L’essai de 7 500 mots, qui figure dans de nombreuses revues académiques, dépasse largement la capacité d’attention de la plupart des lecteurs, si ce n’est leur capacité physique à suivre un texte. Il épuise le lecteur. Cependant, tant que les revues académiques ne respecteront pas les formats plus courts — en les sollicitant — les écrivains continueront de produire des textes excessivement longs. En tant qu’écrivains, nous devrions penser à la manière d’Abraham Lincoln et non à celle du professeur qui, aujourd’hui, lui assignerait un devoir de vingt pages. Le discours de Lincoln à Gettysburg comptait 272 mots. Edward Everett, l’orateur qui prit la parole avant lui, prononça un discours de 13 524 mots. (Référence : une page dactylographiée, double interligne, contient environ 250 mots.) Everett déclara après coup à Lincoln : « J’aimerais pouvoir me flatter d’être parvenu aussi près de l’idée centrale de l’occasion, en deux heures, que vous ne l’avez fait en deux minutes. »

Une astuce pratique : au lieu de vous demander ce que vous pourriez gagner en ajoutant un élément, demandez-vous ce que vous pourriez perdre en ne l’incluant pas. Souvent, la réponse est : pas grand-chose. Rédigez avec une certaine prolixité si c’est ainsi que vous travaillez — vous pourriez avoir besoin d’écrire beaucoup pour commencer. Puis, éliminez l’excédent de votre prose. Ne recourez pas aux citations longues si vous pouvez l’éviter.

Ceux parmi les initiés se demandent peut-être si j’ai perdu l’esprit. Surtout pour un étudiant universitaire, déconseiller les citations longues semble hérétique. Mais si je m’éloigne ici de la foi établie, c’est une église que je connais bien. Je me souviens de nombreuses nuits passées à rédiger des dissertations où je déposais des citations longues pour faire gonfler mon travail et atteindre le nombre de pages requis. Sans ces « briques », je serais peut-être encore à la bibliothèque. Les écrivains recourent aux citations longues pour allonger le texte, mais ils le font aussi pour renforcer le fondement sous eux. En citant, l’autorité se déplace : « Voilà, ils l’ont dit », dit l’écrivain. « Parce que je suis d’accord, je dois avoir raison. »

Je ne méprise pas le besoin d’autorité ici — les étudiants ne sont pas des experts, alors ils ont besoin de s’appuyer sur les épaules des écrivains publiés qui le sont. Mais il existe des moyens plus concis de faire appel à des experts à vos côtés. Plus tôt dans ce chapitre, j’ai décrit l’écriture comme un voyage à deux. Les citations longues sont des ralentisseurs sur ce voyage. Imaginez l’œil du lecteur qui descend une page. Peut-être lisez-vous de manière attentive, ou peut-être scannez-vous à une vitesse intermédiaire. L’œil descend et bute contre une citation longue. Là, l’œil s’arrête, le rythme change, et vous vous préparez à lire à un autre rythme. C’est perturbant. C’est pour cette seule raison qu’il faut être parcimonieux avec les citations longues.

Il faut recourir à une citation longue uniquement lorsque l’une de ces deux conditions s’applique :

  1. La citation est si brillante ou éloquente qu’il est impossible de la dire mieux.

  2. Vous avez l’intention d'analyser en profondeur la citation pour l’expliciter ou montrer comment elle fonctionne (en d’autres termes, vous prévoyez d’utiliser la citation comme source primaire).

Ne recourez pas aux citations longues — ou à aucune autre forme de citation — pour simplement transmettre des faits. Les faits sont des biens communs et n’appartiennent à personne. Exposez-les vous-même, dans votre propre voix. Réservez les citations pour l’opinion de quelqu’un d’autre, ou pour la phrase d’un autre qui mérite d’être soulignée. La règle générale : ne cédez pas le microphone sans une raison valable.

