Les cellules progénitrices oligodendrocytaires (OPC) et les oligodendrocytes matures assurent une myélinisation adéquate des axones, essentielle pour la conduction rapide des signaux électriques. Cependant, avec l'âge, ces cellules subissent des dommages à l'ADN et adoptent des marqueurs de sénescence, tels que l'expression de p21CIP1 et la positivité à la SA-β-galactosidase, ce qui nuit à leur potentiel prolifératif et de différenciation. Des changements épigénétiques, comme une augmentation de la marqueur H3K27me3 sur les promoteurs des gènes de la myélinisation, inhibent encore davantage la capacité de remyélinisation. Les oligodendrocytes matures affichent également un secrétome lié au stress, qui comprend des métalloprotéinases matricielles (MMP) et des cytokines inflammatoires, perturbant la composition de la matrice extracellulaire et les interactions entre axones et cellules gliales. Dans les modèles de démyélinisation, l'élimination des OPC sénescents via des composés sénolytiques permet de rajeunir le pool de progéniteurs et d'améliorer la remyélinisation, illustrant le lien direct entre la sénescence des oligodendrocytes et l'intégrité de la matière blanche.

Le processus de sénescence cellulaire dans le cerveau vieillissant ne se limite pas aux oligodendrocytes. Les autres types de cellules cérébrales, comme les neurones, les astrocytes et les microglies, peuvent également entrer en sénescence. Les neurones, par exemple, présentent des foyers γ-H2AX et des marques de sénescence comme p21CIP1 et p16INK4a, ce qui entraîne des déficits de plasticité synaptique et une sécrétion de facteurs associés au syndrome de sécrétion de vieillissement cellulaire (SASP). Les astrocytes, quant à eux, accumulent de la SA-β-gal et des marqueurs comme p16INK4a, montrant une altération du métabolisme et de la fonction neurotrophique, tout en contribuant au processus inflammatoire. Les microglies, qui accumulent de la lipofuscine et activent des voies comme NF-κB, subissent également des perturbations dans leur capacité à phagocyter les débris et à moduler l'inflammation.

L'identification des cellules sénescentes dans le cerveau est un défi majeur pour les chercheurs. Actuellement, il est nécessaire d'utiliser un ensemble de marqueurs complémentaires, à la fois moléculaires, enzymatiques, transcriptomiques et d'imagerie, pour détecter avec précision la sénescence dans les tissus neuronaux. Parmi les méthodes classiques, les marqueurs tels que p16INK4a et p21CIP1 sont largement utilisés. L'expression accrue de ces inhibiteurs du cycle cellulaire arrête les cellules en phase G₁ et peut être détectée par des anticorps spécifiques dans des sections de cerveau fixées ou des cellules dissociées. Dans les hippocampes de rongeurs âgés, l'immunohistochimie révèle une élévation marquée de p16INK4a dans les astrocytes et les microglies, tandis que p21CIP1 s'accumule même dans les neurones post-mitotiques. La coloration à la SA-β-gal, bien que développée initialement pour les fibroblastes, a été adaptée aux tranches cérébrales et aux cultures primaires de cellules gliales, bien que des ajustements minutieux du pH soient nécessaires pour éviter les faux positifs. Lorsqu'elle est correctement calibrée, cette méthode révèle des cellules gliales et parfois des neurones présentant une activité lysosomale élevée, caractéristiques des cellules sénescentes.

Cependant, ces méthodes classiques ont des limites. L'induction de p16INK4a et p21CIP1 par le stress ne signifie pas nécessairement une sénescence complète, et l'activité de la SA-β-gal peut parfois être confondue avec des troubles de l'autophagie ou du stockage lysosomal. Ainsi, ces marqueurs sont souvent complétés par d'autres approches, telles que l'accumulation de foyers de dommages à l'ADN ou la perte de la lamina nucléaire B1, pour renforcer le diagnostic de sénescence dans les cellules cérébrales.

