L'archéologie, dans son approche de l'analyse des sites, s'intéresse à l'étude de l'aire de captation, un concept qui désigne l'espace géographique à partir duquel une communauté obtenait ses ressources essentielles. Cette méthode implique la délimitation de zones concentriques autour du site et l'examen approfondi des caractéristiques de chaque secteur, telles que la géologie, la topographie, le climat, ainsi que la faune et la flore. L'analyse du bassin de captation de Semthan, réalisée par Abdul Rashid Lone, constitue un des premiers travaux majeurs dans la vallée du Cachemire utilisant cette technique. Son étude a permis d'étendre la compréhension de cette ancienne implantation sur les rives du Jhelum et d'offrir des informations inédites sur les ressources utilisées par ses habitants.

L’étude menée par Lone a débuté par la délimitation d’un bassin de captation d'un rayon de 5 km autour du site de Semthan, ce qui englobe une superficie de 7880 hectares. Ce périmètre a été subdivisé en 16 zones, ou "transacts", tracées à partir du centre du site, permettant ainsi de collecter des données détaillées sur l’utilisation des sols et des ressources. Des cercles concentriques à 1 km, 2,5 km et 5 km ont été dessinés, respectivement couvrant des zones de 314, 1 649 et 5 917 hectares. Ce découpage a permis à l'équipe de marcheurs de parcourir chaque segment et de consigner minutieusement les caractéristiques du paysage : culture des sols, présence d'eau, végétation, faune, ainsi que les matériaux tels que la pierre, les métaux et les minéraux.

L'archéologie de surface a permis d’identifier des vestiges du site ainsi que des établissements satellites alentours, en lien avec les périodes Kushana, médiévale et médiévale avancée. À l’aide de systèmes d’information géographique (SIG), ces observations ont été intégrées dans une cartographie du site, offrant ainsi une vision globale de son occupation et de l’exploitation des ressources naturelles. Cette méthodologie a permis de comparer l'usage des sols dans l’Antiquité et à l’époque contemporaine, facilitant des déductions sur l'évolution des pratiques agricoles et des modes de vie au fil des siècles.

Le premier cercle de captation, à 1 km du centre, est principalement constitué de terres arables riches en phosphore et en azote, utilisées principalement pour les vergers de pommiers et la culture en rotation de riz, de colza et d'orge. Selon les vestiges trouvés à Semthan, le riz, introduit à la fin de la période néolithique à Gufkral, était l’une des principales cultures, suivie du blé et de l’orge. Le matériau pour la poterie découverte sur le site était sans doute extrait de cette zone proche, où l’argile était abondante.

Dans la deuxième zone, de 1 à 2,5 km du centre, environ 47 % de la superficie est dédiée à la culture du riz, complétée par le maïs, tandis que de grandes étendues (350 hectares) sont couvertes de végétation naturelle. Le fleuve Jhelum, qui traverse cette zone, fournit une abondante ressource en eau pour l’irrigation. Des mottes archéologiques en surface ont été identifiées, remontant à plusieurs périodes historiques.

La troisième zone, située entre 2,5 et 5 km, couvre une superficie de 5 917 hectares, dont 40 % est consacrée à la culture du riz et 31 % à des vergers. Environ 700 hectares sont recouverts de végétation naturelle, tandis que 177 hectares sont occupés par des plans d’eau. L’analyse des vestiges suggère que cette zone, à l’époque historique, était densément boisée, servant de pâturage, de lieu de récolte de plantes sauvages et de chasse. Des traces d’habitat ancien ont également été repérées dans cette zone.

