L'émergence de l’esthétique postdigitale est un phénomène qui s’est intensifié au cours des dernières décennies, à mesure que la frontière entre le numérique et le non-numérique se dissout dans les pratiques, les objets et les expériences de tous les jours. Ce concept, bien que toujours ancré dans des discussions sur l’art, la musique électronique et les médias, s'étend aujourd’hui à de nombreux autres champs académiques tels que les études sonores, la littérature, les études théâtrales et même la recherche en éducation. Le terme « postdigital » ne désigne pas la fin du numérique, mais plutôt une intégration profonde de la technologie numérique dans la vie quotidienne, une ubiquité qui fait disparaître, voire redéfinir, les distinctions traditionnelles entre les objets numériques et non numériques.
Le « postdigital » trouve ses racines dans un diagnostic plus large, déjà formulé au début des années 2000 par des penseurs comme Cascone, qui affirmait que « les tentacules de la technologie numérique ont touché tout le monde », et par Pepperell et Punt qui avertissaient des « restrictions intellectuelles du paradigme numérique ». Le concept postdigital dénote un déplacement du centre d’attention : plutôt que de considérer la technologie numérique comme quelque chose de distinct ou de séparé, on s'intéresse ici à la manière dont elle s’intègre désormais à des aspects non numériques du monde. La distinction entre le numérique et le non-numérique devient de moins en moins pertinente, brouillant ainsi les frontières entre ce qui est « en ligne » et ce qui est « hors ligne ».
Cela fait écho à d’autres mouvements intellectuels, comme le postmodernisme ou le poststructuralisme, où le « post » indique non pas la fin d’une ère, mais la transformation et la continuation de ce qui a précédé, souvent dans une forme hybride ou recomposée. Dans le domaine de l’art et des médias, cette hybridation se manifeste par l’interpénétration de pratiques anciennes et nouvelles, où des formes médiatiques « anciennes » sont utilisées comme des médias « nouveaux ». Ce phénomène s’observe dans le traitement des technologies numériques et non numériques, dont les interrelations génèrent des artefacts hybrides et de nouvelles pratiques créatives.
Cependant, bien que les chercheurs s’accordent sur l’idée de cette hybridation et de l’effritement des frontières, il existe des différences notables dans la manière de conceptualiser le postdigital d’un domaine à l’autre. Certains le voient comme un terme global, d’autres l’analysent en fonction de dimensions particulières, telles que l’esthétique postdigitale. Dans ce contexte, l’esthétique postdigitale ne se limite pas à une appréciation esthétique traditionnelle, mais se réfère plutôt à une forme particulière de perception et de manipulation des objets médiatiques, qui se caractérise par une approche hybride où les caractéristiques formelles des objets numériques et non numériques sont en constante interaction.
L’esthétique postdigitale repose sur une distinction subtile entre perception esthétique et perception fonctionnelle, ce qui permet d’examiner comment la forme des artefacts médiatiques—en particulier ceux issus du croisement des domaines numériques et non numériques—peut influencer l’expérience esthétique. Contrairement à des approches plus classiques où l’esthétique est souvent vue sous l’angle de la beauté ou de la signification représentative, l’esthétique postdigitale se concentre davantage sur la « manière » dont les matériaux sont manipulés dans le médium. Il s’agit d’une forme qui peut être perçue indépendamment de la signification purement représentative, mais qui interagit de manière complexe avec le contenu, le contexte et la perception.
En ce sens, l’esthétique postdigitale propose une remise en question de l'art en tant que domaine figé et statique. Elle intègre un mouvement constant et fluide, où l’objet artistique n’est plus seulement celui qui « représente », mais aussi celui qui « est » dans une interaction continue avec son public, qui en fait une expérience et non simplement une observation. Ainsi, la matérialité et la forme deviennent des éléments aussi essentiels que le contenu, et la distinction entre les deux se trouve elle-même floue dans un monde saturé de technologies numériques.
Ce phénomène appelle donc à une reconsidération des principes esthétiques traditionnels. Il n’est pas question d’abandonner la notion d’esthétique au profit de l’expérience pragmatique, mais plutôt de reformuler ce que nous entendons par « esthétisme » dans un monde de plus en plus interconnecté et numérisé. Les pratiques artistiques contemporaines doivent donc être envisagées à travers le prisme de ces nouveaux croisements entre le numérique et le non-numérique, où la forme, le matériau, et l’expérience esthétique se redéfinissent sans cesse au gré des avancées technologiques et des pratiques culturelles.
