La présidence de Donald Trump, en dépit des grandes promesses de changement et des attentes qu'elle a suscitées, s'est révélée marquée par une production politique modeste et, dans bien des aspects, ordinaire. Mais qu'est-ce que cela signifie précisément que de qualifier cette présidence d'ordinaire dans ses résultats politiques ? L'ordinaire, dans ce contexte, se comprend de deux manières distinctes mais liées.
Premièrement, la présidence de Trump est ordinaire dans la mesure où ses résultats sont limités tant par leur nombre que par leur portée. En dépit de la promesse d'un changement rapide et profond, Trump a peiné à mettre en œuvre son programme, même lorsque son parti contrôlait les deux branches du pouvoir législatif et exécutif au début de sa présidence. La lutte pour obtenir des résultats tangibles a été caractérisée par des revers et une incapacité à faire avancer de manière substantielle des réformes. Les ordonnances exécutives, qui étaient censées être un levier puissant pour contourner l'inaction législative, ont souvent été bloquées par les cours fédérales. Les réalisations de Trump en matière de politique ont été relativement maigres, surtout si on les compare à ses déclarations d'intention grandioses, voire à des présidences passées qui, elles, ont apporté des changements profonds dans l’histoire des États-Unis.
Il est important de noter qu’une présidence exceptionnelle est définie par ses réalisations hors du commun. Des présidents comme Washington, Jefferson, Lincoln ou Roosevelt, ont marqué l’histoire de manière significative, et leurs succès sont des exceptions, des "outliers", dans le cursus historique. La présidence de Trump, en revanche, se situe dans la norme, dans ce qu'on pourrait qualifier d'ordinaire. Dans l’après-Watergate, les présidents font face à des contraintes plus importantes, et leur capacité à agir devient limitée par des facteurs internes et externes.
Deuxièmement, Trump s’inscrit dans une ligne politique républicaine mainstream plus que dans un mouvement populiste radical comme il l’avait promis durant sa campagne. Bien que sa rhétorique populiste ait été bruyante, la plupart de ses réalisations politiques ont suivi des trajectoires familières à son parti. En matière fiscale, par exemple, la réduction d’impôts de 2017 a été l'une de ses principales réussites, mais elle est loin d’être historique comme il l’a clamé. Elle n’est pas la plus grande coupe d’impôts de l’histoire des États-Unis, et ses effets ont principalement profité aux plus grandes entreprises et aux familles les plus riches, à l’instar de Trump lui-même. Ainsi, la politique fiscale mise en place a été largement en accord avec les attentes des grandes entreprises et des intérêts financiers qui soutiennent le Parti républicain, plutôt qu'avec les travailleurs américains précaires qu’il avait promis de défendre.
D'un autre côté, lorsqu’il a tenté de rompre avec l’orthodoxie républicaine sur des questions telles que l’immigration, Trump a échoué à faire avancer une législation significative. Bien que l’opposition à l’immigration, et plus particulièrement à l’immigration illégale, ait gagné en intensité au sein de son propre parti, la majorité des républicains restent favorables à des politiques favorisant un marché du travail flexible et bon marché, soutenu par des niveaux d’immigration généreux. C’est là que la présidence de Trump a heurté les limites de sa propre base politique.
En politique étrangère, malgré des déclarations incendiaires et des gestes de défi envers les alliés traditionnels des États-Unis, Trump n’a pas fondamentalement rompu avec les orientations de la politique étrangère républicaine. Son approche, bien que marquée par un style provocateur, a globalement suivi la stratégie "de la paix par la force", défendue par ses prédécesseurs républicains. Ainsi, en dépit de ses tentatives de redéfinir les relations internationales par des moyens unilatéraux, la politique étrangère de Trump reste ordinaire par rapport aux standards des présidences post-Seconde Guerre mondiale. Les succès en affaires étrangères sont restés modestes, comme ceux de nombreux présidents qui, après la guerre, ont peiné à obtenir des victoires significatives à l’échelle internationale.