L’une des conclusions majeures de cette étude concerne la diversité des ressources utilisées par les habitants de Semthan. À l’échelle du site, les besoins fondamentaux en matériaux de construction, en eau et en produits de jardin étaient largement satisfaits par les environs immédiats, dans un rayon de 1 km du site. Pour l’agriculture et l’alimentation en gros, notamment les céréales et le fourrage, les habitants se déplaçaient probablement jusqu’à 2,5 km. Le rayon de 5 km englobait diverses zones spécialisées : au nord et au nord-est, au-delà du Jhelum, se trouvaient les zones forestières, propices à la chasse et à la collecte de ressources naturelles, tandis que les zones au sud et au sud-ouest étaient utilisées pour l’agriculture et l’extraction d’argile.

Il est intéressant de noter que cette analyse met en évidence un manque de ressources métalliques et minérales dans l’aire immédiate de 5 km, à l’exception du calcaire, suggérant que ces matériaux étaient probablement importés de régions plus éloignées. À partir de ces résultats, l’auteur émet l’hypothèse d’une population de 3 271 personnes résidant dans le Semthan de la période historique, une estimation fondée sur la taille de l’habitat et la densité des vestiges retrouvés.

Outre la récolte de données physiques sur l’environnement et les ressources, il est essentiel de souligner l'importance de l'intégration de ces données dans une lecture plus large du site archéologique. La technique du bassin de captation ne permet pas seulement d’analyser les pratiques économiques et environnementales d’une société, mais elle offre également des pistes pour comprendre les dynamiques sociales, politiques et culturelles. Par exemple, le choix des sites pour l’agriculture, les pratiques d’irrigation ou l’exploitation forestière peuvent être liés à des décisions sociales, politiques ou religieuses spécifiques. Le rôle de l’eau, les cycles agricoles et les usages du sol sont donc indissociables des structures sociales et des réseaux commerciaux qui façonnent les sociétés anciennes. L’analyse des matériaux, tels que les métaux, peut aussi offrir des informations sur les routes commerciales, la mobilité des populations et les échanges entre différentes régions.

Enfin, il est important de considérer que la recherche archéologique, bien qu’avancée, reste un domaine en constante évolution, et les découvertes futures pourraient affiner ou compléter ces premières conclusions. Une telle analyse du bassin de captation de Semthan offre une méthode puissante pour reconstruire la vie quotidienne et les interactions entre les humains et leur environnement, tout en éclairant des aspects parfois invisibles des sociétés anciennes.

Les Reliefs Satavahanas de Kanaganahalli et leur Signification dans l'Art Bouddhique

Les sculptures découvertes à Kanaganahalli, un site majeur de l'Inde ancienne, révèlent une iconographie fascinante qui illustre non seulement la grandeur des rois Satavahana, mais aussi leur rôle dans la propagation et le soutien du bouddhisme. L'analyse des reliefs, en particulier ceux associés au Mahachaitya d'Adhalaka, nous permet de comprendre les liens étroits entre le pouvoir royal et les pratiques religieuses bouddhiques de l'époque. Ces sculptures sont notamment précieuses pour leurs inscriptions, qui identifient plusieurs rois de la dynastie Satavahana, comme Matalaka, Sundara, Satakarni et Pulumavi, dont les règnes s'étendent du Ier siècle avant notre ère au début du IIe siècle de notre ère.

L’étude du programme iconographique de ces reliefs, telle que la reconstruction effectuée par Monika Zin, met en lumière leur complexité et leur importance. Le tambour et la partie inférieure du dôme du stupa étaient décorés de panneaux de pierres sculptées représentant des scènes narratives. Bien que ces reliefs ne comportent pas d'inscriptions donatives directes des Satavahana, plusieurs rois de la dynastie sont mentionnés dans des inscriptions et représentés dans les sculptures elles-mêmes. Ces reliefs peuvent être datés avec une certaine précision grâce aux inscriptions et aux indices stylistiques, suggérant une production qui s'est étendue sur plusieurs générations.

