Dans l'évaluation des projets d'investissement publics, il est fréquent de se retrouver face à des projets dont la durée de vie ou la taille diffère. La comparaison de ces projets sans prendre en compte ces différences peut conduire à des conclusions erronées. De nombreuses méthodes ont été développées pour ajuster les analyses de rentabilité, notamment le taux de rentabilité net (TRN) ou le rapport bénéfice/coût (B:C), afin de rendre ces comparaisons possibles et pertinentes.

Les projets ayant des durées de vie inégales représentent un des principaux défis pour les décideurs. En effet, dans des situations réelles, il est rare que deux projets aient exactement la même durée. Lorsqu’on essaie de les comparer sans ajustement, il est facile de se tromper en choisissant un projet moins favorable, même si son rapport B:C ou son TRN est plus élevé. Le problème survient souvent lorsque les projets ont des durées de vie différentes, et par conséquent, des coûts et des bénéfices qui ne sont pas directement comparables. Une manière d'ajuster cette disparité consiste à trouver un « dénominateur commun » en ajustant les projets à une durée de vie commune, souvent en prenant des projets de différentes tailles et en les combinant pour qu'ils aient un temps de vie total identique.

Par exemple, si l’on compare deux projets, X et Y, ayant des durées de vie respectives de 4 et 6 ans, une solution consiste à prendre trois projets de type X et deux projets de type Y, de sorte que la durée totale de vie de l'ensemble des projets soit identique (12 ans). Il est ainsi possible de calculer la valeur nette actualisée (VNA) de ces projets combinés, en tenant compte des flux de bénéfices et de coûts sur leur durée de vie respective. Toutefois, cette approche peut devenir complexe lorsque les coûts sont répartis sur plusieurs années, et il est crucial d’adopter des méthodes qui permettent d’ajuster les flux de trésorerie dans le temps, comme le calcul du coût annuel équivalent (EAC) par projet.

L’ajustement des durées de vie ne résout cependant pas tous les problèmes. En effet, les projets peuvent également différer par leur taille, ce qui pose un autre défi dans la prise de décision. Lorsque les projets sont de tailles inégales, il est important de les évaluer en fonction de la disponibilité des ressources et de leurs caractéristiques fonctionnelles. Par exemple, un projet de grande envergure dans le secteur des transports pourrait nécessiter un financement beaucoup plus important qu'un projet plus petit dans le domaine de la sécurité publique, même si les deux projets visent à améliorer les infrastructures d'une région.

Dans un contexte de rationnement des ressources, il est souvent nécessaire de regrouper les projets en fonction de leur taille ou de leur fonction et de faire des sélections basées sur ces groupes. Une autre approche consiste à établir des catégories en fonction des coûts estimés, comme les projets entre 100 000 et 250 000 dollars, ceux entre 250 000 et 1 million, et ainsi de suite. Cela permet de donner une priorité à certains projets, tout en respectant les contraintes budgétaires. Si les projets sont non exclusifs, la meilleure méthode consiste à classer les projets en fonction de critères bien définis et à sélectionner ceux dont les bénéfices dépassent les coûts, en fonction des ressources disponibles.

Un autre facteur important à prendre en compte est l’incertitude qui entoure les projets publics. Les coûts et les bénéfices estimés ne sont que des prévisions, et il est souvent difficile de prévoir avec précision l'ampleur exacte des investissements nécessaires ou des bénéfices futurs. Cette incertitude, bien qu'inévitable, peut perturber la prise de décision si elle n'est pas prise en compte correctement. La méthode de l'« équivalent certain » est un outil qui permet d’adapter les coûts et les bénéfices incertains en valeurs certitudes, en fonction du degré de risque perçu par les décideurs.

En outre, la prise en compte du taux de rentabilité ajusté en fonction du risque est une autre approche pour gérer l’incertitude. Cette méthode permet d'actualiser les flux de trésorerie futurs en tenant compte de la probabilité des différents scénarios, ce qui peut être particulièrement utile lorsque l'incertitude est élevée. En ajustant le taux d'actualisation en fonction des risques, il devient possible d’obtenir une estimation plus réaliste de la rentabilité nette d’un projet.

En résumé, il est essentiel de tenir compte de la durée de vie, de la taille et de l'incertitude des projets lors de l'évaluation des investissements publics. Les ajustements nécessaires pour comparer des projets de durées ou de tailles différentes peuvent sembler complexes, mais ces méthodes permettent aux décideurs d’optimiser les choix et d’augmenter les chances de réussite des projets financés.

