Lors de la convention républicaine de juillet 2016, Donald Trump a souligné que la criminalité violente se développait à travers l'Amérique, et qu'il mettrait en œuvre des stratégies plus strictes pour freiner cette montée. Il a utilisé les mots « violence » ou « criminalité » à dix-huit reprises et la phrase « loi et ordre » quatre fois. Il est intéressant de noter qu'il n'a pas fait appel aux taux de criminalité enregistrés ou à des données gouvernementales pour soutenir son discours, mais plutôt aux expériences personnelles des Américains confrontés à cette violence. Il a déclaré : « Les Américains qui regardent cette allocution ce soir ont vu les images récentes de violence dans nos rues et du chaos dans nos communautés. Beaucoup ont été témoins de cette violence personnellement, certains en ont même été victimes. J’ai un message pour vous tous : la criminalité et la violence qui affligent aujourd’hui notre nation prendront bientôt fin » (Trump, 2016b, paras. 4-5).

Les médias ont rapidement suggéré que le discours de Trump exagérerait la situation en Amérique et présenterait un récit inexact sur la criminalité violente. Lors d'une interview avec Newt Gingrich après le discours, la journaliste de CNN Alisyn Camerota a soutenu ce point en expliquant que la criminalité violente était en baisse constante aux États-Unis, ce qui remettait en question la base des « stratégies de loi et d'ordre » proposées par Trump. La réponse de Gingrich illustre une position relativiste qui, comme je le développerai plus loin, deviendrait de plus en plus présente au sein de l'administration Trump face aux preuves accablantes. En réponse à l’insistance de Camerota selon laquelle les statistiques du FBI montraient la baisse de la criminalité violente dans le pays, Gingrich a répliqué : « L’Américain moyen, je parie que ce matin, ne pense pas que la criminalité soit en baisse, ne pense pas qu’il soit plus en sécurité » (Camerota & Gingrich, 2016, para. 14).

Après la réponse de Camerota que « nous sommes plus en sécurité, et la criminalité est en baisse » (para. 15), Gingrich s’est exclamé : « Non, c’est votre point de vue » (para. 16). Pour renforcer cette position relativiste sur la vérité, Gingrich a expliqué que l’accent mis sur la réponse à la criminalité violente en Amérique faisait appel aux expériences subjectives des gens, plutôt qu’à des preuves empiriques solides. Il a dit : « Les libéraux ont un ensemble de statistiques qui théoriquement peuvent être correctes, mais ce n’est pas ce que vivent les êtres humains » (para. 18) et « En tant que candidat politique, je vais me fier à ce que les gens ressentent et je vous laisse avec les théoriciens » (para. 21).

Les exemples précédents illustrent bien le thème central de ce chapitre, suggérant que la « vérité » elle-même est tenue en contradiction pour Trump, ses alliés et de nombreux commentateurs populaires de la droite politique. Alors que Trump avance un discours où ses affirmations sont la vérité absolue un jour, lui et ses partisans peuvent se tourner vers des positions relativistes, assimilant croyance personnelle et preuves documentées, pour les soutenir le lendemain. Ce recul vers le relativisme face à des preuves solides a pour fonction de fermer tout dialogue réel et engagé avec la vérité.

Sur le plan dialogique, ce retrait semble servir à promouvoir une vision du monde du type « j’ai la mienne, vous avez la vôtre », qui vise à clore la conversation et à mettre les revendications concurrentes de vérité dans une impasse. Cette approche a des répercussions importantes pour la manière dont les discours politiques sont construits et reçus.

L’un des aspects les plus intrigants de cette contradiction, c’est la manière dont Trump et ses soutiens semblent naviguer entre une posture de « dit la vérité » et un recours à un relativisme opportuniste. Ce phénomène trouve des parallèles dans la manière dont le pouvoir, l’idéologie et la vérité sont interconnectés au sein de la droite politique. Pendant des décennies, la relativité de la vérité a été un reproche adressé à la gauche académique par la droite. Pourtant, aujourd’hui, c’est l’une des armes principales utilisées par la figure emblématique de la politique de droite elle-même. Cela reflète un phénomène paradoxal où une droite politique qui se pose en défenseur de la vérité objective se trouve, dans la pratique, à manipuler la vérité en fonction des besoins idéologiques du moment.