L’une des scènes les plus révélatrices montre un roi versant de l’eau d’un vase à spout pour faire un don. L’inscription qui l’accompagne, "Raya Satakani mahachetiyasa rupamayani", indique que ce don a été fait par Gautamiputra Satakarni, un roi Satavahana connu pour ses contributions au bouddhisme. Une autre scène présente le roi Pulumavi offrant la ville d’Ujjayini à son rival, le Kshatrapa Chashtana. Ce geste est symboliquement présenté comme un acte de générosité, même s'il reflète probablement une concession politique stratégique. Cette mise en scène d'un événement politique sous forme de don montre la manière dont les rois Satavahana se sont associés à des valeurs bouddhiques telles que la générosité et la magnanimité.

Les reliefs de Kanaganahalli, disposés autour du dôme près de l’ayahka nord, mettaient en parallèle les représentations des rois Satavahana et des scènes de la vie du Bouddha, ainsi que des images d'Ashoka. Cette juxtaposition suggère que les rois Satavahana étaient perçus non seulement comme des mécènes du bouddhisme, mais aussi comme des souverains qui partageaient la même vénération du Bouddha et des idéaux bouddhiques. Ils sont donc représentés comme des monarques bienveillants, alignés sur la figure prestigieuse d’Ashoka, roi dont les actions en faveur du bouddhisme sont légendaires.

En plaçant les rois Satavahana à côté d’Ashoka et des symboles bouddhiques, les sculptures de Kanaganahalli ne se contentent pas de montrer des actes de générosité. Elles inscrivent les Satavahana dans un cadre religieux et spirituel, en les présentant implicitement comme des rois bouddhistes. Cet usage symbolique et stratégique de l'art n’est pas un simple ornement, mais un outil politique, renforçant l'image de légitimité et de prospérité des rois Satavahana par leur association au Bouddha et à ses enseignements.

Le contexte historique et religieux des Satavahana et de leur rôle dans la diffusion du bouddhisme en Inde n’est pas limité à ces représentations sculpturales. Les liens étroits entre la monarchie et la communauté monastique sont également visibles dans des sites bouddhiques d'autres régions, notamment au Sri Lanka, où les viharas, ou monastères, étaient souvent associés à des mécènes royaux. Ces sites bouddhiques, particulièrement en Ceylan, sont réputés pour leur grande complexité et leur architecture, reflétant une longue tradition de mécénat royal et de développement spirituel.

Les inscriptions trouvées dans des lieux comme Nagarjunakonda, où des moines bouddhistes venus de diverses régions asiatiques se sont rassemblés, témoignent de l’étendue du réseau bouddhique et de la circulation des idées spirituelles. De telles inscriptions, faisant référence à des acharyas venant de pays aussi éloignés que la Chine et la région de Gandhara, soulignent non seulement l’importance de ces sites pour la diffusion du bouddhisme, mais aussi la centralité de l’Asie du Sud dans le contexte spirituel mondial de l’époque.

Les reliefs bouddhiques des sites indiens et sri-lankais présentent des caractéristiques artistiques variées, notamment l’émergence de l’art de la sculpture en relief. Contrairement à l'art maurya, qui se caractérisait par une forme en ronde-bosse et une forte influence aristocratique, l'art post-maurya s’oriente vers des reliefs narratifs plus populaires, où la figure humaine devient un élément central de la composition. Cette évolution artistique, visible à travers des sites comme Sanchi, Bharhut et Amaravati, témoigne d’un changement de paradigme dans la manière dont les croyances et les pratiques bouddhiques étaient exprimées par l'art.

Les reliefs des sites bouddhiques, notamment ceux de Kanaganahalli et d’autres sites associés aux Satavahana, témoignent de l’importance de l’art comme moyen de légitimation politique et de diffusion religieuse. Ces images ne sont pas seulement des représentations de bienfaits matériels, mais elles incarnent aussi un message spirituel profond sur la générosité, la prospérité et l’association entre le pouvoir politique et les valeurs bouddhiques. L’iconographie complexe de ces reliefs nous rappelle que l’art et la religion étaient indissociables dans l’ancienne Inde, et que chaque scène sculptée portait en elle des significations multiples, tant politiques que spirituelles.

