Les doctrines antitrust sont conçues pour garantir que les concurrents se livrent une lutte acharnée pour attirer l’attention des consommateurs, plutôt que de s’entendre sur une stratégie commerciale coordonnée que tous devraient suivre. Le risque qu’une telle réunion soit perçue comme une collusion ou un comportement oligopolistique peut dissuader les acteurs avisés d’y participer. Dans cette optique, un organisme de certification privé, extérieur à l’industrie de l’IA, pourrait mieux résister à un examen antitrust, même s’il pourrait manquer des informations de pointe nécessaires à mesure que l’industrie évolue. Cependant, tout organisme de certification privé n’a guère de pouvoir autre que celui d’une tribune d’influence. Son meilleur atout est d’encourager — voire de stigmatiser — les acteurs de l’industrie vers un meilleur comportement. Or, la honte et les applaudissements restent des leviers limités. Les consommateurs peuvent ignorer le message de l’organisme, séduits par un prix plus bas, un accès rapide ou d’autres attraits superficiels. De même, l’ensemble du secteur pourrait faire abstraction de cette certification, rendant le message inaudible. La leçon principale est qu’un organisme privé de certification ne dispose pas du pouvoir réglementaire pour contraindre ou restreindre les participants. Pour cela, seule l’intervention gouvernementale peut suffire.
Le secteur public n’est pas une inconnue en matière de certification. Une initiative publique pour l’IA pourrait s’inspirer d’exemples tels que les certifications USDA du Département de l’Agriculture ou du régime strict de la FDA, où les médicaments soumis à la prescription doivent obtenir l’approbation de l’agence. Ce corps de certification pourrait être établi au niveau fédéral ou par des États individuels. Cependant, une initiative fédérale éviterait la cacophonie d’approches législatives étatiques divergentes, qui risqueraient de freiner le développement de l’intelligence artificielle et de menacer la position des États-Unis face à la concurrence internationale. Idéalement, le gouvernement fédéral serait donc mieux placé pour créer un organisme de certification de l’IA, préemptant ainsi les efforts disparates des États.
Un modèle mixte public-privé pourrait combiner les forces respectives de chaque secteur. Le gouvernement, seul, manque d’expertise pour évaluer un domaine aussi complexe et évolutif, et même si le modèle FDA est séduisant, il serait long à mettre en place, même avec une action immédiate du Congrès. Inversement, l’industrie n’a pas la capacité d’imposer des règles strictes ou d’assurer la coopération des entreprises avec un organisme de certification, notamment à cause des contraintes antitrust qui empêchent les acteurs de se coordonner directement. Ensemble, gouvernement et industrie pourraient constituer un processus de certification efficace et efficient. Des modèles de collaboration existent déjà dans la définition de normes, bien que celles-ci restent souvent non contraignantes sans intégration dans des contrats volontaires ou une réglementation officielle. Un organisme public-privé d’IA devrait, en revanche, bénéficier d’une autorité plus robuste.
Le financement demeure un défi majeur. Une telle structure nécessite des fonds conséquents pour rester constamment à jour face aux avancées rapides de l’IA. Dans le contexte économique actuel, le gouvernement fédéral dispose de ressources limitées pour financer un projet aussi ambitieux. Une solution envisageable serait de faire supporter le coût par les entreprises d’IA elles-mêmes, à l’image des frais d’utilisation qui financent la FDA. Toutefois, cette solution pourrait pénaliser lourdement les startups et les petites entreprises, fragilisant l’innovation et la compétitivité américaine, essentielles à la sécurité économique et nationale. Une autre option serait d’étaler ce coût sur un large spectre d’utilisateurs via une taxe minime collectée par les fournisseurs d’accès à internet ou les opérateurs télécoms. Par exemple, une redevance de cinquante centimes par mois appliquée aux 500 millions de comptes internet et téléphoniques aux États-Unis pourrait générer plusieurs milliards de dollars annuels. Cette « taxe de confiance » pourrait financer un organisme solide et crédible.
