L’Église n’est pas un simple rassemblement de croyants, ni une somme de dogmes récités par cœur pour passer un examen de catéchisme. Elle est un corps vivant, parfois imprévisible, toujours en mouvement, une procession de pèlerins en quête, ouverte à des détours, attentive aux détours imposés par l'Esprit. Elle est moins un système figé qu’un organisme habité, soufflé par une force qui ne se laisse pas cartographier. C’est en cela que la métaphore du pèlerinage l’emporte sur celle de la parade : non pas un spectacle réglé, mais une marche commune, erratique parfois, vers le divin. L’Église devient Église lorsqu’elle s’abandonne à cette marche, lorsqu’elle assume son statut de communauté appelée — ekklesia — et acceptant sa vocation de corps du Christ.
Ce corps collectif ne naît pas du hasard. Il ne s’agit pas d’un club d’affinités spirituelles ni d’un agencement de subjectivités contemporaines. L’Église, à l’image du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, est une entité convoquée, scellée dans une alliance, et destinée à être présence incarnée de Dieu dans le monde. L’histoire chrétienne est traversée par cette dynamique : une transmission générationnelle d’un trésor — culture matérielle, liturgie sacramentelle, corpus doctrinal, et sans cesse, de nouvelles expressions vernaculaires du même évangile social. Cette transmission ne va pas de soi ; elle s’organise, se structure, se vit à travers des institutions qui permettent aux récits de continuer à former les vivants.
Ce n’est pas un hasard si l’individualisme contemporain, prompt à se méfier des institutions, s’en prend d’abord à l’Église. Pourtant, toute personne qui se déclare « spirituelle mais pas religieuse », ou qui prétend aimer Jésus mais pas l’Église, ignore ou refuse de reconnaître la réalité du capital symbolique qu’elle consomme. Elle vit d’un héritage qu’elle ne veut pas entretenir. Les formes de vie, les comportements éthiques, les liens communautaires qu’elle valorise trouvent leurs racines dans une tradition institutionnelle qu’elle récuse.
Les institutions religieuses — et l’Église en particulier — sont ce que les sociologues nomment des « institutions médiatrices ». Elles soutiennent la société entre l’écrasement de l’État et l’éparpillement individualiste. Elles sont les lieux où les significations religieuses, les croyances et les actions morales sont non seulement formulées mais aussi testées, vécues, transmises. Dans un monde où le sens est en crise, elles offrent une structure de plausibilité, un terrain d’expérimentation du sacré.
Mais l’Église n’est pas seulement nécessaire d’un point de vue sociologique. Elle est théologiquement indispensable. L’histoire biblique ne se contente pas de justifier les communautés religieuses pour leur utilité sociale. Israël est appelé par Dieu, élu comme peuple de l’Alliance, chargé d’incarner une présence divine sur la terre. Jésus appelle des disciples, non en tant qu’individus mais comme groupe, et Paul conçoit l’Église comme un organisme collectif : le corps du Christ. Cette vision communautaire est inhérente à la Révélation elle-même. L’Écriture n’est pas simplement le fondement de l’Église ; elle est aussi son produit. Elle naît au sein d’une communauté qui en assure la transmission, l’interprétation, l’incarnation.
Une histoire illustre cela avec une force singulière. Durant la Seconde Guerre mondiale, dans le sud de la France, le village protestant du Chambon-sur-Lignon, marqué par un héritage huguenot longtemps persécuté, a refusé d’obéir aux injonctions nazies. On leur ordonna de faire sonner les cloches pour des cérémonies de propagande : ils refusèrent. On leur demanda de livrer les Juifs cachés : ils refusèrent encore. Ce refus n’était pas un geste isolé d’indignation morale ; c’était le fruit d’un récit intériorisé, vécu, transmis au fil des générations — celui d’un christianisme de la dissidence, de la résistance, d’une fidélité non domestiquée. Ce village ne s’est pas seulement souvenu de son histoire : il est devenu cette histoire. Cette identité communautaire profonde a rendu possible l’acte de résistance. Il ne s’agissait pas de bravoure ponctuelle mais d’un refus enraciné dans une vocation collective.
