Dans les cellules sénescentes, la structure chromatinienne subit des réorganisations profondes, lesquelles stabilisent un état hétérochromatique associé à la sénescence. Le processus de formation des foyers de hétérochromatine associés à la sénescence (SAHF) est activement régulé par la chaperone des histones HIRA et la variante d’histone H3.3, qui sont recrutées aux sites génomiques en cours d'assemblage de ces foyers. En dehors de l’hétérochromatine, des modifications chromatiniennes induites par la réponse aux dommages de l'ADN (DISCAs) impliquent la ligase de l’ubiquitine RNF168 et le complexe répressif polycomb, reliant directement les facteurs de la réponse aux dommages de l'ADN aux modifications de l'architecture chromatinienne.

Dans les cellules neuronales, le vieillissement induit une dérive épigénétique qui reflète ces signatures de sénescence. Les neurones âgés montrent une augmentation de l’entropie de la méthylation de l'ADN et une perte de la laminine B1, un composant de la lamina nucléaire dont la régulation à la baisse est un marqueur de la sénescence. Ces changements sont associés à des altérations fonctionnelles de l’astrocyte, qui subit également une sénescence liée à l’âge. Cette altération du chromatin induit des conséquences spécifiques sur les fonctions cellulaires.

Les cellules sénescentes peuvent libérer un éventail complexe de facteurs biologiques, caractéristique du "phénotype sécrétoire associé à la sénescence" (SASP). Ce secretome comprend des cytokines, des chimiokines, des facteurs de croissance, des protéases et des composants de la matrice extracellulaire, qui interagissent pour promouvoir une inflammation chronique dans le cerveau. Par exemple, l'IL-6 et l'IL-1β, secrétés par les astrocytes et les microglies sénescents, exacerbent cet état inflammatoire dans l'hippocampe, perturbant ainsi la plasticité synaptique et la potentialisation à long terme. Ce processus a des effets systémiques importants, car des molécules telles que les MMPs dégradent la membrane basale de la barrière hémato-encéphalique, augmentant la perméabilité et permettant aux cellules immunitaires périphériques d’infiltrer le cerveau. Des facteurs comme le VEGF et le TGF-β altèrent l'angiogenèse et la composition de la matrice extracellulaire, perturbant ainsi le couplage neurovasculaire. De plus, les cellules oligodendrocytes sénescentes entravent la remyélinisation, aggravant la dégénérescence de la matière blanche.

Le SASP ne se contente pas d’agir localement, mais s'étend par ce que l'on appelle la "sénescence parstander", où des cytokines sécrétées et des espèces réactives de l'oxygène (ROS) induisent des dommages à l'ADN et l’arrêt du cycle cellulaire dans des cellules voisines. Cette propagation augmente la niche sénescente, contribuant à la dégradation fonctionnelle des tissus. Dans les modèles de rongeurs vieillissants, l’accumulation du SASP dans l’hippocampe est corrélée avec des déficits mnésiques associés à l’âge et la vulnérabilité à la pathologie d’Alzheimer. L’ablation génétique de NF-κB dans les astrocytes ou le blocage pharmacologique de la signalisation de l’IL-6 atténuent les effets délétères du SASP, améliorant ainsi les résultats cognitifs chez les souris âgées.

Cependant, la sénescence dans le cerveau vieillissant ne touche pas toutes les populations cellulaires de la même manière. Les neurones, astrocytes, microglies et cellules de la lignée des oligodendrocytes adoptent des phénotypes uniques associés à la sénescence, affectant leurs fonctions spécialisées et contribuant à la dégradation des tissus cérébraux. Les neurones, bien qu’étant des cellules post-mitotiques, peuvent présenter une réponse sénescente en cas de stress chronique. Des foyers de dommages à l'ADN, marqués par des accumulations persistantes de γ-H2AX et 53BP1, apparaissent dans ces cellules vieillissantes, révélant des lésions oxydatives non résolues et des dommages indépendants de la réplication. Les neurones, également affectés par des dysfonctionnements mitochondriaux, subissent des déficits énergétiques et une surproduction de ROS, altérant l’intégrité de l’ADN.

