Dans l'étude de la géométrie absolue, plusieurs axiomes fondamentaux jouent un rôle clé dans la définition et la caractérisation des espaces considérés. Parmi eux, A3, l'axiome du transport de segment, affirme qu'un segment quelconque peut être transporté le long de n'importe quel rayon. L'axiome A4, le fameux axiome des cinq segments, est une forme du critère de congruence côté-angle-côté, adapté à un cadre où les angles et leur congruence ne sont pas supposés définis. L'axiome A6, dit de Pasch, garantit l'intersection des droites dans des configurations géométriques données, tandis que les axiomes A7 et A8 bornent la dimension de l'espace étudié, assurant respectivement que cette dimension est au moins deux et au plus deux.

Ces axiomes définissent ce que l'on appelle les plans de Hilbert, objets mathématiques étudiés en profondeur et caractérisés par W. Pejas à travers une approche algébrique. Ces plans apparaissent comme des sous-modèles de plans projectifs-métriques P(K, k), construits sur un corps ordonné pythagoricien K, avec un élément k appelé constante d'orthogonalité ou constante métrique. L’ensemble P(K, k) est formé de points notés (x, y, z) et de droites notées [u, v, w], soumis à une relation d'incidence définie par l'équation xu + yv + zw = 0. L’orthogonalité entre droites est définie par la condition uu′ + vv′ + kww′ = 0, ce qui montre que la métrique de l’espace dépend directement de la constante k.

Lorsque l'on retire la droite [0, 0, 1] ainsi que tous ses points associés du plan projectif P(K, k), on obtient un plan affine-métrique A(K, k). Les points de ce plan peuvent être représentés par des couples (x, y) normalisés, et l'ordre du corps K induit un ordre naturel sur les droites de ce plan affine.

L’étude plus fine des corps K et de leurs sous-ensembles, notamment l'anneau R des éléments bornés et l'idéal P des éléments infiniment petits, conduit à la classification des plans de Hilbert en trois types. Le type 1 correspond à un sous-ensemble E du plan affine A(K, 0), lié à un module R trivial, et correspond essentiellement à une géométrie euclidienne classique, dite de type Dehn. Le type 2 implique une constante k non nulle, avec des conditions spécifiques sur le module M, introduisant une géométrie locale avec une orthogonalité arbitraire. Le type 3, plus complexe, correspond à des modèles généralisés de Beltrami–Cayley–Klein, où la constante k est négative, et où le plan peut être vu comme l'intérieur d'un cercle, parfois amputé d'un collier infinitésimal autour de son bord.

Le signe de la constante k est intimement lié à la somme des angles d’un triangle dans ce plan : il reflète le décalage par rapport à la somme euclidienne de π radians. Ainsi, la propriété que la somme des angles d'un triangle soit inférieure ou égale à 180° est équivalente à la condition k ≤ 0, caractéristique des géométries non-euclidiennes dites hyperboliques.

Il est particulièrement intéressant de constater que, bien que les preuves dans le cadre de la géométrie absolue soient souvent considérablement plus longues et complexes que dans le cadre euclidien, certains théorèmes classiques s’y adaptent ou s’y révèlent avec de nouvelles méthodes. Par exemple, la démonstration de la concurrence des médianes d’un triangle, classique en géométrie euclidienne, apparaît comme trompeuse si l’on croit que cette propriété repose uniquement sur les spécificités euclidiennes. En réalité, cette propriété est plus générale et tient dans un cadre plus abstrait, ce que souligne l’importance de prouver les énoncés à l’intérieur même des axiomes de la géométrie absolue, et non en se référant uniquement aux résultats euclidiens.

Une autre dimension majeure est que certaines propositions universelles, valables tant dans le plan euclidien réel E que dans le modèle hyperbolique H, sont aussi vraies dans le système A + NE, c’est-à-dire la géométrie absolue enrichie par la condition que la somme des angles d’un triangle soit au plus 180°. Cette correspondance s’appuie sur la théorie des modèles et la notion d’équivalence élémentaire entre ces structures, ce qui garantit que des propriétés universelles communes aux deux plans se retrouvent dans la géométrie absolue avec la restriction NE.

Ce passage par la théorie des modèles apporte une rigueur nouvelle à la compréhension des géométries, en montrant que les théorèmes universels de la géométrie euclidienne et hyperbolique sur le corps des réels sont conservés dans des cadres beaucoup plus larges. Ce résultat confère à la géométrie absolue une robustesse conceptuelle et ouvre la voie à l’étude de propriétés géométriques fondamentales sans recours aux notions d’angles, ou avec des définitions méticuleuses adaptées.

Au-delà des résultats purement formels, il est essentiel pour le lecteur de comprendre que cette approche algébrique et axiomatique révèle la nature profonde des espaces géométriques, dévoilant des continuités entre des géométries apparemment distinctes. La notion de constante métrique k et sa relation avec la somme des angles d’un triangle ne sont pas simplement des curiosités techniques, mais le reflet d’une structure universelle qui régit la forme et les propriétés des plans étudiés.

De plus, cette compréhension invite à dépasser la géométrie euclidienne classique pour envisager une géométrie plus générale, où les axiomes eux-mêmes sont objets d’étude et de discussion, non plus donnés comme intangibles. Ce recul permet de saisir la portée des résultats, ainsi que les raisons pour lesquelles des preuves effectuées dans des cadres plus larges peuvent s’avérer nécessaires, notamment dans les développements modernes de la géométrie absolue.

