L’algorithme glouton repose sur deux propriétés fondamentales qui déterminent son applicabilité et son efficacité. La première est la propriété du choix glouton : elle affirme que choisir localement la meilleure option à chaque étape mène à une solution optimale globale. Cette stratégie implique que la décision prise à un moment donné dépend des choix précédents, mais pas des décisions futures. En appliquant successivement ces choix, le problème initial se réduit progressivement en sous-problèmes plus petits et plus simples à résoudre. La seconde propriété, la structure optimale, stipule que la solution optimale d’un problème intègre nécessairement les solutions optimales de ses sous-problèmes. Ainsi, en résolvant ces sous-problèmes de manière optimale, on peut construire une solution optimale globale.

L’attrait principal des algorithmes gloutons réside dans leur simplicité et leur rapidité d’exécution. Ils sont plus faciles à formuler et à implémenter que d’autres méthodes, ce qui facilite leur analyse, notamment en termes de complexité temporelle. De plus, une fois une décision prise, il n’est pas nécessaire de revenir en arrière pour réexaminer des valeurs déjà calculées, ce qui réduit la charge en ressources informatiques et évite l’explosion combinatoire souvent rencontrée dans des problèmes plus complexes.

Cependant, cette approche présente des limites importantes. En ne considérant qu’une vue locale, les algorithmes gloutons ne garantissent pas toujours une solution optimale globale. Certains problèmes ne s’y prêtent pas, et il peut être difficile, malgré la simplicité apparente, de concevoir un algorithme glouton correct. Ainsi, il faut bien comprendre les conditions nécessaires à leur succès avant de les appliquer.

Les applications des algorithmes gloutons sont nombreuses et variées, touchant des domaines comme les réseaux mobiles, l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique ou la programmation. Parmi les exemples classiques, on compte le problème du voyageur de commerce, les algorithmes de Prim et Kruskal pour les arbres couvrants minimum, l’algorithme de Dijkstra pour les plus courts chemins dans un graphe pondéré, ainsi que des techniques de tri telles que le tri par sélection ou le tri topologique. D’autres cas d’usage incluent la compression de données via le codage de Huffman, la coloration de graphes, le problème du sac à dos, ou encore l’ordonnancement de tâches.

Le codage de Huffman illustre parfaitement la puissance de la méthode gloutonne dans un contexte concret. En analysant les fréquences d’apparition des symboles dans un message, l’algorithme construit un arbre binaire codant chaque symbole avec une longueur variable : les symboles fréquents reçoivent des codes courts, tandis que les rares obtiennent des codes plus longs. Ce processus réduit significativement la taille des fichiers, économisant entre 10 et 30 % d’espace de stockage, tout en conservant l’intégralité de l’information. La construction de cet arbre repose sur la répétition d’une opération simple : fusionner à chaque étape les deux symboles ou sous-arbres les moins fréquents, jusqu’à l’obtention d’un arbre unique. Le résultat est un code efficace et optimal pour la compression sans perte.

Par ailleurs, des problèmes classiques tels que la sélection de pièces pour atteindre une somme donnée illustrent l’application directe d’une stratégie gloutonne simple : on choisit toujours la pièce de la plus grande valeur possible qui ne dépasse pas la somme restante, et on répète cette étape jusqu’à ce que la somme soit atteinte. De même, dans le problème du voyageur de commerce, une approche gloutonne consistera à choisir à chaque étape la ville la plus proche non visitée, formant ainsi un cycle qui, bien que simple à calculer, ne garantit pas toujours le chemin le plus court possible.

Dans l’ordonnancement des tâches, où chaque travail doit être terminé avant une certaine échéance pour générer un profit, la stratégie gloutonne vise à attribuer les emplois de manière à maximiser le profit total. Le fait que chaque tâche prenne un temps fixe permet d’organiser efficacement la séquence en tenant compte des délais et des gains associés.

Il est important de saisir que le succès des algorithmes gloutons dépend étroitement de la structure du problème. Leur efficacité réside dans la possibilité de décomposer ce dernier en sous-problèmes indépendants et ordonnés, dont les solutions optimales s’imbriquent parfaitement. Sans ces propriétés, une approche gloutonne risque d’aboutir à des solutions sous-optimales, voire erronées. Par ailleurs, la simplicité apparente de ces algorithmes peut masquer des subtilités dans leur conception et leur validation, nécessitant une analyse rigoureuse.

L’algorithme glouton se révèle ainsi comme un outil puissant et pragmatique pour résoudre un large éventail de problèmes, à condition de bien comprendre ses conditions d’application et ses limites. Sa force réside dans l’équilibre entre simplicité, rapidité et optimalité, mais aussi dans la nécessité d’une réflexion approfondie sur la nature du problème à traiter.

Comment le théorème maître permet-il de résoudre les relations de récurrence en algorithmique ?