Enfin, même l’élection de Trump à la présidence, bien que marquée par des événements spectaculaires et un mode de campagne radicalement différent de ses prédécesseurs, n’a pas été une rupture aussi exceptionnelle que certains voudraient le penser. En effet, la nature du vote populaire, en termes de chiffres bruts, reste comparable à celle d’autres élections présidentielles. Ce qui a rendu sa victoire unique, ce sont davantage les conditions de sa campagne et ses méthodes non conventionnelles.
Dans cette analyse, il est crucial de comprendre que, si Trump a effectivement incarné une rupture politique par son style et ses discours, ses résultats, tant en matière de politique intérieure qu’étrangère, se situent dans une dynamique plus traditionnelle. Les attentes démesurées qu’il avait suscitée, notamment celles concernant des changements radicaux et rapides, ont été confrontées à des limites institutionnelles et politiques qui sont caractéristiques de nombreuses présidences récentes. C’est cette tension entre promesses de rupture et réalisations concrètes limitées qui constitue la véritable nature de l’"ordinaire" dans sa présidence.
Pourquoi la présidence de Donald Trump reste ordinaire malgré son caractère exceptionnel ?
La présidence de Donald Trump a été marquée par des événements qui défient l'ordinaire, de ses déclarations controversées à ses comportements imprévisibles. Pourtant, l’élection de Trump à la présidence, en tant que candidat républicain, ne s’est pas distinguée de manière significative des précédentes élections. Les républicains ont voté pour lui comme candidat, tout comme les démocrates ont soutenu Hillary Clinton dans des proportions similaires à celles des élections présidentielles précédentes. Bien que Trump ait obtenu une part plus importante du vote de la classe ouvrière que Romney lors de l’élection de 2012, cette tendance n’est en rien nouvelle. Le transfert de citoyens moins éduqués vers le camp républicain est un phénomène ancien et Trump n'a pas attiré un nombre de ces électeurs supérieur à celui anticipé par la dynamique historique.
De plus, malgré l’importance donnée à des questions comme l’immigration ou la racialisation des débats, telles que ses propos sur les Mexicains et les musulmans, l’élection de Trump ne s'est pas accompagnée de modifications notables des choix de vote selon les critères raciaux ou ethniques, par rapport aux élections précédentes. En ce sens, la présidence de Trump, loin d’être radicalement nouvelle, relève davantage de la continuité des présidences républicaines antérieures. L’ampleur de ses réalisations présidentielles se révèle limitée, et même si son propre discours tend à exagérer sa grandeur, peu d’accomplissements substantiels sont à mettre à son actif. Ceux qu’il revendique peuvent être assimilés à des succès typiquement républicains.
Mais alors, comment expliquer que la présidence d’un homme aussi flamboyant soit finalement devenue ordinaire ? La réponse réside dans l’architecture même du système politique américain. Les Pères Fondateurs ont conçu un système destiné à limiter le pouvoir des présidents potentiellement dangereux. Selon la Constitution, le président doit partager ses pouvoirs avec d’autres branches du gouvernement, et comme le souligne Neustadt, "partager, c’est limiter". Cette structure contraint de manière systématique l’autonomie présidentielle, un aspect fondamental et ordinaire du gouvernement américain.
Il est vrai que certains présidents ont su profiter de crises pour mener des réformes majeures, comme George Washington, Abraham Lincoln ou Franklin D. Roosevelt, qui ont marqué leur époque. Cependant, la crise n’offre pas nécessairement une garantie de succès, elle n’augmente que les chances. Les présidents doivent savoir saisir les occasions et utiliser leurs compétences politiques pour atteindre leurs objectifs. Ces compétences sont principalement liées à la capacité du président à négocier et persuader ses collègues, qu’il s’agisse de législateurs ou d’autres détenteurs de pouvoirs. Cependant, ce n’est pas une capacité innée chez tous les présidents. Barack Obama, par exemple, a été accusé de ne pas avoir saisi l'opportunité de réformer en profondeur le système financier américain après la crise de 2008, préférant sauver le système plutôt que de le transformer radicalement.