Enfin, il importe de garder à l’esprit que l’abstraction géométrique ainsi définie ouvre un champ immense d’investigation, allant de l’étude des modules d’anneaux aux modèles géométriques et à leur incidence avec la théorie des corps ordonnés, posant les bases pour une compréhension plus complète de la nature de l’espace et des figures géométriques indépendamment des intuitions classiques.

Comment l'expérience de la vie sous le régime communiste a façonné ma trajectoire personnelle et professionnelle

La fin de mes études secondaires a marqué un tournant dans ma vie. Je suis entré à l'université en tant qu'étudiant en mathématiques, mais la situation politique de l'époque a rapidement compliquer mes aspirations. En 1956, ma situation familiale et personnelle s'est encore détériorée avec mon mariage avec Sanda. Ce mariage a été un véritable tremblement de terre dans ma vie, perturbant profondément l’équilibre familial et occasionnant de grandes souffrances dans les derniers mois de vie de mon père. L'hostilité entre nos familles respectives, et surtout l'hostilité de ses parents envers moi, m'ont plongé dans une période de confusion et d'isolement. J’étais perçu comme un raté, un homme sans avenir, avec une carrière misérable, un salaire bien inférieur à celui de Sanda, ce qui me contraignait à solliciter l’aide financière de mon père chaque mois.

À cette époque, ma situation professionnelle à l'université était déjà précaire, et mes revenus étaient bien en deçà de ce qui aurait été considéré comme un salaire décent. Vivre sous le regard désapprobateur de ma belle-famille et dans un contexte politique de plus en plus oppressant n’a fait qu’accentuer mon sentiment de stagnation. Mon père, médecin respecté, vivait aussi dans l’ombre de ce changement politique. L'abolition imminente de la pratique médicale privée semblait le peser énormément, et je pense que cela a contribué à sa dépression avant sa maladie et son décès en avril 1958.

Les mois qui ont suivi sa mort ont été marqués par un changement brutal de ma situation personnelle et professionnelle. Je me suis vu évincé de mon poste universitaire sous l'accusation d'être un « ennemi du peuple ». C’est ainsi que ma vie conjugale avec Sanda a pris fin, et la séparation a constitué pour moi une véritable libération. Je me suis retrouvé seul, à la recherche de ma propre voie, loin des attentes et des jugements des autres.

Après le divorce, j'ai vécu avec ma mère dans l'appartement familial. Pendant ces années, de 1958 à 1962, j’ai connu l’isolement imposé par le régime, qui m’a interdit de voyager à l’étranger. Toute communication avec ma mère s’est réduite à des lettres et des appels téléphoniques, jusqu’à ce qu’elle meure en 1974. Ce fut un déchirement dont il m’est difficile de parler sans ressentir la douleur. Le régime communiste m'a privé de la possibilité de revenir, et ma mère a dû supporter une existence marquée par l’impossibilité de revoir son fils.

Durant cette période difficile, la relation avec ma cousine Liliana, que j’avais perdue de vue pendant des années, a repris, mais elle fut marquée par des tensions idéologiques. Elle s'était engagée dans le parti communiste dans les années 1960, ce qui a contribué à éloigner davantage nos points de vue. Cependant, malgré ces divergences, vers 2015, nous avons renoué des liens, mais malheureusement, elle est décédée peu après. Cette rencontre m’a fait réfléchir profondément sur l’influence du passé et sur ce que mon père aurait pensé de ma vie après tout ce que j'avais traversé.

En parallèle, ma vie quotidienne, même après le départ de Sanda, a été façonnée par les réalités difficiles du régime. En dépit de la répression économique et de la pauvreté générale, j'ai trouvé un peu de réconfort dans des moments simples. Mon père, grand amateur de vin, a décidé de produire le sien face à la pénurie de vin de qualité imposée par le régime. Avec l’aide d’un appareil acheté sur le marché noir, nous avons commencé à produire notre propre vin. J'étais alors un jeune homme de 17 ans, passionné par l’exercice physique, et je m’occupais du pressurage des raisins. C'était une petite victoire personnelle dans un monde où tout semblait contraint et dénué d'espoir.

Il est essentiel de comprendre que la vie sous le régime communiste n’était pas seulement marquée par la répression politique et économique, mais aussi par des contradictions et des formes de résistance silencieuse, que ce soit dans la quête de plaisir, de liberté personnelle ou de survie quotidienne. Ce contexte ne pouvait qu’alimenter des sentiments de frustration, mais aussi une forme de résilience. Même dans les moments les plus sombres, la recherche d’une vie meilleure, même à travers des actions apparemment insignifiantes comme la production de vin à domicile, devenait un acte de résistance contre un régime totalitaire qui voulait tout contrôler.

Ce n’était pas seulement une question de survie, mais aussi de maintenir une certaine forme de dignité humaine dans un monde où la liberté d’expression et d’action était constamment restreinte. C’est ce combat silencieux que beaucoup d’entre nous ont mené sans même s’en rendre compte. Il est important de saisir que les individus qui vivaient dans ce contexte, comme ma famille et moi-même, ont dû constamment naviguer entre compromis et révolte, entre la résignation et l’espoir.