Ce phénomène ne se limite pas à une simple contradiction interne, mais soulève également des questions éthiques et épistémologiques cruciales pour le débat public. La manière dont Trump utilise la « vérité » pour façonner son discours et celui de ses partisans est non seulement irresponsable, mais elle vise aussi à ancrer une forme de domination idéologique qui se déconnecte de tout rapport authentique avec la réalité et l’évidence. En effet, sa stratégie semble désavouer tout engagement sérieux avec des données et des faits, et elle contribue à la propagation d’une vérité fragmentée et subjective.

Ce type de manipulation du discours est également un danger pour le débat démocratique. Lorsque la vérité devient un outil flexible au service d’une idéologie, la possibilité d’une discussion rationnelle et constructive est gravement compromise. En effet, ces démarches ne visent pas à éclairer les citoyens sur la réalité des faits, mais à les convaincre de la justesse d’un point de vue à travers des récits émotionnels et des simplifications manipulatrices.

Enfin, bien qu’il soit important de critiquer l’approche de Trump et de ses alliés, il est tout aussi crucial de ne pas confondre cette forme de relativisme politique avec les traditions académiques qui ont remis en question l’objectivité des vérités absolues. De nombreuses formes de recherche sociale adoptent une perspective antifactuelle, qui reconnaît la pluralité des expériences humaines et les relations complexes entre vérité et pouvoir. Ce cadre théorique, souvent mécompris, offre une réflexion sur la manière dont les récits sont construits et sur l’impact des rapports de pouvoir dans la formation de la « vérité ». Le discours de Trump, loin d’être un prolongement de ces recherches, représente une démarche autoritaire qui cherche à déstabiliser les fondements d’un débat éthique et rationnel.

La Vérité, les Paradigmes Sociaux et la Politique du "Post-Vérité"

Le débat sur le changement climatique, comme d'autres enjeux contemporains, soulève une question complexe : la vérité est-elle simplement une construction sociale, une question d'interprétation ou de pouvoir ? De nombreux débats sur des phénomènes naturels tels que le changement climatique reposent sur des perspectives sociologiques et philosophiques qui, tout en reconnaissant les réalités empiriques du monde naturel, s'intéressent avant tout à la manière dont ces réalités sont construites dans le cadre des relations sociales. Cela ne signifie pas que les faits objectifs sont niés, mais que les systèmes de pouvoir et les récits dominants influencent la manière dont ces faits sont interprétés et compris.

Un exemple frappant de cette tension entre réalité objective et interprétation sociale se trouve dans la montée en puissance de la politique du "post-vérité". Ce phénomène a été largement observé avec l'émergence de figures politiques telles que Donald Trump, qui ont instrumentalisé la relativité des faits pour promouvoir des politiques basées sur des croyances subjectives plutôt que sur des données empiriques. L'une des caractéristiques notables de la politique du "post-vérité" est la manière dont elle joue sur les émotions et les convictions personnelles, souvent au détriment des faits vérifiables. Trump, par exemple, a constamment réaffirmé des idées fausses, notamment sur les taux d'immigration ou les taux de criminalité, malgré des statistiques indiquant une tendance inverse. Cette utilisation du relativisme pour justifier des politiques d'immigration draconiennes ou des stratégies de maintien de l'ordre a fait écho à un phénomène plus large, celui de la "vérité alternative", qui cherche à réécrire la réalité selon des croyances partisanes.

