Le site de Nagarjunakonda offre une représentation architecturale unique de la relation étroite entre les rois Ikshvaku et les établissements religieux. On y trouve un complexe royal comprenant une citadelle, des résidences royales, des monastères bouddhistes, des temples hindous et 22 chhaya stambhas. Ces stambhas, ou piliers commémoratifs, étaient généralement sculptés avec des scènes de la vie de la personne décédée. L'un d'eux commémorait le roi Ikshvaku Chantamula et avait été érigé par 30 femmes membres de sa famille. Outre les souverains et les nobles, ces piliers étaient aussi dédiés aux soldats, aux commandants militaires, aux artisans et aux religieux. Les inscriptions de Nagarjunakonda documentent des dons faits par la royauté Ikshvaku aux temples hindous et aux moines bouddhistes. Ces rois sont également décrits comme pratiquant les sacrifices shrauta, ce qui montre leur engagement envers les rites brahmaniques.

Le plus ancien grant de cuivre connu en Inde appartient à la période Ikshvaku. Il s'agit de la charte de Patagandigudam du roi Ehavala Chantamula, qui enregistre la construction d'un complexe à quatre halls et l'octroi de terres en faveur d'un monastère bouddhiste. À Nagarjunakonda, des femmes de la famille royale, des commandants militaires de haut rang et des personnes non royales riches apparaissent comme donatrices. Parmi les plus importantes donatrices se trouvent Chamtisiri, la sœur du roi Chantamula, et Bodhisiri, une non-royale qui finança la construction d'un temple apsidal et fit des dons à divers vihara de la région. Il est notable que la majorité des financements pour les établissements religieux pendant cette période provenaient de personnes non royales, une réalité confirmée par l'étude des inscriptions de Bharhut, qui recense 222 inscriptions datant de 125 à 75 avant notre ère. Ces inscriptions mentionnent des moines, des nonnes, des laïcs, et laïques comme donateurs, avec seulement quatre royaux parmi eux, ce qui atteste d'une grande participation des individus ordinaires.

À Sanchi, plus de 800 inscriptions ont été retrouvées, la plupart étant des inscriptions votives datant du 2e siècle avant notre ère au 2e siècle de notre ère. Bien que le monastère de Sanchi semble avoir été établi à l'époque d'Ashoka, le patronage royal n'a pas joué un rôle essentiel dans son développement ultérieur. Les inscriptions identifient les donateurs selon leur nom, leur lien de parenté, leur occupation, leur lieu d'origine, et leur appartenance à l'ordre monastique ou laïque. Les donateurs masculins et féminins apparaissent en proportions presque égales, ce qui suggère une participation féminine beaucoup plus importante que ce que les sources textuelles pourraient laisser supposer. Les occupations des donateurs sont spécifiées dans certaines inscriptions, mentionnant des gahapati, setthi, vanija, artisans, et même des marchands spécialisés comme les marchands de sel ou de fer.

Les inscriptions de Sanchi montrent également des dons collectifs effectués par des groupes familiaux ou même par des communautés laïques entières. Ce phénomène est particulièrement frappant, car il atteste d'un engagement religieux et philanthropique à une échelle communautaire, ce qui dépasse le cadre des seuls dons individuels. Les donateurs venaient principalement du centre de l'Inde, mais aussi de régions aussi éloignées que le Rajasthan, le Maharashtra, et le nord de l'Inde, ce qui montre que Sanchi attirait non seulement les pèlerins locaux, mais aussi des dévots venant de régions distantes.

Il est également intéressant de noter que dans les inscriptions jaina de Mathura, la participation féminine est significative. Les épouses de marchands, de banquiers, de bijoutiers, et de chefs de village ont fait des dons pour la création d'images de tirthankara, souvent à la demande de nonnes jainistes. De plus, dans les inscriptions anciennes en tamoul-Brahmi, on trouve des dons réalisés par des hommes et des femmes de divers milieux sociaux pour l'excavation de grottes destinées aux moines et nonnes jainistes. Les donateurs incluaient des membres des familles royales Chera et Pandya, mais aussi des artisans et des marchands spécialisés, comme les marchands de sel, de fer ou de tissus.

En Sri Lanka, les inscriptions en Brahmi anciennes témoignent également de dons effectués par des marchands tamouls en faveur des établissements bouddhistes, tandis que des inscriptions à Sanchi et dans les Ghats occidentaux mentionnent la participation des yavanas dans ces réseaux de dons pieux. Ces données illustrent non seulement l'implication des royaumes locaux dans le soutien des pratiques religieuses, mais aussi l'extension de ce phénomène à des groupes ethniques et géographiques variés.

Les recherches récentes dans le parc national de Bandhavgarh, dans le Madhya Pradesh, ont révélé de nouvelles inscriptions et des abris rocheux associés à des réseaux de dons anciens. Ces abris, datant probablement du 2e siècle de notre ère, sont situés dans une zone stratégique, bénéficiant de l'eau permanente et d'une végétation dense. Ce site, avec ses liens avec les routes commerciales anciennes, présente une autre facette du soutien à la fois royal et laïque aux établissements religieux, dans des zones moins explorées auparavant.

