Les cartes lisses entre variétés, notamment les immersions, ont de nombreuses applications en topologie et géométrie. Un sujet central dans ce contexte est le problème du levé de cartes, c'est-à-dire la manière dont une immersion peut être levée (ou étendue) à un plongement dans un espace plus riche, souvent un produit de variétés ou d'autres objets géométriques. Dans cette section, nous examinons les connexions entre les levées de cartes entre graphes et les immersions génériques entre variétés lisses. Un contre-exemple à une conjecture antérieurement formulée sur ce sujet permet d’éclairer la discussion, tout en soulignant des aspects subtils de la topologie des immersions.

Pour une immersion générique f:XYf : X \to Y, où XX est une surface avec bord et YY une variété de dimension 3, nous savons que la restriction de ff au préimage de l'ensemble des points multiples peut être vue comme une carte entre des graphes, avec des propriétés spécifiques de connectivité et de disjonction des composants. Par exemple, la condition μ2(f)=0\mu_2(f) = 0, qui stipule la trivialité d'une couverture de certains espaces de configuration, est souvent un critère pour l’existence d’une levée de ff. Cela signifie qu’il n’y a pas de points dans XX pour lesquels les images sous ff sont "multiples" dans une certaine mesure. Cependant, comme nous allons le voir, cette condition n'est pas toujours suffisante pour garantir que l'immersion puisse être levée à un plongement.

L’analogie entre les levées de cartes entre graphes et les immersions lisses est cruciale. Un graphe GG peut être vu comme une structure discrète, et une carte entre graphes f:GHf : G \to H peut être interprétée comme une sorte de simplification d'une immersion générique entre variétés. La clé ici est l'analyse de la façon dont les structures topologiques de GG et HH interagissent sous l’action de ff. Par exemple, dans un cas de levée de carte, il est possible de "fusionner" des composants connexes de GG en les reliant d’une manière cohérente pour obtenir une carte plus simple, parfois sous forme d’une représentation avec des équivalences plus grossières.

Prenons un exemple classique tiré de l'illustration de Giller. Dans cet exemple, un graphe GfG_f est décomposé en plusieurs composants connectés, dont les relations de connexité sont préservées par une involution sur les arêtes. Le processus de "glissement" consiste à remplacer certaines relations disjonctives par des égalités, ce qui simplifie la formule correspondante. Si ff est générique, ce processus de glissement reste bien défini, et le graphe résultant peut être utilisé pour représenter une immersion qui, dans un sens topologique, est proche d’un plongement dans un espace plus riche.

L’étude des conditions de levée dans ce cadre n’est pas seulement une question de relations algébriques entre les graphes, mais aussi de compréhension de la géométrie sous-jacente des immersions. En effet, pour chaque immersion générique f:XYf : X \to Y, il existe une formule associée à la carte ff, que l’on peut interpréter en termes de relations entre les composants connexes de XX. L'idée est que ces relations peuvent être simplifiées en utilisant des équivalences plus grossières, comme celles définies par des triples de points dans des configurations spécifiques.

L’une des découvertes importantes de cette analyse est que les conditions qui étaient auparavant jugées suffisantes pour garantir l'existence d'un levé de carte (telles que μ2(f)=0\mu_2(f) = 0 et ν3(f)=0\nu_3(f) = 0) ne sont pas toujours suffisantes pour permettre le levé vers un plongement. Dans certains cas, il existe des immersions pour lesquelles ces conditions ne conduisent pas à une formule satisfaisable, ce qui remet en cause des conjectures antérieures.

Il est aussi crucial de considérer la structure des relations d’équivalence qui émergent lors du processus de levée. Dans certains cas, la simplification de la formule associée à l’immersion conduit à une situation où les relations d’équivalence entre les points du graphe deviennent plus fines ou plus grossières, selon la manière dont les composants sont reliés. Ce processus de "fusion" des composants connexes peut avoir des implications profondes sur les propriétés géométriques de l'immersion, en particulier en ce qui concerne les notions de "position générale" et de "singularités".