La certification ne peut résoudre tous les problèmes. Le vol et la fraude resteront un jeu du chat et de la souris, nécessitant des méthodes de surveillance et d’application toujours plus sophistiquées. Sans organisme certifié et sanctionné, les détenteurs de droits pourraient se retrouver isolés dans un Far West numérique, confrontés à des outils d’IA complexes, domestiques ou étrangers. Limiter l’offre pour renforcer la valeur et instaurer un organisme de certification ne sont pas des solutions miracles, mais elles peuvent substantiellement atténuer les impacts négatifs de l’IA.
Depuis l’émergence rapide des modèles génératifs, les réflexions sur l’impact de l’IA sur la propriété intellectuelle se sont multipliées. L’intelligence artificielle n’est pas apparue ex nihilo fin 2022, mais s’est infiltrée depuis plus d’une décennie dans divers secteurs, gagnant en sophistication à une vitesse fulgurante. Cette accélération place l’IA à un tournant crucial, aux conséquences multiples pour la société, et plus particulièrement pour les régimes de propriété intellectuelle. L’un des effets majeurs, souvent négligé, est la remise en question des fondements mêmes de ce que nous protégeons par la propriété intellectuelle, de la valeur que ces protections confèrent à la création humaine, ainsi que de la valeur intrinsèque des systèmes eux-mêmes. L’IA menace de réduire drastiquement le nombre d’inventions susceptibles de faire l’objet de brevets, tout en ébranlant la confiance, la mystique et la proposition de valeur des régimes de propriété intellectuelle. Ces mutations fragilisent l’essence même de la propriété intellectuelle, avec des répercussions profondes sur notre conception de la créativité et de l’innovation humaine.
Il importe de comprendre que la certification, qu’elle soit privée, publique ou mixte, est un outil au service d’un cadre plus vaste. Elle doit s’inscrire dans une stratégie globale qui intègre les évolutions technologiques, économiques et juridiques. La confiance que les utilisateurs, les entreprises et les institutions placent dans la certification conditionne sa portée réelle. Sans cette confiance, même les mécanismes les mieux conçus risquent de rester lettre morte. Par ailleurs, l’équilibre entre innovation et régulation est fragile : une certification trop lourde peut étouffer les innovations émergentes, alors qu’une absence de contrôle peut conduire à des dérives préjudiciables. La gouvernance de l’intelligence artificielle appelle donc à une vigilance constante, une collaboration étroite entre secteurs public et privé, et une adaptabilité permanente face à un paysage en perpétuelle mutation.
Comment la théorie économique influence-t-elle la protection des marques et des secrets commerciaux ?
L’évolution du droit des marques a été largement marquée par l’influence de l’École de Chicago, qui a mobilisé la théorie des prix pour justifier l’expansion des droits de marque au bénéfice des consommateurs. Selon cette perspective, les marques ne seraient pas simplement des instruments de protection des intérêts des propriétaires, mais également des mécanismes pro-compétitifs qui diminuent les coûts de recherche pour les consommateurs, facilitent l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché, et encouragent des incitations à la qualité. Cette approche repose sur l’idée que toute confusion pouvant entraîner une augmentation des coûts de recherche doit être sanctionnée, puisque ces coûts représentent un préjudice économique pour les consommateurs. Par conséquent, l’accent mis par les tribunaux sur la confusion entre marques est souvent présenté comme une mesure de protection des consommateurs, bien que, en réalité, cette doctrine serve aussi explicitement à défendre les intérêts des titulaires de marques.
Le droit des secrets commerciaux, en revanche, s’inscrit dans un cadre conceptuel et jurisprudentiel différent, mais tout aussi complexe. Historiquement, le droit américain n’a jamais proposé de définition exacte et universelle du secret commercial, ce qui a engendré une certaine confusion et un manque de cohérence dans son application. Néanmoins, le consensus s’accorde sur le fait que la protection vise essentiellement la répression de la mauvaise appropriation d’informations confidentielles. Cette protection est considérée nécessaire non seulement pour préserver l’investissement en innovation et en savoir-faire, mais aussi pour favoriser une éthique commerciale stable, fondée sur la bonne foi et la loyauté.
