Le développement de l'apprentissage est défini par le niveau de défi optimal auquel un étudiant peut se mesurer, c'est-à-dire une tâche qu'il ne peut accomplir seul mais qu'il réussirait avec l'aide d'un autre individu ou d'un groupe. Une étude menée par Palincsar et Brown (1984) montre l'efficacité de cette approche pour aider les étudiants à apprendre à lire des textes de manière active plutôt que passive. Les chercheurs ont mis au point un protocole dans lequel les étudiants, en binômes, alternaient les rôles d'enseignant et d'apprenant. L'enseignant posait au "student" un ensemble de questions visant à développer quatre sous-compétences stratégiques de la lecture active : questionner, clarifier, résumer et prédire. Les résultats ont montré que lorsque les compétences de lecture active étaient explicitement soutenues de cette manière, la compréhension et la rétention des étudiants s'amélioraient considérablement.

Des recherches ultérieures montrent que le soutien pédagogique n'a pas nécessairement besoin d'être direct pour être efficace. Par exemple, Bereiter et Scardamalia ont développé un ensemble d'instructions écrites pour aider les étudiants en écriture à se concentrer sur deux étapes souvent négligées du processus d'écriture : la planification et la révision. Comme les étudiants ne s'engageaient pas naturellement dans ces étapes, l'utilisation de ces consignes a redirigé leur attention vers la génération, l'affinement et l'élargissement de leurs idées, ainsi que vers l'évaluation de leur propre travail, l'identification des problèmes et la décision des révisions nécessaires. Cela a entraîné une amélioration notable du processus d'écriture et du produit final des étudiants, notamment une augmentation de dix fois de la fréquence des révisions au niveau des idées (Bereiter et Scardamalia, 1987). Ces résultats suggèrent que si le professeur Strait avait employé des types de soutien pédagogique pour accompagner ses étudiants dans la réalisation de leurs projets finaux, ils auraient probablement passé leur temps de pratique plus efficacement, appris davantage et répondu aux attentes du professeur pour leur présentation.

Trouver le niveau de défi adéquat pour l'apprentissage des étudiants a également l'avantage de maintenir leur motivation. En effet, si le défi est trop grand, les apprenants risquent d'avoir une faible expectation de succès et de devenir désengagés. En revanche, si le défi est jugé raisonnable, ils seront plus enclins à croire en leur réussite, ce qui favorisera leur persévérance et leur investissement dans le travail. De plus, l'engagement dans une tâche dont le niveau de défi est bien adapté aux compétences et connaissances d'un individu est l'un des principaux prédicteurs de l'état de "flow" – un état de conscience dans lequel une personne est totalement immergée et prend plaisir à l'exécution d'une tâche (Csikszentmihalyi, 1991).

En plus de définir les caractéristiques essentielles d'une pratique efficace — objectif clair et défi approprié — la recherche insiste également sur l'importance du temps consacré à la tâche. En d'autres termes, même si les étudiants s'engagent dans une pratique de haute qualité, ils doivent aussi accumuler suffisamment de temps de pratique pour en retirer les bénéfices (Healy, Clawson, et McNamara, 1993; Martin, Klein, et Sullivan, 2007). L'idée que les bénéfices de la pratique s'accumulent de manière progressive peut sembler évidente, mais la gestion du temps et des ressources conduit souvent les enseignants à enchaîner rapidement les concepts et compétences, offrant aux étudiants une seule occasion de pratiquer chaque compétence. Par exemple, si le professeur Cox expose ses étudiants à plusieurs genres littéraires, mais leur accorde une seule occasion de développer leurs compétences dans chacun de ces genres, il est peu probable que ces derniers acquièrent une maîtrise approfondie de ces genres. Si l'objectif est simplement de les familiariser avec ces genres sans leur demander de devenir compétents, la conception des activités est appropriée. Cependant, si l'objectif est de permettre aux étudiants de maîtriser chacun des trois genres au niveau professionnel, un temps de pratique plus important serait nécessaire.

En règle générale, les enseignants et les étudiants sous-estiment souvent le temps nécessaire pour pratiquer. Les étudiants pensent souvent que lorsqu'ils sont capables d'effectuer une tâche une fois, leur connaissance est acquise. Pourtant, il faut bien plus qu'une seule tentative pour apprendre quelque chose de nouveau, surtout si l'objectif est que ce savoir soit retenu dans le temps et transféré dans de nouveaux contextes. La pratique doit être soutenue et se faire dans des conditions adaptées pour être véritablement bénéfique. Bien que les avantages de la pratique soient progressifs, il est important de noter que la quantité de savoir ou de compétence acquise par un temps supplémentaire de pratique dépend souvent de l'endroit où se situe l'étudiant dans son processus d'apprentissage.

