L’adsorption, phénomène de surface omniprésent dans la nature, s’est imposée comme l’une des méthodes les plus efficaces et économiques pour la purification de l’eau. Sa simplicité d’application, alliée à la diversité des contaminants qu’elle peut éliminer, en fait une technologie clé dans les systèmes modernes de traitement de l’eau, tant potable que résiduaire. Elle repose sur des mécanismes d’interaction entre une substance à éliminer — appelée adsorbat — et une surface solide appelée adsorbant. Ces interactions peuvent être classées en deux grandes catégories : physisorption et chimisorption, bien que, dans le cas des solutions aqueuses, cette dichotomie perde en clarté.

L’adsorption se produit en raison de l’excès d’énergie à la surface d’un solide, où les atomes, n’étant pas complètement coordonnés par leurs voisins, présentent une réactivité accrue. Lorsqu’un composé approche cette surface, il peut y être attiré, temporairement ou de manière permanente, selon la nature des forces mises en jeu. La physisorption, gouvernée par les forces de Van der Waals — dipôle-dipôle ou dispersion de London —, est un processus exothermique, réversible, caractérisé par une chaleur d’adsorption modérée (10–40 kJ/mol). Elle est couramment utilisée pour déterminer la surface spécifique et la porosité des adsorbants. À l’opposé, la chimisorption implique la formation de liaisons chimiques fortes, irréversibles, avec une chaleur d’adsorption nettement plus élevée, généralement supérieure à 200 kJ/mol.

Historiquement, l’humanité a tiré parti de l’adsorption bien avant d’en comprendre les principes scientifiques. En Chine et en Égypte antiques, le charbon et les cendres étaient utilisés comme antidotes pour capturer les toxines. Au Moyen Âge, des expériences empiriques furent menées à Rome, tandis que Léonard de Vinci, à la fin du XVe siècle, construisait le premier hygromètre à partir de l’idée de Nicolas de Cues, exploitant l’adsorption de l’humidité sur la laine.

Le tournant scientifique s’est opéré au XVIIIe siècle avec Carl Scheele, qui fut parmi les premiers à mesurer l’adsorption de l’air sur le charbon. Depuis lors, l’évolution des techniques analytiques a permis un raffinement sans précédent dans l’étude des surfaces. L’introduction de microbalances électrodynamiques et le développement de modèles isothermes, notamment celui de Brunauer, Emmett et Teller, ont permis de caractériser avec précision les surfaces poreuses. Ces outils sont devenus indispensables pour comprendre les propriétés texturales des matériaux adsorbants.

Parmi ces matériaux, le charbon actif (CA) occupe une place centrale. Ayant remplacé le charbon brut au début du XXe siècle, d’abord en Allemagne, puis aux États-Unis, le CA se distingue par sa capacité à piéger une large gamme de polluants organiques, y compris les sous-produits de désinfection et la matière organique naturelle. D’autres adsorbants ont émergé, comme les zéolithes, les résines échangeuses d’ions, ou encore le biochar, chacun offrant des propriétés spécifiques selon la nature des contaminants ciblés.

Cependant, dans les systèmes aqueux, l’adsorption ne peut être réduite à une simple physisorption ou chimisorption. Elle résulte d’un équilibre complexe entre trois interactions simultanées : adsorbant-eau, adsorbat-eau et adsorbant-adsorbat. Ainsi, les contaminants présents dans l’eau peuvent se lier à la surface des adsorbants par des mécanismes mixtes, qui relèvent à la fois des interactions électrostatiques, des échanges ioniques, de la complexation de surface ou même de la précipitation. C’est cette pluralité d’interactions qui confère à l’adsorption sa dimension physicochimique dans les traitements de l’eau.

Cette complexité rend les modèles issus de l’étude de l’adsorption en phase gazeuse insuffisants pour décrire avec précision les phénomènes en solution aqueuse, bien qu’ils servent toujours de base conceptuelle. Dans l’eau, la présence de molécules polaires, comme H₂O, modifie fondamentalement les interactions, en intervenant sur la stabilité des complexes formés, la disponibilité des sites actifs ou encore la solubilité des adsorbats.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’efficacité de l’adsorption dépend non seulement des propriétés texturales de l’adsorbant — surface spécifique, porosité, charge de surface — mais aussi des caractéristiques de l’adsorbat, telles que sa polarité, sa taille moléculaire, sa solubilité et sa charge ionique. Dans cette optique, le couplage de matériaux à l’échelle nanométrique — les nanoadsorbants — avec les principes traditionnels de l’adsorption ouvre des perspectives considérables, notamment pour le traitement de micropolluants émergents.

Enfin, la sélection d’un adsorbant ne peut être faite de manière arbitraire. Elle repose sur une connaissance fine des interactions en jeu dans un système donné. L’optimisation de ces paramètres constitue un enjeu majeur, non seulement pour garantir une qualité de l’eau conforme aux standards sanitaires, mais également pour assurer une efficacité économique et environnementale du procédé de traitement.

Quel est l'impact des nanoparticules sur la qualité de l'eau et comment les analyser efficacement ?

