L'analyse des résidus lipidiques présents dans la poterie harappéenne a fourni des informations précieuses pour comprendre les habitudes alimentaires et le mode de vie de cette civilisation. Une étude menée par Kalyan Sekhar Chakraborty et ses collègues sur des fragments de poterie provenant de Kotada Bhadli, un site agropastoral mature de la civilisation Harappéenne situé dans le district de Kachchh (Gujarat), révèle l'importance des produits laitiers dans l'alimentation des habitants. Grâce à l'analyse des résidus lipidiques, il a été possible de détecter des graisses laitières d'origine bovine et potentiellement de buffles d'eau, fournissant ainsi une preuve directe du rôle central du lait et de ses dérivés dans la diète des Harappéens. Cette découverte met en lumière l'importance de l'élevage pour la production de produits laitiers, et non seulement pour la viande. De plus, les études menées sur les restes animaux suggèrent que le bétail, en particulier les taureaux et les buffles d'eau, était élevé principalement pour les produits secondaires tels que le lait, et que les chèvres et moutons étaient principalement élevés pour leur viande.

Une autre étude sur des pièces de poterie provenant de Rakhigarhi et d'autres sites du nord de l'Inde a montré une utilisation similaire des vases à la fois dans les zones urbaines et rurales. Ces analyses révèlent la consommation de produits laitiers et de viandes provenant d'animaux ruminants, suggérant des pratiques alimentaires similaires à travers les différentes strates de la civilisation harappéenne. La présence importante de bétail, en particulier de femelles et de taureaux castrés, laisse entendre une stratégie pastorale étroitement liée à la production laitière, ce qui confirme l'idée d'une société harappéenne profondément ancrée dans l'élevage.

Ces recherches scientifiques nous permettent de mieux saisir les pratiques alimentaires des Harappéens, mais elles ne suffisent pas à nous donner une vue complète de leur organisation sociale et politique. L'absence de preuves écrites décodées constitue une difficulté majeure dans l'étude de la société harappéenne. Bien que les données archéologiques nous offrent des éléments précieux, elles ne permettent pas de reconstituer de manière certaine la structure politique de cette civilisation. Les personnes vivant dans les zones harappéennes comprenaient des paysans, des éleveurs, des artisans, des marchands et probablement aussi des pêcheurs. Les vestiges archéologiques, notamment les différences dans la taille des maisons et la présence de bijoux, suggèrent une différenciation sociale, mais sans pour autant permettre de déduire l'existence d'un système hiérarchique aussi rigide que dans des civilisations contemporaines telles que la Mésopotamie ou l'Égypte.

La question de la nature du pouvoir politique harappéen a suscité un débat intense parmi les chercheurs. Une hypothèse, portée par Stuart Piggott et soutenue par Mortimer Wheeler, postule que la civilisation Harappéenne était gouvernée par des rois-prêtres, autocrates, régissant depuis les capitales jumelles de Mohenjodaro et Harappa. Cette théorie est fondée sur l'uniformité des traits matériels, l'utilisation d'un système d'écriture commun et des poids et mesures standardisés. L’urbanisme et les grands travaux publics dans ces deux cités semblent indiquer une forte centralisation du pouvoir, de même que l'existence de structures comme les "greniers" à Mohenjodaro, suggérant un contrôle centralisé sur les réserves alimentaires. L'absence de preuves de guerre interne entre les différentes cités renforçait l'idée d'une gouvernance unifiée.

Cependant, cette idée d'un État centralisé a été largement remise en question. Walter A. Fairservis, par exemple, argue que la civilisation Harappéenne n'était ni un empire, ni même un État au sens moderne du terme. Il souligne l'absence de preuves concernant des rois-prêtres, des armées permanentes ou des esclaves, et considère que les centres urbains comme Mohenjodaro étaient plus des centres cérémoniels que des centres administratifs. Selon lui, le contrôle exercé sur la civilisation Harappéenne pourrait avoir été plus décentralisé, exercé par des groupes locaux plutôt que par un gouvernement centralisé. Cette hypothèse soulève la question du degré de centralisation réel dans la société Harappéenne et de la nature exacte de ses structures politiques.