Comment structurer un budget programmatique dans la gestion publique ?

Le budget programmatique met l'accent sur les programmes, leurs objectifs et finalités plutôt que sur des postes budgétaires individuels. Pour modéliser un tel budget, on peut utiliser des expressions algébriques similaires à celles employées dans les budgets traditionnels, mais appliquées aux programmes. Prenons un département gouvernemental j, qui comprend p programmes. Le budget alloué à chacun de ces programmes peut être présenté sous la forme d’un vecteur colonne vv dont chaque élément BjkB_{jk} correspond au budget du programme k au sein du département j.

Puisque les sommes allouées aux programmes s’additionnent, le budget total du département j est la somme des budgets de ses p programmes, exprimée par k=1pBjk\sum_{k=1}^p B_{jk}. Par exemple, si un département dispose d’un budget total de 10 millions de dollars, réparti en 3 millions pour le programme 1, 2 millions pour le programme 2, 3 millions pour le programme 3, et le reste pour d’autres programmes, la somme des budgets de tous les programmes égale précisément les 10 millions alloués.

Chaque programme, à son tour, se décline en plusieurs postes budgétaires ou « line-items » : salaires, fournitures, contrats, etc. Le budget d’un programme k est ainsi la somme des budgets alloués à chacun de ses n postes, soit i=1nBk,i\sum_{i=1}^n B_{k,i}. Cela permet de représenter précisément les affectations financières internes à chaque programme. Par exemple, un programme doté de 5 millions peut répartir cette somme en 2 millions pour le personnel, 0,5 million pour les fournitures, 1,5 million pour des contrats, et le reste pour d’autres dépenses.

Cette modélisation se généralise aisément aux p programmes et m départements, formant une matrice BB où chaque élément BjkB_{jk} est le budget du programme k dans le département j. La structure matricielle facilite la lecture globale du budget gouvernemental : la somme des lignes correspond au budget total de chaque département, tandis que la somme des colonnes reflète l’ensemble des fonds alloués à chaque programme à travers tous les départements. La somme totale de tous les éléments de la matrice donne le budget global gouvernemental.

Il faut toutefois garder à l’esprit que les programmes peuvent différer d’un département à l’autre, bien que leur position dans la matrice reste cohérente pour la structure du budget. L’approche matricielle offre donc une vision simultanée des allocations par programme et par département, essentielle pour la planification et l’évaluation.

Lorsque les budgets des programmes ou des départements évoluent, par exemple en augmentation d’un facteur constant kk', cette modélisation permet de recalculer aisément les budgets futurs. Ainsi, pour les années suivantes, les allocations peuvent être ajustées sans devoir reconstruire entièrement la structure budgétaire.

En complément, il est important de souligner que cette approche programmatique met l’accent sur l’allocation des ressources en fonction des objectifs stratégiques et des résultats attendus, plutôt que sur les détails isolés des dépenses. Cette méthode facilite la responsabilisation et la transparence dans la gestion publique, car elle relie directement les financements aux finalités des politiques publiques.

De plus, la compréhension des liens entre programmes, lignes budgétaires et départements est cruciale. Chaque ligne budgétaire dans un programme reflète une décision de gestion qui doit être justifiée en fonction des besoins et des priorités. La cohérence entre les montants alloués et les résultats attendus doit être constamment évaluée pour assurer une utilisation optimale des fonds publics.

Enfin, il convient de garder à l’esprit que la structure budgétaire programmatique, bien que rigoureuse, doit être accompagnée d’outils d’analyse complémentaires : indicateurs de performance, évaluations d’impact, et mécanismes de suivi. La précision mathématique des sommes allouées ne garantit pas à elle seule l’efficacité de la dépense publique. L’interprétation et la gestion dynamique des budgets sont indispensables pour traduire ces chiffres en actions concrètes et utiles pour la société.

Quel rôle jouent les systèmes budgétaires dans le processus de gestion des finances publiques ?

Les budgets sont élaborés à l'aide d'une structure formelle qui relie les divers éléments d'un budget en un document cohérent. Cette structure offre la base qui guide l'élaboration du budget, ce que l'on appelle ici les « systèmes budgétaires ». Bien que des termes comme « formats budgétaires », « approches budgétaires » ou « types de budgets » soient fréquemment utilisés, le terme « systèmes budgétaires » semble plus pertinent. Comme tout système, chaque budget possède une structure formelle avec des composants interconnectés, liés ensemble de manière cohérente pour atteindre les objectifs d'une organisation publique. Comprendre ces systèmes et leur architecture est essentiel pour appréhender comment les décisions budgétaires sont prises et quels en sont les résultats, tant pour les agences et départements individuels que pour la société en général.