La situation devient plus complexe lorsque cette approche de la vérité, propre à la politique "post-vérité", est associée à des concepts philosophiques comme le postmodernisme. Le postmodernisme, souvent associé à la critique des grands récits et des vérités universelles, ne nie pas l’existence de faits objectifs. Il remet en question la manière dont ces faits sont interprétés et valorisés dans différentes épistémologies, notamment dans des contextes de pouvoir. Dans le cadre de la critique postmoderne, les vérités objectives sont analysées comme des objets de pouvoir et de contrôle. Les théoriciens postmodernes, comme Jean-François Lyotard, ont soutenu que les grandes histoires, ou "méta-récits", qui prétendent expliquer le monde de manière absolue, doivent être déconstruites. Cependant, cela ne signifie pas que les faits empiriques, tels que le nombre exact de soldats allemands ayant franchi un pont, perdent leur pertinence ou leur objectivité. Ce que critique le postmodernisme, c’est l’assumption selon laquelle une interprétation particulière de ces faits devrait être considérée comme définitivement correcte et universellement valide.

Cette distinction est cruciale pour comprendre pourquoi la politique du "post-vérité", qui se base sur une sorte de relativisme débridé, n’a que peu à voir avec les préoccupations des théoriciens postmodernes. En effet, contrairement à Trump, les postmodernistes ne soutiennent pas que les faits empiriques peuvent être simplement ignorés ou réinterprétés en fonction de croyances personnelles. Au contraire, ils cherchent à exposer les mécanismes de pouvoir qui façonnent les vérités acceptées et à montrer comment ces vérités peuvent être instrumentalisées pour maintenir des systèmes de domination. Par exemple, dans le domaine de la recherche scientifique, l'idée que la vérité soit située et non universelle ne signifie pas qu'elle soit relative ou arbitraire. Elle suggère plutôt que ce que nous considérons comme des "faits" est souvent influencé par des contextes sociaux et historiques qui méritent d'être analysés.

Ainsi, bien que la politique du "post-vérité" de Trump soit souvent liée à des idées issues du postmodernisme, cette association est trompeuse et dangereuse. Elle permet de déformer des théories critiques qui, au contraire, cherchent à déconstruire les relations de pouvoir sous-jacentes aux connaissances établies. De plus, cette confusion risque de nuire à la compréhension de l’utilité des théories postmodernes dans la lutte pour un monde plus juste, en les présentant comme des alliées de pratiques politiques qui privilégient les croyances subjectives sur les faits objectifs.

Il est donc essentiel de différencier ces deux approches de la vérité : d’une part, le relativisme politique qui nie l'objectivité au profit d'un discours basé sur des croyances personnelles, et d'autre part, les critiques postmodernes qui mettent en lumière les processus sociaux et politiques qui déterminent quelles vérités sont considérées comme légitimes. Le premier, comme le démontre la politique de Trump, encourage une manipulation des faits pour servir des intérêts idéologiques, tandis que le second offre un cadre théorique pour comprendre comment et pourquoi certains récits sont dominants, sans pour autant nier la possibilité de connaître le monde de manière objective.

Enfin, il est important de souligner que si le postmodernisme peut sembler sceptique vis-à-vis des prétentions de vérité absolue, cela n'implique pas une dévaluation des faits. Il s'agit plutôt de questionner la manière dont les "vérités" sont construites et d'explorer les rapports de pouvoir qui influencent leur légitimation. Dans un monde où les faits sont souvent manipulés à des fins politiques, cette approche offre un outil essentiel pour repenser nos modes de connaissance et promouvoir une société plus équitable.

Pourquoi le populisme de droite et le soutien à Trump sont-ils liés à des valeurs autoritaires et racistes ?