Cette dynamique est aujourd’hui menacée par l’idéologie de l’individu désencombré — version libertaire de l’humain auto-suffisant. Pourtant, les sociétés humaines ont besoin de liens structurants, de lieux où se tissent les solidarités, les récits communs, les pratiques du sens. L’Église, en tant qu’institution enracinée dans la vocation divine, porte cette responsabilité. Elle est appelée non seulement à préserver la mémoire, mais à inventer sans cesse, à donner chair à de nouvelles formes d’évangile social adaptées à notre temps. L’appel du moment n’est pas un retour au passé, mais une fidélité créatrice à ce qui, depuis toujours, définit l’Église : être un peuple appelé à incarner Dieu dans le monde.
La conscience que la foi chrétienne n’est pas un choix individuel, mais une réponse communautaire à une vocation, est essentielle. L’Église est le lieu où cette réponse se forme, se déploie, se transmet. C’est pourquoi l’Église doit être institution, famille, résistance, mémoire vivante et imagination prophétique — ou elle ne sera rien.
La religion américaine et la déviation de la théologie chrétienne traditionnelle : entre l’individualisme et le nationalisme
Il semble que la société américaine moderne se soit éloignée des racines de la théologie chrétienne biblique, particulièrement celle de la croix. Le sociologue Robert Bellah a observé que, jadis, l'Amérique parvenait à maintenir un équilibre entre la vertu civique et l’individualisme utilitaire, mais que cet équilibre est désormais rompu. L'individualisme a supplanté la vertu civique, et les "habitudes du cœur" nécessaires à la formation d’une société vertueuse sont désormais oubliées. Le résultat en est que de nombreux leaders semblent être dénués de toute notion véritable de vertu.
Aujourd'hui, la forme la plus bruyante de religion en quête de réappropriation de l’espace public, avec l’ambition de « sauver » le pays, provient de la Nouvelle Droite chrétienne. Cette version évangélique, particulièrement américaine, propose une vision de la grandeur nationale fondée sur un purisme doctrinal : l'exceptionnalisme américain, le nationalisme blanc, la xénophobie, l'antiféminisme, l’hostilité à l’égard des LGBT, et une foi aveugle dans les marchés libres. Dans cette théologie de la prospérité, la grâce divine, telle qu’enseignée par les Évangiles, est délaissée au profit d’une promesse de gloire matérielle, la rédemption ultime étant repoussée à un moment « eschatologique » où elle ne viendrait pas troubler les préoccupations mondaines.
Le Jésus du Sermon sur la Montagne, dont les paroles invitent à la paix, à l'amour des pauvres et des opprimés, semble à la fois absent et incompatible avec cette vision du monde. Les nationalistes religieux ne cherchent pas à imposer un changement radical du mode de vie américain, sauf pour « purifier » la société des homosexuels, des femmes « dangereuses » et réduire les principes pro-vie à une question de fœtus. La prospérité, dans cette logique, est vue comme une récompense divine pour les efforts individuels dans le marché libre, non comme un appel à une transformation radicale de la société en faveur des plus démunis.
À l'heure actuelle, des figures comme Jerry Falwell et les leaders évangéliques, alliés à des figures politiques comme Donald Trump, incarnent un pouvoir religieux qu'ils considèrent comme directement lié à la main divine dans la gestion des affaires humaines. Trump, souvent perçu comme un « sauveur » par ses partisans, est vénéré dans ce contexte comme un instrument de la volonté divine, son succès matériel étant interprété comme une bénédiction. Ainsi, un quart des Américains croient que Trump a été élu par Dieu pour être leur sauveur moderne, et 82 % des évangéliques l'ont soutenu, continuant à chanter ses louanges.
Un exemple frappant de ce phénomène est l’alignement d’une grande partie des chrétiens évangéliques avec l'ascension de Trump, qui devient l'objet d’une véritable adoration. Ce phénomène dépasse largement les simples frontières politiques, s’inscrivant dans un cadre où la foi se trouve instrumentalisée pour justifier des politiques de droite, parfois radicales. La question devient alors : cette réinterprétation de la religion chrétienne n’est-elle pas une déviation fondamentale de la théologie de la croix, centrée sur le sacrifice et la rédemption, au profit d’un christianisme nationaliste et capitaliste ?
D’un autre côté, un nombre croissant de voix critiques au sein des traditions chrétiennes, qu’elles soient évangéliques ou catholiques, se lèvent contre cette alliance dangereuse entre conservatisme religieux et intérêts financiers. Ils dénoncent la manière dont une large portion du christianisme américain a été pervertie par le capitalisme, une collusion dangereuse entre l'évangélisme et les élites économiques, dont l’un des résultats a été de vider le message chrétien de son sens spirituel profond.