Il en va de même pour toutes les citations en général. Évitez-les autant que possible. Vous vous demandez peut-être : « Mais il dit que je ne devrais même pas citer ? » Oui, principalement, évitez les citations, sauf si cela est absolument nécessaire. Je m’oppose ici à la pratique conventionnelle, mais parfois, il faut considérer l’éducation comme un échafaudage qui doit être retiré une fois que le bâtiment peut tenir tout seul. On nous enseigne à citer parce que c’est le moyen le plus direct d’établir l’autorité : en pointant vers un auteur sage et publié qui l’a dit en premier. Mais un peu d’autorité suffit largement. Un autre sage propose la « règle des bagages » : si vous devez citer d’autres chercheurs (pas comme sources primaires que vous comptez analyser, mais parce qu’ils apportent des idées qui soutiennent les vôtres), assurez-vous que ce sont eux qui portent vos bagages et non l’inverse. Un autre conseil est de penser à chaque citation comme à un petit investissement, et demandez-vous combien vous souhaitez dépenser de vos ressources sur les citations dans le texte que vous écrivez. Une version plus pragmatique du même message : assurez-vous que votre voix est celle qui domine dans votre propre écriture. (À moins que la source que vous utilisez ne soit d’une éloquence remarquable, auquel cas vous pouvez être un « grand dépensier ».)

Dans cet exemple, les mots du poète Wordsworth éclipsent les efforts de l’écrivain pour les expliquer. Le locuteur reste seul tout au long du poème, mais à la fin, cet état a été transformé en quelque chose de positif. D’abord, il écrit : « Je me suis égaré solitaire comme un nuage / Qui flotte haut au-dessus des vallées et des collines, / Quand tout à coup je vis une foule » (vers 1–3). Dans la dernière strophe, cependant, il décrit comment il ressent la « joie de la solitude », suggérant l’extase et la paix contemplative plutôt que la simple solitude (vers 22). Voici une version révisée : Le locuteur reste seul tout au long du poème, mais à la fin, cet état a été transformé en quelque chose de positif. Tandis qu’il se décrit d’abord comme errant « solitaire comme un nuage », dans la dernière strophe, il parle de ressentir la « joie de la solitude », ce qui suggère l’extase et la paix plutôt que la simple solitude (v. 1, 22). Dans la version révisée, l’écrivain ne cite que les parties du poème qui soutiennent directement l’argument. Non seulement les mots de Wordsworth sont réduits, mais aussi ceux de l’écrivain. Le résultat est un exposé plus concis, avec la voix de l’écrivain qui domine.

Un dernier conseil : ne craignez pas d’utiliser le verbe « dire ». Comment rendre les idées d’un autre chercheur ? Au fil de mes années de lecture de textes académiques, j’ai vu des écrivains décrire les idées de leurs sources comme étant « affirmées », « postulées », « proclamées », « citées », et (très souvent) « notées ». Mais ils n’utilisent presque jamais le simple « dire ». Je ne sais pas d’où vient cette résistance au verbe « dire », bien que je soupçonne que les auteurs académiques le rejettent parce que, 1) il semble trop simple et, 2) ils craignent que sa répétition n’entraîne de la monotonie. Ironiquement, l’effort pour éviter de dire que quelqu’un « a dit » attire l’attention sur les mots qui le remplacent. Si vous utilisez simplement « dire », le lecteur glissera sur votre texte, et la répétition passera inaperçue. Si vous ne me croyez pas, lisez presque n’importe quel ouvrage de fiction où il y a des dialogues.

Lorsque vous citez, gardez à l’esprit ces conseils : au lieu de citer de longs extraits, alternez petites citations et paraphrases. Cette pratique vous garde (et non vos sources) au centre de l’attention et assure une cohérence de ton et de voix qui est plus facile à suivre pour le lecteur.

Pourquoi le respect des conventions académiques est-il essentiel dans l'écriture ?

L’écriture académique repose sur une relation subtile entre l’auteur et son lecteur, une relation qui se construit sur la compréhension, la clarté et le respect des attentes mutuelles. La manière dont vous vous adressez à votre lecteur, tout comme la structure et le style que vous adoptez, ne doivent pas être perçus comme une simple formalité, mais plutôt comme des instruments pour garantir l'efficacité de la communication. Ce n’est pas qu’une question de respecter les règles pour leur propre bien, mais bien de garantir que l’interaction entre le texte et le lecteur soit fluide, efficace et respectueuse.