Beauchamp (2016) met en évidence certains indicateurs géographiques qui montrent que les Blancs issus des anciens États confédérés sont plus susceptibles de soutenir le racisme ainsi que des candidats du Parti républicain tels que Trump. Cette observation souligne clairement les liens entre Trump, le racisme et l'autoritarisme. Les évaluations passées des candidats républicains à la présidence, comme McCain et Romney, ne montraient aucune relation statistique significative avec les facteurs de racisme ou de sexisme (Lopez, 2017). En revanche, Lopez rapporte que « le racisme et le sexisme... peuvent expliquer environ les deux tiers de l'écart éducatif parmi les Blancs lors du vote présidentiel de 2016 » (para. 4). Avant l’élection de 2016, les personnes s'identifiant comme blanches étaient plus enclines à soutenir Trump lorsqu'elles étaient informées que les Blancs deviendraient une minorité démographique d'ici 2040 (Beauchamp, 2016, para 9).

Beauchamp note également des tendances politiques similaires parmi ceux qui ont soutenu le Brexit, en particulier une adhésion aux valeurs autoritaires et un sentiment anti-immigré. En effet, les partisans inconditionnels de Trump et de ses homologues mondiaux ne sont pas ceux qui se retrouvent fréquemment dans la Rust Belt, où l'on pleure la perte d'emplois dans les usines. Ce qui unit les politiciens d'extrême droite et leurs partisans des deux côtés de l'Atlantique, ce sont un ensemble d'attitudes régressives envers les différences. Le racisme, l'islamophobie et la xénophobie, et non l'anxiété économique, sont leurs cartes de visite (Beauchamp, 2016, para. 9).

Il est crucial de comprendre que Trump et ses partisans ne sont pas une anomalie, mais qu'ils représentent le cœur du Parti républicain, faisant partie intégrante de sa plateforme et de sa dérive vers la droite. Post (2017) et Matthews (2016) notent que les opinions des électeurs conservateurs se sont radicalisées de manière significative depuis l'élection d'Obama en 2008. Autrefois, les électeurs conservateurs se contentaient des mesures économiques néolibérales du GOP en échange de politiques ciblant les femmes, les personnes LGBTQ et les minorités. Mais ces jours sont révolus. Aujourd'hui, les politiciens et candidats républicains font de la lutte contre les représentants « traditionnels » de leur propre parti un axe majeur de leurs campagnes, les républicains « traditionnels » n'ayant d'autre choix que de suivre docilement ou risquer de perdre des électeurs (Coates, 2017).

Anderson (2017) résume la situation en soulignant que, comme à Noël, chaque jour Trump offre des « cadeaux » à ses partisans : interdictions de voyager contre les musulmans, raids de l'Immigration et des Douanes dans les communautés hispaniques, déportations brutales dévastant les familles, répression contre les villes sanctuaires, une commission sur l'intégrité des élections pleine de personnalités notoires en matière de suppression du vote, des annonces de bannissement du personnel transgenre dans l'armée, une approbation de la brutalité policière contre les « voyous », un déni de citoyenneté aux immigrants servant dans les forces armées, et une guerre renouvelée contre la drogue qui, si elle ressemble à la précédente, visera spécifiquement les Afro-Américains et les Latinos bien qu'ils ne soient pas les principaux utilisateurs de drogue dans ce pays (para. 4).

Le fait que la constitutionnalité de ces mesures ait été contestée avec succès devant les tribunaux et qu'elles soient opposées par des manifestations ne fait aucune différence pour les partisans de Trump. Ce qui importe pour eux, c'est la vengeance, récemment incarnée dans les hystériques auditions de confirmation de Brett Kavanaugh à la Cour suprême, accusé d'agression sexuelle.

L'analyse des forces qui poussent à soutenir Trump soulève des questions dialectiques importantes. Pourquoi certains auteurs de gauche ou libéraux s'efforcent-ils de présenter le populisme de droite sous un jour aussi favorable, avant et après l'élection ? Au lieu de concentrer leurs efforts sur la lutte contre le populisme de droite et le fascisme, beaucoup de voix se tournent vers une critique des « politiques identitaires » (lire : les préoccupations des femmes, des LGBTQ et des minorités), de Hillary Clinton/Obama, voire même des critiques de Trump lui-même. Bray (2017) soulève la question clé qui façonne cette section : pourquoi le spectre de la classe ouvrière blanche est-il constamment invoqué ? Pourquoi les libéraux continuent-ils à l'adresser ? Cette connexion entre les constructions historiques du racisme libéral et le racisme des partisans de Trump clarifie la faiblesse des réponses libérales face au renouveau de la suprématie blanche et pourquoi une véritable réponse antiraciste à cette résurgence doit comprendre l'abandon du trope de la « classe ouvrière blanche » (para. 4).