Il existe désormais une réflexion croissante parmi les évangéliques eux-mêmes, souvent menée par des figures dites « post-évangéliques » ou « néo-anabaptistes », qui appellent à une réorientation radicale du christianisme aux États-Unis. La question qui se pose est de savoir si le christianisme américain pourra survivre à cette dérive, ou s’il devra nécessairement se réinventer pour revenir à ses fondements théologiques originels.
À une époque où l'évangélisme américain semble avoir dévié de ses enseignements les plus fondamentaux, une réponse semble se dessiner dans les paroles de ceux qui dénoncent une forme de christianisme détournée par la politique et les puissances économiques. Une critique appuyée, telle que formulée par Brian McLaren et d’autres voix influentes, invite à repenser un christianisme plus inclusif, moins rigide théologiquement et plus ouvert aux questions sociales.
Les racines de cette crise se trouvent également dans l'évolution des enseignements catholiques, particulièrement depuis le rejet du « social gospel » par les conservateurs religieux, qui ont vu dans ce mouvement une menace pour leur vision du christianisme. La lettre pastorale des évêques catholiques de 1986, qui appelait à une justice économique pour tous, fut rapidement rejetée par la droite catholique. Cet événement marqua le début d’une contestation, où l’ultra-libéralisme économique, avec ses fortes résonances conservatrices, devint l’un des moteurs d’un renouveau du conservatisme religieux aux États-Unis.
Enfin, si l’on s’attarde sur la critique de cette forme d’évangélisme nationaliste, il devient évident que cette orientation empêche une véritable transformation sociale fondée sur les principes bibliques de justice, de solidarité et d’amour. Au lieu de cela, nous observons un alignement avec des politiques qui sont aux antipodes des enseignements du Christ. L’approfondissement de cette réflexion pourrait permettre de mieux comprendre la manière dont le christianisme en Amérique s’éloigne peu à peu de ses racines les plus profondes.
Comment repenser le péché à l’ère contemporaine et quelles implications pour l’humanité ?
La pensée contemporaine a largement déserté le concept de péché, souvent considéré comme un vestige d’une vision religieuse dépassée. La modernité laïque proclame une émancipation vis-à-vis de l’idée de péché, car ce dernier implique nécessairement la notion de Dieu ou d’une transcendance religieuse. En psychiatrie, le sentiment de culpabilité, jadis associé au péché, est désormais analysé comme une émotion maladaptative, un handicap psychologique à surmonter plutôt qu’une faute morale à expier. Les courants progressistes rejettent souvent le péché parce qu’il semble en opposition avec le monde, la sexualité, le plaisir, voire même l’émancipation féminine.
Pourtant, cette désaffection n’est pas sans poser problème. Le péché, sous sa forme traditionnelle, reste une manière essentielle de nommer et de comprendre la faille humaine, ainsi que ses manifestations dans la société. La lecture féministe, par exemple, révèle un paradoxe important : là où la culture patriarcale impose aux femmes un péché d’« underreaching », une forme de non-aspiration ou de retenue imposée, le récit prométhéen dominant valorise au contraire le dépassement de soi, au risque de « trop s’approcher du soleil ». Ce double standard soulève la question de la nature réelle du péché dans un monde inégalitaire où 1 % profite tandis que tous les autres subissent.
Cette interrogation appelle à une reconfiguration du péché. Il ne s’agit plus uniquement des fautes individuelles morales, souvent stigmatisées et surveillées, mais d’une réalité sociale, politique et économique enracinée. Le péché peut être envisagé comme la manifestation de la cupidité, de la domination, de la déformation des rapports humains, de l’injustice chronique, de l’anxiété et de la haine qui gangrènent les institutions. Ces péchés-là sont à la fois personnels et systémiques, enracinés dans des structures de pouvoir et d’oppression. Le péché originel, tel que conçu par Reinhold Niebuhr, reste une vérité empirique : l’aveuglement à notre propre nature pécheresse, la tendance à l’égoïsme qui contamine les relations humaines et les politiques publiques.
D’autres voix contemporaines proposent d’élargir le concept : Jim Wallis dénonce le racisme blanc comme un péché originel de la société américaine, tandis que Marx voit dans le capitalisme un système intrinsèquement pécheur, fondé sur l’exploitation des travailleurs. Ces perspectives invitent à considérer le péché non comme une faute isolée, mais comme une dynamique collective, un « ADN défectueux » de certaines institutions. Ainsi, le péché s’incarne dans le capitalisme mondial, les oligarchies et le pouvoir politique qui perpétuent des inégalités et des souffrances massives, dépassant de loin les transgressions individuelles.