Le théorème maître est un outil fondamental pour analyser la complexité temporelle des algorithmes récursifs, notamment ceux qui suivent une relation de récurrence de la forme T(n)=aT(nb)+f(n)T(n) = aT\left(\frac{n}{b}\right) + f(n), où a1a \geq 1 et b>1b > 1 sont des constantes, et f(n)f(n) est une fonction asymptotiquement positive. L’objectif est d’évaluer la complexité asymptotique T(n)T(n) sans avoir à résoudre explicitement la relation.

Le théorème se base sur la comparaison entre la croissance du nombre de sous-problèmes (représentée par aa) et la croissance du travail effectué en dehors des appels récursifs, modélisé par f(n)f(n). La fonction f(n)f(n) est souvent exprimée sous la forme f(n)=Θ(nklogrn)f(n) = \Theta\left(n^k \log^r n\right) avec kk un réel positif ou nul, et rr un réel quelconque. Le théorème identifie trois cas fondamentaux selon la relation entre aa et bkb^k :

  1. Cas où a>bka > b^k : la multiplication du nombre de sous-problèmes est dominante, ce qui signifie que la majeure partie du travail est effectuée dans les feuilles de l’arbre récursif. La complexité s’écrit alors comme T(n)=Θ(nlogba)T(n) = \Theta\left(n^{\log_b a}\right). Ce cas correspond à une expansion exponentielle du nombre de sous-appels.

  2. Cas où a=bka = b^k : le travail effectué à chaque niveau de récursion est équilibré. La complexité est alors influencée par le facteur logarithmique, qui dépend de rr :

    • Si r>1r > -1, T(n)=Θ(nlogbalogr+1n)T(n) = \Theta\left(n^{\log_b a} \log^{r+1} n\right),

    • Si r=1r = -1, T(n)=Θ(nlogbaloglogn)T(n) = \Theta\left(n^{\log_b a} \log \log n\right),

    • Si r<1r < -1, T(n)=Θ(nlogba)T(n) = \Theta\left(n^{\log_b a}\right).

  3. Cas où a<bka < b^k : la fonction f(n)f(n) domine la complexité, ce qui signifie que la majeure partie du travail est effectuée au niveau racine de l’arbre récursif. La complexité dépend alors de la valeur de rr :

    • Si r>0r > 0, T(n)=Θ(nklogrn)T(n) = \Theta\left(n^k \log^r n\right),

    • Si r<0r < 0, T(n)=Θ(nk)T(n) = \Theta\left(n^k\right).

Plusieurs exemples illustrent ces cas. Par exemple, la relation T(n)=9T(n/3)+nT(n) = 9T(n/3) + n vérifie a=9a=9, b=3b=3, k=1k=1, donc a>bka > b^k (car 9>31=39 > 3^1=3), ce qui donne T(n)=Θ(n2)T(n) = \Theta(n^2). Pour T(n)=3T(n/2)+n2T(n) = 3T(n/2) + n^2, ici a=3a=3, b=2b=2, k=2k=2, donc a<bka < b^k (3 < 4), ce qui conduit à T(n)=Θ(n2)T(n) = \Theta(n^2), tenant compte du cas où la fonction f(n)f(n) domine.

Une autre forme, appelée master theorem pour la technique Subtract and Conquer, s’applique aux relations du type T(n)=aT(nb)+f(n)T(n) = aT(n-b) + f(n) où la taille du problème est réduite non pas par division, mais par soustraction. Ici, l’analyse repose sur l’évaluation de la somme des travaux effectués sur les appels récursifs décalés et s’appuie sur trois cas similaires selon la valeur de aa :

  • Si a<1a < 1, la complexité suit T(n)=O(nd)T(n) = \mathcal{O}(n^d).

  • Si a=1a = 1, alors T(n)=O(nd+1)T(n) = \mathcal{O}(n^{d+1}).

  • Si a>1a > 1, alors T(n)=O(ndan/b)T(n) = \mathcal{O}(n^d a^{n/b}).

Cette version est particulièrement utile lorsque la résolution ne procède pas par divisions successives mais par soustractions constantes.

La maîtrise de ces théorèmes permet de déterminer la complexité temporelle de nombreux algorithmes récursifs, évitant des calculs fastidieux. Comprendre la structure de l’arbre de récursion, ainsi que la croissance relative des sous-problèmes et du travail complémentaire, est essentiel pour appliquer ces méthodes avec rigueur.

Au-delà des résultats formels, il importe de bien comprendre la signification pratique de chaque paramètre : aa exprime la quantité de sous-problèmes générés à chaque étape, bb la réduction de la taille des problèmes, et f(n)f(n) le coût additionnel à chaque niveau. Cette approche met en lumière la dynamique de division du travail dans les algorithmes récursifs et souligne l’importance de la relation entre ces facteurs pour anticiper l’efficience algorithmique.

L’application systématique du théorème maître dans l’analyse d’algorithmes facilite la conception de solutions optimales, en mettant en lumière les points critiques où l’effort computationnel se concentre, et ainsi en orientant le choix des stratégies de décomposition.