Ce tournant sympathique représente ce que l'on pourrait appeler une racialisation de l'urgence. En somme, il s'agit du moment où les problèmes économiques et sociaux ne sont perçus avec compassion par le public que lorsqu'ils commencent à affecter les Blancs de la classe moyenne, voire de la classe ouvrière, qui sont normalement davantage protégés en raison de l'héritage de la suprématie blanche dans une société capitaliste (Browning, 2017; Hamilton, 2016). La perte d'emplois dans les centres urbains a fait la une des journaux il y a près de 40 ans, mais la réponse du public consistait à accuser les communautés noires de devoir se recycler, des analyses interminables sur la pathologie de la famille noire et des mères célibataires, et des conseils du type « il faut passer à autre chose » face à la disparition des emplois industriels et bien rémunérés (voir Mead, 1997). Aujourd'hui, lorsque ce type de travail disparaît dans les communautés majoritairement blanches, cela devient soudainement une urgence nationale.

Un autre exemple de cette racialisation de l'urgence pourrait être la couverture médiatique de l'épidémie d'opioïdes comparée à celle de l'épidémie de crack dans les années 1990 (Cohen, 2015). Cette racialisation de l'urgence est également visible dans la manière dont les membres des groupes dominants estiment qu'ils méritent d'être la force dominante dans leurs sociétés, et éprouvent du ressentiment envers ceux qui remettent en question leur position au sommet de la pyramide (Beauchamp, 2016, para. 21).

L'analyse de Bray (2017) est éclairante concernant la nécessité pour la gauche libérale de rester pertinente face à un assaut médiatique de droite qui dure depuis les années 1970. Essentiellement, les libéraux tentent de s'allier à la droite en utilisant le prétexte de l'anxiété économique et en couvrant de manière bienveillante les petites villes en déclin. Les libéraux se retrouvent coincés dans un héritage désagréable de décennies de minimisation du racisme systémique, tout en localisant ses formes manifestes et privatisées dans la classe ouvrière blanche, dans le cadre de ce que Bray qualifie de post-racialisation ou de racisme néolibéral. L'insistance sur le fait que nous vivons dans une société post-raciale (et post-féministe) se retourne aujourd'hui contre ceux qui n'arrivent pas à affronter et surmonter le fascisme. Au lieu de cela, les libéraux restent idéologiquement enfermés dans un schéma de négation du rôle de la race tout en reconnaissant les préoccupations d'une société démographiquement diversifiée, mais aussi en soutenant des réactions réactionnaires.

Comment l'écosocialisme et la démocratisation des médias peuvent façonner l'avenir du socialisme

Dans le contexte actuel du XXIe siècle, l’écosocialisme devient une condition sine qua non de la construction du socialisme. En effet, il n’y aura tout simplement pas de monde dans lequel un avenir socialiste pourra être conçu, ni de peuples capables de le réaliser, si nous ne donnons pas la priorité aux questions écologiques. Comme l’affirme Ian Angus, rédacteur en chef du journal Climate & Capitalism (2013), la crise environnementale actuelle n’est pas simplement une extension des conflits séculaires entre le capitalisme et la nature. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, ce que Marx et Engels appelaient le « rift métabolique »—la rupture dans l’interaction entre l’humanité et la nature, issue de la production capitaliste—s’est intensifié pour devenir un abîme écologique global. Pour Angus, il est désormais impératif que les socialistes soient des écosocialistes. La lutte contre la destruction environnementale doit occuper une place centrale dans la lutte contre le capitalisme.

