Les lésions pigmentées cutanées, notamment les grains de beauté, peuvent susciter des préoccupations considérables tant chez les patients que chez les cliniciens. Bien que la classification histopathologique des grains de beauté soit complexe et sujette à interprétation, il est crucial de comprendre les caractéristiques biologiques sous-jacentes et leur signification dans la gestion des mélanomes. En effet, les grains de beauté dits « atypiques » ou « dysplasiques » ne doivent pas systématiquement être interprétés comme des mélanomes, un diagnostic qui peut facilement être « surévalué », notamment dans le cas des patients ayant des antécédents de mélanomes. Un grain de beauté peut apparaître cliniquement et histologiquement « anormal » sans pour autant être un indicateur de cancer cutané. Ce phénomène, parfois dû à des sites spécifiques tels que les mains, les pieds, les organes génitaux ou même les oreilles, peut prêter à confusion, car ces zones présentent des caractéristiques histologiques atypiques naturelles. Toutefois, une lésion est soit un mélanome, soit elle ne l’est pas. Il est important de rappeler qu’il n’existe pas de « pré-mélanome » : même une atypie modérée ou légère dans un grain de beauté reste un grain de beauté normal, et non une lésion précancéreuse.

Les mélanomes peuvent être classés en différents sous-types, chacun ayant des caractéristiques cliniques et évolutives distinctes. Le type le plus courant est le mélanome superficiel étalé, représentant environ 70 % des mélanomes. Ce sous-type se développe généralement dans des zones non exposées de manière régulière au soleil, comme le dos ou les jambes inférieures, souvent à la suite d’expositions intermittentes au soleil, et peut ne pas se manifester sur les zones photodistribuées classiques. Viennent ensuite les mélanomes nodulaires, plus agressifs, qui croissent rapidement et affectent fréquemment des zones très exposées au soleil, comme le tronc ou le visage. Ces mélanomes sont plus susceptibles de s’ulcérer ou de saigner et peuvent être accompagnés de symptômes comme des démangeaisons ou des douleurs. Les mélanomes lentigineux malins, quant à eux, se trouvent généralement dans des zones du visage endommagées par le soleil, avec une croissance lente initiale et une extension sous-clinique. Ils peuvent être traités par excision large, mais présentent des taux de récidive élevés, en particulier si l’excision est incomplète. Enfin, les mélanomes acrals, bien que rares, affectent de manière disproportionnée les populations noires et asiatiques et sont souvent liés à des traumatismes locaux plutôt qu’à une exposition solaire.

Les mélanomes sous-unguéaux, plus rares, se manifestent sous les ongles et sont souvent difficiles à diagnostiquer. Ils touchent plus fréquemment les populations amérindiennes, asiatiques et noires, mais leur détection reste compliquée en raison de leur faible prévalence et de leur apparition tardive. Il est crucial de noter que les signes classiques comme la pigmentation autour de l'ongle (signe de Hutchinson) peuvent être présents dans des lésions bénignes, ce qui complique encore le diagnostic. En cas de doute, une biopsie complète est nécessaire pour évaluer la profondeur du mélanome et déterminer son pronostic.

Les mélanomes amélaniques et hypomélaniques, qui ne présentent pas de pigmentation, sont parmi les plus difficiles à détecter. La dermoscopie, bien que précieuse, ne suffit pas toujours pour les identifier, et des caractéristiques comme les vaisseaux polymorphes peuvent être observées. Le diagnostic précis repose sur une évaluation minutieuse de la lésion, ce qui inclut la prise en compte de la profondeur du mélanome et des marges périphériques lors de la biopsie. Il est également essentiel d'éviter les biopsies partielles, car cela peut fausser l’évaluation de la profondeur tumorale et du pronostic.

Le rapport de biopsie offre plusieurs éléments-clés pour évaluer le pronostic, tels que l’épaisseur du mélanome (en particulier la mesure de Breslow), la présence de mitoses par mm², l’invasion des vaisseaux lymphatiques et nerveux, et la présence d’ulcération. La présence de lymphocytes tumoraux infiltrants peut également offrir un indice : leur absence suggère que le système immunitaire ne reconnaît pas la lésion comme menaçante, ce qui est un signe de mauvais pronostic. D’autres facteurs à prendre en compte sont la régression tumorale, qui peut sembler être une réponse immunitaire mais suggère en réalité que la profondeur de la lésion est plus importante que ce que l’on peut observer cliniquement.