Il est essentiel de noter que l'absence de preuves directes, comme des inscriptions ou des témoignages écrits, rend l'interprétation des structures politiques harappéennes particulièrement complexe. La question de l'organisation sociale et politique de la civilisation Harappéenne reste donc ouverte, et les chercheurs doivent s'appuyer sur des éléments indirects, tels que l'urbanisme, les artefacts, et l'analyse des restes matériels, pour formuler des hypothèses sur la manière dont ces sociétés étaient gouvernées. Il est probable que la civilisation Harappéenne ait connu une certaine forme de hiérarchie, mais sous une forme qui diffère de celle des civilisations contemporaines de l'Orient ancien.

Quel rôle joue la renonciation dans les traditions brahmaniques et shramaniques ?

La renonciation occupe une place centrale dans les traditions shramaniques, mais elle a également eu un impact notable sur la tradition brahmanique. Dans les Dharmasutras, il apparaît un concept clé : celui de grihastha, qui désigne l'état de vie d'un homme au foyer. Ce terme se distingue de grihapati (chef de famille) trouvé dans les textes védiques et les Grihyasutras. Tandis que grihapati renvoie à un rôle de leadership familial, grihastha désigne un homme qui reste à domicile, contrastant ainsi avec l'image du renonçant itinérant que l'on trouve dans les traditions bouddhiste et jainiste. Cette introduction de l'idée de grihastha semble être une réponse des brahmanes à la centralité de la renonciation dans les traditions bouddhistes et jainistes (Olivelle, 2019).

La renonciation, loin de se limiter à une simple fuite du monde, est aussi inscrite dans le système des ashramas, qui dépeint les différentes étapes de la vie. Les premiers Dharmasutras abordent en détail les quatre ashramas : brahmacharya (l'étape de la jeunesse chaste), grihastha (l'étape du foyer), vanaprastha (renonciation partielle) et sannyasa (renonciation totale). Selon l’étude d'Olivelle (1993), ces quatre ashramas étaient initialement considérés comme des alternatives possibles pour un jeune homme ayant terminé son éducation védique. Certains auteurs des Dharmasutras peuvent être liés à une pensée des Upanishads anciennes qui, tout en s'opposant au ritualisme, prônaient la chasteté et la liberté individuelle.

Cependant, les Dharmasutras divergent quant à la légitimité et aux mérites relatifs de chaque ashrama. Par exemple, les Dharmasutras de Gautama et Baudhayana critiquent le système des ashramas. Gautama, par exemple, insiste sur le fait qu'un jeune homme, ayant achevé son étude, doit entrer dans la phase de grihastha, en vertu de l'autorité des Vedas. De même, le Baudhayana Dharmasutra considère le système des quatre ashramas comme une invention malfaisante, attribuée à un démon nommé Kapila, et soutient que le mariage, la procréation et la réalisation des sacrifices sont essentiels. À l'inverse, l'Apastamba Dharmasutra accepte le système des ashramas mais affirme que la phase de célibat n'est pas supérieure à celle de grihastha, valorisant l'égalité entre toutes les étapes de la vie.

L’idée que les ashramas représentent des étapes successives dans la vie d'un dvija (homme né deux fois) s'est développée plus tard dans les Smritis, où cette classification devint une norme. Le terme dvija, initialement réservé aux Brahmanes, s’élargit pour inclure aussi les Kshatriyas et les Vaishyas, classes sociales ayant droit à l'initiation du upanayana (cérémonie du fil sacré), qu’on considérait comme une seconde naissance. Ce système idéalisé des ashramas, qui propose quatre étapes successives, représente une conception bien plus rigide de l’évolution de l’individu par rapport à la fluidité qu'offrait la renonciation telle que défendue par les traditions bouddhiste et jainiste.

La renonciation, dans les traditions bouddhiste et jainiste, pouvait s'étendre sur toute la durée de la vie adulte et revêtait une urgence particulière, car elle était perçue comme le seul chemin vers la connaissance et la libération. Contrairement à l'idée de renonciation partielle dans le système des ashramas, cette forme de renonciation était accessible à tous, sans distinction de classe, de caste ou de sexe. De plus, le renonçant ne vivait pas seul, mais faisait partie d'une communauté de renonçants. Dans les traditions bouddhistes et jainistes, le monde des renonçants et celui des foyers étaient donc liés, chacun dépendant de l’autre. Les renonçants dépendaient de la générosité des foyers pour leur subsistance, tandis que les foyers se tournaient vers les renonçants pour obtenir des enseignements et de la sagesse. Ces deux mondes, bien que très différents, étaient interconnectés et se nourrissaient mutuellement.