Cette évolution ne doit pas seulement être perçue comme une conséquence de l’évolution technologique, mais également comme une reconfiguration des attentes esthétiques et des formes de résonance que les technologies numériques instaurent dans la perception des arts et des médias. Dans cette dynamique, l’art postdigital trouve sa richesse et sa spécificité, en mettant l’accent sur l’importance de l’interaction, de l’hybridité et de la fluidité entre le numérique et le non-numérique, une interaction qui déstructure les anciens paradigmes tout en conservant la force des pratiques passées.
Quelles implications esthétiques des images générées par l’IA, et comment ces images réinterprètent-elles des notions classiques de représentation visuelle ?
Les générateurs d’images par IA, tels que DALL·E, ne se contentent pas de reproduire des représentations préexistantes; ils créent une nouvelle forme d’esthétique numérique. Cette esthétique, bien que largement liée à la tradition photographique, semble se détacher de toute notion d'indexicalité que l’on associe habituellement aux images. Par exemple, la notion de « photoréalisme », traditionnellement perçue comme un signe d’accès direct au monde réel grâce à l’indexation photographique, devient dans ce contexte une simple simulation visuelle, un « style » parmi d'autres, sans lien nécessaire à une réalité physique.
Lorsque l’on observe les images générées par DALL·E, telles que celles représentant des chevaux au galop, on remarque une grande stabilité dans la forme de la représentation, notamment dans la fidélité à l’idée de ce qu’est un cheval qui galope. Bien que la variation se manifeste dans les angles de vue (du côté droit, gauche, ou légèrement de face), les erreurs de représentation, comme des anomalies dans le nombre de jambes ou la morphologie de l’animal, sont extrêmement rares. Ce type de représentation, bien qu’il fasse écho aux expérimentations de photographes comme Muybridge, s’en éloigne dans le sens où la photographie n’est plus l’élément central. L’image générée n’est pas une « fenêtre sur le monde » ; elle est une interprétation issue d’une base de données d’images et de styles combinés.
Ce phénomène soulève des questions cruciales sur la manière dont nous comprenons l’acte de représentation dans l’art visuel à l’ère de l’IA. D’une part, l’image générée semble être « dématérialisée », c'est-à-dire qu’elle n’est pas nécessairement marquée par des éléments propres au médium dans lequel elle est produite. Par exemple, même si ces images sont techniquement « numériques », elles ne s’encombrent pas toujours de repères visibles propres à la matérialité du numérique, à la différence des images créées par des moyens photographiques traditionnels.
Les générateurs d’images par IA fonctionnent souvent sur un principe d’amplification des détails du prompt de l’utilisateur, générant des nuances et des atmosphères qui n’étaient pas explicitement demandées. Cette « amplification » transforme ce que l’on imagine comme une commande simple (par exemple, un cheval au galop) en une représentation complexe, parfois très éloignée de ce que l’utilisateur aurait imaginé. Ce processus ne se limite pas à l’extension des détails ; il s’accompagne souvent d’un phénomène que Manovich qualifie de « traduction médiatique » où, bien que l’utilisateur n’ait pas demandé de modification stylistique ou d’ajout de contexte, l’IA interprète et enrichit son prompt de manière presque autonome. En d’autres termes, l’image générée par l’IA devient bien plus que la simple réponse à une demande ; elle offre une nouvelle perspective sur l’idée exprimée, un enrichissement de la vision initiale.
Dans ce processus, des biais peuvent émerger. Les représentations racistes ou stéréotypées peuvent effectivement affecter les résultats, bien que dans le contexte des chevaux au galop, ces biais ne soient pas immédiatement visibles. Il est intéressant de noter que des travaux sur l’élimination des biais dans les générateurs d'images comme DALL·E 2 ont introduit des techniques telles que l’ajout de mots-clés liés à des genres ou à des races dans les invites pour modifier ou "déséquilibrer" des images potentiellement problématiques. Cela reflète l’idée que les IA, bien qu’elles soient des outils puissants de création, sont aussi des systèmes qui nécessitent une réflexion critique sur les biais et les représentations qu'elles véhiculent.
