Les figures anthropomorphes sans tête, retrouvées sur des sites mégalithiques s’étendant de la vallée centrale de Godavari jusqu’aux collines du Tamil Nadu, suscitent encore des interrogations quant à leur signification. Ces représentations humaines se trouvent principalement en association avec des tombes à chambre funéraire et des dolmens, suggérant une possible connexion avec le culte des ancêtres. Des exemples notables incluent des sites tels que Kaperlaguru sur le Godavari, Amabala Vayal au Kerala, et Kumati dans le district de Bellary. À Eguvakantala Cheruvu, dans le district de Chittoor, trois figures anthropomorphes ont été découvertes ensemble, l'une d’elles présentant un orifice rond, ce qui pourrait indiquer une dimension rituelle ou symbolique particulière. Les anthropomorphes avec tête mais sans bras, retrouvés à Tottigutta et Dongatogu, dans le nord de l'Andhra Pradesh, témoignent également de cette étrange représentation humaine sans certaines parties du corps.

Bien que la signification exacte de ces figures demeure difficile à établir, leur présence récurrente dans des contextes funéraires et rituels pourrait suggérer qu'elles jouaient un rôle important dans les pratiques religieuses de ces communautés anciennes. Les figures anthropomorphes, associées à des tombes et à des structures mégalithiques, sont probablement liées à des rites d’hommage aux ancêtres ou à la symbolisation d’entités spirituelles importantes.

Le rôle du métal, particulièrement du fer, dans les sites mégalithiques est tout aussi révélateur. Les objets métalliques sont en grande quantité et variétés sur ces sites, avec des outils et des armes tels que des pointes de flèches, des épées, des couteaux, mais aussi des instruments agricoles comme des faucilles et des houes. La présence dominante d'objets en fer, comparée à ceux en autres métaux, témoigne de l’usage quotidien du métal dans des domaines aussi divers que la cuisine, l'agriculture, et la guerre. L'analyse des artefacts métalliques dans des sites comme Pazhayannur et Machad suggère que ces communautés maîtrisaient des techniques avancées de forgeage, et possédaient une connaissance de l'alliage des métaux, notamment du fer relativement pur, comme l'indiquent les objets retrouvés à ces endroits.

Il est également possible que certains objets métalliques aient eu des fonctions rituelles, comme l’indiquent les découvertes de graves et d’offrandes dans des contextes funéraires. Les traces de fabrication d’objets en métal par moulage et martelage témoignent de pratiques artisanales sophistiquées, suggérant que certains de ces sites ont pu être des centres de production artisanale intégrés dans des réseaux d’échange interrégionaux. Cela est confirmé par la présence d'objets non locaux, tels que des métaux précieux et des pierres semi-précieuses, qui indiquent un commerce entre différentes régions.

Le site de Kudatini, dans le district de Bellary, a révélé une sépulture bien préservée datant de la période néolithique/âge du fer, où les restes d’un enfant de six ou sept ans ont été retrouvés dans un sarcophage. Ce type de sépulture secondaire, avec des poteries et des objets associés, reflète l’importance des rites funéraires dans les sociétés anciennes. À Kodumanal, dans le district d'Erode, un cist a été trouvé contenant un cerf enterré dans une urne, accompagné de perles de cornaline gravées, d’une épée et de haches, suggérant des pratiques funéraires complexes. Le site a aussi livré des graffiti en tamoul archaïque-brahmi, ce qui ouvre des perspectives sur les formes d’écriture de cette époque.

Les découvertes récentes, comme celles de Kadebakale dans le district de Koppal, offrent un aperçu plus détaillé de l’évolution des pratiques humaines entre la période néolithique et l’Âge du Fer. Ce site a révélé une continuité dans les modes de vie, notamment la culture de mils et de légumineuses, et a montré des évolutions dans les pratiques agricoles et l’introduction de l’irrigation pour soutenir l’agriculture saisonnière. L’analyse des restes fauniques met en évidence un usage important des animaux, tant pour la viande que pour la traction, notamment des zébus et des buffles d’eau, tout en soulignant l'importance rituelle et symbolique que ces animaux pouvaient avoir.

À Kadebakale, la transition entre le néolithique et l'Âge du Fer se manifeste par une diversification des poteries, l’apparition de la céramique noire et rouge, et une différenciation sociale accrue, révélée par la présence de complexes mégalithiques et de plus grandes structures de peuplement. La période de l'Âge du Fer est marquée par une spécialisation accrue de la production artisanale et des échanges commerciaux plus soutenus.

L’ensemble de ces découvertes montre que les sites mégalithiques du sud de l'Inde étaient non seulement des lieux de sépultures, mais aussi des centres d’échanges culturels et commerciaux, où les artefacts métalliques jouaient un rôle essentiel dans les pratiques quotidiennes et rituelles. Ces sociétés étaient non seulement organisées autour de structures tribales et familiales, mais possédaient également une organisation plus complexe, axée sur l'artisanat et l'échange.

Quelle est la place du dharma dans la société hindoue et ses tensions internes ?

