L'élection présidentielle de 2016 aux États-Unis a marqué un tournant fondamental dans la politique américaine, non seulement par l'émergence d'un candidat controversé, Donald Trump, mais aussi par la dynamique nouvelle qui a accompagné sa montée en puissance. Il ne s'agissait pas simplement d'une élection entre deux candidats, mais d'un affrontement où les électeurs votaient avant tout contre un adversaire, et non en faveur de leur propre candidat. Trump a habilement utilisé une rhétorique populiste, dans laquelle il s'adressait directement à la peur et au ressentiment d'une partie de la population, exploitant des discours de rejet de l'establishment, de protectionnisme et de nationalisme. Ce discours, comme l’a souligné le philosophe Jason Stanley dans How Fascism Works: The Politics of Us and Them, a servi à enflammer sa base tout en érodant les fondements démocratiques du pays.

Ce phénomène n'était pas nouveau en soi, mais ce qui le rendait unique, c'était la manière dont Trump a su invoquer une nostalgie pour un passé idéalisé. Ce passé n'était cependant pas destiné à être une réalité historique tangible, mais une construction mythique, une sorte de paradis perdu qui ne devait pas être récupéré, mais utilisé comme un instrument pour séduire l'électorat. Ce n’était ni plus ni moins qu’une tactique de pouvoir, un moyen d’acquérir et de maintenir la domination sur la scène politique et médiatique. Cette approche ne doit pas être vue comme une démarche isolée de Trump, mais comme une stratégie partagée avec le Parti républicain, pour qui le respect des institutions et de la loi devenait secondaire face à l’impératif électoral.

Dans un contexte plus large, la politique de Trump a révélé une tendance inquiétante qui se rapproche de certains aspects historiques des régimes fascistes, bien que ce parallèle soit souvent ignoré ou minimisé. L’apparition de mouvements fascistes en Italie, au début du XXe siècle, offre un cadre de comparaison pertinent. En 1921, alors que Mussolini tentait de pacifier les tensions internes au sein de son mouvement, les factions rurales et urbaines du fascisme se sont retrouvées en conflit ouvert. Ces tensions ont abouti à un compromis fragile sous forme de Pacte de Pacification, dans lequel Mussolini espérait unir des forces politiques apparemment opposées — les fascistes et les socialistes — afin de dominer le paysage politique italien. Cette alliance forcée, née du besoin de rassembler un large soutien populaire, n’était en réalité qu’une façade destinée à masquer les conflits internes.

De manière similaire, Trump a exploité une vision de l’Amérique divisée, où les tensions entre les différentes strates sociales et culturelles étaient palpables. Les régions autrefois solidement démocrates, comme la "Rust Belt" du Midwest américain, ont changé d’allégeance, et les travailleurs autrefois syndiqués, longtemps fidèles au Parti démocrate, ont basculé vers Trump. L’argument selon lequel ces électeurs étaient uniquement des racistes ou des xénophobes est réducteur et ne tient pas compte des profondes fractures sociales et économiques qui se sont accentuées après la Grande Récession de 2008. Ces électeurs ne se sont pas simplement tournés vers Trump par peur de l’immigration ou de l’altérité, mais aussi par frustration face à des politiques jugées déconnectées de leurs réalités quotidiennes.

Les électeurs de Trump venaient également de milieux religieux, notamment les évangéliques blancs et les catholiques, qui ont vu dans son discours un retour à des valeurs traditionnelles et une réponse à la perception d'une société de plus en plus laïque et permissive. Ce phénomène n'est pas isolé : il rejoint d’autres mouvements politiques contemporains, comme le Brexit au Royaume-Uni, où une partie de la population a cherché à exprimer son mécontentement face à une immigration perçue comme envahissante, menaçant les traditions, la culture et les racines religieuses de l'Occident.

Mais si ces mouvements expriment une résistance à l’immigration, il est important de noter que cela ne se réduit pas à un simple rejet des étrangers. Derrière ce discours, il existe une question de survie culturelle et économique ressentie par une large portion de la population. L’ascension de Trump, tout comme le Brexit, peut être vue comme une réaction contre ce que certains perçoivent comme des injustices de la discrimination inversée, mise en place sous le couvert du politiquement correct.

L'une des facettes les plus préoccupantes de cette élection a été l'absence d'une véritable discussion politique sur des questions fondamentales telles que le rôle de l’État, les inégalités économiques ou l’avenir des institutions démocratiques. Les candidats n’ont pas mené une campagne basée sur des idéaux politiques solides, mais ont plutôt incarné le produit des calculs stratégiques de leurs partis respectifs. La politique de Trump, bien que teintée de populisme et de simplisme, a répondu à une demande de changement radical et de rupture avec le système en place.

Ce que cette élection montre avant tout, c’est qu'une partie de l'électorat américain se sentait exclue du processus politique traditionnel, déconnectée de la classe politique établie. Loin d’être une simple révolte de groupes racistes ou xénophobes, le vote pour Trump représente avant tout un rejet d’un système perçu comme défaillant, qui ne répond plus aux besoins réels de nombreux Américains. Les fractures internes au sein des mouvements populistes et des partis traditionnels se sont donc intensifiées, mais c’est la manière dont ces dynamiques ont été exploitées par des figures comme Trump qui doit nous interpeller.