La stadification des mélanomes suit un système bien défini, tel que le système AJCC (American Joint Committee on Cancer), qui utilise le TNM (Tumeur, Nœuds lymphatiques, Métastases). Le stade 0 correspond à un mélanome in situ, sans risque de métastases, tandis que les stades plus avancés (1 à 4) indiquent des formes invasives avec un risque accru de récidive et de propagation métastatique. Le stade 1 désigne des mélanomes invasifs minimes, tandis que le stade 2 est un stade où la récidive est plus probable, mais sans atteinte des ganglions lymphatiques. Les stades 3 et 4 sont associés à des métastases lymphatiques et à des métastases à distance, nécessitant des traitements plus complexes, y compris des thérapies systémiques.

Il est essentiel que les patients comprennent que chaque mélanome est unique et que son traitement dépendra de nombreux facteurs, dont la taille, la localisation et le stade de la tumeur. Une surveillance rigoureuse et un suivi médical régulier sont cruciaux pour la détection précoce de nouvelles lésions ou de récidives, surtout en présence de facteurs de risque comme des antécédents familiaux ou des expositions solaires répétées.

Comment évaluer et gérer la dermatomyosite : Stratégies diagnostiques et thérapeutiques

L'évaluation de la faiblesse proximale des extenseurs, en particulier dans le cadre de la dermatomyosite (DM), nécessite une approche rigoureuse. Il est essentiel de neutraliser le coude lors des tests afin d’éviter que le patient ne compense par le deltoïde, comme cela se produit lors de l'examen des yeux quand une personne essaie de regarder sans lunettes. Une erreur fréquente lors de biopsies musculaires est de prélever le deltoïde, car ce muscle est généralement le dernier à être affecté, alors que la biopsie devrait être réalisée sur le triceps, un muscle plus précocement atteint.

Dans la prise en charge des patients atteints de DM, les tests de laboratoire jouent un rôle fondamental

Comment différencier les formes profondes et atypiques de la morphée, et pourquoi cela change tout ?

Certaines formes de morphée échappent à la présentation clinique classique, ce qui rend leur diagnostic d’autant plus complexe. Lorsqu’on aborde les variantes profondes ou atypiques, il devient essentiel de maîtriser les nuances diagnostiques et thérapeutiques, car l’absence de manifestations épidermiques évidentes ne signifie pas une moindre sévérité de la maladie. La morphée dite « en profondeur » peut se manifester uniquement par une induration sous-cutanée ou fasciale, sans altérations visibles de la peau en surface. Ce décalage entre la profondeur de l’atteinte et l’absence de modifications pigmentaires ou vasculaires cutanées classiques rend le diagnostic dépendant d’un haut degré de vigilance clinique.

Dans les morphées keloïdiennes, une fibrose précoce est observable, simulant une réponse cicatricielle exubérante. Lorsque l’inflammation initiale est marquée, une forme bulleuse peut se développer, traduisant une fragilité vasculaire locale intense et des exsudations sous-épidermiques.

La morphée « en coup de sabre », typiquement paramédiane mais parfois temporale, doit alerter par sa localisation et les risques associés. L’évaluation par IRM cérébrale reste débattue mais nécessaire si l’on suspecte une atteinte neurologique, bien que ces complications soient rares et souvent liées à un long retard diagnostique. L’ophtalmologiste devra suivre le patient pour un dépistage annuel de l’uvéite sur quatre ans. Si la lésion descend jusqu’à la région buccale, un examen dentaire est recommandé, certaines anomalies dentaires pouvant survenir. Aucun dosage des ANA n’est requis dans ce sous-type.

La morphée profonde justifie parfois une imagerie complémentaire si l’on craint une extension aux structures musculaires ou squelettiques. Dans les formes mixtes, la prise en charge repose toujours sur la manifestation la plus sévère, qui guidera le choix thérapeutique.

L’éosinophilic fasciitis (EF), souvent confondue avec une sclérodermie systémique, est une entité distincte bien que considérée comme l’expression la plus sévère du spectre de la morphée. Elle touche préférentiellement les femmes de plus de 60 ans, souvent après un stress physique ou un traumatisme. La douleur est brutale, les jambes (plus que les bras) deviennent dures comme du cuir, et la sensibilité est telle que le patient peut littéralement « sauter du lit » à la palpation.

L’atteinte inflammatoire ne concerne pas l’épiderme, ni le derme, ni l’hypoderme, mais la fascia. L’IRM, lorsqu’elle montre un œdème fascial sans argument pour une sclérodermie ou morphée classique, suffit souvent à confirmer le diagnostic. La biopsie fasciale peut être faussement positive dans certaines morphées linéaires ou sclérodermies systémiques, d’où la supériorité diagnostique de l’imagerie.

Le diagnostic différentiel avec la sclérodermie est fondamental. L’EF se distingue par une préservation de la mobilité cutanée au niveau des interphalangiennes, malgré la fibrose périphérique. Un aspect « pavé » des cuisses est typique, tout comme le « signe du sillon » : en levant les bras, les veines de l’avant-bras se dégonflent, révélant un affaissement cutané le long de leur trajet, conséquence directe de la fibrose fasciale. L’absence de Rayna

Comment optimiser la prise de greffes et lambeaux cutanés chez les patients à haut risque ?

