Le stockage d'énergie par air comprimé (CAES) se distingue comme l'une des seules technologies de stockage d'énergie à grande échelle et de longue durée, prouvée et opérationnelle, en dehors du stockage par pompage hydraulique (PHES). Bien que le CAES puisse sembler relativement simple à première vue, sa conception repose sur des principes thermodynamiques avancés et un ensemble de technologies interconnectées, permettant de pallier les inconvénients du stockage de l'énergie et de son intégration avec des réseaux électriques souvent perturbés par des sources d'énergie intermittentes comme le vent ou le solaire.

Le principe fondamental du CAES repose sur la compression de l'air pendant les périodes de faible demande énergétique. Lors de ces périodes creuses, lorsqu'il est possible d'acheter de l'électricité à prix négatif, l'énergie excédentaire des unités de production de base (par exemple, les centrales nucléaires ou au charbon) ou d'énergies renouvelables (principalement éoliennes) est utilisée pour comprimer l'air dans des réservoirs souterrains. Cette compression génère une augmentation de la pression de l'air, lequel est ensuite stocké sous forme d'énergie potentielle dans des cavernes souterraines. Une fois la demande d'énergie élevée, l'air comprimé est libéré, et son expansion permet de faire tourner un générateur pour produire de l'électricité, une opération inversée qui transforme à nouveau l'air comprimé en énergie utilisable.

Un aspect clé du fonctionnement du CAES est l’optimisation de l’utilisation de l’énergie en fonction de la demande. Le stockage d'énergie devient un mécanisme de "déplacement temporel", permettant de transférer l'excédent énergétique produit durant les périodes où la demande est faible, vers celles où la demande est élevée. Ce processus, illustré par les profils horaires de charge et de pression des cavernes d'un site comme Huntorf, en Allemagne, montre comment cette technologie peut fournir un soutien crucial à un réseau électrique. Par exemple, en 1983, à Huntorf, une défaillance d'unité de production nucléaire a été rapidement compensée par le démarrage rapide du CAES, en seulement six minutes, démontrant l'efficacité de la technologie pour répondre à une demande instantanée imprévue.

Il est intéressant de noter que le CAES ne se limite pas à la simple gestion de la demande de pointe. Il permet également d’offrir une stabilisation dynamique des réseaux en fournissant des services auxiliaires comme le démarrage à froid (black start), essentiel pour redémarrer un réseau après une panne généralisée. Le CAES peut également jouer un rôle dans la compensation de la puissance réactive, ce qui est indispensable pour maintenir la stabilité des tensions et la synchronisation des machines tournantes avec le réseau.

La configuration d'une centrale CAES typique comprend plusieurs composants fondamentaux : un compresseur pour l’air, un générateur-moteur pour la compression et la production d'énergie, un train d'expansion pour la libération de l'air comprimé et, enfin, l'unité de stockage souterraine. Une partie de l’optimisation de l'efficacité réside dans l'utilisation d'équipements comme les intercoolers et les récupérateurs thermiques qui maximisent l'efficacité du processus d’expansion en préchauffant l’air comprimé à l'aide des gaz d'échappement chauds issus de l'expansion.

Un des grands avantages du stockage d'air comprimé réside dans sa capacité à réduire les besoins en énergie fossile. En effet, l’air comprimé peut être libéré pour être brûlé dans des turbines alimentées en gaz naturel ou en distillat, mais avec une consommation de combustible bien inférieure à celle des turbines classiques utilisées pour la production d’électricité de pointe. Cela permet de réduire l’empreinte carbone des centrales à base d’énergie fossile tout en maintenant la flexibilité de l’approvisionnement énergétique.

Enfin, le CAES est également conçu pour intégrer efficacement les énergies renouvelables, en particulier l'éolien, dont la production peut fluctuer fortement. En agissant comme un tampon, il permet de lisser ces fluctuations et d'éviter une surcharge des réseaux électriques, favorisant ainsi la transition énergétique vers un mix plus durable.

Il est également essentiel de prendre en compte que, bien que le CAES présente des avantages évidents, son efficacité et son coût dépendent de plusieurs facteurs, notamment la géologie des sites de stockage, le développement des technologies d’expansion et la capacité à intégrer cette technologie avec les systèmes de production existants. De plus, des défis subsistent concernant les coûts initiaux élevés pour la mise en place de l'infrastructure de stockage, mais les avantages à long terme pour la gestion des réseaux intelligents et pour la transition énergétique peuvent compenser ces investissements.

Le stockage d'énergie par air comprimé offre une solution technique et économique efficace pour soutenir l'intégration des énergies renouvelables tout en garantissant la stabilité des réseaux électriques. L'optimisation de son utilisation, combinée à la réduction des émissions de CO2 et à une meilleure gestion des périodes de forte demande, est essentielle pour créer un système énergétique plus durable et résilient.

Optimisation des turbines à gaz dans les centrales CAES : Un système d'expansion en série pour une efficacité maximale

Les centrales de stockage d'énergie par air comprimé (CAES) ont récemment fait l'objet d'une attention particulière pour leur capacité à fournir des solutions d'énergie renouvelable en assurant une gestion efficace des pics de demande. Dans ce contexte, l'intégration de turbines à gaz avec des systèmes d'expansion en série et une combustion à deux étapes s'est imposée comme une solution optimale. Cette configuration vise à maximiser l'efficacité tout en réduisant les exigences de refroidissement des composants de haute pression (HP) et en augmentant la fiabilité des équipements.