Dès lors, l’importance de suivre certaines conventions dans des contextes académiques, comme celui d'un curriculum vitae ou d’un résumé, devient évidente. Les lecteurs d’un CV ont des attentes précises. Ils cherchent rapidement à repérer vos qualifications académiques. Si vous décidez de contourner ces attentes et d’enterrer vos diplômes ou publications sous des détails secondaires, vous risquez non seulement de les perdre, mais également de compliquer leur tâche. C’est la raison pour laquelle, dans des contextes formels comme celui-ci, il est crucial de respecter la présentation et l’ordre attendus. En outre, pour les scientifiques, la présentation chronologique des publications, ou le respect d’un format bibliographique spécifique, est un standard qui, lorsqu’il est ignoré, détourne l’attention de l’essentiel : évaluer vos qualifications.

Toutefois, il n’est pas toujours nécessaire de suivre aveuglément les règles. L’idée centrale est de comprendre quand il est judicieux de briser les conventions, et pourquoi. Cela ne doit se faire qu’à condition de montrer au lecteur que vous savez ce que vous faites. Un essai académique peut très bien se permettre un ton plus décontracté, un usage audacieux de la deuxième personne, ou encore l’intégration de sources peu académiques, comme Wikipedia, si cela sert à renforcer la clarté et la compréhension du message. Mais ces démarches doivent être entreprises avec précaution et seulement lorsqu’elles permettent d’éclaircir un point complexe ou de surprendre le lecteur de manière bénéfique.

C’est dans cette optique que l’écriture académique doit être vue comme une relation, une connexion. Lorsque vous écrivez, vous engagez une forme de dialogue, de rencontre entre votre esprit et celui du lecteur. Vous partagez une idée, mais vous devez aussi faire en sorte que votre lecteur puisse saisir ce que vous lui transmettez sans difficulté. Vous êtes responsable de l’accessibilité de votre message. Un bon écrivain académique ne cherche pas à impressionner par sa complexité, mais à établir une communication efficace. Il prend soin de son lecteur. En conséquence, un texte trop complexe, dépourvu d’éléments explicatifs de base, peut entraîner une incompréhension ou une frustration.

En outre, la tentation de se prouver soi-même en tant qu’expert et d’éviter de donner trop de détails pourrait nuire à la relation que vous souhaitez établir avec votre lecteur. Il est essentiel de ne pas sous-estimer l’importance d’une présentation détaillée de votre sujet. Même les experts apprécient souvent les rappels de base qui les aident à mieux comprendre où vous vous situez par rapport à eux. Ignorer ces bases, par crainte de paraître condescendant ou répétitif, peut au contraire donner l’impression que vous ne comprenez pas assez bien votre sujet pour le rendre accessible à un public plus large.

Le cas de l'écriture académique illustre une vérité fondamentale : l'efficacité de la communication passe par une compréhension mutuelle. Un texte académique, comme une conversation, repose sur des échanges. Il ne s’agit pas simplement de livrer un argument ou une donnée, mais de s’assurer que ces éléments peuvent être compris et interprétés de manière juste par ceux qui les lisent. Lorsqu'un auteur oublie de prendre soin de son lecteur, il court le risque de perdre cette connexion essentielle et d’obstruer la clarté de son message. Cette relation doit être nourrie par une certaine générosité, une volonté de rendre l’inaccessible plus compréhensible.

Par ailleurs, l'importance d’une rédaction claire et structurée ne peut être surestimée. Les règles de présentation, qu’il s’agisse de l’ordre des idées, de la hiérarchisation de l'information ou de la manière d’aborder les concepts complexes, sont primordiales pour assurer l’adhésion du lecteur. Mais au-delà des règles formelles, il y a la notion d’engagement sincère avec votre public. Les conventions sont des outils, non des chaînes. Elles existent pour faciliter la compréhension, non pour contraindre à la conformité. Mais cela ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas être adaptées en fonction du contexte, du message ou du public visé.

Le lecteur doit toujours se sentir respecté dans son intelligence et sa capacité de compréhension. Ignorer cela en omettant des explications importantes ou en négligeant les conventions peut amener à une perte de crédibilité. À l’inverse, prendre le temps de structurer correctement ses arguments, d’inclure des détails pédagogiques pertinents, de respecter les attentes du lecteur, peut faire toute la différence. Vous êtes en train d’offrir à votre lecteur un espace pour s’engager, un espace où il peut apprendre et où vos idées peuvent se déployer de manière optimale.