Les astrocytes, responsables de la régulation de l’excitation neuronale et du maintien de la barrière hémato-encéphalique, subissent une transformation sénescente avec l’âge. Cela s'accompagne d’une activité accrue de la SA-β-gal et d'une surexpression de p16INK4a. Ce changement de phénotype réduit leur capacité à réguler le transport du glutamate et la production de facteurs neurotrophiques, perturbant ainsi la santé neuronale. Les facteurs SASP sécrétés par ces astrocytes sénescents, notamment l’IL-6, la LCN2 et le CCL2, exacerbent l'inflammation et perturbent la maturation des cellules progénitrices d’oligodendrocytes, montrant ainsi l’importance des astrocytes sénescents dans les dysfonctions multicellulaires.

Les microglies, cellules résidentes immunitaires du cerveau, sont également sujettes à la sénescence. Elles présentent une réduction de leur capacité phagocytaire, des réseaux mitochondriaux fragmentés, et une activation prolongée de NF-κB, entraînant la libération continue de cytokines. Cette transformation sénescente altère leur capacité à éliminer les agrégats de protéines, tels que l’amyloïde-β, exacerbant le stress protéotoxique dans des contextes de maladies neurodégénératives. De plus, les microglies sénescentes sécrètent des protéines du complément qui marquent les synapses pour élimination, contribuant ainsi à la perte synaptique et à la désintégration des réseaux neuronaux. Des interventions qui améliorent l’autophagie ou inhibent la voie cGAS–STING peuvent restaurer la fonction phagocytaire et réduire la signalisation inflammatoire dans les modèles de souris âgées.

La sénescence cellulaire dans le cerveau vieillissant est donc un processus multifactoriel qui affecte profondément la fonction des cellules neuronales et gliales, et contribue à la perte de plasticité cérébrale et à la progression de diverses pathologies neurodégénératives. L’activation de mécanismes de contrôle mitochondrial ou de modulation des voies épigénétiques et métaboliques pourrait offrir des avenues thérapeutiques prometteuses pour inverser ou atténuer les effets de la sénescence cellulaire sur le cerveau vieillissant.

Comment les approches thérapeutiques ciblées peuvent-elles freiner la progression de la SLA ?

La SLA (sclérose latérale amyotrophique) est une maladie neurodégénérative dévastatrice qui se caractérise par la dégénérescence progressive des neurones moteurs. Cette condition affecte la communication entre le système nerveux et les muscles, entraînant une faiblesse musculaire et une atrophie, et peut conduire à des déficits moteurs importants. La recherche en cours sur les mécanismes moléculaires de la SLA met en évidence des voies de signalisation complexes, impliquant des protéines et des gènes dont l'altération joue un rôle crucial dans la progression de la maladie. Parmi ces cibles, le gène ARHGEF28, codant pour une protéine influençant la dynamique du cytosquelette, a été identifié comme un acteur important dans la régulation de la migration cellulaire et de l'adhésion, des processus clés pour la fonction des neurones moteurs. Des mutations dans ce gène sont associées à des cancers et à des troubles du développement, ce qui suggère son rôle dans diverses pathologies, y compris la SLA.

Le rôle des protéines de la famille Rho GTPases, activées par ARHGEF28, est crucial dans la modulation de la migration, de l'adhésion et de la morphogenèse des cellules, ce qui affecte directement la fonctionnalité des neurones moteurs. Les recherches récentes ont montré que des variations rares dans le gène ARHGEF28, bien que plus fréquentes chez les patients atteints de SLA familiale, soulignent l'importance de ces altérations génétiques dans la susceptibilité à cette maladie. En parallèle, des études sur la dégradation des neurones moteurs, observée dans des modèles murins de SLA, ont révélé que les altérations au niveau des noyaux moteurs du tronc cérébral et des neurones moteurs eux-mêmes se produisent bien avant les symptômes cliniques. Cette observation ouvre des perspectives intéressantes sur le diagnostic précoce et les stratégies thérapeutiques.