Dans la tradition bouddhiste, un texte crucial, le Samannaphala Sutta du Digha Nikaya, aborde cette question en détaillant les divers renonçants contemporains du Bouddha. Ce texte nous renseigne sur plusieurs figures influentes de l’époque, notamment Ajita Keshakambalin, Makkhali Gosala et Nigantha Nataputta (Mahavira), qui étaient les fondateurs de diverses sectes et figures emblématiques du renoncement. Dans cette même conversation, le roi Ajatashatru questionne le Bouddha sur les fruits d'une vie de renoncement, par rapport aux professions et aux carrières mondaines. Le Bouddha répond de manière convaincante, marquant ainsi une distinction fondamentale entre les réponses reçues des autres maîtres et la vision bouddhiste du renoncement.

Le Samannaphala Sutta révèle aussi un point important : l'existence d'un véritable concours intellectuel entre les différentes écoles de pensée de l'époque. Le Bouddha se démarque par sa réponse, qui remet en question les diverses doctrines et approches sur le monde, l'âme et la causalité. D’autres textes bouddhistes, comme le Brahmajala Sutta, mentionnent une multiplicité de positions philosophiques (62 au total) qui, toutes, sont rejetées comme des opinions sans fondement réel. La compétition intellectuelle entre ces écoles était telle que les débats étaient animés, parfois violents, et le perdant devait rejoindre le camp du vainqueur.

Dans le cadre de cette compétition idéologique, de nombreux moines bouddhistes, comme Sariputta et Mahamoggallana, étaient originellement des disciples d’autres maîtres avant de rejoindre le sangha bouddhiste, illustrant ainsi la mobilité et l’évolution des individus au sein de ce réseau complexe de doctrines et de traditions.

Les sectes comme les Ajivikas, fondées par Makkhali Gosala, témoignent également de cette époque de débat intense. Ces écoles, qui proposaient des doctrines différentes des traditions dominantes, ont laissé des traces dans les textes bouddhistes et jainistes. Leurs enseignements, bien que souvent marginalisés, ont pourtant influencé les idées contemporaines et les voies philosophiques qui se sont ensuite intégrées dans les débats bouddhistes et jainistes.

Les Interactions Humaines et Animales dans l'Histoire : Le Lion, l'Éléphant et l'Art Maurya

Dans l'Antiquité, les interactions entre les hommes et les animaux ont façonné non seulement les récits mythologiques et religieux, mais aussi les dynamiques politiques et militaires. Comme l’a souligné Divyabhanusinh (2005), l’ascension du statut du lion dans les cultures anciennes coïncide avec l’apparition de royaumes puissants. Ce majestueux animal a en effet des connexions royales dans des civilisations aussi variées que l’Égypte ancienne, la Mésopotamie, la Perse et l’Inde. Son imposante taille, sa crinière, et son rugissement puissant en faisaient le roi incontesté du monde animal. Il dominait les savanes, contrairement au tigre, qui préférait les forêts denses et moins accessibles. Si le lion revêtait une importance capitale dans de nombreuses sociétés anciennes, l’éléphant occupait une place encore plus centrale dans l’histoire de l’Inde ancienne.

L’éléphant, avec sa taille imposante et son caractère exceptionnel, n’était pas seulement un symbole de majesté, mais aussi un acteur clé dans les armées indiennes. Les éléphants de guerre devinrent, au fil des siècles, l’épine dorsale des armées du sous-continent, et il était dans l’intérêt des rois de protéger les habitats forestiers de ces animaux précieux. Comme le note Trautmann (2015), cette relation entre le roi et l’éléphant allait bien au-delà du simple intérêt militaire, elle était aussi fondée sur un respect symbolique profond, marquant la hiérarchie entre l'homme et l'animal.

Parallèlement, l'influence de la Perse sur l’art royal indien est manifeste. Certains historiens de l’art ont suggéré que l’empereur Ashoka s’inspira de l'Achaïménide pour inscrire ses proclamations sur des colonnes, une pratique que l’on retrouve dans les inscriptions de Darius. Les similitudes entre les inscriptions de ces deux souverains vont au-delà des mots, notamment dans la transition entre la troisième et la première personne dans les textes, mais aussi dans le style des piliers. L’art persan se reflétait notamment dans la surface polie des colonnes et dans l’apparence des animaux sculptés aux bases des piliers Ashoka, qui rappelaient l’influence hellénistique et persane. Toutefois, bien que certaines similitudes soient évidentes, il est également essentiel de noter les différences stylistiques, comme la forme et l’ornementation des lotus inversés, et la surface lisse des colonnes Maurya, contrastant avec le style flûté des colonnes perses. Les colonnes de Maurya étaient plus simples, mais leur symbolisme était d’une puissance inégalée, notamment avec l’introduction de l’abacus de type Maurya, qui couronnait les piliers et portait des animaux sculptés en ronde-bosse.