Pourquoi Donald Trump est-il si distant avec les émotions et les relations familiales ?

Lors des funérailles de son père Fred Trump, Donald Trump a su saisir l’occasion pour se mettre en avant, laissant peu de place à l’hommage à son père. Dans son éloge funèbre, ses mots étaient presque exclusivement à la première personne : « je », « moi », « mien » ; une introspection sans égard pour le décès d’un père qui pourtant avait marqué sa vie. Trump a d’ailleurs affirmé qu’il avait appris la mort de son père en lisant dans le New York Times les réactions positives à propos de son projet de construire la Trump World Tower. L'idée que son père aurait été fier de ses réalisations semblait occuper l’essentiel de ses pensées à ce moment-là. Le discours de Trump est devenu une occasion pour lui de s’exhiber, d’illustrer combien il était convaincu de sa propre réussite.

Un autre moment particulièrement révélateur de l’attitude de Trump face aux émotions et à l’affection se trouve dans ses propres déclarations, comme lorsqu'il a évoqué la mort de ses parents. Dans une interview de 2005 avec le biographe Tim O’Brien, il confia qu'il n'avait jamais pleuré à la mort de ses parents, un événement qu’il qualifia de « plus proche qu’il ait jamais été de verser des larmes ». Trump ne cache pas son aversion pour les démonstrations émotionnelles, qualifiant les pleurs de « faiblesse », surtout chez les hommes. Lorsqu’il parle de John Gotti, le célèbre gangster, il admire la façon dont ce dernier est resté impassible pendant ses années de procès. Cette incapacité à s’abandonner à la douleur ou à l’affection va de pair avec son image de leader inflexible, presque inhumain.

Les relations familiales de Trump ne sont pas moins complexes. Sa famille est souvent perçue comme une extension de son image publique, et non comme une source d’intimité ou de véritable connexion émotionnelle. Bien que ses enfants aient tous joué un rôle dans son entreprise, son affection semble concentrée sur sa fille Ivanka, qui occupe une place privilégiée dans sa vie. Leur relation dépasse les frontières habituelles entre père et fille, et leur dynamique s’avère parfois ambiguë. Lors d'une apparition sur le plateau de l’émission Wendy Williams en 2013, Trump a fait une remarque déconcertante en affirmant qu’il n’aurait « jamais pensé » que son « père et sa fille » aient en commun une conversation sur le sexe.

L'ambiguïté de leur relation s'étend à d'autres moments, comme en 2006, lorsqu’il a été invité sur le plateau de l’émission The View, où il a été questionné sur ce qu'il ferait si un jour sa fille apparaissait nue sur la couverture du magazine Playboy. Il a d'abord exprimé sa déception, puis a ajouté avec un sourire ambigu : « Non, pas vraiment ». Il a également fait une remarque qui a fait beaucoup de bruit en 2004, lorsque Howard Stern lui a demandé si sa fille Ivanka était « une belle pièce de charme ». Trump n'a montré aucune gêne et a autorisé la remarque, ce qui a suscité une réaction négative de la part du public.

Les déclarations de Trump sur sa fille Ivanka ne s'arrêtent pas là. En 2015, il a affirmé dans une interview que s’il n'était pas son père, il pourrait envisager de la « sortir » avec elle. Ce genre de commentaire, à la fois incongru et dérangeant, a jeté une lumière crue sur l'ambiguïté de sa relation avec sa fille, au point où cette dernière a été poussée à clarifier publiquement que de telles remarques étaient inappropriées, même si elle tentait de minimiser l'impact de ces paroles dans une interview en 2016. Elle a assuré qu’elle croyait fermement que son père respectait les femmes et qu'il s’agissait simplement d’une « plaisanterie mal placée ».

Cependant, ces interactions dévoilent une facette de Trump moins connue et plus dérangeante : une relation dysfonctionnelle avec ses proches, une incapacité à éprouver des émotions sincères, et une tendance à réduire les autres, même ses enfants, à des instruments au service de son image publique. En même temps, Trump déclare régulièrement que ses femmes et ses employés féminins sont traités avec le plus grand respect. Il se gargarise d'avoir embauché et promu de nombreuses femmes dans son entreprise, les qualifiant de « travailleurs acharnés », mais ses paroles et ses actions contredisent souvent ses déclarations.

L'élément essentiel à comprendre est que Trump incarne une figure profondément contradictoire. Ses gestes, ses paroles et ses actions oscillent entre une apparente générosité et une indifférence glaciale. Il façonne son monde en fonction de ses propres besoins et de ses ambitions, laissant de côté les vraies émotions humaines, comme l'amour, la tendresse et la douleur, qu’il semble incapable d’accepter ou d’exprimer pleinement.