L’implication de l’interféron (IFN) dans la SLA, notamment via son rôle dans l’activation de la réponse immunitaire, a également été mise en évidence dans plusieurs études. L’interféron est une protéine qui permet de contrôler la réplication virale et d’activer d'autres cellules du système immunitaire, jouant ainsi un rôle clé dans la réponse au stress cellulaire. Chez des souris transgéniques de SLA (SOD1-G93A), une activation prématurée des gènes stimulés par l’interféron a été observée dans les astrocytes autour des neurones moteurs, suggérant que les modifications de la signalisation de l’IFN pourraient précéder l’apparition des symptômes de la maladie. Réduire l’activité de ces récepteurs pourrait ainsi prolonger la survie des souris atteintes de SLA, ouvrant la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques fondées sur l'immunomodulation.

Le traitement de la SLA pourrait bénéficier d'une approche synergique, combinant la modulation de plusieurs voies de signalisation cellulaires afin de freiner plus efficacement la progression de la maladie. C’est dans cette optique que des chercheurs ont proposé de cibler simultanément plusieurs processus pathophysiologiques tels que le stress oxydatif, la dysfonction mitochondriale et l’agrégation des protéines, des phénomènes tous impliqués dans la dégénérescence des neurones moteurs. L’idée derrière cette approche est de moduler plusieurs cibles à la fois, plutôt que de se concentrer sur un seul mécanisme. L’utilisation combinée d’antioxydants et d’agents anti-inflammatoires pourrait ainsi réduire les effets délétères du stress oxydatif tout en atténuant l'inflammation neuroinflammatoire qui contribue à la progression de la maladie.

Les traitements thérapeutiques combinés, en ciblant par exemple la protéostase cellulaire et la réponse inflammatoire, peuvent ralentir la perte neuronale. Cependant, il est essentiel de bien comprendre les interactions complexes entre ces voies de signalisation pour optimiser les bénéfices thérapeutiques tout en minimisant les effets indésirables. La recherche doit aussi s’attacher à identifier les points de contrôle clés dans ces réseaux moléculaires afin d'améliorer l’efficacité des traitements et d’apporter des solutions adaptées aux différents sous-types de patients. Une telle approche multifacette pourrait également ouvrir la voie à des traitements de la SLA qui s’attaquent non seulement à la dégénérescence des neurones moteurs, mais aussi aux autres processus pathologiques associés à la maladie.

Les récents travaux portant sur les modèles murins ont également mis en lumière l'importance de la barrière hémato-spinale dans la SLA. Cette barrière, qui protège le système nerveux central contre les substances nuisibles, joue un rôle fondamental dans la régulation de l’homéostasie du liquide céphalo-rachidien et la gestion des échanges entre le sang et le système nerveux. Des études ont montré que la transplantation de cellules souches de la moelle osseuse dans des modèles murins de SLA pouvait restaurer la fonction de cette barrière, suggérant une nouvelle voie thérapeutique potentielle. En renforçant cette barrière, il pourrait être possible de limiter l’infiltration de molécules inflammatoires dans le système nerveux, offrant ainsi une stratégie complémentaire au traitement de la SLA.

L'une des avancées majeures dans la compréhension de la SLA réside dans l'étude des mécanismes de sénescence cellulaire des neurones moteurs. Cette sénescence, ou vieillissement prématuré des cellules, semble être un facteur clé dans la progression de la maladie. L'accumulation de protéines mal repliées, ainsi que l'activation de la réponse immunitaire, entraînent des dysfonctionnements dans la régénération des neurones, accélérant leur dégénérescence. Des études sur les mutations du gène SOD1 ont montré que l’interaction entre la forme mutante et la forme normale de cette enzyme pourrait jouer un rôle dans la toxicité des neurones moteurs, en modifiant la dynamique des agrégats de protéines et en aggravant les dommages cellulaires. Il devient ainsi crucial de mieux comprendre la biologie moléculaire de la sénescence neuronale pour identifier des cibles thérapeutiques et offrir de nouvelles perspectives de traitement.