Pour le lecteur, il est important de comprendre que ces résultats sont liés à la manière dont les immersions génériques sont classées et étudiées dans la topologie des variétés. Les idées de "position générale" et de "généricité" sont fondamentales ici : une immersion générique est une carte pour laquelle les espaces tangents à XX sont en position générale dans les espaces tangents à YY, ce qui garantit certaines propriétés de "généricité" dans le comportement de la carte. Cependant, cette condition ne suffit pas à elle seule pour garantir que l’immersion puisse toujours être levée à un plongement, et cela doit être pris en compte dans l’analyse des immersions dans des contextes plus complexes.

Les concepts de configuration d'espace, de disjonction de composants et de glissement de relations entre les graphes sont au cœur de cette discussion. Bien que la levée de cartes entre graphes soit un outil puissant pour comprendre certaines immersions, elle révèle aussi des subtilités qui exigent une approche plus fine pour être pleinement comprises dans le contexte des immersions génériques. Les résultats expérimentaux et théoriques de cette analyse permettent ainsi de mieux comprendre les limites des conditions nécessaires à une levée réussie.

Les Diffeomorphismes de la 3-Sphère et le Théorème Célèbre de Cerf

Dans le contexte de la topologie différentielle, la question des sphères exotiques s'est posée durant l'âge d'or de cette discipline. À chaque dimension, cette question a conduit à une sous-question intéressante : existe-t-il dans chaque dimension n une sphère exotique qui serait obtenue en collant deux boules n-dimensionnelles le long de leurs frontières ? Ces sphères, à l'échelle de la diféomorphisme, forment un groupe pour la somme connectée, noté par 𝜓n. L'un des premiers résultats concernant de telles sphères exotiques remonte à J. Milnor en 1956, qui démontra que 𝜓7 n'est pas trivial. Cependant, en prouvant que 𝜓4 = 0, J. Cerf (1968) démontra que le collage de deux boules de dimension quatre donne toujours une sphère standard S4. Cerf a prouvé que chaque diféomorphisme de la sphère S3 est isotopique à un diféomorphisme linéaire.

Ce théorème de Cerf a eu un impact significatif sur le domaine, et il est essentiel de comprendre ses implications. Cerf a montré que chaque diféomorphisme de S3 peut être prolongé à la 4-boule, et en ce sens, 𝜓4 := DiffS3/ρ(DiffD4) devient un groupe trivial. Cette découverte montre non seulement la simplicité topologique de la sphère S3 mais aussi l'importance de l'iso-topie dans l'étude des espaces différentiables. Bien qu'un autre mathématicien, Y. Eliashberg, ait proposé en 1992 une démonstration directe de 𝜓4 = 0 en utilisant les résultats de la géométrie de contact tridimensionnelle et la théorie des disques holomorphes, l'approche de Cerf reste un fondement majeur de cette branche de la topologie.

Les années suivantes ont été marquées par l'étude de l'isotopie des formes fermées sur des variétés compactes de dimension 3. Un problème soulevé par J. Moser en 1979 a été résolu par F. Laudenbach et Samuel Blank dans un article de 1985, montrant que deux formes fermées non nulles et cohomologues, dont les noyaux sont tangents à la frontière, sont isotopiques. Cette démonstration s'applique directement au cas de la sphère S2 × [0, 1], apportant ainsi une preuve complémentaire au théorème de Cerf. Cette approche technique s'appuie sur des résultats classiques de la théorie de l'isotopie des formes fermées et montre que les deux formes, sous certaines conditions, sont effectivement isotopiques.

Le concept fondamental qui émerge de ces démonstrations est celui de l'isotopie des formes fermées, qui est une notion clé pour comprendre l'iso-topie des diféomorphismes. Il s'agit d'une transformation continue d'une forme fermée en une autre, préservant les propriétés topologiques de l'espace sous-jacent. Dans le cas spécifique de S2 × [0, 1], la condition pour que deux formes fermées soient isotopiques repose sur la structure des points de contact négatifs et positifs entre ces formes. La topologie des points de contact joue un rôle crucial dans la construction de l'isotopie, et le type de ces points (saddles, par exemple) détermine la complexité de l'isotopie elle-même.