L’attribution d’un statut de « propriété » aux secrets commerciaux, bien que parfois controversée, constitue une dimension essentielle dans leur traitement juridique. Cette qualification confère aux secrets commerciaux une valeur tangible, comparable aux biens matériels, et en transforme la violation en atteinte à un droit subjectif. La reconnaissance des secrets comme propriété est cependant délicate, car elle doit concilier des intérêts contradictoires : d’une part, encourager la diffusion des innovations pour le progrès social, et d’autre part, protéger les investissements privés en information confidentielle.
L’approche doctrinale oscille ainsi entre une vision fondée sur la propriété intellectuelle et une autre centrée sur la faute civile (tort), cette dernière mettant l’accent sur la question de la violation ou non d’une obligation de confidentialité. Le droit américain, notamment via des instruments tels que le Uniform Trade Secrets Act et les décisions judiciaires emblématiques (par exemple Peabody v. Norfolk ou Kewanee Oil Co. v. Bicron Corp.), tente de trouver un équilibre entre ces paradigmes en adaptant continuellement ses règles aux réalités économiques et technologiques.
Il importe de comprendre que la protection juridique des marques et des secrets commerciaux ne s’inscrit pas seulement dans une logique abstraite de droits, mais dans une dynamique économique et sociale. Ces protections influencent les comportements des acteurs du marché, la diffusion de l’innovation, ainsi que la confiance et l’équité dans les relations commerciales. La théorie économique appliquée au droit, notamment par l’École de Chicago, apporte un éclairage précieux sur ces mécanismes, mais elle ne suffit pas à saisir toute la complexité des enjeux éthiques, sociaux et juridiques que soulèvent ces protections.
Au-delà de la simple analyse économique, il est essentiel de saisir que la protection des secrets commerciaux et des marques s’articule aussi autour de notions fondamentales telles que la loyauté commerciale, l’éthique professionnelle, et l’équilibre entre le secret nécessaire et l’accès à la connaissance. Ces dimensions humaines et morales conditionnent la légitimité des règles juridiques et leur acceptation par les acteurs concernés.
Enfin, la frontière entre ce qui doit être protégé en tant que secret commercial et ce qui relève du domaine public ou du savoir commun reste un enjeu central et souvent délicat à trancher. La tension entre innovation, concurrence, et transparence constitue ainsi un défi permanent pour les systèmes juridiques, qui doivent adapter leurs normes pour encourager la créativité sans étouffer la compétition ni restreindre indûment la diffusion des connaissances.
L’intelligence artificielle peut-elle être l’auteur ou l’inventeur d’une œuvre ou d’une invention ?
La prolifération de l’intelligence artificielle générative confronte les systèmes juridiques à une question fondamentale : qui est l’auteur ou l’inventeur lorsque l’élément créatif ou inventif émerge d’un algorithme plutôt que d’un esprit humain ? Les institutions américaines — notamment le Bureau du droit d’auteur et l’Office des brevets — insistent sur une réponse claire : seul l’être humain peut être titulaire de droits sur une œuvre ou une invention.
Le Copyright Act de 1976 repose sur le principe fondateur que la créativité humaine est la condition sine qua non de la protection par le droit d’auteur. Ce principe reste inchangé, même face à l’apparition de technologies capables de produire de la musique, des images, des textes ou des innovations techniques sans intervention humaine directe. La jurisprudence récente renforce cette approche : dans l’affaire Thaler v. Perlmutter, la cour a jugé que l’œuvre générée par une IA sans contribution humaine significative ne pouvait pas bénéficier de protection. Le Bureau du droit d’auteur, dans ses directives de 2023, souligne que le rôle humain doit être créatif, déterminant, et ne saurait se limiter à une simple initiation d’un processus automatisé.