Les progrès dans les technologies « omiques » ont enrichi cette boîte à outils. L'analyse transcriptomique et protéomique à haut débit permet d'identifier des signatures génétiques et protéiques caractéristiques des cellules sénescentes, par exemple, l'activation de CDKN2A (qui code pour p16INK4a) et l'élévation de cytokines inflammatoires telles que l'IL-6 et CCL2. Les données provenant des séquençages ARN de cellules individuelles permettent également de résoudre quelles populations cellulaires (astrocytes, microglies, neurones ou progéniteurs oligodendrocytaires) présentent ces changements transcriptomiques. De plus, le profilage protéomique des milieux conditionnés des cultures cellulaires cérébrales a permis l'identification de biomarqueurs sécrétés, tels que la lipocaline-2 (LCN2) des astrocytes et l'ostéopontine (SPP1) des microglies, qui peuvent être utilisés pour une détection moins invasive de la sénescence cérébrale.

L'imagerie in vivo reste l'une des techniques les plus prometteuses pour observer la sénescence dans le cerveau vivant. L'utilisation de modèles transgéniques exprimant un rapporteur fluorescent ou bioluminescent sous le contrôle du promoteur CDKN2A permet de suivre en temps réel l'activation de p16INK4a dans les tissus neuronaux. Par exemple, chez les souris transgéniques p16LUC âgées, une luminescence est observée dans l'hippocampe, corrélée à des déficits cognitifs et à des marqueurs histologiques de sénescence. Des sondes à petite molécule, telles que des fluorophores activables par la SA-β-gal, permettent également d'identifier les cellules gliales et les neurones sénescents par microscopie à deux photons. Ces innovations ouvrent la voie à des études longitudinales et à un suivi thérapeutique plus précis de la progression des maladies neurodégénératives liées à l'âge.

Enfin, les techniques d'imagerie par résonance magnétique (IRM) avancées, comme l'imagerie par tenseur de diffusion, permettent de détecter des changements microstructuraux dans les faisceaux de matière blanche, modifiés par les oligodendrocytes sénescents. Les séquences sensibles au fer peuvent également identifier l'accumulation de fer microglial, liée à l'oxydation et au stress. Ces techniques, encore en phase préclinique, ont le potentiel de fournir des évaluations non invasives de la sénescence cellulaire dans le cerveau vieillissant, facilitant ainsi le suivi de la progression des maladies neurodégénératives et l'évaluation des réponses thérapeutiques.

Comment la sénescence cellulaire influence-t-elle le vieillissement du cerveau et les maladies neurodégénératives ?

La sénescence cellulaire est désormais reconnue comme un facteur clé dans le vieillissement cérébral et les processus pathologiques associés aux maladies neurodégénératives. Ce phénomène, qui implique un arrêt durable du cycle cellulaire, accompagne un remodelage profond de la chromatine et la libération d'une sécrétion pro-inflammatoire complexe, agit sur les cellules neuronales et gliales. Ce processus ne se contente pas de bloquer la prolifération cellulaire ; il modifie également l'environnement intracellulaire et intercellulaire, contribuant ainsi à une dégradation progressive de l'intégrité synaptique, de la neurogenèse et de la santé vasculaire.

Ce cycle de sénescence cellulaire contribue activement à la dysfonction du cerveau. Les cellules sénescentes génèrent un milieu microenvironnemental délétère, où des molécules inflammatoires, des protéines mal repliées et une dégradation des barrières cellulaires créent un enchevêtrement de pathologies neurodégénératives. La sénescence dans le cerveau amplifie la cascade de dommages cellulaires et prolonge l'inflammation, la rupture de l'homéostasie cellulaire et la destruction des structures cérébrales essentielles, notamment les synapses. Ce processus d'auto-renforcement peut être vu comme une « spirale de dégénérescence » où chaque étape entraîne la suivante, aggravant les symptômes des maladies neurodégénératives.