Capitalisme et écocide vont de pair, et c'est par le biais de l’écosocialisme que la révolte contre le capitalisme doit se déployer. Si le statu quo persiste, la probabilité d’un effondrement écologique majeur ne sera pas simplement une possibilité, mais une certitude. Ce risque fait planer une condamnation à mort sur une grande partie de notre planète. Les socialistes, donc, doivent nécessairement embrasser l’éco-socialisme, car sans une révolution écosocialiste, il ne peut y avoir d’avenir pour l’humanité.

Ce défi devient d’autant plus pressant face à l’ignorance écologique manifeste des dirigeants actuels, tel que l’exemple de Donald Trump, qui ne se contente pas d’ignorer les enjeux écologiques, mais contribue activement à les aggraver, non seulement pour les États-Unis, mais pour la planète entière. Les estimations les plus conservatrices nous disent qu’à chaque année, près d’un million de vies dans le Sud global sont déjà englouties par la violence du changement climatique, et des millions d'autres perdent leur maison et leur subsistance. Il devient urgent d'agir.

La question de la promotion de l’éco-socialisme par les médias, notamment pour défier les idéologies de droite et contrer les fausses narratives, est également capitale. La médiatisation joue un rôle primordial dans la diffusion des idées et des luttes sociales. Comme l’a souligné Jeremy Corbyn, l’idée d’un « média pour tous et non pour quelques-uns » est essentielle pour construire une société juste. Il faut soutenir le journalisme local, d’investigation et d’intérêt public, qui challenge les grandes structures de pouvoir. Corbyn insiste également sur le fait que la BBC, ainsi que la radiodiffusion publique en général, ne doit pas être fragmentée ou privatisée, mais plutôt démocratisée. Les travailleurs des médias devraient refléter la diversité de la société, et les institutions publiques devraient être totalement transparentes. Les syndicats jouent un rôle crucial et doivent être pleinement intégrés à ce processus.

Une telle vision des médias publics permettrait de créer une « pédagogie publique » qui lutte activement contre la montée du populisme de droite et les idéologies destructrices qui en découlent, y compris le déni du changement climatique. Les médias, une fois démocratisés et détachés des intérêts privés, deviendraient un véritable levier pour un avenir socialiste.

Au-delà de la question des médias traditionnels, le potentiel des réseaux sociaux après le capitalisme mérite une attention particulière. Des alternatives à des plateformes comme Facebook existent déjà, mais elles n'ont pas encore réussi à atteindre la masse critique nécessaire pour les rendre viables à grande échelle. Lewis Bassett, dans sa réflexion sur un « Facebook après le capitalisme », souligne la difficulté de créer des alternatives viables dans un environnement médiatique dominé par des logiques de concurrence capitalistes. Même si les monopoles technologiques, comme celui de Mark Zuckerberg, étaient démantelés, les incitations capitalistes qui régissent le monde des médias pourraient permettre à Facebook de continuer à prospérer, ou de voir d'autres géants émerger, alimentant ainsi une nouvelle forme de domination.

L’écosocialisme et la démocratisation des médias sont indissociables. Pour qu’une transition vers un socialisme véritablement inclusif et écologique ait lieu, il est crucial de remettre en question le contrôle monopolistique des médias et de permettre à la société civile de s’exprimer à travers des plateformes qui favorisent l'engagement social, l’éducation et l’information. Les réseaux sociaux post-capitalistes devront être pensés non seulement comme des instruments de communication, mais aussi comme des espaces pour la lutte idéologique, où des modèles alternatifs de gouvernance et de gestion des ressources peuvent être débattus et mis en œuvre.

Il est donc impératif que les travailleurs des médias, tout comme les acteurs politiques de la gauche, s'engagent à transformer les espaces médiatiques en leviers puissants pour un changement de paradigme. Le futur du socialisme, de l’écosocialisme et de l'environnement dépend d'une action collective et d'une refonte totale des structures médiatiques actuelles, afin de garantir une représentation équitable, une information libre et un accès ouvert pour tous.