Quels sont les éléments essentiels de l'évolution culturelle et religieuse de l'Inde ancienne ?

L'Inde ancienne, à travers ses multiples dynamiques culturelles, philosophiques et religieuses, nous offre une vision fascinante de la pluralité des croyances et des pratiques qui ont modelé la société de l'époque. Les notions fondamentales de l'hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme, par exemple, ont non seulement façonné la vie quotidienne, mais ont également influencé les arts, la politique, et les structures sociales. Les Upanishads, textes sacrés philosophiques, sont à la base de ce développement spirituel. Elles abordent des concepts tels que l'âme individuelle (Atman) et l'âme universelle (Brahman), posant les bases de la réflexion mystique et métaphysique.

Les grandes écoles de pensée telles que le Vedanta, la Vaisheshika, et la Mimamsa ont contribué à l'élaboration de systèmes logiques et métaphysiques qui demeurent influents. Le Vaishnavisme, par exemple, une branche du hinduisme vénérant Vishnu, a engendré des pratiques religieuses qui se sont ensuite diffusées bien au-delà des frontières de l'Inde. Le bouddhisme, avec ses enseignements sur la souffrance, l'impermanence et le chemin vers l'illumination, a également marqué cette période, influençant profondément les pratiques religieuses en Asie. Le Jaïnisme, avec sa quête de la non-violence et du respect de toutes formes de vie, a aussi joué un rôle clé dans l'évolution des pratiques éthiques de la région.

En parallèle, les réalisations artistiques et architecturales étaient indissociables des croyances religieuses. Les stupas, les temples et les sculptures qui ornent encore l'Inde témoignent de cette fusion entre spiritualité et art. Le site de Udayagiri en Odisha, par exemple, est un exemple marquant de l'architecture bouddhiste de l'Inde ancienne, où les inscriptions et les sculptures révèlent non seulement la dévotion religieuse mais aussi l'organisation sociale et politique de l'époque. La présence de figures comme les Yakshas et Yakshis dans l'art hindou témoigne de croyances animistes qui ont également façonné le paysage spirituel de la région.

L’urbanisation et la structure sociale sont aussi des thèmes fondamentaux dans cette période de l’histoire. Le passage de sociétés rurales à des sociétés urbaines, soutenues par des dynasties comme les Vakatakas et les Gupta, a transformé l’économie et la politique. Les échanges commerciaux, les donations de terres et les nouvelles formes de gouvernance ont soutenu cette transition. La division sociale basée sur le système des varnas, avec ses couches hiérarchiques complexes, a été un facteur majeur dans la structuration de la société.

Le concept de la non-violence, véhiculé par des traditions comme celle des Virashaivas, a eu une portée profonde, aussi bien dans la sphère religieuse que dans les pratiques politiques et sociales. À ce titre, des notions comme le « vanaprastha » ou la retraite partielle, encouragée dans les textes comme les Upanishads, ont permis une forme de contemplation de la nature et du cosmos, marquant la quête de l'équilibre intérieur.

Cependant, il est crucial de ne pas sous-estimer l'importance des dynamiques sociales sous-jacentes à ces croyances. Le système des « untouchables », les pratiques de castes et de purification, et l’interdiction sociale de l'impureté ont perpétué une inégalité qui, malgré les efforts réformateurs de certains penseurs et rois, a laissé une empreinte indélébile sur la structure de la société. Ces exclusions ne sont pas seulement un problème de hiérarchie sociale, mais aussi un élément de tension entre les idéaux de pureté et les réalités sociales.

Il est essentiel pour le lecteur de comprendre que ces croyances et systèmes n’étaient pas de simples abstractions philosophiques ou religieuses mais des outils vivants qui structuraient chaque aspect de la société. Les textes religieux, comme les Vedas et les Upanishads, étaient des éléments constitutifs d’une culture où la spiritualité ne se séparait jamais de la vie quotidienne, des pratiques sociales et de la politique.