Il est essentiel de comprendre que, bien que les inscriptions et les dons faits par les rois soient souvent documentés dans les archives historiques, une large proportion des financements pour les pratiques religieuses provenaient de donateurs non royaux. Ce phénomène montre non seulement une participation étendue des classes sociales diverses, mais aussi une perception du sacré qui va au-delà des élites politiques et des classes dirigeantes. La pluralité des donateurs, incluant des femmes, des artisans, des marchands, et même des non-individus comme des villages entiers, atteste d'un engagement collectif et continu envers les pratiques religieuses, marquant l'importance d'une société interconnectée par des réseaux de dévotion.

Quelle était la place des animaux domestiqués dans la civilisation harappéenne ?

Les animaux domestiqués ont joué un rôle crucial dans les sociétés de l'Indus, mais les types d'animaux utilisés et leur fonction différaient considérablement. Le bétail, les buffles, les chèvres et les moutons figuraient parmi les plus importants, non seulement pour leur viande et leur lait, mais aussi pour leur capacité à travailler comme animaux de trait. Les chèvres et les moutons étaient également utilisés pour leur laine, leur lait, et comme bêtes de somme, notamment dans les régions montagneuses de l’Himalaya, où ils transportaient des charges de sel et de grain. Les chiens et les chats, domestiqués probablement en tant qu'animaux de compagnie, complétaient ce tableau.

Cependant, certaines espèces plus controversées, comme le porc, le chameau et le cheval, suscitent encore des débats. Bien que des os de porc aient été trouvés sur plusieurs sites harappéens, il reste incertain de savoir s'il s'agissait de porcs domestiqués ou sauvages. De même, les os de chameau, retrouvés à Harappa, Mohenjodaro, et d'autres sites, soulèvent la question de leur utilisation. Il n’est pas encore clair si ces animaux étaient des chameaux dromadaires (à une bosse) ou bactriens (à deux bosses). Certaines hypothèses suggèrent que les Harappéens connaissaient le chameau grâce à leurs contacts avec l'Occident, mais son utilisation était probablement marginale dans leur société.

Un autre animal qui mérite d'être examiné sous un angle écologique et symbolique est le rhinocéros. Shibani Bose, dans ses recherches, met en lumière l'importance de ce mégafaune dans l'écosystème et la culture de l'Indus. Contrairement à l'éléphant ou au tigre, le rhinocéros n'a pas reçu une attention comparable dans les textes anciens, mais sa présence dans l'art et les fouilles archéologiques suggère un rôle plus important qu'on ne pourrait le croire au premier abord. On trouve des restes de rhinocéros à de nombreux sites harappéens, notamment à Nausharo, Harappa et Mohenjodaro. À Mohenjodaro, des figurines en terre cuite représentant le rhinocéros sont remarquablement naturalistes, indiquant une observation attentive de cet animal par les Harappéens. De plus, des os de rhinocéros ont été utilisés comme enclumes pour fabriquer des outils en pierre, ce qui suggère que sa viande pourrait aussi avoir été consommée.

Le rhinocéros était non seulement un élément du paysage naturel, mais il possédait également une place dans les croyances religieuses ou rituelles des Harappéens. Son image apparaît fréquemment sur des sceaux, souvent associée à des représentations symboliques. Cela témoigne d'une relation complexe et respectueuse avec cet animal, qui pourrait avoir joué un rôle dans des pratiques rituelles, bien que cela demeure hypothétique.

Les textes védiques, les épopées comme le Ramayana et le Mahabharata, ainsi que les récits anciens, mentionnent également le rhinocéros, sous le nom de khadga. Cependant, à mesure que les civilisations post-harappéennes se sont développées, l'importance du rhinocéros semble avoir diminué, au profit d'animaux plus utiles, comme l'éléphant ou le cheval. Ce changement peut être attribué à l'évolution des sociétés agricoles, qui ont davantage valorisé les animaux de travail et ceux utilisés dans les armées.

L’histoire du cheval dans la civilisation de l'Indus est encore plus ambiguë. Des restes de chevaux ont été trouvés sur certains sites, mais il est difficile de déterminer s'ils appartenaient au cheval domestiqué ou à des espèces sauvages, comme l’âne sauvage. Les représentations du cheval dans l’art harappéen, bien que rares, ne permettent pas d'étayer une thèse définitive sur sa domestication dans cette civilisation. Si le cheval a bien été domestiqué dans les steppes pontiques et caspiennes, sa présence dans la vallée de l'Indus reste sporadique et marginale par rapport à l’éléphant ou au bétail.

Les vestiges fauniques découverts sur des sites comme Shikarpur en Gujarat révèlent également un aperçu intéressant de la subsistance des Harappéens. Sur ce site, une grande variété d'animaux sauvages et domestiqués a été identifiée, avec des signes de boucherie et de cuisson. Des os de bétail, de buffle sauvage, de nilgai, et d'autres animaux ont été retrouvés, indiquant une diversité dans les pratiques alimentaires et les habitudes de consommation.

Les animaux étaient donc bien plus que de simples ressources alimentaires ou de travail pour les Harappéens. Ils étaient des symboles, des partenaires dans l’écosystème et des acteurs dans les rituels religieux et sociaux. Leur rôle, bien que parfois réduit à une fonction utilitaire, témoignait d'une relation complexe et respectueuse avec la nature. La disparition progressive du rhinocéros et du cheval de la scène culturelle et écologique de l’Indus peut être interprétée comme un reflet de l’évolution des besoins humains, de l’adaptation aux nouvelles pratiques agricoles et de l’impact croissant des activités humaines sur les habitats naturels.