De plus, comprendre la structure des systèmes budgétaires permet d’identifier les relations hiérarchiques et fonctionnelles au sein du gouvernement : du responsable administratif principal au directeur budgétaire, en passant par les bureaux centraux du budget, ainsi que les chefs d’agences et de départements. Cela permet d’avoir une vue d’ensemble de la manière dont les responsabilités budgétaires sont réparties et gérées.

L’histoire des systèmes budgétaires remonte à une époque où les budgets étaient préparés de manière ad hoc, sans cadre formel, jusqu’au début du XXe siècle. C’est à ce moment-là que le Bureau de la Recherche municipale de New York, pionnier dans l’étude de la gestion publique locale, introduisit le « budget par postes » (Lynch, 1995). Depuis lors, les systèmes budgétaires se sont multipliés et complexifiés. Aujourd'hui, tous les gouvernements utilisent un ou plusieurs de ces systèmes, sans qu'il existe de directives précises sur celui à adopter. Le choix dépend souvent du temps, des compétences disponibles et des ressources à la disposition de l’organisation. Une fois qu’un système est développé et adopté, il reste généralement en place longtemps, jusqu'à ce qu’un autre système plus adapté aux besoins de l’organisation prenne le relais.

Les systèmes budgétaires ne sont pas des constructions abstraites : ce sont des outils ayant des implications pratiques directes. Bien qu’ils varient en structure et en complexité, ces systèmes servent plusieurs objectifs importants. Tout d’abord, ils assurent une cohérence dans la présentation des différents éléments du budget. Cette cohérence permet de créer une base de données qui peut être utilisée pour comparer les informations contenues dans le document au fil du temps, ainsi qu’entre différentes organisations utilisant des systèmes similaires. En outre, ces systèmes améliorent l'efficacité organisationnelle. Un système budgétaire bien conçu peut aider à développer des indicateurs de performance utilisés pour évaluer l'efficacité des services rendus. Ensuite, ces systèmes améliorent la coordination entre les différentes unités d'une organisation. Un bon système budgétaire peut faciliter la compréhension mutuelle entre les unités fonctionnelles d'un gouvernement en garantissant une congruence entre leur mission, leurs objectifs et leurs priorités. Enfin, et surtout, ils permettent au public de mieux comprendre le budget. Un système budgétaire bien conçu peut offrir une plus grande transparence quant à la manière dont les décisions d’allocation des ressources sont prises, qui y participe, et quels sont les résultats de ces choix.

Du point de vue du processus, il existe une relation directe entre le système budgétaire et le processus budgétaire. En plus de servir de fondation à la préparation du budget, un système budgétaire bien conçu peut contribuer à améliorer les décisions d'allocation lors de la phase des crédits. Bien qu’il soit difficile de déterminer précisément dans quelle mesure ces décisions dépendent des systèmes, un système bien conçu aide néanmoins les décideurs à faire des choix rationnels concernant l’allocation des ressources limitées d’un gouvernement, en fonction de sa mission, de ses objectifs et de ses priorités. Les systèmes budgétaires peuvent être tout aussi efficaces pendant la phase d'exécution. Idéalement, on peut considérer le système budgétaire comme une feuille de route servant de guide opérationnel pendant l'exécution, en développant les tâches qu’une agence doit accomplir, conformément à sa mission et à ses objectifs, tout en tenant compte de l'organisation. Enfin, ce système joue un rôle tout aussi important pendant la phase d’évaluation. Un système budgétaire bien conçu peut améliorer la responsabilité organisationnelle en établissant un lien direct entre les objectifs d’un programme et les résultats obtenus, tout en identifiant les zones où des écarts se sont produits et où des ajustements sont nécessaires.

Le rôle essentiel de ces systèmes est de garantir que les ressources publiques sont gérées de manière transparente et rationnelle. Dans cette optique, il devient évident que l’adhésion à un système budgétaire cohérent n’est pas seulement un exercice technique, mais une démarche profondément politique et stratégique, influençant la manière dont les priorités publiques sont définies et exécutées.