Une distinction subtile mais décisive est opérée entre l’outil et l’auteur. Si l’IA est utilisée comme un instrument — un pinceau numérique, un logiciel de composition ou un algorithme de traitement d’image — l’œuvre peut être enregistrée à condition que les éléments protégés soient attribuables à une intention humaine. Mais si la création est le produit d’un processus autonome, dépourvu d’intervention créative humaine identifiable, alors elle tombe en dehors du champ de la protection.
Le droit des brevets suit une ligne similaire. Le mot « whoever » dans la section 101 du U.S. Code suppose une personne physique. L’Office des brevets et des marques des États-Unis (USPTO) a confirmé en 2024 que l’inventeur désigné dans une demande doit être un être humain, excluant ainsi toute reconnaissance de l’IA en tant qu’inventeur. L’affaire Thaler v. Vidal, traitant du système DABUS, a cristallisé cette position : la cour a refusé de reconnaître une intelligence artificielle comme inventeur, malgré l’argument selon lequel DABUS avait produit des idées innovantes sans intervention humaine directe.
La comparaison avec les droits des animaux, établie dans l’affaire Naruto v. Slater, renforce cette exigence anthropocentrique : si un texte législatif n’accorde pas explicitement de capacité juridique à un être non humain, celui-ci ne peut être partie à un litige. L’analogie s’applique à l’IA. Aucun texte ne reconnaît, à ce jour, à l’IA la capacité d’être titulaire de droits ou de faire valoir des revendications légales.
Néanmoins, certains universitaires soutiennent que refuser toute protection aux productions de l’IA pourrait décourager le développement de systèmes créatifs, allant à l’encontre des objectifs fondamentaux du droit d’auteur : encourager la production et la diffusion d’œuvres d’intérêt social. La reconnaissance indirecte — via l’humain qui contrôle, orchestre ou interprète les résultats de l’IA — pourrait offrir un compromis acceptable. Cette approche n’est pas sans ambiguïtés juridiques, mais elle permettrait de valoriser l’usage créatif de ces outils sans rompre avec les fondements du système actuel.
Un autre aspect, souvent sous-estimé, concerne la lisibilité de la chaîne de responsabilité. Attribuer des droits implique aussi d’assumer des devoirs. Si l’IA devenait titulaire, qui serait responsable en cas d’infraction, de contrefaçon, ou de dommage ? L’absence de subjectivité, de volonté, de conscience — et donc de responsabilité — exclut l’IA de la sphère juridique, du moins dans son état actuel.
Il est important de comprendre que les débats ne se limitent pas à des considérations techniques ou juridiques. Ils engagent une réflexion éthique et philosophique sur la nature même de la création, la valeur de l’intention, et le rôle de l’humain face à des systèmes qu’il ne maîtrise plus totalement. L’enjeu n’est pas simplement de décider si une IA peut signer une œuvre ou déposer un brevet, mais de déterminer quel type de société nous voulons bâtir face à l’automatisation de la pensée créative.
L'intelligence artificielle menace-t-elle le secret industriel dans l’industrie pharmaceutique et logicielle ?
L’émergence de l’intelligence artificielle bouleverse les fondements traditionnels de l’innovation, notamment dans les secteurs pharmaceutique et logiciel, où les mécanismes juridiques de protection — brevets et secrets industriels — entrent dans une zone de tension critique. L’IA, en réduisant à la fois le temps et le coût de l’invention, introduit une complexité technique telle que la part de contribution humaine s’amenuise, redéfinissant ainsi les frontières de la propriété intellectuelle.
Le dilemme entre brevet et secret industriel n’est pas nouveau, mais il prend aujourd’hui une dimension inédite. Le brevet, en exigeant la divulgation, confère un monopole limité dans le temps ; le secret industriel, lui, offre une protection potentiellement illimitée, mais fragile — dépendant du maintien du secret. De nombreuses inventions, notamment dans le domaine logiciel ou des biotechnologies, échappent même à la brevetabilité, ne laissant que la voie du secret comme mécanisme de défense.