Contrairement à Obama, Trump n’a pas eu la chance de se retrouver face à une crise de la même envergure. Et sans une telle crise, ses possibilités d'agir sont grandement restreintes. De plus, Trump gouverne dans une période profondément polarisée, où les partis d’opposition sont réticents à soutenir des initiatives présidentielles. La construction de coalitions bipartites est devenue de plus en plus rare, et les intérêts spéciaux, soutenus par des financements massifs, exercent une influence considérable, rendant la politique encore plus difficile à naviguer.
La présidence de Trump se heurte à des obstacles structurels liés à la Constitution et au contexte politique dans lequel il gouverne. Mais ces contraintes ne suffisent pas à expliquer son ordinariness. Il faut aussi prendre en compte l'homme lui-même. Trump n’est tout simplement pas un président particulièrement compétent. Ses choix de personnel, par exemple, ont souvent été guidés par la loyauté personnelle et l’apparence, bien plus que par l’expérience ou la compétence. Cette approche a mené à une situation de chaos permanent à la Maison Blanche, où des luttes internes ont sapé toute possibilité de cohésion et d’efficacité.
Sa méthode présidentielle, qu’il qualifie de "magistrale", se révèle tout aussi défaillante. Trump a bâti une politique publique par le biais de son utilisation personnelle de Twitter et de ses stratégies de communication qui n’ont fait qu’aggraver la confusion. De plus, son approche de la négociation, qualifiée de "politique de l'otage", a souvent exacerbé les tensions sans conduire à des succès significatifs. En raison de cette méthode chaotique et de son manque de compétences interpersonnelles et politiques, Trump n’a pas réussi à imposer des réformes novatrices ou disruptives. Ses rares succès ont été, au fond, conformes à l’agenda républicain classique, sans réelles innovations.
La présidence de Trump, bien qu’elle ait été marquée par des événements hors du commun, demeure finalement ordinaire en raison des limites imposées par le système politique et par l’incapacité de Trump à surmonter ces obstacles. Son caractère, son manque de compétence et sa stratégie malhabile ont contribué à transformer ce qui aurait pu être une présidence extraordinaire en une présidence ordinaire, confinée aux limites de la politique traditionnelle américaine.
Pourquoi la gestion chaotique de Trump a-t-elle conduit à des décisions controversées ?
La gestion de la Maison Blanche sous l'administration Trump a été marquée par un style de gouvernance profondément personnalisé, qui a généré des conflits internes et une prise de décision chaotique. Dès le départ, Trump a nommé des individus à des postes clés, sans forcément tenir compte de leur adhésion à son agenda. Il a institutionnalisé une forme de lutte entre le républicanisme établi et ses propres idées, créant ainsi une dynamique de confrontation constante au sein même de son équipe dirigeante. Cette stratégie a permis à son agenda alternatif de se confronter directement à l'ordre établi, mais à un coût élevé en termes de gestion efficace et de cohésion au sein de la Maison Blanche.
Les désaccords internes sont devenus un élément récurrent de la couverture médiatique de son administration, et ce dès les premières années de son mandat. L'exemple le plus marquant est celui des conflits entre les « globalistes », des conseillers économiques comme Gary Cohn, et les « patriotes », tel que Peter Navarro, qui prônaient un protectionnisme économique plus ferme. Ces tensions n’étaient pas seulement des disputes politiques, mais des luttes pour définir la nature même de la présidence Trump. La bataille sur la politique commerciale en 2018 en est un parfait exemple, avec des membres de l’administration se livrant à des luttes internes pour influencer la direction du pays.
Sous une présidence traditionnelle, de telles confrontations auraient été atténuées par une structure de gestion claire, qui permettrait de trancher rapidement et d’éviter des débats publics inutiles. Cependant, dans le cas de Trump, ce processus de prise de décision formel n’a jamais été établi de manière robuste. Le président, en tant que figure centrale, agissait en dehors de toute structure décisionnelle rigide, préférant agir selon ses instincts et ses impulsions. Cette approche personnalisée a eu pour effet de créer une compétition féroce entre ses conseillers, qui se sont retrouvés à contourner les processus établis pour obtenir son attention. Chaque membre du personnel cherchait à convaincre Trump directement, en ignorant souvent les discussions préalables ou les réunions formelles.