Les greffes cutanées et les lambeaux locaux sont des techniques fondamentales en chirurgie reconstructrice, en particulier dans les régions anatomiquement complexes comme le nez, les paupières ou les oreilles. Les greffes composites, associant peau et cartilage, ne doivent être envisagées que pour de très petites zones, notamment sur les rebords du nez, en raison de leur taux d’échec élevé. Ces greffes sont souvent prélevées au niveau de l’oreille avec le cartilage encore attaché, mais il est essentiel de ne pas les fenêtrer, car cela compromet la stabilité structurelle du cartilage.

Les greffes de cartilage libre, ne comprenant que du cartilage sans la peau sus-jacente, sont envisageables mais nécessitent une couverture secondaire, soit par cicatrisation dirigée, soit par un lambeau adapté. Les zones les plus favorables à la greffe incluent les paupières, le nez et les oreilles, ainsi que les pertes de substance importantes. Pour les greffes nasales, le cartilage est idéalement prélevé en zone préauriculaire ou postauriculaire. Quant aux greffes palpébrales, elles peuvent provenir de la paupière supérieure ou également de la région postauriculaire.

Le tabagisme constitue un facteur de risque majeur d’échec de greffe, en raison d’une vasoconstriction systémique qui réduit la perfusion tissulaire. Cela concerne également le tabac à mâcher ou à priser, qui, bien que n’impliquant pas d’inhalation, exerce les mêmes effets vasoconstricteurs. Les lambeaux peuvent néanmoins mieux tolérer cette condition circulatoire altérée, sauf dans le cas des lambeaux de type "banner", particulièrement vulnérables à la nécrose, même chez les non-fumeurs. Les lambeaux bilobés ou les slings nasaux résistent mieux, à condition que le patient réduise temporairement sa consommation de tabac.

Chez les patients jeunes, la gestion des lambeaux doit être prudente. Leur tissu cutané plus élastique permet une mobilisation plus aisée, mais leur capacité de cicatrisation rapide les rend plus sujets à une cicatrisation hypertrophique ou à des cicatrices inesthétiques. Chez les moins de 55 ans, les lambeaux géométriques complexes doivent être évités au profit de lignes d’incision plus simples.

Un lambeau local consiste à inciser à proximité du défaut sans détacher complètement le tissu, qu’on fait glisser pour couvrir la perte de substance. Le lambeau interpolé, en revanche, implique une attache cutanée sur un pédicule passant sur une peau saine, qui devra être sectionnée secondairement. Ces techniques nécessitent une excellente compréhension de la vascularisation sous-jacente. Une peau violacée en postopératoire immédiat est généralement un bon signe, traduisant une perfusion adéquate.

L'excès de tissu adipeux dans les lambeaux peut provoquer un œdème persistant ou un aspect boursouflé. Chaque type de lambeau présente des indications précises : les bilobés sont efficaces pour le nez inférieur ou les grandes surfaces jugales ; les rhombiques conviennent bien au nez supérieur, aux joues ou au canthus médial profond ; les lambeaux "banner", très allongés, présentent un risque accru de nécrose distale ; les interpolés comme les frontaux paramédians, nasogéniens ou rétroauriculaires sont utilisés en deux temps, avec pont cutané maintenu trois semaines avant division.

Les lambeaux d’avancement, sans rotation ni torsion, permettent une progression linéaire des tissus. Les lambeaux de rotation, quant à eux, nécessitent une certaine torsion pour pivoter autour d’un point fixe, exploitant l’élasticité cutanée.

Les complications postopératoires doivent être surveillées avec vigilance. Une douleur persistante au site de prélèvement après cicatrisation doit toujours faire suspecter un carcinome épidermoïde en diagnostic différentiel. La reconnaissance de la teinte violacée comme marqueur d’un bon apport sanguin, la prévention de la surcharge graisseuse dans le lambeau, et l’ajustement de la technique selon l’âge du patient sont autant de paramètres qui conditionnent le succès chirurgical.

En complément, il est essentiel de souligner que la vascularisation reste le facteur prédominant dans le pronostic des greffes et lambeaux. La compréhension des principes hémodynamiques locaux, ainsi que la reconnaissance des signes précoces de souffrance tissulaire (pâleur persistante, suintement, absence de recoloration) peuvent orienter vers des interventions précoces salvatrices. Par ailleurs, une cartographie préopératoire des lignes de tension cutanée (Langer) et des axes de vascularisation peut prévenir les échecs, particulièrement dans les régions à anatomie complexe.