Ce phénomène de « translationalité » dans les images générées par IA met en lumière une nouvelle dimension de l’esthétique numérique. Il devient évident que la frontière entre le « réel » et le « numérique » est de plus en plus floue. Ce que nous appelons « photoréalisme » dans le cadre des IA n’est plus un indice direct d’une captation du monde, mais plutôt un élément stylistique. Cela soulève la question de savoir si ces images, bien qu’indéniablement numériques, ont encore des racines dans la photographie ou si elles appartiennent à une nouvelle forme d’esthétique qui transcende les anciennes distinctions entre analogique et numérique.
Les images créées par DALL·E 3, tout en étant « esthétiquement agnostiques », restent néanmoins ancrées dans une matérialité numérique. Il est important de noter que cette esthétique numérique peut mener à une nouvelle forme de perception visuelle qui ne cherche pas à imiter la réalité physique, mais plutôt à construire une forme visuelle qui existe indépendamment des anciennes contraintes matérielles. De cette manière, l’IA offre un champ nouveau pour la réflexion sur la nature de la représentation, remettant en question des concepts classiques de véracité, d’indexicalité et de réalisme photographique.
La réflexion sur la « transmatérialité » des formes générées par l’IA, un concept qui souligne la capacité des technologies numériques à produire des formes qui ne sont pas spécifiquement liées à un médium particulier, est donc essentielle. Ces images sont certes numériques, mais elles ne sont pas nécessairement ancrées dans les limites de ce médium. Elles sont, pour ainsi dire, des constructions qui émergent de l’interaction entre l’IA, les données sur lesquelles elle est formée, et la manière dont l’utilisateur formule ses demandes.
Dans cette perspective, l’esthétique des images générées par l’IA s’éloigne d’une simple imitation de la réalité, pour proposer une nouvelle forme de création visuelle qui repose sur l'amplification et la transformation des prompts. Ce processus soulève des interrogations profondes sur notre rapport à l’image et à l’art, dans un monde où la technologie devient de plus en plus capable de reconfigurer ce que nous considérions comme des catégories esthétiques fixes.
Comment la compréhension des médias et de l'esthétique peut-elle enrichir l'analyse des sorties générées par l'IA ?
Les débats actuels autour des médias générés par l’intelligence artificielle (IA) se nourrissent de deux concepts fondamentaux : les « médias » et l'« esthétique ». Chacun de ces termes a été largement exploré sous diverses perspectives, avec des implications théoriques, culturelles et pratiques. L'objectif de cette section est d'examiner comment une approche étroite et une approche plus large de ces deux notions peuvent éclairer les enjeux actuels liés aux productions médiatiques et esthétiques générées par IA. Ce faisant, nous explorerons la manière dont des conceptualisations variées de ces termes permettent de produire des interprétations radicalement différentes des images, des textes et autres contenus générés par l'IA, tout en soulignant les nouveaux défis qui en émergent.
Le terme « média », dans son sens étroit, désigne un outil ou un instrument qui émerge d'une relation de fin à moyen et qui s'impose sur le réel, le traitant pour produire quelque chose de différent. Dans ce cadre, l’outil médiatique est souvent perçu comme une entité déterminée, agissant comme un canal de communication qui façonne les interactions humaines et institutionnelles. L'analyse des « médias » dans cette optique est souvent centrée sur leurs capacités et leurs limitations, et sur l'impact de ces outils dans des contextes spécifiques. Ainsi, dans le cas des générateurs d'images par IA, ceux-ci sont souvent étudiés comme une alternative technologique à la photographie traditionnelle ou à l'art dessiné à la main. Il s'agit alors de se demander dans quel contexte, par quel acteur, et avec quel objectif ces images générées par IA sont employées, distribuées et reçues. Par exemple, dans certains milieux, des images AI peuvent se substituer à des photographies de stock ou des dessins racistes, circulant sur les réseaux sociaux pour renforcer des idéologies politiques, comme cela a été observé dans des campagnes de peur utilisées par des partis d’extrême droite. Dans ce cadre précis, l'esthétique des images générées par IA semble presque secondaire par rapport à leur usage idéologique et à l'impact qu’elles ont sur la perception du public.