Comment le fascisme a façonné la perception de la guerre et de la politique : l’image de Mussolini et la manipulation des masses

Le fascisme, tel qu’incarné par Benito Mussolini, ne se limitait pas à un simple projet politique ou économique, mais représentait également une tentative de redéfinir l’image du pouvoir à travers la culture et la communication. Mussolini, par son charisme et son contrôle sur l’information, a su manipuler les masses et façonner l’opinion publique en utilisant la propagande de manière sophistiquée, allant bien au-delà des simples discours de haine ou de mobilisation.

L’un des aspects fondamentaux du régime fasciste était son usage exclusif des moyens de communication pour renforcer son pouvoir. Le contrôle des journaux, de la radio, et même des premières formes de cinéma a permis à Mussolini de bâtir une image de dirigeant presque divine, tout en éliminant toute forme de dissidence. Par la création d’un mythe national autour de sa personne, Mussolini est parvenu à instaurer un culte de la personnalité qui le rendait indiscutable aux yeux de la population. Cette mythification était renforcée par l’apparence d’une certaine modernité, la mise en scène d’un leader dynamique et énergique, à la fois protecteur et réformateur. L’image du Duce, tant dans ses discours que dans les images qui circulaient dans les médias, cherchait à symboliser la puissance et la renaissance de l’Italie.

Cependant, cette politique d’image était également double : derrière le masque de la prospérité et de l’unité nationale, Mussolini masquait les réalités de la guerre, de la répression et des inégalités sociales. En 1943, alors que l’Italie s’effondrait militairement et économiquement, Mussolini était toujours perçu comme une figure forte par une grande partie de la population, même si la guerre civile entre fascistes et partisans marquait déjà l’imminence de la fin de son régime. Cette dissonance entre l’image construite et la réalité vécue par les Italiens pendant la guerre révèle l’efficacité du fascisme à manipuler l’opinion publique par l’image et le discours.

Le contrôle de l’image était également un outil pour légitimer des choix politiques radicalement contradictoires, notamment en matière de relations internationales. Mussolini n’hésitait pas à adopter des positions qui pouvaient paraître absurdes sur le plan géopolitique, en s’alliant successivement avec des régimes aussi opposés que l’Allemagne nazie et la monarchie britannique, cherchant avant tout à maintenir sa position de leader incontesté au sein de l’Italie et à défendre ses intérêts impérialistes en Afrique. Cette dynamique a été renforcée par une campagne médiatique qui présentait ces alliances comme des victoires idéologiques, en minimisant les contradictions internes et les échecs militaires.

Un autre aspect clé de l’ascension et de la consolidation du fascisme fut l’utilisation des femmes dans la construction de ce discours. Les femmes étaient présentées non seulement comme des mères nourricières de la nation, mais aussi comme un soutien symbolique à la force virile du Duce. L’image de la femme fasciste, modérée et dévouée, était au cœur d’une propagande visant à restaurer les valeurs patriarcales, tout en alimentant l’illusion d’une société unifiée et sans tensions internes. Pourtant, cette représentation idéalisée cachait l’extrême répression exercée sur les femmes qui s’opposaient à la politique du régime, notamment les féministes et les militantes de gauche, qui furent réduites au silence ou persécutées.

À travers cette utilisation orchestrée des symboles et des narratifs, Mussolini cherchait à bâtir une architecture mentale qui garantissait non seulement la fidélité de ses partisans mais aussi l’adhésion tacite des secteurs plus modérés de la société italienne. La guerre civile de 1943-1945, qui vit la montée en puissance des partisans et l’effondrement progressif du fascisme, montre bien la fragilité de ce système fondé sur l’image et la manipulation. Ce n’est pas par une véritable répression de la contestation mais par l’effritement de cette image que le régime fasciste finit par se disloquer.

En outre, le régime fasciste a profondément influencé la façon dont les médias et la culture populaire occidentale abordent la question du pouvoir et de l’autorité. L’image du dictateur et son lien avec la masse, l’utilisation du mythe et de l’iconographie, sont devenus des outils qui, bien que parfois critiqués ou dénaturés, continuent à être utilisés pour manipuler l’opinion publique dans des contextes politiques très différents.

L’une des leçons que l’on peut tirer de l’étude de cette époque est qu’il est essentiel de comprendre le pouvoir des images et des narratifs dans la construction des régimes politiques. Les régimes autoritaires et totalitaires, en particulier, exploitent cette dynamique pour maintenir un contrôle mental et social, bien souvent en masquant les réalités les plus dures. Les régimes démocratiques, tout en étant basés sur d’autres principes, ne sont pas exempts de ces stratégies, surtout dans un contexte où les médias de masse et les plateformes numériques deviennent des instruments clés pour influencer l’opinion publique.

Il est aussi crucial de ne pas sous-estimer le rôle des individus dans la création et l’entretien de ces images. Mussolini, par son charisme et sa capacité à incarner la figure du sauveur, a mené une entreprise de redéfinition du pouvoir qui reste un exemple marquant de manipulation de masse. Pour comprendre pleinement les dynamiques de ce type de pouvoir, il est nécessaire de prendre en compte non seulement la politique, mais aussi la culture visuelle, le rôle des médias, et la façon dont ces éléments interagissent pour façonner les mentalités.