Les textes du Dharmashastra occupent une place centrale dans la compréhension des pratiques sociales et religieuses dans la tradition hindoue. En particulier, ils détaillent les devoirs (dharma) des individus en fonction de leur sexe, âge, statut marital, varna (classe sociale) et ashrama (stade de la vie). Le Dharmashastra reconnaît trois sources du dharma : la Shruti (les Védas), la Smriti (les textes de tradition orale), et le Sadachara ou Shishtachara (les bonnes coutumes, ou les pratiques des personnes cultivées). Si les Samhitas des Védas ne contiennent pas de discussion directe sur les règles de conduite, ce sont les sources Smriti et Sadachara qui deviennent déterminantes dans la définition des principes moraux et sociaux.

Le système des varnas, qui divise la société en quatre grandes catégories – Brahmana, Kshatriya, Vaishya et Shudra – trouve ses racines dans ces textes. Les trois premières varnas sont classées sous le terme de dvija, signifiant « né deux fois », en référence au rite de l'upanayana, ou initiation, considéré comme une sorte de seconde naissance. Ce rite est un privilège réservé aux hommes des trois premières varnas, bien qu’il existe des nuances dans l’application de ce système.

Le système des ashramas, qui divise la vie d'un homme dvija en quatre étapes distinctes — brahmacharya (étude et célibat), grihastha (le stade de la vie domestique), vanaprastha (renonciation partielle), et sannyasa (renonciation totale) — représente un modèle idéalisé de l’évolution personnelle. Cependant, ce modèle n’était pas toujours suivi à la lettre dans la réalité sociale de l'Inde ancienne. De plus, les femmes et les Shudras ne se voyaient pas appliqués ces mêmes idéaux. Une autre notion importante dans le Dharmashastra est celle du dharma universel, ou samanya dharma, applicable à tous. Il comprend des vertus comme l'ahimsa (non-violence), la satya (vérité), l'asteya (non-vol), et le contrôle des sens, mais ces principes étaient considérés comme moins essentiels que le dharma spécifique aux varnas et ashramas.

Les textes du Dharmashastra révèlent aussi une conscience de la diversité des normes sociales à travers le temps et l’espace. Le concept de dharma des différents pays, castes, et familles (desha-dharma, jati-dharma, et kula-dharma) montre la reconnaissance d’un pluralisme social, où les pratiques varient en fonction des contextes locaux et des besoins spécifiques. Ces textes sont avant tout prescriptifs : ils décrivent comment les choses devraient être selon les normes des Brahmanes, qui étaient aussi les auteurs et souvent les sujets des règles qu’ils édictaient.

Les textes du Dharmashastra ne décrivent pas directement la société de leur époque, mais ils en permettent une reconstitution partielle. Les contradictions au sein des textes, et entre eux, indiquent non seulement des divergences d’opinions parmi les experts, mais aussi l’évolution des pratiques sociales. Par exemple, les tensions entre la théorie et la pratique apparaissent clairement dans des textes comme la Manu Smriti, souvent considérée comme le texte fondateur du Dharmashastra. Ce texte interdisait certains types de mariages, comme celui entre un homme dvija et une femme Shudra, mais il régulait aussi ces pratiques en cas d’exception, comme les héritages ou les règles de remariage des veuves.

Les textes de la Manu Smriti présentent également d’autres contradictions internes qui révèlent la complexité de leur application. Par exemple, bien qu’ils condamnent la consommation de viande chez les Brahmanes, ils admettent qu’elle fait partie des offrandes dans certaines cérémonies comme les shraddhas (rites en l’honneur des ancêtres). Ces ajustements témoignent de l’adaptabilité de la tradition brahmanique face à des réalités sociales variées, mais aussi de la difficulté d’imposer un modèle uniforme à une société hétérogène.

Un autre aspect important du Dharmashastra est sa relation avec les textes bouddhistes. Les premiers textes bouddhistes, divisés en canoniques et non canoniques, présentent aussi un système de règles et de comportements, mais avec une approche différente. Le Tipitaka, par exemple, comprend trois collections majeures : le Sutta Pitaka (discours du Bouddha), le Vinaya Pitaka (règles monastiques) et l’Abhidhamma Pitaka (analyse systématique des enseignements). La diversité des écoles bouddhistes a conduit à des versions divergentes du Tipitaka, ce qui démontre également une flexibilité dans l’application des principes bouddhistes à différentes communautés et situations.

En dépit des différences entre les textes hindous et bouddhistes, la question de la régulation des comportements sociaux, des rituels, et des normes éthiques reste centrale. Les deux traditions se confrontent à la réalité sociale et tentent de la modeler en fonction de principes idéaux. Le Dharmashastra, à travers ses multiples prescriptions et contradictions, cherche à répondre à la diversité des pratiques sociales, tout en imposant un ordre moral selon la vision des Brahmanes. La question reste donc de savoir jusqu’à quel point ces règles étaient suivies dans la pratique quotidienne de l’Inde ancienne et comment elles ont évolué avec le temps.