Le système d'expansion en série permet d'optimiser la conversion de l'énergie thermique en énergie mécanique. Dans une configuration typique, le compresseur haute pression (HP) et l'expandeur basse pression (LP) sont connectés de manière à ce que l'air comprimé provenant de la centrale de stockage passe successivement à travers les deux turbines. L'expandeur HP, conçu à partir de la technologie des turbines à vapeur, fonctionne avec un rapport de pression de 4:1 et une température d'entrée d'environ 535°C. Cette configuration élimine la nécessité de refroidir le chemin des gaz chauds du compresseur HP, une caractéristique importante pour maintenir l'efficacité du système.

Dans le cadre de la centrale CAES de Huntorf, l'expandeur LP a été développé à partir de la section turbine du modèle Type 13 de BBC, avec une température d'entrée de gaz de 815°C. Le rotor de l'expandeur LP est fabriqué à partir de disques ferritiques soudés, une technologie reconnue de BBC, désormais reprise par Alstom et Siemens. Ce rotor est refroidi grâce à un système de protection thermique composé de boucliers montés sur le rotor et refroidis par un flux d'air.

Une des particularités de ce type de configuration est le rôle crucial du piston d'équilibrage. Celui-ci sert à compenser la poussée axiale de la turbine, essentielle dans un système où la turbine fonctionne indépendamment du compresseur. La gestion des charges axiales pendant les transitoires est assurée par des roulements de poussée et des roulements radiaux, situés à l'extrémité HP de la machine dans un même boîtier de roulements. Ce design permet une réduction des pertes dues au frottement des roulements et simplifie l'alignement des arbres, tout en garantissant une surveillance optimale du comportement rotodynamique et une protection contre les survitesses.

Dans la centrale McIntosh, la turbine à gaz présente de nombreuses similitudes avec celle de Huntorf, avec un expandeur HP basé sur une turbine à vapeur, mais avec une température d'entrée plus élevée, atteignant 870°C. Cependant, le système de refroidissement du trajet des gaz chauds de la turbine LP de cette unité n'a pas été entièrement détaillé dans la documentation publique, bien que l'on puisse supposer qu'il suit une approche similaire à celle de la centrale de Huntorf, avec un refroidissement par air dirigé vers des boucliers thermiques.

Les défis liés à la conception des combusteurs dans les centrales CAES ne sont pas à sous-estimer. L'un des principaux obstacles rencontrés lors de la mise en place des turbines à gaz dans ces installations était la capacité à maintenir une combustion stable dans un flux d'air partiellement appauvri en oxygène, un problème qui se pose dans les centrales CAES où l'air comprimé ne dispose pas toujours d'un apport constant en oxygène. L'expérience de Brown Boveri (BBC) dans la conception de turbines à gaz avec combustion par réchauffage a joué un rôle essentiel pour surmonter ces défis. Cette expertise, acquise dès les années 1940 et 1950, a permis de concevoir des combusteurs capables de fonctionner dans des conditions de faible teneur en oxygène, un facteur clé pour assurer la stabilité de la combustion dans les conditions fluctuantes des centrales CAES.

Il est également important de noter que la conception et la mise en place de ces turbines à gaz ont nécessité une série de tests de laboratoire et de modifications sur le terrain, s'étendant sur presque une décennie après la mise en service initiale. Ces tests ont permis de surmonter des problèmes pratiques tels que la distribution des températures d'entrée dans la turbine HP, qui a été étudiée à l'aide de modèles de chambres de combustion. Les améliorations continues ont ainsi permis d'aboutir à une technologie de combustor plus fiable et mature, même si les tests à grande échelle restent coûteux et longs à mettre en œuvre.

Le système de turbine à gaz dans les centrales CAES modernes, comme celles de Huntorf et McIntosh, repose sur une architecture compacte où une machine synchrone à courant alternatif (CA) est située au centre, entre les deux turbines. Cela offre plusieurs avantages, dont une réduction de l'espace requis pour l'installation des équipements, une conception modulaire et un coût réduit en infrastructures électriques (transformateurs, relais de protection, etc.). De plus, un combustor de secours est intégré dans la conception de McIntosh pour minimiser l'usure thermique des composants à faible cycle, en particulier lors des périodes d'inactivité. Ce combustor de secours est automatiquement activé si la température de la carcasse de l'expandeur HP chute en dessous de 260°C, garantissant ainsi une protection contre les effets destructeurs de la chaleur.

Les performances de démarrage des centrales CAES sont également un facteur essentiel à prendre en compte. Le démarrage normal des turbines jusqu'à leur pleine charge prend environ 10 minutes, tandis qu'un démarrage d'urgence peut être réalisé en seulement 5 minutes. Cette rapidité est rendue possible grâce à un moteur de démarrage qui permet d'atteindre la vitesse synchrone avant d'allumer le combustor LP et de charger progressivement la turbine.

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