Le théorème de Cerf et les méthodes associées, notamment l'utilisation de la topologie différentielle pour analyser les propriétés des sphères et des boules, révèlent des subtilités fascinantes sur la structure des variétés et leur diféomorphisme. En particulier, l'idée que chaque diféomorphisme de S3 soit isotopique à l'identité n'est pas seulement un résultat géométrique ; elle incite à réfléchir à la nature des transformations sur des espaces plus complexes et à la manière dont ces transformations préservent les propriétés topologiques fondamentales.

Il est important de souligner que bien que les résultats de Cerf et de Moser soient des pierres angulaires de la théorie des diféomorphismes, leur portée s'étend bien au-delà de la sphère S3. L'analyse des isotopies sur des variétés plus complexes, notamment à travers l'utilisation de formes fermées et de la géométrie de contact, ouvre la voie à une meilleure compréhension de la dynamique topologique et des transformations continues dans des dimensions supérieures. Ce cadre théorique permet également d'explorer de manière plus générale la classification des espaces de dimension n et d'appliquer ces concepts à des domaines variés comme la biologie, la physique théorique et l'étude des réseaux de grande dimension.

Enfin, bien que la démonstration de Cerf ait été largement acceptée comme un résultat majeur, il est crucial de se rappeler que les méthodes modernes, comme celles proposées par Y. Eliashberg et d'autres, permettent d'éviter certaines des complications techniques et d'aborder le problème sous un angle plus direct. Les progrès dans la géométrie de contact et la topologie algébrique offrent ainsi de nouvelles perspectives et enrichissent la compréhension des structures géométriques et des transformations difféomorphiques.

Comment le théorème de Kervaire en dimension n = 30 résout des problèmes de topologie différentielle

L’équation 〈c1,2, c2,2〉 = 0 est évidente. La courbe b1, projection du cycle c1,1 = [A ⊗ B ×̃b1], intersecte la courbe ab1ab2, projection du cycle c3,2 = [D ⊗ A × b2]′ en un point y = b1 ∩ b2. En ce point, le cycle c1,1 est donné par A⊗B, le cycle c3,2 par A⊗B, et l’intersection générique est vide, car 〈A⊗B, A⊗B〉 = 0. De même, l’équation 〈c1,1, c3,1〉 = 0 est évidente. La courbe b1, projection du cycle c3,1 = [C ⊗ D ×̃b1], intersecte la courbe ab2ab1, projection du cycle c1,2 = [B ⊗ C × b2]′ en un point y = b1 ∩ b2. En ce point, le cycle c3,1 est donné par C ⊗ D, le cycle c1,2 par C ⊗ D, et l’intersection générique est également vide, car 〈C ⊗ D, C ⊗ D〉 = 0.

Une équation similaire, 〈c1,2, c3,2〉 = 0, se vérifie également. La courbe b2, projection du cycle c2,1 = [B ⊗ C ×̃b2], intersecte la courbe ab2ab1, projection du cycle c3,2 = [D ⊗ A × b2]′ en un point y = b1 ∩ b2. En ce point, les cycles c2,1 et c3,2 sont donnés par B ⊗ C, et l’intersection est vide, car 〈B ⊗ C, B ⊗ C〉 = 0. L’équation 〈c2,1, c3,1〉 = 0 est aussi évidente. La courbe b21, projection du cycle c3,1 = [C ⊗ D ×̃b1], intersecte la courbe ab1ab2, projection du cycle c2,2 = [A ⊗ B × b1]′ en un point y = b1 ∩ b2, et encore, l’intersection est vide, car 〈C ⊗ D, C ⊗ D〉 = 0.

Une autre équation 〈c1,2, c3,2〉 = 0 semble également évidente. Il devient clair que le cycle c4,1, c4,2 détermine une paire hamiltonienne, et que les vecteurs de cette paire sont orthogonaux aux vecteurs ci,j, pour i = 1, 2, 3 et j = 1, 2, construits plus haut. La forme quadratique sur H15(M̃ 30) est bien définie. Cette forme se scinde en une somme directe orthogonale des 4 formes hamiltoniennes bidimensionnelles sur c1,1 ⊕ c1,2, sur c2,1 ⊕ c2,2, sur c3,1 ⊕ c3,2, et sur c4,1 ⊕ c4,2.