Redéfinir le péché impose aussi de dépasser l’assignation religieuse et morale traditionnelle. La religion progressiste voit dans le péché la tendance humaine à « désévoluer », à renoncer à l’engagement, à la responsabilité et à la quête de justice. Le péché devient alors le refus de l’avenir, la résignation cynique (« c’est comme ça ») et la négation de l’interdépendance fondamentale entre les êtres humains et la planète. Ce « non-être » volontaire est une trahison de notre nature évolutive et sociale.
Dans cette optique, il est essentiel de reconnaître que le péché ne se réduit pas à la sphère privée ou morale mais doit être théologisé pour comprendre son incarnation politique et économique. La théologie politique et sociale s’impose pour nommer le péché dans les structures mêmes du pouvoir et ainsi ouvrir la voie à une contestation spirituelle qui soit aussi une résistance concrète. Le péché, envisagé comme une force quasi démoniaque, exige des pratiques collectives de repentance et de transformation, à l’image d’un « jour du pardon » qui ferait reconnaître les injustices historiques comme le racisme ou le génocide.
Une telle démarche remet en cause l’idée que la libération passe uniquement par le pardon individuel ; elle invite à une libération collective, politique et sociale. Cette libération doit affronter les « forces idolâtres » de la domination économique et politique, leur conférant une dimension spirituelle qui exige une contestation religieuse. Le péché ne peut plus être projeté sur un ennemi extérieur ou sur un démon lointain : il se manifeste dans notre vie sur Terre, dans nos systèmes humains.
Enfin, la question fondamentale demeure : quel langage nouveau adopter pour parler du péché, afin qu’il reste pertinent dans un monde post-moderne, sceptique et souvent hostile aux catégories religieuses classiques ? La réponse pourrait résider dans la capacité à associer à ce concept une praxis politique et éthique, ancrée dans l’histoire et la réalité sociale, qui ne fuie ni la gravité des défis ni la complexité des responsabilités.
Le péché est ainsi une invitation à ne pas détourner le regard, à ne pas s’enfermer dans le repli individuel, mais à reconnaître la dimension collective et systémique des fautes humaines. Il pousse à interroger nos engagements, nos sociétés, et la possibilité même d’un avenir commun fondé sur la justice et la solidarité.
Comment l'écologie et la spiritualité réinventent la relation avec la Terre : Un dialogue entre justice sociale et économie divine
Le mouvement Earth First!, apparu en 1980, a connu une dérive vers l’anarchie politique et institutionnelle dans les années 1990. Bien que cette approche apocalyptique n’ait pas perduré, elle a ouvert la voie à une conscience renouvelée de notre rapport à la Terre, en élevant la question du changement environnemental au rang de défi spirituel et existentiel. C’est cette nouvelle perspective que l’on retrouve dans les premiers temps de la Journée de la Terre, en 1970, qui a marqué un tournant dans la manière de penser la nature et nos ressources. Ce fut un rappel que l’humanité ne vit pas simplement des revenus quotidiens issus de l’énergie solaire, mais puise dans un capital accumulé au fil des âges : eau, pétrole, minerais, ressources issues de la période glaciaire. La prise de conscience que nous hypothéquons l’avenir de nos enfants fut alors évidente.
Les préoccupations écologiques sont vastes et touchent aussi bien la question de l’énergie que celle du réchauffement climatique, de l'épuisement de l'ozone, de la pollution, de la disponibilité de l'eau potable, de l'agriculture durable et du contrôle démographique. Cependant, face à ces enjeux, une réaction antithétique est née : certains ont vu dans l'over-consommation un problème moral mais non biologique, ou dans la croissance économique rapide une solution pour améliorer l’environnement, détournant ainsi l’attention des réalités écologiques. Une des idées maîtresses de ce contre-discours est celle qui considère les ressources naturelles comme infinies et donc sans valeur économique réelle, un point de vue souvent adopté par les partisans du marché libre.