Cependant, une conception plus large des « médias » va au-delà de cette vision fonctionnelle et instrumentale. Les « médias » dans cette perspective sont vus comme des éléments inévitables de la compréhension du monde, des forces qui façonnent la subjectivité humaine à travers des formats sémiotiques. Plutôt que de considérer les médias comme de simples outils, cette approche les envisage comme un écosystème dans lequel les processus d’interaction humaine ont lieu. En ce sens, les « médias » deviennent des structures qui organisent l'expérience humaine, et leur impact va bien au-delà des simples usages techniques ou communicatifs. Ils modèlent la manière dont la réalité est perçue, et c’est dans ce cadre qu’il devient essentiel d'examiner la façon dont les IA génèrent des représentations du réel, souvent déformées, qui influencent notre compréhension de ce qui est authentique et ce qui est artificiel. Par exemple, l’émergence d’images générées par IA, souvent sans indication explicite de leur origine, pose la question de la réalité elle-même. Ces images peuvent fausser les perceptions de ce qui est « réel », brouillant ainsi les frontières entre fiction et réalité. Cette nouvelle « réalité médiatique », saturée de contenus IA, entraîne une réévaluation de la manière dont nous appréhendons les autres formes de représentation visuelle, qu'elles soient traditionnelles ou numériques.
L'esthétique, quant à elle, oscille traditionnellement entre la philosophie de l'art et la philosophie de la perception. Dans son sens étroit, l'esthétique est souvent associée à un jugement de valeur, fondé sur des critères de compétence, de goût et d'appréciation artistique. Ce cadre normatif de l'esthétique repose sur des jugements de qualité, cherchant à définir ce qui est considéré comme « beau » ou « digne d'être apprécié ». Cependant, lorsque l'on applique cette conception étroite aux productions générées par l'IA, une question clé se pose : dans quelle mesure l'IA peut-elle créer des œuvres ayant une « valeur esthétique » comparable à celles produites par des artistes humains ? La critique se divise souvent entre ceux qui soutiennent que l'esthétique de l'IA est dépourvue d'authenticité, et ceux qui affirment que les productions de l’IA peuvent être jugées selon les mêmes critères que les œuvres humaines. Cette tension entre compétence technique et jugement esthétique soulève des enjeux importants sur la place de l'art dans un monde où la technologie prend de plus en plus le rôle de créateur.
En revanche, une vision plus large de l'esthétique nous pousse à examiner non seulement la qualité formelle des productions, mais aussi la manière dont elles affectent la perception collective de la réalité. L’esthétique dans ce sens plus large englobe les formes de représentation, les styles et les codes culturels qui modèlent les significations sociales. Ainsi, plutôt que de se concentrer uniquement sur la beauté ou l'harmonie formelle, une approche éclectique de l'esthétique se préoccupe de l'impact des images et des textes générés par l’IA sur la société et les individus. L’esthétique devient alors un outil pour comprendre comment les humains interagissent avec des médias et comment ces derniers influencent leur conception du monde, de la réalité et de la culture. Ce point de vue nous amène à réévaluer la place de l'art dans une époque marquée par la prépondérance des machines, et à nous interroger sur ce que cela signifie pour la notion même d'esthétique.
Dans cette exploration des médias et de l'esthétique, il est essentiel de ne pas seulement se concentrer sur les différences théoriques entre ces deux approches, mais aussi de considérer la manière dont elles interagissent dans des contextes concrets. Les médias générés par l’IA, qu’il s’agisse d’images, de textes ou de musiques, ouvrent un champ vaste d’investigations pour comprendre non seulement l’outil en tant que tel, mais aussi ses effets profonds sur la manière dont nous percevons et interagissons avec le monde. C’est en prenant en compte à la fois les aspects techniques et les impacts sociétaux des médias IA, et en intégrant une vision plus large de l’esthétique, que l’on peut véritablement saisir les dynamiques contemporaines qui façonnent notre réalité.
La photographie à l'ère de l'intelligence artificielle : une réinvention du réalisme affectif
La photographie a longtemps été perçue comme un reflet fidèle de la réalité, une trace objective de l'instant capturé. Cependant, avec les récentes avancées technologiques, en particulier l'intelligence artificielle et les logiciels de traitement d'image comme ceux intégrés dans le Google Pixel 9, cette notion de vérité photographique est de plus en plus remise en question. Le Pixel 9, par exemple, a mis en avant ses capacités de génération d'images et d'édition à travers des fonctions telles que « Ajouter Moi » et « Réimaginer » dans l'éditeur « Magic Editor », qui permettent de modifier des éléments d'une image en y ajoutant ou en déplaçant des objets, voire en générant des parties d'images à partir de simples instructions textuelles. Cette évolution technologique ouvre la voie à une nouvelle compréhension de la photographie, qui se fait désormais en fonction des souvenirs personnels de l'utilisateur et de son interprétation de l'instant.