Le calcul de l’invariant d’Arf de la variété de Jones commence par l’évaluation de la forme quadratique q pour les vecteurs dans la base hamiltonienne de H15(M̃ 30). Il peut être démontré que q([A × C × a]) = 0, et que q([A × C × b1]′) = 1. Cette paire hamiltonienne ne contribue pas à l’invariant d’Arf. L’équation q([A × C × a]) = 0 est satisfaite car le cycle est représenté par une variété encadrée en dimension 15, et q([A × C × a]) coïncide avec l’invariant de Hopf. Selon le théorème de Toda, l’invariant de Hopf en dimension 15 est trivial. L’équation q([A × C × b1]′) = 1 est prouvée à l’aide des résultats de la section 12.2.5. Le cycle considéré est représenté par la variété (S7 × S7)×̃S1. Cette variété est difféomorphe à la variété M̃15, et si elle est immergée dans 30, par ϕ : M̃15 → 30 R R, la restriction de l’immersion ϕ à la sous-variété S7 × S7 ⊂ (S7 × S7)×̃S1 coïncide avec l’immersion de la sous-variété L̃14, comme dans l’exemple. Cette immersion représente l’élément (h7)² ∈ 14, où h7 ∈ 7 est un générateur.

En utilisant une considération analogue, on peut prouver que l’invariant d’Arf pour chaque paire hamiltonienne finale est égal à 1. En conséquence, la variété encadrée de Jones (M̃30, ) possède un invariant d’Arf égal à 1.

Le théorème de Browder et le théorème d’Éccles apportent une solution positive au problème de Kervaire en dimension n = 30. Un élément α dans le groupe d’homotopie stable des sphères 30 = πn+30(Sn), avec n ≥ 32, est représenté par une variété encadrée (M̃30, ). Selon le théorème de Browder, une variété encadrée (M̃30, ) a un invariant d’Arf égal à un si et seulement si l’élément α dans 30 est détecté par une opération cohomologique secondaire, fondée sur la relation d’Adem dans l’algèbre de Steenrod : ∑j−1 Sq2j Sq2j + j+1 i Sq2 −2 Sq2i = 0, j = 4. Selon le théorème d’Éccles, l’élément α est détecté par l’opération cohomologique considérée si et seulement si l’élément β = λ∗(α) ∈ π29+n( n(K(Z/2, 1))), associé à α par la mappage de Khan–Priddy λ : QRP∞ → Q(S0), est détecté par l’opération Sq16 dans le cône du mappage β. En utilisant la construction de Pontryagin-Thom, l’élément β est représenté par une immersion f : M29 → 30 R en codimension 1 d’une variété fermée, généralement non orientable. De plus, le nombre caractéristique (f) = 1 si et seulement si Sq16 détecte β. En utilisant cette forme, l’énoncé est utilisé dans [8].

Puisque la variété de Jones est une variété encadrée de l’invariant d’Arf égal à un, il existe une immersion F : M39 → 30 R avec (f) = 1. Par conséquent, le problème de Kervaire est résolu positivement en dimension n = 30.

Le filtrage Eccles-Wood permet d’estimer le filtrage pour une variété standard de Kervaire en dimension 30. Le travail fondamental [22] est consacré aux applications de la théorie de l’homotopie en topologie différentielle. Ce travail montre que Kervaire a construit une variété fermée PL-connectée de dimension 10, qui ne possède aucune structure lisse. En dimension 30, une variété analogue de 14-connectée est lisse et est appelée variété standard de Kervaire. Une telle variété est obtenue à la suite d’une chirurgie normale de la variété de Jones M̃30 dans une variété 14-connectée N30, avec dim(H15(Ñ30; Z/2)) = 2. Une variété standard de Kervaire est bien définie jusqu’à une somme connectée avec une sphère homotopique de dimension 30. Par construction, N30 est encadrée. Il est bien connu que Ñ30 admet un PL-embedding dans R32.

En résumé, les résultats obtenus grâce à l’immersion de variétés, les invariants d’Arf et la topologie des variétés encadrées permettent de résoudre de manière positive le problème de Kervaire en dimension n = 30, tout en approfondissant notre compréhension des structures différentielles en haute dimension.