécessitant de surmonter de nombreux obstacles administratifs et financiers.

L'exemple de l'Assemblée du Nevada, en 2019, et de la loi "Read by Grade 3" illustre bien ce type de plaidoyer. La loi, qui stipule que les élèves de troisième année doivent être compétents en lecture sous peine de redoublement, avait des conséquences négatives importantes, notamment en matière de santé mentale et de réussite scolaire. La psychologue scolaire Melody Thompson a cherché à changer cette législation en se basant sur des données prouvant que le redoublement pouvait entraîner des effets délétères sur les élèves. Cependant, comme la loi avait été établie au niveau de l'État, il était nécessaire d’intervenir à ce niveau pour changer les choses, ce qui a demandé un plaidoyer à grande échelle impliquant une mobilisation importante.

Ces exemples montrent que la portée de l'action de plaidoyer détermine la complexité de la démarche. Lorsque l'initiative est de petite envergure, il est possible d'agir rapidement, avec peu de ressources, et de façon informelle. En revanche, lorsque l'initiative est de grande envergure, le plaidoyer doit être plus structuré et inclure des acteurs à différents niveaux. Il faut alors prendre en compte non seulement les aspects juridiques et administratifs, mais aussi les implications financières, et préparer un discours capable de convaincre des groupes variés.

Ce qui est crucial dans tout effort de plaidoyer, qu’il soit de petite ou de grande ampleur, c’est la capacité à s’appuyer sur des données probantes et à rassembler un éventail d’acteurs qui soutiennent la cause. Il faut aussi être prêt à persister malgré les obstacles. Un plaidoyer, même de grande envergure, peut souvent échouer dans un premier temps, mais la persévérance et l’adaptabilité sont des clés de la réussite.

Comment transformer une crise en opportunité pour la santé mentale scolaire ?

Il est essentiel de comprendre que les crises, aussi dévastatrices soient-elles, peuvent devenir des leviers puissants pour faire avancer la cause de la santé mentale en milieu scolaire. Ce n’est pas une invitation à exploiter chaque événement tragique à des fins politiques, mais plutôt à saisir comment certains événements spécifiques, tels que les fusillades dans les écoles de Newtown, Parkland, et Uvalde, ainsi que la pandémie de COVID-19 et de nombreuses catastrophes naturelles, ont suscité un élan de soutien pour l’augmentation des services de santé mentale scolaire. Cette dynamique ne surgit pas du néant. Elle est le fruit de décennies de plaidoyer continu visant à accroître l’accès à ces services et à résoudre les pénuries de personnel qualifié.

Les décideurs politiques réagissent souvent rapidement aux crises, cherchant des solutions déjà connues et s’appuyant sur des relations établies. Se manifester uniquement après un événement tragique est rarement efficace. En revanche, un engagement soutenu en matière de plaidoyer place les acteurs dans une position idéale pour capitaliser sur un événement actuel et obtenir des avancées concrètes. Ainsi, la constance dans l’action est aussi cruciale que la réactivité.

Le travail collectif est un autre principe fondamental. Personne ne peut porter seul le poids de cette mission complexe. Le plaidoyer exige une diversité de compétences, et il est primordial de mobiliser ses forces propres tout en s’appuyant sur les talents spécifiques des autres. Cette coopération permet d’exécuter efficacement les actions nécessaires pour améliorer les politiques et les pratiques en santé mentale scolaire.

Il faut aussi reconnaître que la perfection ne doit pas être un obstacle à la progression. Le compromis, parfois perçu comme une faiblesse, est souvent la clé des politiques efficaces. Accepter des mesures imparfaites en échange de gains concrets fait partie intégrante du changement, qui se réalise souvent par étapes successives. Chaque petit pas vers l’objectif ultime mérite d’être valorisé et consolidé.

Enfin, garder l’enfant et le jeune au centre de toutes les actions est indispensable. Le succès d’un plaidoyer est largement déterminé par la capacité à rester focalisé sur le bien-être des enfants. Cette orientation claire inspire la confiance, donne du poids à la démarche et favorise une plus grande réussite dans la transformation des systèmes scolaires.

Au-delà de ce qui a été exposé, il est important de souligner que la santé mentale des élèves ne se limite pas à la gestion des crises ou à la réaction aux événements majeurs. Une vision globale doit intégrer la prévention proactive, l’éducation continue, et la sensibilisation à tous les niveaux du système éducatif. Comprendre les multiples facettes du bien-être mental, y compris l’impact des facteurs sociaux, économiques et culturels, est crucial pour développer des interventions adaptées et durables. De plus, le renforcement des capacités des intervenants scolaires, la collaboration avec les familles et la communauté, ainsi que l’investissement dans des formations spécialisées sont des éléments indispensables pour assurer une prise en charge efficace et équitable. Le plaidoyer doit donc être envisagé comme un processus continu et multidimensionnel, où chaque acteur, du décideur politique à l’enseignant, joue un rôle dans la création d’environnements scolaires protecteurs et favorables à la santé mentale.