La transformation des colonnes d’Ashoka en monuments épigraphiques revêt une importance culturelle majeure. En effet, ces colonnes ne se contentaient pas de transmettre des messages sur le dhamma et la grandeur de l’empire Maurya ; elles incarnaient une forme de pérennité culturelle. Leur réutilisation dans des contextes médiévaux, comme en témoignent les inscriptions retrouvées sur les piliers de Delhi et de Meerut, montre à quel point ces artefacts anciens traversèrent les âges, devenant des symboles de pouvoir et de religion dans des contextes bien différents.

Un exemple marquant de cette réutilisation se trouve dans l’histoire de l’un des piliers d’Ashoka transporté à Delhi par le sultan Firuz Shah Tughluq au XIVe siècle. Selon le Tarikh-i-Firuz Shahi, un récit écrit par Shams Siraj Afif, le sultan fut tellement impressionné par ces piliers qu’il ordonna leur transport à Delhi. Ce déplacement témoigne de l’importance symbolique des piliers d’Ashoka à travers les âges, mais aussi de l’ingéniosité et de la dévotion humaine envers ces monuments sacrés. La manière dont ces structures furent soigneusement déplacées, avec des outils spécifiques et des moyens de transport exceptionnels, souligne le lien profond entre l’objet et le pouvoir.

Les inscriptions plus tardives gravées sur ces piliers témoignent de la continuité du dialogue entre l’homme et l’histoire à travers les âges. Les inscriptions médiévales, notamment celles des souverains Rajputs du XIIe siècle ou même des empereurs Mughal, transforment les colonnes en témoins de dynasties successives. Ces inscriptions, parfois en sanskrit, parfois en persan, montrent que même après plusieurs siècles, ces monuments restaient des points de repère pour les puissants de l’époque. Certains fragments de ces piliers, retrouvés dans des lieux comme Hissar ou Fatehabad, continuent d’être un témoignage de la rencontre entre les différentes cultures et civilisations de l’Inde.

Enfin, il est intéressant de noter que certaines parties de ces piliers furent vénérées, notamment comme des lingas de Shiva, au fil des siècles. Ce phénomène est une preuve supplémentaire de la manière dont l’humain attribue un pouvoir symbolique et spirituel aux objets et monuments, un pouvoir qui traverse les époques et reste intact malgré le temps.

La réutilisation des artefacts anciens, comme les piliers d’Ashoka, montre l’importance de comprendre ces objets non seulement dans leur contexte initial, mais aussi dans les nouvelles couches de significations qu’ils acquièrent au fil du temps. Ces monuments, par leur pérennité et leur transformation, racontent non seulement l’histoire de l’Inde ancienne, mais aussi celle des cultures qui l’ont traversée et l’ont réinterprétée. Le dialogue entre l’humain et l’animal, à travers ces monuments et ces représentations, devient un miroir des sociétés elles-mêmes, leurs croyances et leur conception du pouvoir et de la nature.

Pourquoi l'Empire Maurya a-t-il décliné ?

L'Empire Maurya, premier empire véritablement subcontinental, a vu ses dimensions et ses structures attirer l'attention des chercheurs sous divers angles, notamment en ce qui concerne son déclin. L'unité de l'empire Maurya, qui s'étendait sur une vaste région, était sous-tendue par des mécanismes complexes de contrôle militaire, administratif et idéologique. Cependant, ces mêmes mécanismes ont été soumis à une pression considérable, jusqu'à ce qu'ils s'effondrent, marquant la fin d'une ère. Ce déclin a suscité diverses hypothèses parmi les historiens, qui tentent de comprendre si l'effondrement de l'empire a été causé par des facteurs internes ou externes, ou par une combinaison des deux.