Les nanoparticules engendrées par l'homme (ENPs) ont suscité un intérêt croissant en raison de leur utilisation dans divers domaines industriels et commerciaux, notamment les produits électroniques, médicaux et cosmétiques. Cependant, leur présence dans les systèmes aquatiques soulève de nouvelles préoccupations écologiques et sanitaires. En raison de leurs propriétés uniques, notamment leur taille, leur forme et leur charge de surface, ces particules peuvent entraîner une contamination de l'eau, affectant ainsi la qualité de celle-ci de manière significative.

Les nanoparticules se distinguent des colloïdes et des sédiments naturels en raison de leurs propriétés plus uniformes et contrôlées, ce qui permet de développer des techniques analytiques spécifiques pour leur détection. Cependant, malgré les progrès réalisés, l'analyse des nanoparticules dans l'eau en est encore à ses débuts, et il reste beaucoup à faire pour améliorer les méthodes de surveillance et de contrôle de la qualité de l'eau vis-à-vis des ENPs.

Les particules en suspension dans l'eau, qu'il s'agisse de sédiments, de colloïdes ou de nanoparticules, ont un impact direct sur la turbidité et la clarté de l'eau. En surface, une turbidité élevée signifie une faible transparence, limitant ainsi la pénétration de la lumière solaire. Cela peut réduire la photosynthèse dans les systèmes aquatiques, perturber l'équilibre des écosystèmes et affecter la production primaire des organismes aquatiques. En outre, les interactions entre ces particules et la lumière ou les produits chimiques dissous peuvent entraîner une augmentation de la température de l'eau et une diminution des niveaux d'oxygène dissous, ce qui compromet davantage la qualité de l'eau.

L'une des préoccupations majeures concernant les nanoparticules est leur potentiel à transporter des pathogènes. Les agents pathogènes transmis par l'eau, tels que les virus, les bactéries et les protozoaires, sont responsables de maladies graves dans de nombreuses régions du monde. Ces agents pathogènes, en raison de leur nature de biocolloïdes, peuvent se maintenir en suspension dans l'eau et se propager rapidement, augmentant ainsi le risque de contamination. De plus, la résistance de certains de ces pathogènes à la désinfection chimique conventionnelle, comme le cryptosporidium, accentue les défis sanitaires liés à la gestion de l'eau potable. Une étude marquante survenue en 1993 à Milwaukee, aux États-Unis, a mis en évidence l'impact tragique d'une contamination par le cryptosporidium, qui a affecté plus de 400 000 personnes et causé une centaine de décès.

Quant aux nanoparticules fabriquées, les ENPs sont de plus en plus présentes dans l'environnement en raison de leur utilisation dans des produits de consommation courante. Par exemple, les nanoparticules d'argent, largement utilisées dans des produits comme les cosmétiques et les désinfectants, sont fréquemment détectées dans les eaux usées et les milieux aquatiques naturels. Bien que certaines nanoparticules, comme celles à base de carbone, fassent encore l'objet de recherches approfondies en termes de toxicité, d'autres, comme celles à base de métaux, sont déjà reconnues pour leur impact environnemental, notamment en raison de leur toxicité élevée pour les écosystèmes aquatiques. Leur présence dans l'eau représente un nouveau groupe de contaminants émergents dont les effets sur la santé humaine et la faune aquatique nécessitent une surveillance accrue.

Le rejet d'ENPs dans l'environnement se produit principalement à travers les installations de traitement des eaux usées, les décharges et les incinérateurs, ce qui fait que ces particules se retrouvent dans les ressources en eau, augmentant ainsi le risque de contamination. Le marché des nanoparticules, avec une prévision de croissance mondiale atteignant 125 milliards de dollars d'ici 2024, indique que cette problématique continuera d'exister à une échelle croissante. Les principaux producteurs d'ENPs se trouvent en Asie, suivis de l'Europe et de l'Amérique du Nord, en fonction des différents niveaux d'industrialisation et des systèmes de gestion des déchets dans chaque région.

Pour analyser la présence des ENPs dans l'eau, diverses méthodes analytiques ont été développées. Bien que la turbité reste l'une des méthodes les plus courantes pour évaluer la qualité de l'eau en présence de particules, des techniques plus avancées sont nécessaires pour une détection précise des ENPs. Il est crucial de disposer d'outils capables de mesurer non seulement la concentration, mais aussi les propriétés spécifiques des nanoparticules, telles que leur taille, leur forme et leur charge de surface. Les techniques de séparation directe sont parmi les plus utilisées pour extraire et analyser ces particules dans les échantillons d'eau, bien que des défis importants demeurent pour améliorer leur efficacité et leur précision.

L'impact environnemental et sanitaire des ENPs, notamment en termes de pollution de l'eau, requiert une attention particulière. Leur détection et leur quantification dans les systèmes aquatiques doivent être une priorité pour les chercheurs et les responsables de la gestion de l'environnement. Si la science des nanoparticules est encore en développement, les effets déjà observés dans les écosystèmes aquatiques soulignent l'urgence d'une réglementation plus stricte et de solutions technologiques adaptées pour mieux comprendre et contrôler cette nouvelle menace pour la qualité de l'eau.