Isaac Reynolds, responsable produit de la caméra Pixel, a évoqué un changement fondamental dans la façon dont les images sont créées : une photo peut désormais être modifiée pour mieux correspondre à la manière dont un individu se souvient d'un moment, plutôt qu'à une représentation fidèle de cet instant exact. Selon lui, cette approche permet de créer des images qui sont authentiques non pas par rapport à la réalité objective, mais par rapport à l'expérience subjective de la mémoire. Cela soulève des questions importantes sur ce qui constitue l'authenticité dans la photographie. Peut-on toujours considérer une image comme un témoignage véridique de la réalité si elle est modifiée pour correspondre à une mémoire personnelle, parfois déformée ou altérée par le temps ? Les photographies deviennent-elles des hallucinations concrètes, comme le suggère la journaliste Sarah Jeong, plutôt que des reflets de la réalité ?
Ce dilemme s'accentue avec l'introduction de l'intelligence artificielle dans la création d'images. L'IA, à travers des logiciels comme DALL·E, Stable Diffusion ou Midjourney, ne considère plus la photographie comme un mode privilégié de représentation du monde. Au contraire, elle la traite comme une simple esthétique, un « style » parmi d'autres. Pour ces modèles, l'image n'est plus le produit d'une interaction directe entre l'humain et la réalité, mais une construction, une simulation, qui s'appuie sur des algorithmes pour générer des visuels qui semblent réalistes, mais qui ne sont en réalité que des constructions numériques. Ce changement de perspective a pour conséquence que les photographies générées par l'IA peuvent sembler incroyablement réalistes tout en étant totalement fictives.
Cette évolution soulève des inquiétudes concernant la perte de confiance dans la photographie en tant que témoignage visuel. À mesure que la technologie devient plus accessible et que la création d'images réalistes devient triviale, la question de l'authenticité et de la véracité des images devient de plus en plus complexe. Comme le souligne Jeong, la photo, autrefois perçue comme une preuve tangible d'un événement, pourrait bientôt être considérée comme suspecte, une simple illusion. Cette évolution n'est pas sans conséquences sociales : l'image, désormais facilement manipulable, pourrait être utilisée à des fins de manipulation, de tromperie ou de diffamation, ce qui pose des enjeux éthiques importants.
Il est également essentiel de prendre en compte que la photographie n'est pas seulement une pratique individuelle, mais un phénomène social. Les appareils mobiles, en particulier, jouent un rôle central dans la circulation rapide des images à travers les réseaux sociaux, où elles sont utilisées pour créer des narrations collectives, mais aussi, parfois, pour humilier ou menacer. Le contexte social de la photographie, et sa fonction de communication publique, ne doivent pas être négligés. La photographie n'est pas seulement un moyen de conserver des souvenirs personnels, mais aussi un outil de représentation et de narration dans un espace social élargi.
Dans cette nouvelle ère où l'intelligence artificielle redéfinit les frontières de la réalité et de la fiction, il devient crucial de comprendre que l'image photographique n'est plus un simple document, mais une construction complexe, façonnée par des algorithmes et influencée par les perceptions personnelles et sociales. Ce changement de paradigme soulève des questions profondes sur notre relation à l'image, à la mémoire, et à la vérité.
Comment l'illusion technologique façonne notre réalité quotidienne : Le cas de "The Magic Is Back" de Google
Le 13 août 2024, un jour marqué par les premières critiques de la série Pixel 9, Google a lancé une publicité intitulée The Magic Is Back, diffusée sur YouTube. D'une durée d'une minute, cette publicité se déploie sous forme de montage rapide accompagné d’une voix off et d’une bande-son, celle de la chanson I Want to Break Free de Queen (1984). La publicité se déploie dans un tourbillon visuel et sonore, semblable à une expérience immersive qui, tout en étant moins totale que l'ancienne Information Machine d'IBM, a néanmoins l'effet d'une montagne russe émotionnelle et perceptive. Ce montage n’est pas seulement un jeu de formes et de contenus visuels : l’interaction entre la voix et les images ne peut être dissociée de l’ambiance, de la promesse et des sensations que la technologie évoque.