Pourtant, cette stratégie de repli sur le secret devient de plus en plus vulnérable à mesure que l’IA progresse. Le développement de modèles génératifs capables de répliquer, prédire ou même recréer des processus à partir d’expositions minimales, rend le reverse engineering non seulement possible, mais efficace à faible coût. Il devient ainsi légitime de se demander si les secrets industriels sont encore une barrière fiable. Le fait que certains modèles d’IA aient pu être « clonés » pour quelques centaines de dollars illustre cette perte de contrôle technique.
En parallèle, l’usage de l’IA par les employés soulève un risque inédit : celui de la fuite involontaire ou négligente d’informations confidentielles. L’insertion de données sensibles dans des interfaces d’IA ouvertes au public, comme ChatGPT, constitue déjà une brèche documentée dans plusieurs entreprises de la tech. Une fois intégrée dans les flux d’apprentissage d’un modèle, l’information perd son statut de secret, devenant potentiellement accessible ou reproductible, hors de tout contrôle.
Les législations nationales, bien qu’ancrées dans des principes communs via l’Uniform Trade Secrets Act, peinent à suivre la vitesse des évolutions technologiques. Certaines variations entre États compliquent encore davantage les litiges transfrontaliers. Et, malgré les textes, la jurisprudence tend à élargir les marges de ce que les brevets peuvent couvrir — notamment dans le domaine logiciel — tout en tolérant une faible transparence sur les modes de fonctionnement internes des inventions brevetées. On brevète aujourd’hui un résultat, sans devoir expliquer le chemin pour y parvenir.
Ainsi, l’IA participe d’une redéfinition des standards d’invention. Non seulement elle rend la reproduction plus aisée, mais elle brouille la distinction entre l’auteur, le concepteur de l’outil, et l’outil lui-même. Cette confusion rend d’autant plus instable la revendication d’un droit exclusif sur une innovation dont le processus de création devient diffus, parfois autonome.
Il est donc crucial de repenser non seulement les outils juridiques, mais aussi les pratiques internes des entreprises. Protéger une invention générée par IA ne peut se faire sans sécuriser l’ensemble de l’environnement technique de l’IA elle-même, y compris ses données d’entraînement, ses algorithmes, ses paramétrages. La vulnérabilité ne réside plus uniquement dans le produit final, mais dans chaque couche du système génératif. Le secret, dès lors, devient un échafaudage précaire, menacé à la fois de l’intérieur (par l’usage imprudent) et de l’extérieur (par la puissance de reproduction algorithmique).
Ce qui importe désormais, ce n’est plus seulement de protéger le « quoi », mais le « comment » dans sa totalité. La transparence imposée par le brevet est perçue comme un risque ; le secret est perçu comme une nécessité. Mais dans un monde où toute information peut être reproduite ou anticipée par des machines apprenantes, il faut reconsidérer la nature même de ce que l’on croit pouvoir garder caché.
La capacité de l’IA à déconstruire, imiter ou répliquer des systèmes complexes remet en cause l’idée même d’un avantage compétitif fondé sur l’occultation. Le droit, ici, n’est pas encore prêt. Il avance à reculons, dans l’ombre d’une technologie qui ne cesse d’accélérer.
Ce qu’il devient essentiel de comprendre, c’est que la protection efficace d’un secret industriel dans un environnement dominé par l’IA nécessite une vigilance constante sur la gouvernance interne des données, une formation des employés aux risques informationnels, et une architecture technique pensée pour limiter l’exfiltration involontaire de savoir-faire. Il faut aussi intégrer l’idée que le secret, dans sa forme classique, ne pourra plus être l’unique rempart. De nouveaux paradigmes de propriété — hybrides, adaptatifs, techniques — devront émerger pour faire face à cette transformation inévitable.