Cependant, bien que la sénescence cellulaire ait des effets délétères, il est important de comprendre que la sénescence n'est pas uniquement une conséquence négative du vieillissement. Dans certaines situations, la sénescence peut avoir des effets bénéfiques. Par exemple, une sénescence aiguë et transitoire peut limiter la prolifération aberrante des cellules, favoriser le remodelage des tissus et initier la réparation tissulaire en recrutant des cellules immunitaires. La suppression systématique des cellules exprimant p16INK4a (un marqueur de la sénescence) pourrait perturber ces processus réparateurs et altérer des fonctions vitales comme la guérison des plaies ou la surveillance immunitaire.

Le défi consiste donc à distinguer les formes bénéfiques de sénescence des formes pathologiques et chroniques. Cette distinction nécessite de définir les « seuils de sénescence », des critères qui permettraient de différencier la sénescence adaptative et transitoire de la sénescence dégénérative et persistante. Pour ce faire, des études longitudinales combinant des approches comme la transcriptomique unicellulaire, l’imagerie en temps réel et des mesures fonctionnelles (par exemple, la plasticité synaptique ou l'intégrité de la barrière hémato-encéphalique) seront nécessaires pour mieux comprendre les effets à long terme de la sénescence dans le cerveau.

Les efforts cliniques actuels peinent à fournir des moyens robustes pour mesurer la charge de sénescence et évaluer la réponse thérapeutique chez les patients humains. Bien que des tests de liquide céphalo-rachidien pour les composants du SASP (syndrome associé à la sénescence cellulaire) et des traceurs PET ciblant la sénescence soient prometteurs, aucun d’entre eux n’a encore été validé dans de larges cohortes de patients. L’intégration de biomarqueurs fluides, de l’imagerie multimodale et de l’évaluation cognitive numérique pourrait aboutir à des indicateurs composites permettant de mesurer l’impact des traitements modifiant la sénescence.

L’optimisation de la délivrance des agents thérapeutiques, en particulier en ce qui concerne la barrière hémato-encéphalique, demeure un obstacle majeur. L'utilisation de systèmes de transport de type nanoparticules, la transcytose médiée par des récepteurs ou encore les ultrasons focalisés sont autant de pistes prometteuses pour ouvrir temporairement les jonctions serrées et délivrer des agents précisément dans les niches sénescentes du cerveau. Parallèlement, la mise au point de structures moléculaires ayant une lipophilicité améliorée et une moindre efflux par des transporteurs comme la P-glycoprotéine devrait faciliter la pénétration du système nerveux central.

Le domaine pourrait également bénéficier de l’avancée des technologies "omiques" spatiales, qui permettront de cartographier la sénescence à une résolution unicellulaire dans les différentes régions cérébrales. Ces techniques pourraient révéler les signaux microenvironnementaux qui régulent les phénotypes sécrétoires associés à la sénescence. Par ailleurs, les approches en biologie synthétique permettent de concevoir des agents sénolytiques « intelligents », capables de s’activer uniquement en présence de signatures sénescentes précises, améliorant ainsi la spécificité des traitements.

Une autre piste intéressante serait l’association de thérapies ciblant la sénescence avec des stratégies neuroprotectrices établies, telles que l’immunothérapie anti-amyloïde ou les agonistes du BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor). Cette approche combinée pourrait offrir des bénéfices synergiques, retardant ainsi la progression des maladies neurodégénératives sur plusieurs fronts.

Le développement de traitements efficaces nécessite une collaboration interdisciplinaire entre ingénieurs chimiques, neuroscientifiques, immunologistes et cliniciens. L’ambition est de créer un pipeline de recherche translationnelle rigoureux, capable de surmonter les défis actuels. En réussissant à détecter, moduler et éliminer de manière ciblée les cellules sénescentes délétères, le domaine pourrait offrir une nouvelle voie pour retarder le déclin cognitif et prévenir l'impact dévastateur des maladies neurodégénératives.