Les phases d'apprentissage montrent des effets relativement faibles de la pratique au début et à la fin de l'apprentissage, par rapport à la phase intermédiaire. Cette forme de courbe d'apprentissage s'explique par deux facteurs principaux. Premièrement, les indicateurs que les étudiants utilisent souvent pour évaluer leur apprentissage, tels que l'exactitude, ne sont pas suffisamment sensibles aux changements aux deux extrémités de la courbe. Ainsi, bien que l'apprentissage soit en cours, les étudiants ne perçoivent pas ces améliorations et ont l'impression d'être dans une phase de stagnation. Par exemple, un étudiant qui commence à apprendre à jouer du violon peut progresser sur plusieurs points (meilleure mémorisation des positions des doigts, plus grande précision dans l'archet), mais l'amélioration du son peut être si faible que les progrès sont difficiles à percevoir. De même, un étudiant apprenant à programmer dans un nouveau langage peut commettre de nombreuses erreurs de syntaxe, rendant difficile la reconnaissance des améliorations dans la qualité des algorithmes. La même difficulté de perception survient à la fin de l'apprentissage : les étudiants n'arrivent plus à identifier les améliorations, notamment lorsqu'il s'agit de la rapidité ou de l'effort réduit pour accomplir des tâches complexes.

Un autre facteur qui influence la courbe d'apprentissage est la difficulté des tâches assignées. Les tâches trop difficiles pour les étudiants débutants ou trop faciles pour les étudiants avancés peuvent nuire à leur apprentissage. Cela renforce l'importance d'adapter le niveau de défi aux capacités de chaque apprenant.

Comment les experts transfèrent-ils leurs connaissances malgré les limitations contextuelles ?

L'acquisition de l'expertise et la capacité à transférer les connaissances à travers des contextes variés sont au cœur de la psychologie cognitive contemporaine. Les recherches de Catrambone et Holyoak (1989) ont démontré que le transfert de la résolution de problèmes dépend fortement de la représentation initiale de la tâche et de l'élaboration de schémas abstraits qui transcendent les caractéristiques superficielles du problème. Lorsque les individus sont entraînés à reconnaître des structures profondes au sein d’exemples concrets, ils sont bien plus susceptibles de généraliser leurs connaissances à de nouveaux contextes.

Cette capacité à identifier des analogies structurelles repose sur un travail cognitif actif : l’individu doit restructurer ses représentations mentales, ce qui implique souvent un changement conceptuel profond. Chi (2008) distingue ici trois formes essentielles de ce changement : la révision des croyances, la transformation du modèle mental, et le glissement catégoriel. Chacune de ces dynamiques exige un engagement cognitif soutenu, souvent soutenu par des stratégies telles que l’auto-explication (Chi et al., 1994), qui force l’apprenant à articuler de manière explicite le raisonnement sous-jacent aux exemples.

Le rôle de l'expertise est particulièrement éclairant dans ce domaine. Les travaux pionniers de Chase et Simon (1973a, 1973b) sur la perception chez les joueurs d'échecs montrent que les experts organisent l'information en unités significatives – ou chunks – permettant une récupération rapide et efficace. Cette organisation repose sur des années de pratique délibérée, comme le soutient Ericsson (Ericsson et al., 1993 ; Ericsson & Charness, 1994). Ce n’est pas tant la quantité d’expérience qui importe, mais la qualité de l’engagement dans une pratique ciblée, structurée, et itérative.

Ce processus d’encodage structuré se retrouve également dans d’autres disciplines. Chi, Feltovich et Glaser (1981) ont montré que les experts en physique catégorisent les problèmes selon des principes fondamentaux (lois de Newton, conservation de l’énergie) alors que les novices se basent sur des éléments superficiels (inclinaison, vitesse, masse). Ce glissement vers une catégorisation plus abstraite est un indicateur clé de l'expertise et de la capacité de transfert.

Le transfert ne se produit efficacement que lorsque les apprenants sont poussés à s’éloigner des détails contextuels pour embrasser les invariants structurels. Ainsi, l’ordre dans lequel les connaissances sont présentées (Clarke et al., 2005), leur intégration dans des modèles cohérents (Chi & Roscoe, 2002), et l’opportunité d’élaborer des analogies intermédiaires (Clement, 1993) sont tous des leviers puissants pour surmonter les limitations contextuelles.

Pourtant, ce processus de transformation cognitive ne va pas sans résistance. Les préconceptions naïves et les théories implicites (Dunbar et al., 2007 ; diSessa, 1982) sont souvent profondément enracinées. Il ne suffit pas d’exposer l’apprenant à des données anomales : encore faut-il que ces données soient intégrées dans un cadre interprétatif alternatif, ce qui implique une métacognition active et soutenue. Chinn et Malhotra (2002) soulignent ainsi que le