Comment établir la preuve de la contrefaçon dans l’ère numérique ?
La démonstration d’une contrefaçon d’œuvre protégée par le droit d’auteur repose traditionnellement sur deux voies principales : premièrement, l’établissement d’une chaîne d’événements prouvant l’accès du défendeur à l’œuvre du demandeur, souvent par le biais d’interactions avec des éditeurs ou des maisons de disques ; deuxièmement, la preuve que l’œuvre du demandeur a été largement diffusée. L’existence d’un accès présumé s’appuie de plus en plus sur la simple disponibilité numérique des œuvres, compte tenu de la facilité d’accès permise par les plateformes en ligne comme YouTube, Spotify ou Netflix, où un simple fait de mise à disposition suffirait à établir cette connexion. Cette évolution reflète la réalité du monde interconnecté dans lequel nous vivons, où la notion d’accès se trouve profondément diluée.
Historiquement, le concept de copie subconsciente a été reconnu par la jurisprudence américaine depuis un arrêt emblématique de 1924. Celui-ci affirme que la mémoire humaine enregistre tout, et il est impossible de déterminer ce qui peut l’évoquer inconsciemment. Une fois établi que l’œuvre protégée a été utilisée comme source, l’auteur est considéré comme lésé, sans qu’il soit possible d’invoquer une erreur de mémoire pour justifier l’acte. Cette reconnaissance juridique souligne la complexité de différencier intentionnellement une œuvre originale d’une œuvre inspirée inconsciemment.
Le droit d’auteur confère à son titulaire des droits exclusifs de reproduction et de création d’œuvres dérivées, visant à protéger non seulement l’expression originale mais également toute forme de reproduction matérielle de l’œuvre, même si cette reproduction peut prendre des formes variées selon les médias et technologies. La finalité de cette exclusivité est d’encourager la création intellectuelle en assurant un contrôle financier sur l’exploitation de l’œuvre, ce qui stimule la production de contenus enrichissants pour la société.
Par ailleurs, dans le contexte actuel, les enjeux de la protection ne se limitent plus aux seules copies physiques ou numériques, mais s’étendent aussi aux informations commerciales et techniques que le droit protège sous la notion de secret industriel. La diffusion numérique massive et la facilité d’accès ont transformé les critères de preuve de la contrefaçon, rapprochant la notion juridique de la réalité technologique où une œuvre, même si elle n’a pas été expressément communiquée à l’auteur présumé du délit, peut lui avoir été accessible via la simple existence sur Internet.
L’importance historique des marques et brevets, et leurs protections respectives, révèle une évolution constante de la conception juridique de la propriété intellectuelle. Depuis les premiers usages de marques dans les civilisations antiques jusqu’aux mécanismes modernes, le système juridique a cherché à s’adapter aux nouvelles formes de communication et de diffusion, assurant la valorisation économique et sociale de la créativité. Cette dynamique est aujourd’hui mise à l’épreuve par la prolifération des contenus numériques, ainsi que par les défis posés par l’intelligence artificielle.
Il est essentiel de comprendre que, dans cet univers numérique, la protection juridique des œuvres ne repose plus uniquement sur la démonstration traditionnelle d’une copie matérielle, mais sur une interprétation élargie des notions d’accès et de diffusion. Cette évolution implique une vigilance accrue quant à la gestion des droits, notamment par la reconnaissance des nouvelles modalités d’exposition des œuvres dans un espace numérique globalisé.
Enfin, au-delà des aspects strictement juridiques, il importe de saisir que l’authenticité et la valeur d’une œuvre sont intrinsèquement liées à l’interaction humaine, à l’imagination et à la performance sociale qui entourent sa création et sa réception. L’authenticité ne réside pas dans l’objet lui-même, mais dans la perception collective et les pratiques culturelles qui lui confèrent un sens. La protection juridique doit donc aussi intégrer ces dimensions immatérielles pour être pleinement efficace et respectueuse des enjeux contemporains.

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