Les résultats de ce mode de gestion sont apparus rapidement : Trump a souvent pris des décisions sans consultation préalable, comme l’illustre le décret sur l’interdiction de voyage des musulmans, qui a été rédigé et annoncé sans que de nombreux responsables au sein de l’administration ne soient informés des détails avant qu’il ne soit publié. Ce manque de coordination et de prévision a favorisé un environnement où les décisions étaient prises de manière fragmentée et sans consensus, perturbant ainsi le processus gouvernemental.
L’instabilité décisionnelle est encore exacerbée par le recours fréquent aux réseaux sociaux, notamment Twitter, comme principal outil de communication de Trump. Ce mode de communication direct avec le public contourne non seulement les canaux traditionnels de gestion de l’information, mais semait également la confusion au sein même de son équipe. Les collaborateurs de la Maison Blanche se retrouvaient souvent à attendre ses annonces en temps réel pour déterminer la direction politique à suivre. Cette instabilité a conduit à un climat de gestion où la planification était constamment perturbée par des changements soudains de position ou des rétractations publiques de décisions précédemment prises.
Lorsque John Kelly est arrivé en tant que chef de cabinet en 2017, il a tenté d’implémenter une structure plus formelle de gestion des politiques, cherchant à organiser des réunions de planification et à fournir des analyses détaillées des choix politiques. Mais même avec un processus plus structuré, Kelly n’a pas pu empêcher Trump de continuer à contourner les processus, soit en prenant des décisions spontanées, soit en utilisant les médias pour annoncer ses intentions. Cette instabilité a ainsi perpétué un environnement de chaos politique, où les décisions étaient prises à la volée, sans réflexion approfondie, ce qui a nui à la capacité de l’administration à mettre en œuvre une politique cohérente et efficace.
L'absence de clarté dans la hiérarchie des priorités a encore compliqué la gestion des affaires publiques. Les conseillers, manquant de directives précises de la part du président, cherchaient à interpréter ses intentions à travers des signes et des déclarations ambiguës. L’attitude changeante de Trump, prêt à revenir sur ses décisions ou à modifier ses positions sur des questions clés, a encouragé des débats internes sans fin et un manque de confiance dans la prise de décision centralisée. Une telle situation a conduit à des conséquences non seulement inefficaces, mais parfois contre-productives, avec des politiques mises en œuvre sans préparation adéquate ni consultation, ce qui a été particulièrement évident dans les discussions sur le commerce et la fiscalité.
Enfin, l'approche de Trump a eu des répercussions directes sur l'efficacité de son administration. Le manque de structure formelle a créé un climat d'incertitude et de division au sein de la Maison Blanche, avec des responsables cherchant constamment à contourner les processus établis pour obtenir une validation rapide du président. En refusant de se soumettre à un processus décisionnel cohérent, Trump a sapé ses propres efforts pour diriger efficacement le pays. Cette instabilité interne a non seulement nui à sa capacité à gouverner de manière systématique, mais a également affaibli son pouvoir de décision face aux défis nationaux et internationaux, le rendant vulnérable à des décisions impulsives, souvent mal informées.
La gestion de Trump à la Maison Blanche nous rappelle que l’absence de structure formelle et de processus décisionnels clairs peut conduire à une perte de contrôle, même pour un président disposant d'une forte légitimité politique. Une telle approche peut paraître audacieuse ou même rafraîchissante au début, mais à long terme, elle s’avère contre-productive, engendrant confusion, divisions internes et une prise de décision erratique. Dans ce contexte, une gestion plus structurée et réfléchie aurait permis à l’administration Trump de mieux naviguer les défis politiques, tant intérieurs qu'extérieurs, tout en assurant une plus grande stabilité pour l’ensemble du gouvernement.

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