L’essence de la publicité repose sur un contraste frappant : la première scène, terne et morne, montre des individus plongés dans leur téléphone dans une rame de métro grisâtre. L’ambiance est lourde, presque mécanique, de l’indifférence froide des passants absorbés par leurs écrans. Mais cette monotonie n’est qu’un prélude à un univers vibramment coloré, qui se déploie dans la partie centrale de la publicité. Là, des jeunes gens d’ethnies diverses apparaissent dans des scènes idéalisées de fêtes, de voyages et de moments de convivialité. Ce monde est celui que l’on accède uniquement grâce au téléphone Pixel 9. L’adoption de ce produit devient la clé d’une vie exaltée, libre des contraintes d’une réalité grise et sans relief. À travers ce montage, Google propose plus qu’une simple technologie : il vend un rêve, une sortie de la banalité vers l’illusion d’un épanouissement personnel et collectif.
Le récit de The Magic Is Back met en avant un concept central : la promesse d’un dépassement du réalisme pragmatique et déprimant, incarné par la phrase "C’est comme ça, c’est tout." Cette expression, de nature tautologique et désabusée, est ensuite défiée par la narration de la publicité, où l’on suggère que le Pixel 9 rend possible ce qui semblait inconcevable. La répétition du slogan The Magic Is Back instaure une nostalgie subtile, semblable à un retour à un âge d’or imaginaire de la technologie, où l’on se souvient d’une époque avant les écrans tactiles et les recherches manuelles, avec cette suggestion constante que l’ancien monde est désormais révolu.
Dans le cadre de cette illusion technologique, The Magic Is Back cristallise également une forme de spectacle. La publicité joue sur l'émerveillement autour des capacités du Pixel 9, comme une forme de magie moderne. Les différents scénarios, allant de la photographie et la modification d’images à la consultation de cartes interactives ou à l’apprentissage de nouveaux jeux, placent l’appareil comme un objet de fascination. Ce spectacle technologique est souvent moins axé sur l'utilité réelle de l'appareil que sur son pouvoir à stupéfier. La magie réside dans l’effet produit par la nouveauté, dans cette capacité à produire un émerveillement instantané face à l'inattendu, au spectaculaire.
Le choix de la chanson I Want to Break Free ajoute une couche supplémentaire à cette construction de l’illusion. Le morceau de Queen, dans son contexte originel, est une déclaration de libération, un rejet des contraintes sociales et sexuelles. Ici, dans la publicité, la chanson est réduite à un simple extrait de ses paroles : "I want to break free," et ce désir de rupture semble s’appliquer à la vie monotone dépeinte au début de la publicité. La promesse du téléphone est celle d’une émancipation technologique, d'une liberté retrouvée, comme un monde parallèle à celui de la "réalité" du métro.
À un niveau plus profond, cette publicité incarne une tension fondamentale entre le réel et le virtuel, entre la promesse d’un monde parfait, magnifié par la technologie, et les limites inhérentes de l’expérience humaine dans son état quotidien. Le Pixel 9, en tant qu'objet de désir, devient le symbole de cette liberté illusoire, où la technologie devient un moyen d’évasion, un outil permettant de "réinventer" la réalité, mais en l’éloignant toujours davantage de l’essence de l'expérience humaine authentique.
Ce type de publicité joue également sur la notion de réalisme affectif, où la représentation visuelle ne se contente pas de refléter la réalité, mais la transforme, la magnifie, l'idéalise pour faire naître une émotion ou un désir. La relation avec la technologie devient alors une forme de lien affectif, où l’utilisateur est invité à investir émotionnellement dans l’objet technologique, à en attendre des plaisirs visuels et sensoriels, au détriment de la reconnexion avec la réalité tangible.
Comprendre ce phénomène implique de saisir comment la publicité ne se contente pas de promouvoir un produit, mais elle forge une réalité parallèle où les désirs et les attentes sont modelés par des images puissantes et séduisantes. Ce processus est d’autant plus intrigant lorsqu’on considère la façon dont l’émerveillement technologique est cultivé pour faire oublier les aspects plus problématiques de la dépendance numérique, de l’isolement social induit par l'usage excessif des technologies et du rôle de la publicité dans l'hyper-valorisation de l’objet technologique.
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