Le capitalisme, par cette vision, a été conçu comme un mécanisme autorégulateur et autocorrecteur qui aurait la capacité de guérir ses propres excès. Pourtant, cette logique a dégradé non seulement les cultures humaines, mais aussi la planète elle-même. L’idée d’une économie écologique se dessine comme une économie morale, dans laquelle les relations économiques sont marquées par le soin et l’interdépendance, non par l’agression et l’exploitation. Cette vision est d’autant plus significative aujourd’hui, car elle met en lumière les contradictions d’une civilisation qui célèbre l’acquisition illimitée mais qui échoue à honorer l’intégrité de la vie terrestre.
Mais, bien que les sciences de la Terre et la biologie moderne mènent aujourd’hui le mouvement écologiste, il est important de rappeler que la science elle-même a aussi contribué à la dégradation de la Terre. Elle l’a envisagée comme un terrain de conquête humaine, effaçant la dimension sacrée et mythologique qui lui était jadis attribuée. Cette séparation de la nature du divin a donné naissance à une philosophie séculière qui a lentement privé la Terre de son caractère sacré. Les femmes, notamment, ont été les premières à remarquer cette rupture avec la vision de la Terre comme mère cosmique, autrefois vénérée dans de nombreuses cultures, y compris dans le paganisme et dans la mythologie chrétienne. Elles ont vu dans la dégradation de la Terre un parallèle avec la domination exercée sur le corps féminin, faisant émerger un lien intrinsèque entre l’exploitation des femmes et celle de la nature.
Dans ce contexte, les femmes indiennes des années 1970 ont incarné une forme de résistance écologique spirituelle en défendant la forêt contre l’exploitation illimitée. Ces femmes, inspirées par la dévotion hindoue et la non-violence gandhienne, ont mené des actions comme le jeûne, l’embrassement des arbres et l’opposition physique aux camions forestiers. Leur lutte va à l’encontre des dualismes occidentaux, comme celui entre public et privé, ou entre biocentrisme et anthropocentrisme, pour revendiquer une approche holistique de la Terre. Elles ont contesté la domination des pays riches sur le Sud global, transformé en une sorte de prison des débiteurs, un immense champ de plantation géré au profit des puissances étrangères. Ces femmes ont compris que la Terre ne devrait pas être possédée mais respectée et chérie.
Cette intuition trouve un écho dans les propos des prophètes hébreux qui parlaient au nom d’un Dieu libéral, et dans le mouvement religieux progressiste qui cherche à redonner à la Terre sa dimension sacrée, à remythologiser la nature. L’écologie spirituelle, qui se distingue de l’idéologie capitaliste, rejette la notion de la Terre comme un bien à exploiter, et propose une vision où tout, même la nature, est sacré. Cette perspective rejoint l’appel à une nouvelle cosmogenèse, où la Terre n’est pas une ressource à soumettre à l’exploitation, mais un corps sacré en interaction avec le divin.
L’intérêt croissant pour la justice sociale dans les dernières décennies, comme l’a montré la reconnaissance du terme "justice" comme mot de l’année en 2018, semble indiquer un retour aux racines morales des grandes traditions religieuses. La justice sociale, loin d’être une valeur exclusivement politique ou de gauche, résonne comme un appel à une économie divine, une économie qui, selon les thèses de Stanley Hauerwas, voit l’Église comme un lieu d’intrusion divine dans les arrangements sociaux du monde. L’Église, en tant que communauté de croyants, doit parler une langue qui dérange et dénonce les injustices économiques, se faisant le porte-voix des opprimés et des maltraités, et agissant en conséquence.
Dans cette optique, l’Église ne peut se contenter de se retirer dans la sphère privée ou de réduire son message à une simple morale individuelle. Elle doit incarner un modèle de résistance et de transformation sociale, en se réappropriant sa vocation prophétique. Aujourd’hui, plus que jamais, il semble que le christianisme radical pourrait être le dernier bastion où les valeurs de l’économie de marché, cette « domination des puissances et des principes » du capitalisme, sont dénoncées et opposées.
Il est essentiel de comprendre que ce retour à une spiritualité écologique ne concerne pas uniquement la pensée chrétienne mais réunit un ensemble de croyances progressistes qui cherchent à réintégrer la Terre dans un processus divin et sacré, à redonner à la nature son caractère sacré tout en rejetant la domination de l’homme sur elle. Cette spiritualité pourrait bien offrir la voie vers une réconciliation entre l’humanité et la Terre, au-delà des fractures modernes et de la logique marchande qui, aujourd’hui, pousse le monde à sa perte.
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