Les trois premiers souverains Maurya ont régné pendant de longues périodes, mais la suite de la dynastie a été marquée par des règnes plus courts et souvent plus faibles. Seul un des derniers empereurs Maurya, Dasharatha, a laissé des inscriptions derrière lui. Les autres souverains sont principalement connus à travers des récits Puranique, bouddhistes et jaïns, suggérant qu'une grande partie de leur histoire nous est parvenue de manière fragmentée et indirecte. L'invasion des Grecs bactriens, qui affaiblit davantage l'empire, est un exemple parmi d'autres des troubles externes qui ont contribué à ce déclin.

Le rôle d'Ashoka dans la chute de l'Empire a été largement débattu. Bien que certaines théories pointent Ashoka comme responsable, il est également excommunié de cette accusation par d'autres. Haraprasad Sastri a suggéré que le coup d'État mené par Pushyamitra Shunga marquait une révolution brahmanique, motivée par les politiques anti-brahmaniques d'Ashoka et le patronage des sectes hétérodoxes par les Mauryas. Selon lui, la politique d’Ashoka, notamment son interdiction des sacrifices animaliers, a contrarié les brahmanes qui dépendaient de ces pratiques pour leur subsistance. Cependant, cette lecture est incorrecte. Ashoka lui-même, à travers ses édits, appelle régulièrement ses sujets à respecter les brahmanes et les shramanas. L'idée d'une révolution brahmanique apparaît donc comme une interprétation trop simpliste de la situation.

Une autre hypothèse plaide pour que la politique pacifiste d'Ashoka soit en grande partie responsable du déclin de l'Empire. Toutefois, cette analyse semble négliger les dimensions pragmatiques du règne d'Ashoka, qui n’a jamais démantelé l’armée ni aboli la peine capitale. La situation militaire a pu se détériorer, notamment parce qu'Ashoka, après ses premières campagnes militaires, n’a plus mené de guerres majeures. Ce vide militaire, associé à la montée en puissance des invasions extérieures, notamment grecques, pourrait avoir joué un rôle dans la fragilité de l'empire.

Cependant, certaines explications du déclin, telles que celles fondées sur des crises financières ou économiques, manquent de preuves solides. Il est important de souligner que les Mauryas n'ont pas été confrontés à des défis modernes, comme ceux auxquels font face les États-nations contemporains, comme une économie de marché pleinement intégrée ou des notions de nationalisme. Attribuer la chute de l'empire à une gestion économique inefficace semble anachronique et ne prend pas en compte la réalité politique de l'époque, où les empires fonctionnaient selon d'autres logiques de gouvernance.

Le déclin de l'empire Maurya peut également être interprété comme un phénomène de décentralisation progressive. L’Empire Maurya, par sa taille et sa diversité, devait faire face à des défis majeurs en matière d'intégration des provinces et de contrôle des ressources et des peuples. L’Empire dépendait largement des mécanismes de contrôle militaires et idéologiques, mais à mesure que ces structures se sont affaiblies, les provinces périphériques ont peu à peu échappé à la domination du centre. Cette décentralisation a sans doute été un facteur clé dans la fragmentation de l’empire.

Le déclin de l'Empire Maurya a également des répercussions profondes sur la pensée politique indienne. Ashoka, au-delà de son rôle en tant que souverain, a incarné une rupture radicale avec les pratiques royales précédentes. Sa politique de non-violence, son rejet des conquêtes militaires et son engagement moral ont marqué un tournant dans l’histoire des rois indiens. Ashoka a également réorienté le concept de « dharma », en l'érigeant en idéologie impériale et politique, et en le reliant à la notion de bien-être général et de salut spirituel. Ainsi, bien que l'empire soit tombé, Ashoka a jeté les bases de nombreux concepts clés dans la pensée politique indienne, notamment en matière de gouvernance morale et religieuse.

D'autres éléments doivent être compris dans cette analyse : tout d'abord, la Maurya n'était pas simplement un empire militaire. C'était un empire profondément marqué par des interactions culturelles et religieuses qui, sous Ashoka, ont pris une direction inédite, avec la promotion active du « dhamma » au détriment des anciennes pratiques de conquête et d'expansion militaire. Cela a mis l'accent sur l’éthique et le respect des croyances religieuses diverses, un aspect qui ne doit pas être sous-estimé dans l’étude de son héritage. En outre, l’influence de la politique religieuse d'Ashoka a eu des répercussions non seulement sur l’Empire mais aussi sur les dynasties suivantes, qui ont dû s'adapter à cette nouvelle forme de gouvernance.